Qui souffle sur M13

par Gilbert St-Onge & Lorraine Morin

Un texte sur ce sujet a paru dans la revue Astronomie Québec de Septembre-Octobre 1991.

La théorie des amas

Les amas sont constitués de très grandes quantités d'étoiles, de l'ordre de la centaine de milliers d'étoiles et plus. De forme sphérique, ces ensembles sont parfois très serrés, de sorte qu'on a du mal à bien distinguer leur partie centrale.

On peut considérer ces amas globulaires comme de petits satellites des galaxies ; ils orbitent autour de ces dernières. Pour ce qui est de notre galaxie, on dénombre près de145 amas globulaires répertoriés à ce jour. La plupart se déplacent sur des orbites dans le halo de la galaxie. Quelques-uns seraient près ou dans le noyau de la Voie lactée. Il s'agit de toute manière d'objets lointains.

Ces objets lointains et d'âge assez avancé subissent des pressions internes de la part de la grande quantité d'étoiles les formant et ils en éprouvent d'autres, externes, causées par les effets de marée provenant notamment du noyau et de la galaxie tout entière qui est à proximité. La distance des amas globulaires varierait de 2,7 à 100 kiloparsecs (kpc), peut-être plus.

Ces objets sont peuplés, en plus de vieilles étoiles, d'étoiles normales, de variables RR Lyrae, de nébuleuses planétaires, et de pulsars. On parle même de trous noirs possibles, etc.. Référence : Webb #3

Les influences susceptibles de déformer l'amas :
internes = force gravitationnelle entre les étoiles ; géantes rouges, pulsars, trous noirs, etc.
externes = les marées causées par la galaxie ou d'autres amas globulaires, les pressions exercées par la matière du halo de la galaxie et du noyau, en plus de l'âge des étoiles à l'intérieur de l'amas (et les matières obscurcissantes), et de son mouvement propre sur son orbite.

L'orbite des amas globulaires est ovoïde et très décentrée par rapport au centre de la Galaxie, ce qui en fait des objets qui se déplacent lentement lorsque loin du centre galactique, et rapidement quand ils s'approchent du centre.

Lors de ces passages rapides près du centre de 1a galaxie, les matières gazeuses à l'intérieur de l'amas sont alors arrachées à l'amas par la force d'attraction du noyau de la galaxie, ce qui impose bien des frictions entre les étoiles de l'amas et les matières près du noyau de la galaxie.

M13, un amas globulaire intéressant

Depuis que j'ai reçu mon CCD de la compagnie SBIG, je ne m'ennuie plus quand il fait mauvais. Au début, je voulais voir quelles étaient les premières étoiles à apparaître sur une prise de vue de M13. J'avais en main des images réalisées au Camp Marcel 1990 avec le 8" f / 4.

J'ai travaillé les paramètres des images jusqu'à ce qu'une seule étoile reste à l'écran. Puis, j'ai dressé une carte des 30 premières étoiles à paraître de l'amas M13. I1 faut seulement se méfier des magnitudes de certaines étoiles ; plus une étoile est dans le noyau brillant de M13, plus sa magnitude peut être influencée par des lumières parasites des autres étoiles du noyau.

I1 est intéressant de signaler la présence d'un ensemble d'étoiles en forme d'Y au coeur du noyau de M13 ; ces étoiles sont parmi les plus brillantes du noyau. À première vue, la distribution des premières étoiles à apparaître se fait au hasard, répandues à l'Est, à l'Ouest, au Nord, au Sud, se concentrant bien entendu en une zone plus centrale.

Utilisant des paramètres différents permettant de voir un noyau bien dense et seulement les premières étoiles extérieures, j'eus une surprise! Les étoiles externes au noyau forment des rayons bien définis (linéaires) s'échappant du noyau en plusieurs directions. Ce phénomène laisse des secteurs importants autour du noyau où aucune étoile n'est visible.

Je me suis rapidement rendu compte que le noyau devient très dense mais les étoiles l'entourant restent très rares et linéaires (alignées), pointant N-E, N-O, S-E, S-O. À ce niveau, je compte huit principaux rayons. Chose intéressante, trois sont regroupés presque parallèles vers le N-E, deux autres parallèles vers le N-O, deux autres encore presque parallèles vers le S-O et un rayon reste isolé.

Les grands espaces entre les alignements des rayons

J'ai utilisé la pose de 30 secondes de Sophie Goyette. Les premières étoiles à apparaître après l'étape des 8 rayons se trouvent au Sud, sur les lignes des rayons déjà existants ; à l'Ouest, deux étoiles forment un nouveau rayon ; vers le N-O, les nouvelles étoiles ne
s'éloignent pas beaucoup des rayons existants, même qu'elles forment un nouveau rayon au Nord. Donc, l'aspect reste très semblable.

Les prochaines étoiles pâles apparaissent au S-E près du noyau, puis une ceinture d'étoiles paraît au S-O, s'éloigne vers l'ouest puis revient se rattacher au noyau du Nord. C'est dans cette ceinture que se trouvent les étoiles les plus brillantes, partant du S-O, se dégradant vers le nord. L'espace entre la ceinture et le noyau est vide d'étoiles.

Autour des étoiles les plus faibles à apparaître, les plus brillantes au S-O, s'étendant jusqu'à la ceinture à l'Ouest. C'est le noyau de M13 qui semble ovoïde, le grand axe étant Ouest-Nord vers Est-Sud (les mesures du noyau étant 251" X 212") pour 30 secondes de pose. Le tout étiré dans le bon sens pour appuyer l'hypothèse d'un effet de gravitation ou de pression déformant l'amas dans un même sens.

C'est à ce stade-ci que je me trouvais face à l'aspect le plus commun de M13. En 30 secondes, il avait l'aspect qu'on a l'habitude de voir sur de belles photos d'amateurs !

J'allume! Ça saute aux yeux! Regardez les orientations des étoiles principales qui forment plusieurs des rayons autour du noyau. Ces étoiles sont en bon nombre partout, sauf à 1'Est. Même que, si on examine les rayons faits par ces étoiles, on y trouve une distribution qui suggère des vents ou une force attractive ayant causé une décentralisation de la masse globale vers l'ouest. Comme si on avait soufflé sur M13 de 1'est vers l'ouest.

J'ai imaginé des rayons d'étoiles au nombre de 17. Ces rayons ont des angles croissant de 1'est vers l'ouest, comme on l'a vu plus haut ; certains sont parallèles à quelques degrés près. Je suggère d'examiner la figure qui montre ces rayons et leurs angles pour mieux s'y retrouver.

On voit bien que les angles formés par ces rayons suivent un étirement qui suggère une force déformant l'amas quelque part à l'Ouest. Même que le noyau est déformé dans le bon axe, soit plus ou moins Est-Ouest; il semble plus pauvre en étoiles faibles à

 

l'Ouest; à 1'Est une concentration d'étoiles plus serrées et plus nombreuses y est observable suggérant une vague de 1'est vers l'ouest...



J'ai par la suite réalisé que, dans le noyau et dans ses pourtours, il existe des masses qui obscurcissent, des formes pour la plupart linéaires et courbées en arc du N-O vers le S-O le centre de la courbe étant à 1'Est. Donc, les principales bandes de matière obscurcissante suivent très bien l'hypothèse d'une déformation de l'est vers l'ouest. Voir sur la carte des zones obscurcies ou des matières qui assombrissent les régions centrales de 1'amas.

En plus haute résolution, on a les plus belles évidences des matières obscurcissantes en courbes, toutes courbées vers l'ouest ; aussi des ensembles d'étoiles en forme d'arc dont les extrémités pointent aussi vers l'ouest.

* Bien des étoiles très faibles sont visibles près de la masse centrale à 1'Est, du S-E au N-O en passant par 1'est. Comme si les étoiles s'étaient empilées en grand nombre à cet endroit.
* Le noyau le plus lumineux, donc probablement le plus dense, est décentré par rapport à la masse centrale de l'amas. I1 est décalé vers l'ouest : son côté S-E est à 40" du bord de la masse centrale et celui du N-O est à 21" du bord de cette même masse. Ce décentrage est du côté de l'étirement ouest de l'amas. Donc en concordance avec une déformation vers l'ouest.
* Au Nord, à l'extérieur du noyau, de1'est vers l'ouest, une trentaine d'étoiles sur une ligne oscillante N-S, un peu comme une onde, suggèrent une pression. Cette ligne a 198" de longueur.
* Le Y dans le noyau. Une série d'étoiles brillantes forment un Y à l'intérieur du noyau de M13. La grande partie du Y est orientée N-E vers le S-O, tandis que la petite partie pointe vers 1'est. Ce Y est très facile à voir ; il surplombe le noyau plus lumineux. Le grand axe vers le rayon à 286°; 1e petit axe à 16,59°.

Donc...

Après ces quelques observations du plus bel amas globulaire que le ciel de l'hémisphère nord nous permet d'observer, soit Messier 13, je peux en tant qu'observateur amateur présumer que :
* L'amas globulaire est étiré vers l'oues;
* Le noyau est décentré vers l'ouest dans la masse centrale;
* Des matières obscurcissantes forment des masses linéaires; leurs trajets courbent vers l'ouest;
* Les étoiles externes au noyau forment des rayons écrasés vers l'ouest (ces rayons sont d'ailleurs absents des côtés Est et S-E:

M13, situé à 25 000 années-lumière et ses étoiles les plus brillantes sont de magnitude 12.

À mon avis, il serait possible que M13 soit déformé ainsi à cause de la force des marées dues à la présence de la galaxie à quelque 7 kpc. Mais alors, les autres amas, ceux qui sont à des distances semblables ou plus près de la galaxie, devraient subir des déformations. À des distances semblables, on trouve M5, M92, M13.

Après examen des photos de tous les amas globulaires qui m'étaient disponibles, j'ai pu m'apercevoir que deux amas nous montrent de grands bras s'échappant du noyau en courbant : il s'agit de M13 et M5.

Donc, il y a deux vrais exemples d'amas globulaires montrant de grands rayons concentrés dans une direction précise. M5 etM13 sont les deux cas les plus évidents où il peut y avoir eu une influence physique qui aurait déformé les amas.



Le cas de M13. Nous savons qu'il est dans la constellation de Hercule, et que cette constellation est au N-O du centre de la galaxie; ce qui suggère un étirement de M13 du côté S-E. Pourtant, je trouve un étirement du côté opposé, soit N-O ou ouest. Il paraît difficile de conclure que le centre de la galaxie joue un rôle dans cet étirement. Peut-être est-ce le mouvement propre de M13 autour de notre galaxie qui en fait un amas déformé dans ce sens (?)

Le cas de M5. Surprise! La direction de l'orbite pointe vers le S-E, juste là où se situe
le centre de la galaxie. L'amas pourrait bien être influencé directement par le noyau galactique, sa position autour de la galaxie le situant favorablement pour cette influence apparente vers le S-E.

Peut-être est-ce une question de perspective ? ou de mouvement propre !
Centre galactique AD = 17 h 42 -28" 30'
M13 AD =16 h ~1,7 +36" 28'



Consultant une autre référence (Initiation à l'Astronomie par Agnès Acker, pp 90-91), on peut trouver une démonstration des orbites possibles des amas globulaires. Ces deniers auraient des orbites très aplaties et auraient des périodes de près de 100 millions d'années. Ces orbites passent par les environs du noyau de la galaxie. Il est noté que "lors du passage rapide de l'amas près du centre de la galaxie, toutes le matières gazeuses ou moléculaires (et poussières) de l'amas seraient soufflées par le noyau de la galaxie".

Convenons que M13 tourne autour du noyau de la galaxie; il est donc possible que lors de son passage près du noyau, les influences (frictions et les interactions entre l'amas et le noyau) soient assez importantes pour étirer l'amas dans le sens qu'on le voit. I1 est probable que l'amas descende vers le noyau à partir de sa position observée. J'ai eu une confirmation dans le
Bumhams Celestial Handbook, volume 2, page 984. On y écrit que la vitesse radiale de M13 est de 150 milles/seconde en s'approchant du noyau de la galaxie.


 

Pour M5, il lui faudrait s'éloigner du noyau pour être dans le même genre d'orbite et pointer son étirement vers le S-E. Et, là encore, les vérifications montrent que M5 s'éloigne à 30m/sec. du noyau et serait un peu plus éloigné que M13 du noyau galactique.

Des observations visuelles de M13 ont été faites en 1982. Les dessins montrent bien les rayons courbés vers l'ouest. J'ai noté à ce moment-là que M13 ressemblait à une étoile de mer.

Conclusion

Je me suis permis des constations au sujet de M13 qui peuvent s'expliquer par des phénomènes tels que : une rotation du disque de l'amas créant une spirale entourant ce dernier, ou d'autres arguments non discutés ici.

Seul le fait que l'on puisse exploiter à ce point nos images d'amateurs justifie toutes les démarches, tant personnelles que scientifiques.

Le dessin

Lorsque I'amas M13 s'approche du noyau galactique, sa vitesse va en augmentant. Lors
de son passage près ou dans le noyau galactique, les marées créées par le phénomène étirant I'amas vers le noyau, la vitesse de M13 est alors à son maximum. Elle va vite dépasser I'axe du noyau, ce qui suggère une déformation vers I'opposé du mouvement de M13, et vers I'ouest. L'effet de ralentissement est attribuable à sa tendance à s'éloigner de la force qu'est le noyau galactique. (Loi de Kepler) (voir graphique qui suit).

Donc sa vitesse ralentissante fait que I'influence majeure se trouve vers I'ouest, et cette influence est encore plus importante parce qu'elle est la dernière influence majeure du noyau qui va marquer notre amas globulaire pendant son très long éloignement de celui-ci. Après une certaine distance, les forces internes de l'amas vont reprendre contrôle, ou tout au moins équilibrer les effets physiques de I'ensemble de I'amas.

I1 est plausible, à mon avis, que I'amas ait pu garder sa déformation depuis son dernier passage près du noyau galactique, jusqu'au prochain. M5 a pu subir des déformations causant le même genre d'influence. N'oublions pas que M5 s'éloigne de nous.

Gilbert St-Onge & Lorraine Morin.

Gilbert St-Onge & Lorraine Morin

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Un lien vers le texte :

Application de filtres photométriques pour mesurer l'aspect d'étoiles rouges et bleues dans M13

Par St-Onge, Morin, Richer, Gendron. Été 2002

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