Les enfants d'Orion

La Nature
revue scientifique


LA COMÈTE PONS-BROOKS

(La Nature, revue des sciences et de leurs applications aux arts et à l'industrie, 12° année, 1° semestre, n° 556, 26 janvier 1884, pages 131et 132)

LA COMÈTE PONS-BROOKS

Le 17 décembre 1883, à 6 h. 30 m., temps moyen de Marseille, j'ai observé la comète de 1812 à l'aide d'une lunette de 156 millimètres d'ouverture, armée d'un oculaire grossissant 85 fois. Le ciel n'était pas d'une bien grande pureté, et l'observation fut même plusieurs fois interrompue par les vapeurs épaisses qui obscurcissaient la comète.

La comète était très facilement visible à l'oeil nu, et paraissait plus brillante que l'amas stellaire d'Hercule, auquel elle ressemblait ; seulement, on voyait parfois luire sur sa nébulosité une vague étincelle, qui indiquait qu'elle possédait un noyau.

Vue dans la lunette, la comète se montrait avec un noyau, une chevelure et une queue. Le noyau avait l'éclat d'une étoile de sixième grandeur, bien que ses contours diffus rendissent assez difficile une eomparaison exacte avec les étoiles. Ce noyau, qui avait un diamètre très appréciable, n'était pas circulaire, mais un peu allongé dans une direction à peu près perpendiculaire à l'axe de la queue.

La chevelure, qui était très brillante, avait un diamètre de 10' environ ; mais elle se fondait si doucement dans le ciel, qu'il était impossible de reconnaître ses limites exactes. A première vue, elle ressemblait à une nébuleuse globulaire, fortement condensée autour d'un noyau central, mais avec un peu d'attention elle apparaissait comme si elle fût double et formée de deux parties semi-circulaires, qui étaient tournées vers le Soleil et qui , à l'arrière, se prolongeaient pour former la queue. La partie intérieure, beaucoup plus brillante que l'extérieure, entourait le noyau, qui cependant n'était pas placé au centre de sa courbe, mais était plus rapproché d'elle vers le côté du Soleil. En se prolongeant à l'arrière, cette chevelure interne formait à elle seule presque toute la queue. La chevelure externe, qui était beaucoup moins lumineuse, avait beaucoup plus d'étendue, et se prolongeait aussi vers l'arrière pour former la queue, mais elle s'évanouissait à une très courte distance, donnant ainsi à la queue un aspect pyramidal.

La queue, bien qu'elle ne fût pas très brillante, se distinguait cependant à première vue, se terminant en pointe à une distance de 25' du noyau, Comme ceux de la chevelure, ses bords se fondaient doucement dans le ciel et n'étaient pas susceptibles d'être saisis du regard. La queue avait une direction nord-ouest, et était approximativement dirigée à l'opposé de la place occupée par le Soleil.

La figure qui accompagne cette Communication est la reproduction du dessin que j'ai obtenu dans cette observation. Elle représente la comète telle qu'elle apparaissait alors 1 .
E. L. TROUVELOT.

1 Note présentée à l'Académie des Sciences par M. Janssen.
Observations spectroscopiques faites à Nice.
Depuis le commencement de novembre, nous avons, M. Perrotin et moi, profité de la récente installation d'un 14 pouces (0m,378) au mont Gros pour faire des études spectroscopiques sur la nouvelle comète. On sait déjà que son spectre ressemble à celui de toutes les comètes observées jusqu'à ce jour et qu'il se compose de trois bandes identiques à celles que donnent les composés du carbone. Mais ce qui nous a frappé c'est l'éclat et la netteté extraordinaires de ces bandes qui se distinguent sans peine, même quand l'intérieur de la coupole est éclairé par plusieurs lampes, tandis que le spectre continu ponné par le noyau est lui-même si faible qu'il ne dépasse guère, en étendue, la région des trois bandes et qu'on n'y peut reconnaître aucune des couleurs spectrales. Il faut conclure de là que l'élément gazeux domine dans la constitution de cet astre, conclusion qui semble justifiée par les singularités d'aspect qu'il a présentées jusqu'à ce jour.

Il offre une analogie qui mérite d'être signalée avec la comète c1881, que j'ai étudiée avec soin aux 14 pouces de l'Observatoire de Paris. Dans cette dernière, le spectre gazeux semblait aussi avoir une certaine prédominance ; les bandes étaient nettes et brillantes. Or sa queue au lieu d'être formée par deux bandes lumineuses parallèles à l'axe qui reste relativement obscur, était constituée par une seule bande se confondant avec l'axe et se dégradant symétriquement de part et d'autre. Il en est de même pour celle que nous voyons aujourd'hui avec cette différence que la lumière de la queue, au lieu de se dégrader symétriquement par rapport à l'axe, se termine brusquement du côté sud par une ligne à peu près droite. Il serait fort remarquable que cette particularité fût le caractère propre des comètes où le spectroscope indique la prédominance des éléments gazeux 1.
THOLLON. 1 Comptes rendus de l'Académie des Sciences, séance du 7 janvier 1884. Dans la même séance de l'Académie, M. le contre-amiral Mouchez, directeur de l'Observatoire de Paris, a présenté une note de M. Ch. Trépied sur le spectre de la comète de Pons-Brooks.

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Mise à jour : 03 août 2003