Les enfants d'Orion

La Nature
revue scientifique

La coupole à flotteur annulaire pour le grand équatorial de l'Observatoire de Nice

(La Nature, revue des sciences et de leurs applications aux arts et à l'industrie, 13° année, 1° semestre, n° 676, 30 mai 1885, page 405)

LA COUPOLE A FLOTTEUR ANNULAIRE POUR LE GRAND EQUATORIAL
DE L'OBSERVATOIRE DE NICE

Les coupoles astronomiques qui fonctionnent actuellement dans les observatoires sont d'un maniement difficile, dès qu'elles atteignent des dimensions un peu considérables. Pour dépasser les mesures ordinaires, il fallait recourir à un système nouveau.



M. Raphaël Bischoffsheim a demandé à notre grand constructeur, M. Eiffel, de mettre à exécution, sous la direction de M. Charles Garnier, architecte, une coupole pour le grand équatorial de son magnifique Observatoire de Nice. M. Charles Garnier a adopté le système de flotteur annulaire imaginé par M. Eiffel ; l'appareil, aujourd'hui terminé, répond à toutes les objections qui avaient été présentées à son égard, comme cela ne manque pas d'arriver pour toute innovation.
On sait que M. Bischoffsheim fait grandement les choses quand il s'agit d'offrir des présents à l'Astronomie. Après lui avoir construit un palais, il lui donne une coupole tournante immense, la plus grande qui ait encore été établie jusqu'ici ; son diamètre extérieur est de 23 m,90 1 ;



elle pèse 160 000 kilogrammes, 95 000 kilogrammes pour la partie mobile, et 65 000 kilogrammes pour la partie fixe. Sa surface est de 980 mètres carrés ; la couverture se compose de 620 feuilles d'acier de 1 millimètre et demi d'épaisseur, assemblées entre elles par 55 000 rivets et percées de 125 000 trous.
Dans la totalité de la coupole, il y a 220 000 trous et 92 000 rivets. La cuve circulaire, d'un diamètre moyen de 24m,316, présente un développement de 76m,35. La section de la cuve est de 1m,50X1m,20=1m2,80 ; son cube est de 137m3,43.
C'est un magnifique appareil qui contribuera aux progrès de la science.
Le grand intérêt que présente la nouvelle coupole, dont nous représentons l'ensemble (fig. 1 et 2) réside essentiellement dans son système de flotteur annulaire, qui permet de la faire tourner avec une incomparable facilité, malgré son poids énorme. La grande coupole est entièrement portée sur le flotteur annulaire, placé à sa base. Le flotteur en métal creux flotte dans une cuve circulaire contenant de l'eau tenant une matière saline en dissolution 2 (fig. 3).
Outre ce système, on en a disposé un autre constitué par une série de galets réunis entre eux à l'aide d'un cercle en fer ; c'est sur la couronne ainsi formée que le roulement de la coupole peut s'effectuer indépendamment du système de flottaison.
En temps ordinaire, ces galets n'auront à peu près aucune charge, mais ils s'opposeront à tout mouvement d'oscillation de la coupole, auquel un grand vent pourrait donner lieu.
Quand celle-ci sera en flottaison normale, le seul frottement qui s'opposera à son mouvement de rotation sera un frottement au sein d'une masse liquide et par conséquent sera extrêmement faible, malgré le très grand poids de la masse mobile.
L'effort à développer pour faire tourner la coupole sera donc très minime : et, en effet, les essais montrent qu'un seul homme la met facilement en mouvement à la main. L'existence simultanée de deux systèmes indépendants l'un de l'autre, pour la mise en mouvement, de la coupole, offre le précieux avantage de permettre toujours les réparations à l'un de ces systèmes sans entraver les observations astronomiques.
Le flotteur de la grande coupole est ouvert par en haut comme un bateau non ponté ; il y a une section rectangulaire de 1m,50 de hauteur sur 0m, 95 de largeur ; ses parois sont reliées entre elles par des entretoises en acier.
La cuve annulaire, qui reçoit le flotteur et le liquide de flottaison, a une section transversale rectangulaire ; sa hauteur est de 1m,50 et sa largeur de 1m,20 ; cette dernière dimension excède donc la

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largeur du flotteur de 0m,25, ce qui donne un jeu latéral de 0m,125 à l'intérieur et de 0m,125 à l'extérieur entre le flotteur et sa cuve. Enfin cette cuve annulaire repose sur 36 robustes supports en fonte, répartis à des distances égales sur la partie supérieure de la tour en maçonnerie.
L'ouverture d'observation de la grande coupole offre pour la lunette une largeur libre de 3 mètres, elle est munie extérieurement de deux volets qui, en s'écartant ou on se rejoignant parallèlement à eux-mêmes, démasquent ou obturent cette ouverture. Chaque, volet est composé d'une ossature métallique qui a la forme d'une longue bande cylindrique de 1m,565 de largeur embrassant la portion de sphère qui doit être ouverte ou fermée, depuis l'horizon jusqu'à 1m,60 au delà du zénith.
Les volets,,sont portés chacun par quatre galets en fonte, deux en haut, deux en bas, roulant sur des rails rectilignes et parallèles. Leur manoeuvre se fait très facilement à l'aide de chaînes sans fin actionnées par une poulie à noix qui détermine leur mouvement simultané.
La coupole entraîne avec elle les volets. Sa manoeuvre se fait à l'aide d'un petit treuil fixe qui actionne un câble métallique sans fin, enroulé sur le pourtour du flotteur et guidé convenablement. On maintient ce câble en contact permanent avec le flotteur au moyen d'un tendeur qui assure l'adhérence nécessaire pour que le câble entraîne toujours la coupole.
La grande coupole destinée à l'Observatoire de Nice, est actuellement montée à titre d'essai dans les ateliers de M. Eiffel à Levallois-Perret. Elle a été visitée le 15 mai dernier, par plusieurs membres de l'Académie des sciences et quelques savants et ingénieurs auxquels MM. Bischoffsheim, Charles Garnier et Eiffel, en ont fait les honneurs. Nous avons admiré cet imposant ouvrage, et la facilité avec laquelle on le met en rotation à l'aide de son flotteur.
Il y a là un intéressant problème résolu à l'égard de ces grandes constructions astronomiques.

1 La coupole de Paris n'a que 12 mètres de diamètre; celle de Vienne et de Saint-Pétersbourg ont environ 16 mètres
2 Le liquide que l'on met dans la cuve est une dissolution de chlorure de magnésium, d'une densité de 1,25. La quantité de cette dissolution correspondant, à 1 mètre d'immersion du flolteur, est de 27 000 litres. Le prix du chlorure du magnésium revient, à Nice, à 100 francs les 1000 kilogrammes, ce qui donne 65 francs par mètre cube de cette dissolution et 1750 francs pour la quantité nécessaire à la flottaison de la coupole.

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Mise à jour : 18 avril 2005