Les enfants d'Orion

La Nature
revue scientifique

La Photographie céleste à l'observatoire de Paris



(La Nature, revue des sciences et de leurs applications aux arts et à l'industrie, 15° année, 1° semestre, n° 717, 26 février 1887, pages 200, 201, 202)

Nous avons décrit précédemment la magnifique installation photographique qui a été organisée par MM. Paul et Prosper .Henry à l'Observatoire de Paris(1). Le directeur de notre grand établissement national, M. le contre-amiral Mouchez, a présenté à plusieurs reprises à l'Académie des sciences les résultats remarquables qui ont été obtenus par les savants opérateurs ; avant de présenter à nouveau à nos lecteurs un nouveau spécimen de photographie céleste, nous allons décrire l'appareil micrométrique destiné à mesurer les épreuves photographiques d'étoiles. Cet appareil que nous représentons (fig.1) a été construit par M. Gautier, d'après les indications que MM. Henry lui ont fournies. On le désigne sous le nom de macro-micromètre.



" II se compose d'un chariot glissant sur deux rails horizontaux, dont l'un offre une section triangulaire, tandis que l'autre est plat. Ce chariot est entraîné au moyen d'une vis de 0m,25 de longueur, dont le pas est de 1 millimètre. Le foyer de la lunette photographique étant de 3m,43, il s'ensuit que le tour de vis équivaut à très peu près à un intervalle de 1'. Le tambour de la vis est divisé en 600 parties, ce qui donne pour la valeur de chaque division 0'',1 et, comme il est facile d'estimer le 1/10 de division, les lectures peuvent être faites à 0'',01 près. Le chariot est en outre muni d'une échelle divisée en millimètres, servant à compter les tours de la vis.
" Le système mobile porte un plateau circulaire tournant, sur lequel peuvent être fixées les épreuves dont on veut effectuer les mesures. Au centre de ce plateau, on a ménagé une ouverture de 0m,18 de diamètre, afin de permettre, au moyen d'un petit miroir placé au-dessous, l'éclairage de la plaque dans toute son étendue. Ce plateau est destiné à la mesure de l'angle de position des étoiles photographiées.
" Comme une précision suffisante n'aurait pu être obtenue au moyen d'un cercle simplement divisé et de verniers, et que l'emploi de microscopes destinés à fractionner les divisions du cercle aurait été peu pratique, on s'est arrêté à la disposition suivante : le pourtour du plateau est muni de 720 dents, dans lesquels s'engagent les pas de deux vis tangentes, placées perpendiculairement aux deux extrémités d'un même diamètre. Ces deux vis sont commandées simultanément, au moyen d'un engrenage, par un arbre unique, muni d'une tête molletée que l'on tourne à la main ; elles sont munies toutes deux d'un tambour divisé en 180 parties, dont chacune vaut 10'', et comme le 1/10 peut être facilement estimé, la lecture de l'angle de position se fait directement à 1'' près.



" Le microscope qui sert aux mesures a une longueur de 200 millimètres ; il est muni d'un micromètre et d'un cercle de position; la vis du micromètre, d'un pas d'un demi-millimètre, porte un tambour divisé en 100 parties. Chaque division du tambour correspond, sur l'épreuve, à 1/600 de millimètre ou 1/10 de seconde d'arc. Le cercle de position est gradué en degrés ; un vernier donne les dixièmes.
L'objectif du microscope est formé d'une lentille achromatique de 50 millimètres de distance focale et produit sur le plan des fils du micromètre une image de l'épreuve amplifiée trois fois. Le grossissement de l'oculaire est de dix fois.
" Le microscope peut être déplacé horizontalement dans une direction perpendiculaire au mouvement du chariot ; pendant les observations, on le fixe au moyen de deux pinces.
" La précision des mesures effectuées à l'aide de cet appareil sur des photographies d'étoiles doubles est vraiment remarquable; ainsi, pour (Dzêta) Grande Ourse, par exemple, l'erreur moyenne dans la mesure d'une

(1) Voy. n° 654, du 12 décembre 1885, p. 23.

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simple paire d'images est égale à 0",077 pour la distance; l'erreur moyenne de l'angle de position est de 0°,55(1).
MM. Henry ont poursuivi leurs beaux travaux de la photographie du ciel avec une grande persévérance et un rare succès. Ils ont obtenu de remarquables résultats pour les satellites de Jupiter, l'anneau de Saturne, et les photographies de la Lune. Leurs procédés d'investigation leur permettent parfois de découvrir des nébuleuses sur les clichés photographiques qu'ils obtiennent, et nous reviendrons prochainement sur les découvertes qui ont été faites récemment dans cette voie.
Nous mentionnerons tout spécialement aujourd'hui les photographies d'étoiles dont MM. Henry ont doté l'astronomie. Nous reproduisons en fac-similé l'une des photographies de la constellation de Cassiopée (fig. 3). On y compte plus de 4800 étoiles, et on se rendra compte de son importance en se reportant à la figuration de la même région du ciel vue à l'oeil nu (fig. 2) On aura enfin une idée de ce qu'est l'infinité des mondes, quand on saura que pour représenter tout le ciel visible à la surface du globe, il ne faudrait pas moins de dix mille photographies semblables à celle que nous publions aujourd'hui, et que tout le ciel visible sur notre terre est un point dans l'immensité.
MM. Paul et Prosper Henry accomplissent de grands travaux, qui font honneur à l'Observatoire de Paris et a la science française. Il serait à désirer que leur persévérance, leurs efforts et leurs succès fussent récompensés : la modestie des travailleurs ne doit pas en faire oublier le mérite.

GASTON TISSANDIER. (1) Nous empruntons la description du macromicromètre à la notice qui a été publiée, à ce sujet, par M. le contre-amiral Mouchez.

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Mise à jour : 18 juillet 2005