Photographier Mars

Par Gilbert St-Onge CDADFS Dorval

Un article a paru dans la revue Le Québec Astronomique de Novembre-Décembre 1989

Que ce soit au moyen d'un simple appareil photo équipé d'un objectif normal ou à travers un puissant télescope, la photographie planétaire offre beaucoup de possibilités

Au cours d'une apparition, comme celle de 1988, il est possible de photographier Mars au moyen d'un simple appareil muni d'un objectif normal ou d'un téléobjectif. II est recommandé d'utiliser un trépied ainsi qu'un déclencheur souple afin d'éliminer les vibrations. De plus, on aura avantage à utiliser un film rapide - I SO 400 ou davantage - pour réduire le temps de pose et minimiser ainsi les traînées causées par la rotation de la Terre. Des temps de pose de 5 à 10 secondes conviennent généralement pour ce genre de photographie. Les photos que l'on obtient peuvent être fort utiles pour mesurer la magnitude de Mars ainsi que son déplacement.

Photographier à travers un télescope

Si vous possédez un télescope, vous pourrez bien sûr l'utiliser comme téléobjectif de forte puissance. II existe trois méthodes pour photographier à l'aide d'un télescope:

1. Projection par oculaire: Dans ce cas, l'oculaire sert à faire la mise au point sur le négatif. On peut faire varier la distance focale en changeant la distance entre l'oculaire et le plan du film.

2. Projection négative: On effectue la mise au point au moyen d'une lentille Barlow. Cette méthode, très utilisée, permet d'obtenir des grossissements intermédiaires et de bonnes images.

3. Photo au foyer primaire: On se sert alors du télescope comme d'un téléobjectif, ce qui donne des i m a g e s petites, mais très lumineuses.

 Je préfère pour ma part la première méthode, c'est à dire la projection par oculaire. Comme elle permet de réaliser des distances focales très grandes, cette méthode donne accès à de forts grossissements. Il est toutefois préférable de se contenter de prendre des images de taille moyenne, puis de les agrandir ensuite au laboratoire. Ceci évite les trop longs temps de pose et minimise les effets de la turbulence atmosphérique.

Du noir et blanc de toutes les couleurs

L'utilisation de filtres colorés - rouge, orange, bleu ou jaune par exemple - permet de faire ressortir, même sur pellicule en noir et blanc, certains détails topographiques intéressants de Mars. Ainsi, en utilisant des filtres bleus ou jaunes, il possible d'apercevoir certains nuages qui ne seraient pas visibles autrement.

Le meilleur moment pour photographier Mars se situe aux alentours de l'opposition, alors que la planète atteint son plus grand diamètre. Évidemment, cette période coïncide avec celle où se développent la plupart des tempêtes de sable martiennes, ce qui n'est pas très bon pour la photographie des détails au sol!

Les films en noir et blanc les plus indiqués sont les suivants:

- Le 2415 de Kodak est très contrasté et possède une résolution incroyable lorsqu'on le développe au D19, au D76 ou au HC110.

- Les films de copie à très haut contraste, comme le Kodalith, donnent souvent d'excellentes photos de Mars, car la planète est assez peu contrastée. Ces films sont la plupart du temps très lents et il est toujours nécessaire de faire des essais pour déterminer le temps de pose.


 - Le T-Max ISO 400 possède une bonne vitesse, un grain assez fin et des contrastes intéressants. On le développe dans le D19.

- Les films sensibles à l'ultra-violet permettent d'obtenir des photographies surprenantes de certains détails martiens.

Les films en couleurs offrent généralement peu de contraste et sont difficiles à développer pour la plupart des amateurs. Ils sont de ce fait peu intéressants pour la photographie planétaire. Lorsque l'on désire vraiment travailler en couleurs, on a intérêt à utiliser les émulsions les plus contrastées possible et celles qui possèdent une sensibilité basse ou moyenne, c'est à dire moins de ISO 100 ou 200. II est beaucoup plus intéressant de travailler en diapositives couleurs, car leur contraste et la qualité de leurs images sont meilleurs. On utilisera de préférence des films lents, entre ISO 25 et 200, et si l'on tient à faire des tirages sur papier, on peut utiliser le procédé Cibachrome.

Améliorer la qualité

Mon expérience de photographie de la planète Uranus, l'an dernier, m'a permis de constater qu'il vaut la peine d'activer le 2415 lorsque l'on utilise des temps de pose de plusieurs secondes. Jugez par vous-même: sur film activé, en six secondes, Uranus donnait une très belle image, alors que le même film 2415 non activé, montrait à peine une ombre très pâle au bout de huit secondes d'exposition.

Un autre moyen d'améliorer sensiblement les résultats consiste à utiliser un internégatif pour faire ressortir des teintes très faibles ou pour agrandir un secteur de la planète. L'internégatif permet de plus d'obtenir d'excellentes épreuves positives.

Superposer les négatifs...

L'intégration de plusieurs négatifs permet également d'améliorer de façon parfois spectaculaire la qualité des images. Cette méthode consiste à projeter au moyen de I'agrandisseur, l'un après l'autre et en prenant soin de bien superposer les images obtenues, une série de trois, six ou dix négatifs du même objet. Pour bien réussir ce procédé, il est nécessaire d'utiliser des négatifs de densité semblable réalisés en peu de temps pour éviter que la rotation de la planète ne fausse le résultat.

Cette méthode diminue très sensiblement le grain de la photo finale, puisque la granulation des divers négatifs employés tend à s'annuler. De plus, les détails les plus fins acquièrent plus de contraste et en sont grandement améliorés. Dans le cas de photographies d'objets stellaires ou gazeux, en particulier, cette méthode permet d'aller chercher des densités et des magnitudes inespérées.

Il est nécessaire de calculer le plus exactement possible le temps d'exposition de chaque négatif, de manière que le temps total d'exposition de la série complète de négatifs corresponde à environ une fois et un quart le temps d'exposition qu'il serait nécessaire d'utiliser pour imprimer un seul de ces négatifs. Par exemple, si le temps d'impression d'un négatif de densité moyenne est d'une minute, il serait nécessaire d'imprimer toute la série de négatifs en 1:15 minute, soit15 secondes par négatif si la série en comporte cinq.

..avec beaucoup de précision

Il faut fermer l'objectif de l'agrandisseur de plusieurs crans, à f/8 ou f:/11 par exemple. Pour bien superposer les images, il est nécessaire de construire un couvercle amovible, monté sur charnières, sur lequel sera fixé un carton blanc. C'est sur ce carton, marqué de repères au crayon, que l'on fera la mise au point et surtout l'alignement des divers négatifs. On peut généralement se servir de deux étoiles présentes sur chacun des négatifs comme repère, mais en photo planétaire, il est souvent nécessaire d'inscrire soi-même les marques repères sur les négatifs.

Au moyen de cette installation, on centre chacun des négatifs sur les marques du carton blanc, on relève le couvercle, on fait la mise au point sur le papier en prenant soin de le protéger au moyen du filtre rouge de l'agrandisseur, puis on expose. On répète la procédure pour chacun des négatifs de la série.

Essayez, ce n'est pas si compliqué que ça en a l'air! Et Mars reviendra bien un jour ou l'autre.

Bibliographie sommaire pour I'astrophotographie:

· A Manual of Advanced Celestial Photography, par Brad D. Wallis et Robert W. Provin.
· Astrophotography for rhe Amateur, par Michael Covington.

Pour l'observation planétaire en général:

· Handbook for Planet Observers, par Günter D. Roth.
· Observational Astronomy for Amateurs, par J. B. Sedgwick.

Sauf que c'était...Mars!

L'opposition de 1988 nous a donné une occasion extraordinaire de contempler la surface de Mars. Pour ma part, j'ai eu la possibilité de faire 37 observations de cette planète avec des instruments de 150 à 310 mm. À chaque séance d'observation, j'ai pris plusieurs photos et fait au moins un dessin.


Ce fut vraiment une bien belle année pour l'observation de Mars; ceux qui ont raté ça ne pourront que s'en mordre les doigts.


C'etait beau, mais pas aussi palpitant qu'en 1969, alors que j'avais encore ma taille de jeune fille et à peu près l'âge qu'a le Stade olympique aujourd'hui. Je scrutais le ciel depuis quelques années déjà, en touriste céleste, sans toutefois prendre de notes.



Mais en octobre de cette année-là, la vocation l'emporta et je commençai à conserver par écrit le souvenir de ce que je voyais. J'avais observé à l'oeil nu, dans le Sagittaire, le déplacement de Jupiter et j'en avait fait quelques croquis. Plusieurs années plus tard, en 1987 je crois, je suis retombé par hasard sur ces dessins et, par curiosité, j'ai fouillé dans l'almanach de 1969 pour vérifier si j'avais noté correctement les déplacements de la planète.

J'avais très bien observé le passage de la planète, les positions que j'avais inscrites correspondaient parfaitement à ce qu'indiquait l'almanach, sauf que la planète que j'avais observée, c'était Mars, pas Jupiter.


De cette aventure de 1969, je retiens l'importance de:

- 1. l'observation astronomique, même à l'oeil nu,
- 2. conserver sur dessin ou photo certains moments précieux de l'éternité,
- 3. dessiner avec le plus d'exactitude l'objet convoité,
- 4. et surtout de bien noter la date et l'heure de toute observation, même si on la fait pour simple plaisir de la chose!
Gilbert St-Onge

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