Percer le mystère de PIéione
Par Gilbert St-Onge, C.D.A.D.F.S.

Un article paru dans la revue Le Québec Astronomique de Janvier-Février 1989

Les Pléiades le 18 octobre 1982. Pose de 13
m 10 s à I'aide d'un 70 mm f14

Tous, nous connaissons les Pléiades, ce jeune amas ouvert d'une grande beauté. Les étoiles de cet amas sont si jeunes qu'elles sont encore entourées de matière gazeuse à partir de laquelle elles ont été formées. Évidemment, les Pléiades ne sont pas seulement ces six ou sept étoiles visibles à l'oeil nu; d'après le Facts on File Dictionary of Astronomy, il y en aurait probablement 3000!

Les sept étoiles principales de l'amas sont Alcyone, Maia, Atlas, Electra, Mérope, Taygete et Pléione. Ce sont des étoiles de type spectral B6 à B8, les autres étant généralement de type A et F. Ce qui nous intéresse ici, c'est le comportement de l'étoile Pléione. Je vous présente donc les résultats des observations que j'ai réalisées depuis novembre 1986.

Pléione, située près d'Atlas, est une étoile de type B8p. Elle est entourée d'une coquille de matière qui fut observée pour la première fois en 1938. Elle atteignit son intensité maximale en 1945 puis, en 1972, une autre coquille commença à se développer. De plus, Pléione possède une rotation parmi les plus rapides connues. Elle en serait très aplatie et instable, donc variable pour toutes ces raisons. De magnitude 5.9, elle varie de 0.5 magnitude à cause de sa rotation; je peux donc penser que la coquille de matière l'entourant amplifie ces variations.

J'ai donc voulu savoir quelles sont les variations notables de Pléione et vérifier le phénomène d'amplification dû à sa coquille. Enfin, je voulais aussi savoir si Pléione nous offre une période de variation lumineuse régulière. À ce propos, j'ai pu constater que mes observations les plus récentes sont en nombre suffisant pour permettre de déduire qu'il y a généralement 12 à 15 jours entre un minimum et un maximum d'intensité lumineuse. L'étoile a même des séries de variations irrégulières qui semblent se produire pendant près de 15 jours avant de se remettre à des fluctuations périodiques normales.

L'activité de Pléione

J'ai commencé mes observations le 29 novembre 1986. Puis en janvier, février et mars 1987, j'ai effectué douze observations. Ces observations montrent de très légères variations d'intensité lumineuse de 11 à 50 à mon échelle. Au cours de l'année 1987, trois montées significatives se sont produites le 27 janvier, le 4 février ainsi que le 27 février. Ces fluctuations sont probablement de 0.5 magnitude, pas beaucoup plus.

Puis, le 16 octobre 1987, j'ai recommencé mes observations qui se sont poursuivies jusqu'au 12 avril 1988. Cette série comprend 42 observations.

À la fin de 1987, l'intensité de l'étoile augmente, diminue, puis augmente à nouveau d'une façon très significative. Elle va de 22 à 82 puis de 13 à 120, toujours 9 à mon échelle. Ensuite, elle semble stable pour 13 jours (malgré une augmentation de 50 à 80 en trois jours); après quoi, j'ai régulièrement observé des montées dans les 70.

Les plus fortes montées ont eu lieu le 22 novembre 1987 à 120, le 27 décembre de la même année à142, le 19 mars 1988 à 135 et enfin, le 2 avril 1988 à 130.


Ce qu'il y a d'intéressant à remarquer, c'est que l'activité de Pléione va en croissant autant par le nombre de fluctuations que par l'intensité lumineuse atteinte à ses maxima. Elle est donc plus brillante à la fin des observations qu'au début. L'écart des variations approche généralement une magnitude à la fin de l'année 1987 et, à certains moments au début de 1988, elle est de 1.3 magnitude. Si nous regardons avec attention la courbe de variation d'intensité lumineuse, nous voyons bien ces changements d'activité de même que cet accroissement de luminosité.

La prise de photos

Pour arriver à ces résultats, j'ai dû faire de nombreuses observations. Malgré tout, je dois vous avouer que le nombre d'heures total est relativement petit puisque les photos que je devais prendre ne demandaient des temps de pose que de l'ordre de 5 à 10 secondes seulement. D'abord, il est important de laisser sur la pellicule des images stellaires transparentes qui permettent de déceler les plus petites variations lumineuses possibles. Si on surexpose la pellicule, la densité est trop grande et on doit se contenter des variations majeures uniquement.

Pour les besoins de la cause, j'ai utilisé du film Kodak TRI-X et T-MAX 400 ASA. Toutes les photographies ont été prises à des focales de 300 mm à 600 mm. Plusieurs d'entre elles ont été prises sur trépied, la caméra étant munie d'un téléobjectif de 300 mm F/5.6 et d'un déclencheur souple permettant d'éviter les vibrations. Les poses dont la durée variait

de 5 à 7 secondes ont enregistré un très léger étirement qui ne nuit cependant pas aux lectures. Ces photographies ont été réalisées entre autres à Dorval même, la simplicité des prises de photos ne demandant pas la manoeuvre de beaucoup d'instruments. Même la présence de la Lune ne nuisait que lorsque celle-ci se trouvait tout près des Pléiades, soit pour trois jours au maximum (à l'oeil nu, j'ai remarqué que Pléione était parfois visible tandis qu'à d'autres moments, elle ne l'était pas).

Une photo de Atlas et Pléione, prise le 5 décembre 1986 au T. 310 mm F/6.

Grâce à la photographie, on peut aussi bien mesurer la luminosité d'une seule étoile que d'un ensemble d'étoiles et même de tout autre objet céleste quelle que soit sa magnitude. La photographie permet des mesures micrométriques très précises.

La plus grande partie de l'ouvrage s'effectue à cette tâche longue qui requiert de la précision. Parmi les nombreuses techniques de photométrie que j'ai expérimentées, j'en ai retenu deux. Voici la plus simple, celle que j'ai utilisée parce que suffisamment de gens ont tout ce qu'il faut à portée de la main pour réaliser des montages semblables et à leur tour effectuer des lectures photométriques.

D'abord, j'ai opté pour la méthode photographique pour l'enregistrement des données parce qu'elle est suffisamment précise pour mettre en évidence les légères variations et qu'elle permet de fixer des milliers d'autres étoiles sur un même négatif. Je peux aussi enregistrer des étoiles de magnitude 19 au besoin et, par le fait même, travailler avec des magnitudes de 14 et moins.

De plus, il est facile de travailler dans des longueurs d'onde variées avec la photographie et ainsi d'effectuer des mesures photométriques dans les longueurs d'onde désirées. Évidemment, les objets gazeux ou obscurs deviennent accessibles aux lectures photométriques tout comme les objets extra-galactiques.

Par la photographie, il est aussi possible, avec des agrandissements au microscope ou des projections inter-négatifs, d'avoir accès à des objets très serrés ou de dimensions très petites. Ces méthodes permettent des mesures de diamètres apparents à des fins de comparaisons photométriques ou autres. Il faut donc prendre en considération le travail qui se fait à l'intérieur, bien au chaud et quand on a le temps.

Une fois la photographie prise et le négatif réalisé, on se sert de l'agrandisseur pour projeter une image agrandie de ce négatif. Évidemment, on s'installe dans une pièce bien noire (la chambre noire est l'idéal). On installe, à la base de l'agrandisseur, une cellule photoélectrique qui elle-même peut être dans une boîte fermée. Le dessus de la boîte peut être blanc avec des repères et des mesures en millimètres; c'est sur lui que l'on fait le foyer de l'agrandisseur. Les repères et mesures permettent de s'assurer que nos mesures sont toutes réalisées sous les mêmes angles. La cellule photoélectrique est reliée à un multimètre qui lit les taux de lumière reçue.

Les cellules photoélectriques se retrouvent dans tous les magasins d'électronique. Assurez-vous d'utiliser toujours la même sorte de cellule pour un même projet. Ces cellules ont des caractéristiques variées, elles travaillent à divers niveaux d'intensité en plus de couvrir différentes longueurs d'onde.

On évitera d'endommager l'agrandisseur par une utilisation excessive de celui-ci. C'est pourquoi je vous conseille d'employer une lampe blanche de 25 à 40 watts. Choisissez une marque reconnue pour la stabilité d'intensité lumineuse de ses produits. Un rhéostat est nécessaire pour ajuster l'intensité de l'agrandisseur.

Il faut également faire travailler la cellule photoélectrique pendant 5 à 10 minutes afin qu'elle soit bien stabilisée. Après une heure d'utilisation, il est bon de la laisser au repos pour plusieurs minutes pour que la surface sensible redevienne stable.
L'étape suivante consiste à projeter sur la cellule l'image de l'objet dont on veut connaître la luminosité. Si l'objet est très petit ou qu'il est très rapproché d'une autre étoile, on peut placer une lentille entre la cellule et l'agrandisseur pour agrandir encore l'image sans avoir à éloigner l'agrandisseur de plusieurs pieds. Bien sûr, il est possible d'agrandir l'image par projection inter-négatifs ou au microscope.

J'ai procédé comme ceci: sur les négatifs, j'ai choisi une étoile-guide, Atlas, proche voisine de Pléione. Atlas était l'étoile étalon sur laquelle je stabilisais une lecture standard prédéterminée. Ensuite, j'allais lire la luminosité de Pléione. Je travaillais donc avec la différence entre Atlas et Pléione. Je faisais au moins trois lectures par photographie, parfois même six ou sept, avant d'arriver à un résultat satisfaisant. Plusieurs facteurs étaient susceptibles de fausser les lectures, entre autres le fait que le voltage de l'Hydro variait. Il faut donc s'armer de patience. Il est sûrement très utile de se fabriquer un régulateur de voltage pour bien stabiliser les lectures.


À ce moment, j'ai pensé me faire un photomètre adaptable au microscope et au télescope. En regardant le plan de celui-ci, vous verrez qu'il s'adapte au porte-oculaire de 1 1/4 pouce, qu'il est lui même muni d'un oculaire de 1 1/4 pouce et d'un miroir de visée mobile permettant de placer très exactement l'objet visé avec un oculaire réticulé. La cellule photoélectrique reçoit donc directement la lumière
de l'objet visé. Un dernier conseil, un multimètre digital est préférable à celui doté de la vieille aiguille.

Graphique de I'intensité lumineuse de PIéione en fonction du temps.

* Ces graphiques mettent en évidence les variations irrégulières de Pléione.

* On peut aussi constater que Pléione peut varier très rapidement.

* Au début 1987 les variations étaient moins importantes que par la suite.

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