Utilisation d'un microscope en Astronomie

Par Gilbert St-Onge CDADFS Dorval

Un article a paru dans la revue Le Québec Astronomique Mai-Juin 1988


LA TECHNIOUE

Comme bien des gens le savent, il existe des projets de surveillance du ciel au Québec. Le stéréoscope sert d'ailleurs bien cette cause. Pour moi, l'idée d'observer des photos au microscope m'est venue par besoin, lors des observations de phénomènes entourant les ballons-sondes en 1981.

Plusieurs photos ont été faites afin de localiser ces phénomènes. En octobre 1981, nous en obtenions enfin une photo satisfaisante. Dès ce moment, la nécessité d'observer à l'aide du microscope devenait importante, étant donnée la petite taille de l'objet accompagnant un ballon sonde. J'ai donc effectué des dessins et des photos à l'aide d'un microscope, à partir de diapositives prises au télescope. Voici deux photos démontrant l'efficacité de la technique:

1) Photo d'un ballon-sonde avec, à ses côtés ses instruments de mesures, prise au télescope (agrandissement format 11" X 14")

2) Photo des instruments à coté du ballon, agrandie au microscope (nous voyons ici une réflexion de la lumière solaire sur la surface des instruments, réflexion qu'il était impossible de détecter avec un projecteur de diapositives. l'objet étant de trop petite taille.

A l'aide de la technique du microscope, le grosissement et la qualité des images ont permis de voir et de photographier l'objet de façon évidente, ce qui appuit l'efficacité de la technique!

Les études et photos de la surface lunaire

À la suite de ces découvertes, j'ai essayé d'appliquer la technique à des objets célestes, comme la Lune. À mon grand étonnement, je constatai la qualité de l'image lunaire tirée d'une bonne diapositive. Précisons que les diapositives sont préférables aux négatifs pour la surface lunaire parce que le contraste dans les teintes est plus accentué et permet une meilleure identification des lieux lunaires.

Au télescope, les photos de la Lune sont prises au foyer primaire de l'instrument, sans aucune projection (sauf si cela s'avère nécessaire pour le projet). Donc, l'image n'est pas exagérément grossie pour la prise des photos; de cette façon nous n'avons que très peu de problèmes de guidage et de vibrations. Par la suite, le microscope est là pour agrandir les secteurs désirés. Au télescope et au microscope, les films pour diapositives à grain fin sont à conseiller, soit ceux de 25 à 100 ASA.

Pour les résultats de grande qualité, j'utilise des grossissements de 25, 50,100 et 200X pour l'observation, ou pour effectuer un dessin à l'oculaire du microscope.


Ce qu'il y a d'intéressant. c'est que la plaquette du microscope sur laquelle je dépose les photos à analyser se déplace sur deux axes, permettant ainsi de scruter la surface des photos en tournant simplement les boutons. De plus, il est bien plus facile d'étudier la surface de la Lune au chaud dans la maison.

Le microscope permet des études précises sur les rapports entre les profondeurs et les hauteurs de certaines montagnes et de certains cratères par rapport à leur ombre. Les photos enregistrent bien ces rapports, et le microscope muni d'un réticule permet de mesurer très précisément ceux-ci. C'est évidemment plus précis si on installe un micromètre à fils au microscope.

Et on peut facilement varier l'éclairage en intensité, permettant de mettre en évidence certains détails de la photo. Aussi. on peut se permettre de filtrer la lumière au moyen de filtres teintés et ainsi accentuer les contrastes. Comme on l'a vu, je grossis jusqu'a 200X une diapositive déjà agrandie de la Lune et ce, sans la turbulence ou les passages nuageux de nos belles soirées québécoises.

Les prises de photo

La prise de photos au foyer primaire du microscope.

La prise de photos au microscope nous offre une gamme de possibilités. On peut varier les grossissements en changeant l'objectif de la plaque rotative au bas du microscope, ou en opérant une projection par barlow ou avec un oculaire. On installe la caméra avec des adaptateurs 1¼"; tout comme au télescope, on se bâtit un porte-caméra. Puis, reste à déterminer le temps de pose suivant la source de lumière utilisée. Pour ma part, avec un film de 50 ASA, j'utilise un temps de pose de 1/4 de seconde. Ceux qui ont un posemètre incorporé à leur caméra peuvent s'y fier. Un film lent et à grain fin est très avantageux puisque nous photographions un film, donc il y a déjà du grain. Il est préférable d'utiliser un déclencheur souple pour éviter les vibrations. La mise au foyer se fait tout comme avec un oculaire.


Si l'on fait une photo d'une diapositive avec un film noir et blanc, nous aurons une photo ordinaire, donc un négatif, mais si nous photographons un négatif, nous obtiendrons un positif, donc un résultat contraire, où le ciel sera noir et les étoiles blanches. Le positif ainsi obtenu est développé comme un négatif : le résultat est une diapositive...

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Les negatifs autant que les positifs ont été montés dans des cadres à diapositives, facilitant l'observation au microscope, à l'agrandisseur, au projecteur à diapos, au stéréoscope, etc. Le microscope permet aussi d'étudier, sur de très bonnes photos, les librations lunaires. On peut dessiner ou photographier le limbe.

Les raies claires près des cratères jeunes peuvent être étudiées à chaque phase lunaire. Les phénomènes luminescents et sombres (phénomènes transitoires) de certaines régions lunaires sont des objets de choix pour une petite étude. On recherchera des zones claires et des éclairs, pouvant être le résultat d'une chute de météorites lors d'éclipses de Lune et dans les jours qui précèdent ou qui suivent la nouvelle Lune, quand on peut voir la lumière cendrée. On peut aussi étudier les changements de forme des cratères avec l'angle d'éclairage solaire.

Un dessin du cratère Platon au Microscope, à partir d'une image au foyer primaire comme celle de la Lune juste sur la page #1.

Les planètes au microscope

L'étude des photos des planètes au microscope peut aider une bonne quantité d'observateurs si l'on recherche des phénomènes comme l'évaluation des phases de Vénus, Mercure, même de Mars, ou de la Lune. À l'aide d'un réticule gradué, on peut évaluer ces phases avec une bonne précision à partir d'une photo de qualité. Évidemment, si l'on possède un micromètre à fils, c'est encore mieux.

Les photos des planètes prises au télescope sont aussi prises à faible grossissement, pour éviter autant que possible les vibrations et les problèmes de guidage.
L'étude des surfaces planétaires au microscope est aussi possible à condition d'avoir de bonnes diapos de ces planètes. Évidemment, ce n'est pas aussi bon qu'au télescope, parce que le film ne peut pas mettre en évidence d'aussi petites surfaces que l'oeil, lui, peut voir au télescope avec de bons contrastes. Le microscope peut, en mesurant des déplacements de secteurs foncés ou clairs sur la surface d'une planète, aider à: calculer le temps de rotation de la planète, évaluer les tailles de certaines plages planétaires, évaluer la densité de lumière de certaines régions (donc l'albedo), évaluer les mouvements d'une planète à travers le ciel étoilé, évaluer les déplacements des satellites d'une planète et leur diamètre apparent (donc leur luminosité) sur les négatifs, étudier les anneaux de Saturne (transparence et rotation, etc.)...

Photographier une planète au microscope

A partir d'une très bonne photo au télescope, nous obtenons des résultats très intéressants, puisque 1a planète peut être très agrandie en négatif ou positif et montrer certains détails.

Des méthodes pour dessiner au microscope

Lorsqu'il s'agit de dessiner un secteur lunaire, par exemple un cratère précis, la méthode qui me semble la plus facile pour bien s'en tirer est de faire un gabarit , soit calquer sur une carte le contour général du cratère ou de la région étudiée, puis ajouter toutes les ombres et détails en observant au télescope ou au microscope sur le gabarit. Pour les plus torturés, il suffit de projeter la diapositive au projecteur à diapos ou à l'agrandisseur, puis de dessiner directement sur le mur ou ailleurs l'image du cratère ou de l'objet étudié, puis, après, il faut vérifier au microscope et ajouter ou enlever les détails nécessaires.

Par les projections à l'agrandisseur ou au projecteur à diapos, on peut évaluer de façon assez précise les hauteurs et profondeurs des cratères et des montagnes, par rapport à leur ombre sur la Lune, au moyen d'une bonne règle. Il est aussi possible d'évaluer les phases des planètes Vénus, Mercure et Mars, les déplacements des satellites des planètes ou des planètes elles-mêmes à travers le ciel étoilé, ainsi que d'effectuer un grand nombre de constations et de mesures moins précises qu'au microscope, mais qui seront sûrement très utiles.

Oui, mais pourquoi observer une diapo de la Lune?


Entre autres, parce que cette diapositive a imprimé une phase précise, unique dans le temps, et qu'elle est un témoignage fidèle de l'allure de la Lune à ce moment.

Nous pouvons aussi, pour certaines études, prendre des mesures précises de la grandeur d'un cratère par rapport à un autre ou par rapport à la surface lunaire; faire des évaluations des librations lunaires, ainsi que de l'inclinaison des anneaux de Saturne; mesurer la distance angulaire des satellites de Jupiter (par rapport à son disque); mesurer les déplacements d'Uranus et Neptune dans le ciel étoilé et bien d'autres possibilités.

Une photo, c'est voyager à la vitesse de la lumière pour un instant précis, en imprimant l'état d'un ou de plusieurs objets pour cet instant précis. Quoi de plus beau comme document scientifique qu'une bonne photo!

Le reste du Ciel

Le microscope peut aider bien des causes en astronomie stellaire. Entre autres, il permet d'évaluer la qualité du guidage. Sur une photo négative ou diapositive de régions stellaires, il est intéressant de compter le nombre d'étoiles doubles ou multiples. Évidemment ce nombre va varier dépendemment de l'instrument utilisé pour prendre la photo. Mais l'important c'est que le microscope permet de vérifier les mouvement effectués par certaines étoiles doubles, il peut même peut-être être possible de les calculer. Certes, il s'agit d'un

projet à long terme. II peut être intéressant d'évaluer les éclats des étoiles en question en mesurant leur rapport en diamètre apparent sur les négatifs, les unes par rapport aux autres. Pour cela, il faut avoir des étoiles repères constantes et il faut que le guidage soit suffisamment bon.

Une étude très intéressante est celle de la parallaxe entre les corps proches de nous et les plus éloignés. Une méthode sûre c'est de toujours prendre le même instrument pour la prise des photos et de prendre chaque photo avec la même méthode.

Des mesures peuvent être prises à l'aide d'un réticule gradué au microscope ou par un micromètre à fils installé au microscope. Par projection au projecteur à diapos ou par l'agrandisseur, on peut peut-être venir à bout des déplacements les plus grands, comme ceux des planètes ou des astéroïdes dans une soirée. Une méthode bien précise est d'utiliser un microscope muni d'une plaquette mobile sur deux axes gradués en millimètres. Alors, avec un réticule croisant le centre de l'optique du microscope, nous y disposons nos étoiles et lisons les mesures sur les axes en x et y pour chacune des étoiles; de cette façon, les petits déplacements sont notables et, en plus, on peut en savoir l'angle. Il est nécessaire d'ajuster notre photo toujours dans la même position sur la plaquette, de telle sorte que nos étoiles repères aient toujours les mêmes coordonnées. Prendre 3 étoiles repères me semble bien suffisant. Nous pourrons donner des coordonnées à toutes les étoiles de la photo en les identifiant par un code personnel permettant de s'assurer à chaque photo quelle est l'étoile qui correspond à ces coordonnées précises.

Par cette méthode, dans les cas d'observations d'objets très lointains comme des amas globulaires et des galaxies, il est intéressant de tenter de déduire les étoiles qui font partie de notre galaxie et celles qui font partie de la galaxie d'Andromède. Il est bien certain que la précision sera ce qu'elle sera, mais c'est déjà bien mieux que de deviner en regardant une photo avec rien à l'appui.

Et les corps de petite taille...

Le microscope est intéressant pour l'étude des corps lointains ou de petite taille. Pour les habitués des photos astronomiques, il n'y a rien de fantastique à voir de très petits objets sur les négatifs. Ce sont des nébuleuses planétaires, des amas globulaires des galaxies très éloignées ou de faibles nébuleuses. Un microscope peut permettre à un petit objet sur un négatif d'être bien observable par l'observateur désireux de l'étudier. II est parfois favorable de se défendre du grain d'un négatif

de bonne qualité (grain fin) plutôt que d'une atmosphère de très mauvaise qualité pour les grossissements exagérés. On utilise la photographie dans les meilleures conditions atmosphériques et dans les meilleures conditions du télescope. De plus, notre négatif nous permet de voir des étoiles de magnitude beaucoup plus faible et des gaz inaccessibles à notre simple oeil avec la même optique.

Un agrandissement au Microscope de l'image de M13 juste au dessus! Sur celle-ci on peut voir que le coeur de M13 est mieux ajusté pour y voir quelques points bien séparés!


La surveillance de plusieurs objets de faible luminosité

À l'aide du microscope, il est intéressant de vérifier, sur de bonnes photos de galaxies, s'il n'y a pas de nouvelles étoiles qui sont apparues (supernovae) ou des étoiles qui auraient disparu. Ce projet de surveillance de certaines galaxies serait très intéressant, tout ce qu'il demande ce sont des astrophotographes et quelques vérifications au microscope ou à l'agrandisseur. Ceux qui pourraient s'intéresser à un projet du genre peuvent me contacter par le biais de la SAM, j'ai une liste de 20 galaxies (1988) , qui ont montré plusieurs supernovae chacune depuis le début du siècle.

Un projet de surveillance de certains objets est déjà en cours; je surveille quelques objets, soit 1C4665, un amas ouvert et M13 (amas globulaire). L'intérêt particulier de ce projet c'est que les photos sont prises et comparées dans des longueurs d'onde précises.

Des dessins de la région de l'étoile #12

de chacune de ces photos.

En gros, les possibilités d'avancement dans l'astronomie amateure par l'utilisation du microscope sont encore bien plus grandes que par le seul télescope, chez les amateurs. C'est un complément aux observations à grand champ effectuées déjà par d'autres amateurs. Moi, je m'intéresse aux corps de toute petite taille.


En utilisant les adapteurs 1¼", je peux utiliser tout le matériel et les filtres du télescope, donc des oculaires de bonne qualité.

Une autre façon de filtrer la lumière. c'est de se fabriquer un porte-filtres
(pour les filtres de caméras ordinaires) qui va s'installer devant le miroir ou la
source de lumière du microscope.

Gilbert St-Onge

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