UN CCD? POUR FAIRE QUOl?


Par Gilbert St-Onge & Lorraine Morin

Un article a paru dans la revue Astronomie Québec de Mai-Juin 1991
 

Tout au long de cet article, il sera question de dispositif de transfert de charge, dont l'abréviation
française serait, bien entendu, DTC. Cependant,
nous allons employer l'abréviation anglaise car c'est celle qui
est la plus répandue à l'échelle internationale.

 
Nous nous sommes procuré le CCD (Charge Coupled Device) de Santa Barbara Instrument Group (SBIG) et je m'amuse à le faire fonctionner depuis près d'un an. D'abord, il est merveilleux de signaler que ce petit dispositif est très léger et qu'il est muni d'un adaptateur de 1,25 po dans lequel les filtres standard 1,25 po se vissent très bien. De plus, on peut utiliser l'ordinateur dans un rayon de 100 pieds du détecteur.

Premièrement : Cet instrument est si rapide que les temps de pose les plus longs qu'il m'a été donné de faire sont de 3 à 4 minutes à F6. La compagnie l'évalue à 20 000 ISO.
De plus, puisqu'on voit le résultat immédiatement à l'écran, on peut vérifier si les images sont convenables, puis les recommencer sur-le-champ si elles ne le sont pas. Donc les erreurs de guidage ou les mauvais paramètres d'ajustement sont immédiatement corrigés.

Deuxièmement, ce dispositif: peut s'accoupler à un IBM ou à un Macintosh. I1 se branche sur l'entrée RS 232 standard. Le plus grand avantage au départ, c'est son prix très bas : moins de 900 $ US. En plus, il est indépendant pour le guidage automatique du télescope. Donc il ne requiert pas l'assistance d'un ordinateur lorsqu'il sert à guider une photo. Et quel guidage!

Les revues américaines I'ont suffisamment vanté!!! Pour ma part j'ai essayé le guidage pendant 20 minutes, et ce furent des minutes majestueuses.

Mon expérience se manifeste plutôt dans son utilisation comme caméra électronique. Signalons que ce CCD permet d'utiliser un ordinateur portatif ou ordinaire, sur table. Bien d'autres compagnies fabriquant des dispositifs de transfert de charge n'offrent pas la possibilité de se servir d'un petit ordinateur portatif, puisque leurs circuits informatiques sont logés sur une carte de grandeur standard pour grand boîtier. Je peux vous dire qu'il n'est pas facile de transporter un ordinateur grand format et son écran 12 ou 14 pouces. Maintenant je transporte un ordinateur qui pèse 6 livres et qui mesure quatre pouces d'épaisseur, près de 12 pouces de large et 16 pouces de longueur.
 

Le plus difficile à contrôler, c'est qu'un CCD de ce type n'a pas un très grand champ de vision : à 1000 mm de focale, le champ est de 8 X 8 minutes d'arc ; donc c'est petit. Ça devient difficile à 2 mètres de focale et plus. Pour remédier à ce problème de champ, et aussi parce que l'on ne voulait pas l'enlever à chaque fois pour mettre un oculaire et viser l'objet à observer entre chaque photo (lorsque le CCD est au porte-oculaire, on ne voit pas sauf par le chercheur du télescope), j'ai donc fabriqué un coudé spécial. Ce coudé laisse passer la lumière par un trou dans le miroir diagonal vers la caméra CCD, et il permet de voir en même temps à l'oculaire la région du ciel visée ; on peut donc placer les objets désirés devant le détecteur du dispositif et s'assurer qu'il s'agit bien du bon objet. De plus cette façon de procéder permet d'ajuster le foyer par l'oculaire; et il ne reste plus qu'à raffiner le foyer à l 'écran de l'ordinateur. On peut aussi guider à l'aide d'un oculaire guide.

Il faut savoir que ce CCD est refroidi à -35° C sous la température ambiante. Mais l'ordinateur lui ne peut pas fonctionner à des températures inférieures à 5° C. Il a donc fallu concevoir une boîte en bois, sur laquelle j'ai monté un plexiglas et à l'avant, deux portes à pentures; à l'intérieur on a un coussin chauffant sous l'ordinateur et, au-dessus de celui-ci, deux lumières rouges, une de 7,5W et une autre de 25W, en plus d'un thermomètre. Le tout permet à l'ordinateur de fonctionner, même si à l'extérieur il fait -20° C.

Comment faire une prise de vue au télescope
Pour faire une photo d'un objet, deux options principales s'offrent à nous:
1. Faire une seule photo et une seule image noire (dark frame).
2. Faire plusieurs photos et autant de dark frames.


La formule 1 peut permettre des recherches demandant des images moyennes, comme la recherche de supernovae. La formule 2 permet d'améliorer énormément l'image en intégrant quatre bonnes images du même objet. On double ainsi la qualité de l'image et on améliore les plus petits détails.

Pour notre expérience, nous avons opté pour le scénario numéro 2.

A) D'abord pointer l'objet. À l'aide du coudé spécial, on place l'objet devant le CCD. Puis, ayant préajusté l'oculaire du coudé près du foyer de la caméra CCD, on peut être certain que l'on verra les étoiles à l"écran de l'ordinateur. Dès que l'on ajuste le temps de pose pour avoir quelques étoiles à l'écran, on peut donc raffiner notre foyer.
B) Le foyer ajusté à son meilleur, on trouve, au télescope guide, une étoile guide ; quand on est satisfait de l'étoile choisie on ajuste les différents paramètres, entre autre l'évaluation du bruit de fond, et on s'assure du bon guidage de l'instrument, en plus de l'évaluation des temps de pose désirés.
C) Puis on prend la pose : 2,3,4 minutes, par exemple.. Il est important de sauvegarder chaque image sur disquette ; après chaque pose, j'expose une image noire (dark frame). Ceci se fait en bouchant le tube du télescope et en exposant pendant le même temps de pose que pour la photo prise juste auparavant. Ceci nous permettra par la suite d'enlever le maximum de bruit de fond causé par le détecteur CCD lui-même.
Il est possible de traiter sur place ces images, et donc de vérifier tous les paramètres immédiatement. C'est alors que l'on peut admirer les photos faites en utilisant des temps de pose dix fois plus courts qu'en photo conventionnelle.


Si je veux faire une photo conventionnelle, je peux guider à l'écran de l'ordinateur sur l'étoile de mon choix. Et le dispositif guidera automatiquement au télescope. Les images sont de bonne qualité, et on peut en faire des miracles : mesures de magnitude, mesures d'angle et de séparation entre deux objets. On améliore les images au moyen de fonctions bien précises. On obtient un négatif ou un positif, couleur ou noir et blanc, simplement en pressant sur les touches.

Plus besoin de chambre noire, sauf si l'on veut développer une photo de l'écran. On a aussi fait un montage nous permettant de photographier à l'aide de la caméra CCD toutes les images que nous avions sur négatif ou sur papier. Cela a permis de numériser plusieurs images de Mars datant de 1988. Pour tous ceux et celles qui veulent faire des recherches astronomiques faciles et utiles, en plus de réaliser de belles photos, n'hésitez pas, les dispositifs à transfert de charge sont là.
Les images CCD;

M5 : Un bel amas globulaire. L'image CCD est prise au télescope de 200 mm d'ouverture à F/4, une pose de 20 secondes !

M42 : Nébuleuse de Orion, au télescope de 310 mm d'ouverture à F/6, une pose de 10 secondes !

M57 : La nébuleuse annulaire de la Lyre, au télescope de 310 mm à F/6, une pose de 180 secondes !

NGC 2261 : Une jeune étoile, au télescope de 310 mm à F/6, une pose de 180 secondes!

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