Les enfants d'Orion |
La Conférence internationale pour le levé photographique de la carte générale du Ciel s'est ouverte le 16 avril dernier, à l'Observatoire de Paris. Cette conférence, due à l'heureuse initiative de M. le contre-amiral Mouchez, directeur de l'Observatoire, a été inspirée par les travaux de MM. Paul et Prosper Henry.
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Les deux savants astronomes ayant été chargés, il y a quelques années, de continuer la carte écliptique de Chacornac, reconnurent que le recensement des étoiles devenait impossible aux environs de la Voie lactée, et ils eurent l'idée de fixer par la photographie ce que l'observation directe ne pouvait déterminer. MM. Henry construisirent un grand appareil "parallactique pour la photographie céleste (1), et ils arrivèrent à produire des clichés où l'on compte 5000 étoiles là où les cartes du ciel antérieures n'en donnaient que 170. Nos lecteurs ont eu sous les yeux un spécimen de ces belles photographies des étoiles : nous leur avons également présenté la description du nouvel appareil qui permet d'en opérer les mesures (2).
Non seulement MM. Paul et Prosper Henry ont exécuté un grand nombre de photographies de constellations, mais ils ont réussi à faire dans d'excellentes conditions de netteté, les clichés des planètes et notamment de Saturne et de Jupiter. Pour les photographies de la Lune, ils ont introduit dans la science une méthode nouvelle dont nous donnons ci-contre quelques résultats (fig. 1, 2, 5 et 4). Au lieu de photographier l'astre tout entier, les opérateurs procèdent par fractionnements ; ils ne prennent a la fois qu'une petite surface de la Lune, ce qui permet d'obtenir le meilleur éclairement possible pour chacune des parties qu'il s'agit de reproduire. MM. Henry opèrent au moment où les ombres se présentent avec le plus d'intensité et font le mieux ressortir la valeur des reliefs.
On sait que pour faire la photographie de la Lune, au lieu de recevoir l'image directement sur la plaque, il est préférable de la grandir préalablement à l'aide d'un oculaire. Au foyer de l'appareil, l'image n'atteint pas un diamètre de plus de 0m,032. Avec l'agrandissement que nous représentons dans nos figures, la Lune entière aurait environ 0m,60 de diamètre. Malgré cette amplification assez considérable, la durée de la pose ne dépasse pas douze secondes.
Les spécimens que nous donnons, et qui tous ont été obtenus avant la pleine lune, ne représentent qu'une faible partie du travail de MM. Henry qui ont reproduit la surface entière de la Lune, comprenant une quinzaine de photographies analogues.
Nous donnons ci-dessous la reproduction d'une photographie de la nébuleuse 1180 du grand catalogue d'Herschel (fig. 5). Cet objet, examiné dans les grands télescopes, se présente seulement comme une masse blanchâtre. La lumière est si faible que pour l'apercevoir il est indispensable de cacher l'étoile principale à l'aide d'un écran. La photographie montre très nettement de très petits délinéaments de la nébuleuse. Son étendue est de 22' en ascension droite et de 15' dans le sens de la déclinaison. Cette nébuleuse n'étant distante que de 50' de la grande nébuleuse d'Orion, il est presque certain qu'elle fait partie du même système. Il est hors de doute que lorsque les plaques seront encore plus sensibles, ces deux objets paraîtront complètement réunis par des filaments lumineux. Ces deux nébuleuses ont d'ailleurs le même aspect physique et présentent presque absolument les mêmes caractères.
La Conférence internationale, qui vient de se réunir à l'Observatoire de Paris, a pris pour mission d'étudier les meilleures conditions d'opérer la photographie du Ciel dans les différents pays du monde, afin de pouvoir léguer aux siècles futurs la carte de ce que l'on pourrait appeler la géographie du ciel.
" Cette carte qui sera formée, dit M. le contre-amiral Mouchez, des 1800 ou 2000 feuilles nécessaires pour représenter à une échelle suffisamment grande, les 42 000 degrés carrés que comprend la surface de la sphère, et séparément à plus grande échelle, tous les groupes d'étoiles ou tous les objets présentant un intérêt spécial, léguera aux siècles futurs l'état du Ciel à la fin du dix-neuvième siècle avec une authenticité et une exactitude absolues. La comparaison de cette carte avec celles qu'on pourra refaire à des époques de plus en plus éloignées permettra aux astronomes de l'avenir de constater de bien nombreux changements en position et en grandeur, à peine soupçonnés ou mesurés aujourd'hui pour un petit nombre d'étoiles seulement, et d'où ressortiront certainement bien des faits inattendus et d'importantes découvertes. Cette Carte donnera en outre dès qu'elle sera terminée la possibilité d'étudier la distribution des étoiles dans l'espace, c'est-à-dire, la constitution de l'Univers visible. "
L'oeuvre à accomplir est si grande et d'un intérêt scientifique si universel, qu'on ne saurait trop applaudir à l'idée de la faire entreprendre par presque toutes les nations civilisées, et avec le concours des plus éminents astronomes de notre temps.
1 Voy. n° 654, du 12 décembre 1885.
2 Yoy. n° 717, du 26 février 1887.
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La Conférence aura à discuter non seulement le genre de l'instrument à employer, le mode de préparation des plaques, la durée du temps de pose, les parties communes des clichés dans le même observatoire, les appareils de mesure, etc., mais elle s'occupera aussi des travaux de photographie céleste qu'il serait utile de poursuivre en commun après l'exécution de la Carte, et l'on étudiera le meilleur mode de reproduction des planètes et de notre satellite. - C'est encore un nouveau triomphe de la merveilleuse invention de Niepce et de Daguerre. - La photographie va permettre à l'homme de dépasser, dans la connaissance de l'Univers, des limites que l'imperfection de ses sens ne paraissait pas pouvoir lui permettre de franchir. L'entreprise fera honneur à notre dix-neuvième siècle, déjà si riche en oeuvres scientifiques (1).
GASTON TISSANDIER.
(1) Voici, par ordre alphabétique, les noms des astronomes français et étrangers qui sont présents à Paris pour la Conférence : Abney (capt. W. de W.); Auwers (A.), secrétaire de l'Académie des sciences de Berlin ; Baillaud (B.), directeur de l'Observatoire de Toulouse; Bakhuyzen (H.-G. van de Sande), directeur de l'Observatoire de Leyde ; Bertrand, secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences ; Beuf, directeur de l'Observatoire de La Plata ; Bouquet de la Grye, membre de l'Institut ; Brunner, membre du Bureau des longitudes ; Christie (W.-H.-M.), astronome royal, Greenwich ; Cloué (amiral), membre de l'Institut et du Bureau des longitudes; Common (Ainslie A.) ; Cornu, membre de l'Institut ; Cruls (L.) directeur de l'Observatoire de Rio-de-Janeiro ; Donner (le professeur A.-S.), directeur de l'Observatoire d'Elsinford ; Duner (le Dr N.-C.), astronome de l'Observatoire de Lund ; Eder (le professeur Dr J.-M.) ; Engelhardt (le baron d') ; Faye, membre de l'Institut ; Fizeau, membre de l'Institut ; Folie, directeur de l'Observatoire de Bruxelles ; Gautier, constructeur d'instruments de précision ; Gill (David), directeur de l'Observatoire du Cap ; Gylden (Hugo), directeur de l'Observatoire de Stockholm ; Hasselberg (B.), astronome de l'Observatoire de Pulkova ; Kap-teyn (J.-C.), professeur à l'Université de Groningue; Henry (Paul), astronome de l'Observatoire de Paris ; Henry (Prosper), astronome de l'Observatoire de Paris ; Janssen, membre de l'Institut, directeur de l'Observatoire de Meudon ; Knobel, (E.-B.), secrétaire of the royal astr. Society, London ; Krueger (le professeur Dr A.), directeur de l'Observatoire de Kiel ; Laussedat, directeur du Conservatoire des arts et métiers ; Liard, directeur de l'enseignement supérieur au Ministère de l'instruction publique ; Loewy, membre de l'Institut, sous-directeur de l'Observatoire de Paris ; Lohse (le Dr 0.), astronome de l'Observatoire de Potsdam ; Mouchez (l'amiral), membre de l'Institut, directeur de l'Observatoire de Paris; Oom (le capitaine de vaisseau), directeur de l'Observatoire astronomique de Lisbonne; Oudemans, directeur de l'Observatoire d'Utrecht ; Pechüle (C.-F.), astronome de l'Observatoire de Copenhague ; Perrier (le général), membre de l'Institut ; Perry (Le rév. P.) directeur de l'Observatoire de Stonyhurst College; Péters (C.-H.-F.), directeur de l'Observatoire d'Hamilton College, à Ciinton ; Pritchard (Le rév. C.), directeur de l'Observatoire de l'Université, Oxford ; Pujazon (le capitaine de vaisseau C.), directeur de l'Observatoire de San-Fernando ; Rayet (G.), directeur de l'Observatoire de Bordeaux ; Roberts (Isaac), hôtel de Lille et d'Albion, rue Saint-Honoré ; Russell (H.-C.), directeur de l'Observatoire de Sydney, hôtel de Lille et d'Albion, rue Saint-Honoré; Rutherfurd (Lewis M.); Schœnfeld (le Dr E.). directeur de l'Observatoire de Bonn, hôtel Voltaire, quai Voltaire; Steinheil ; Struve (0.), directeur de l'Observatoire de Pulkova, pavillon de Rohan, 172, rue de Rivoli ; Tacchini (J.), directeur de l'Observatoire du Collège romain, à Rome ; Tennant (le général), R. E., F. R. S; Thiele (T.-N.), directeur de l'Observatoire de Copenhague ; Tisserand, membre de l'Institut, 5, avenue de l'Observatoire ; Trépied (C.), directeur de l'Observatoire d'Alger; Weiss (le Dr E.), directeur de l'Observatoire de Vienne ; Winterhalter (lieutenant de vaisseau), assistant à l'Observatoire de Washington ; Vogel (le professeur Dr H.-C.), directeur de l'Observatoire de Potsdam.
(La Nature, 1887, 5° année, premier semestre, n°728, 14 mai 1887, p 369)
Nous avons annoncé précédemment l'ouverture de la conférence internationale pour le levé photographique de la carte du ciel. Nous résumerons aujourd'hui les résolutions qui ont été adoptées dans les séances successives tenues à l'Observatoire de Paris.
Voici les conclusions de la première séance générale tenue le 16 avril dernier :
1° Les progrès réalisés dans la photographie astronomique rendent absolument nécessaire que les astronomes du siècle actuel entreprennent, d'un commun accord, la représentation photographique du ciel.
- 2° Cette oeuvre sera entreprise à certaines stations qu'il faudra choisir, et l'aide d'instruments identiques dans leurs parties essentielles.
-3° Les principaux buts qu'on doit chercher a réaliser seront :
(a) La représentation de l'état général du ciel à l'époque actuelle de manière à obtenir des données qui puissent mettre à même de déterminer la position et l'éclat de toutes les étoiles jusqu'à une certaine grandeur, sur laquelle on s'entendra ultérieurement, avec la plus grande précision possible; les grandeurs devront être exprimées conformément à une base photographique à déterminer subséquemment.
(b) L'entente sur les moyens d'utiliser, tant à l'époque actuelle que dans l'avenir, les données fournies par les procédés photographiques.
(1) Voy. n° 725, du 25 avril 1887, p. 321.
(fin de la page 369)