Les enfants d'Orion

La Nature
revue scientifique

SUR L'ASPECT DE LA PLANÈTE SATURNE

par Paul et Prosper Henry
(La Nature, revue des sciences et de leurs applications aux arts et à l'industrie, 12° année, 1° semestre, n° 571, 10 mai 1884, page 369)

SUR L'ASPECT DE LA PLANÈTE SATURNE 1


Pendant le mois de février dernier et le commencement du mois de mars, quelques nuits se sont montrées d'une pureté exceptionnelle au point de vue de la définition des astres observés au télescope.
Nous avons profité des meilleurs moments pour étudier, avec notre réfracteur de 0m,38 d'ouverture, l'aspect des planètes principales ; Saturne et ses anneaux ont en particulier attiré notre attention. Les images de cette planète ont été souvent d'une netteté remarquable, même avec des grossissements de plus de mille fois. Il a été possible de noter à
plusieurs reprises, de curieuses inégalités sur la bande équatoriale. En dehors des anneaux connus, nous avons con- staté, autour de la séparation principale (division de Cassini) l'existence d'un nouvel anneau brillant et parfaitement défini, ayant une largeur de 1" 1/2 environ. Il est fort surprenant que cet anneau, qui est très visible, n'ait pas été aperçu jusqu'ici. Mais le fait qui nous a le plus particulièrement frappés en observant Saturne, et qui nous a engagés à publier le dessin ci-joint, c'est que, malgré des conditions de visibilité extrêmement favorables, il a été impossible de découvrir la moindre trace de la division de l'anse extérieure (division d'Encke).

Cette division, indiquée depuis Encke par tous les
observateurs qui ont publié des dessins de Saturne, et que nous avions cru voir aussi à l'aide d'instruments de moyenne force, pourrait bien n'être que le résultat d'une simple illusion d'optique.

Ce phénomène serait produit, suivant nous, par l'anneau brillant que nous avons découvert, et que l'irradiation ferait paraître plus large qu'il n'est réellement, tandis que, par un effet de contraste, on croirait voir comme ligne noire de séparation, ce qui, en réalité, n'est qu'une différence brusque dans l'éclat des anneaux.

En examinant à la distance de 3 mètres environ le dessin publié dans le présent numéro de La Nature, on verra très nettement cette division telle qu'on a l'habitude de la représenter. L'expérience

1 Voy. Les Anneaux de Saturne, n° 196, du 3 mars 1877, p. 211; n° 299 du 2 juin 1877, p. 1 et n° 210 du 9 juin 1877, p. 17.
réussit encore mieux si on prend la précaution de diaphragmer un peu l'oeil.

Dans ces conditions d'examen, l'aspect du dessin est bien celui que présente Saturne lorsqu'on l'observe avec des instruments de dimensions médiocres, ou même avec de puissants télescopes, lorsque la définition est imparfaite.

Il est donc permis d'expliquer par une illusion d'optique ces différences d'aspect observées sur l'anneau extérieur, sans qu'il soit nécessaire de les attribuer à une modification quelconque survenue dans ce curieux appendice de Saturne.

Cette intéressante planète est maintenant trop proche du soleil pour qu'il soit possible d'en faire des observations utiles. Nous continuerons nos recherches à l'aide de très puissants télescopes, lors de la prochaine opposition. PAUL et PROSPER HENRY.

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Mise à jour : 03 août 2003