Les enfants d'Orion

La Nature
revue scientifique

La Nature, 1888, 16° année, premier semestre, n° 779, 5 mai 1888 p 355 et 356
(revue des sciences et de leurs applications aux arts et à l'industrie)

Nouvelle carte photographique du groupe des Pléiades

On doit se rappeler que MM. Henry avaient déjà découvert, à l'aide de la photographie, une nébuleuse nouvelle autour de l'étoile Maïa des Pléiades (l) ; cette nébuleuse étant trop faible pour être aperçue à travers l'atmosphère parisienne même avec nos meilleurs instruments, je l'avais signalée à l'Observatoire de Poulkova qui venait d'être pourvu d'un grand équatorial de 0m,76 d'ouverture ; quelque temps après M. Struve m'annonçait qu'il avait pu l'observer, et, dès que la lunette de même dimension de l'Observatoire de Nice fut établie, M. Perrotin l'observait également et nous en envoyait un dessin.

Depuis lors MM. Henry ont continué à perfectionner leurs procédés photographiques et ils refont chaque année le cliché des Pléiades dans le double but de constater les changements qui pourraient s'y produire avec le temps et les progrès qu'ils réalisent dans la révélation des astres très faibles. Pour construire la nouvelle carte dont nous donnons ci-après le fragment le plus intéressant, on s'est servi de l'ancienne épreuve de 1886 (2) sur laquelle on a ajouté les nouvelles nébuleuses et les étoiles communes à deux clichés de quatre heures de pose obtenus les 16 novembre et 14 décembre 1887.

Cette nouvelle carte permet de constater les progrès considérables accomplis en photographie céleste depuis deux années. Ces progrès doivent, en grande partie, être attribués à la plus grande sensibilité des plaques actuelles, et aussi à une pratique plus complète des appareils et des procédés photographiques.
Les faibles traces de nébulosité qui, sur les clichés de 1885, se montraient autour des étoiles Maïa,

(1) Voy. n° 664, du 20 févirer 1886, p. 187.
(2) Voy. le Rapport annuel de l'Observatoire de Paris pour 1885
(fin de la page 355)

(début de la page 356)

Mérope et Electra, sont devenues sur les nouvelles épreuves, d'intenses nébuleuses, de formes complexes et tourmentées se rejoignant presque entre elles ; une autre nébulosité assez étendue, mais moins intense, entoure aussi Alcyone. Aucuns de ces détails n'avaient encore été aperçus avec les lunettes même les plus puissantes. Mais une particularité bien plus remarquable qu'a dévoilée la photographie dans cette grande nébuleuse, et dont il n'existe encore aucun autre exemple connu dans le ciel, ce sont deux larges et très minces filaments de matière cosmique, presque rectiligne, affectant bien évidemment de passer par plusieurs étoiles ; leur lumière est malheureusement trop faible pour qu'on puisse espérer les voir et les étudier directement.


L'un de ces objets est situé en déclinaison vers 23°,41' et s'étend en ascension droite de 3 h. 37 m. 50 s. à 3 h. 39 m. 30 s. et traverse entre autres étoiles 91 et 120 du catalogue de Bessel; l'autre a une déclinaison de 23°,55' et paraît s'étendre de 3 h. 39 m. 40 s. à 3 h. 42 m. 10 s. en passant presque centralement à travers sept étoiles qu'il semble réunir.
La carte de 1886 ne renfermait que 1421 étoiles jusqu'à la 16e grandeur, celle-ci en contient 2326 allant jusqu'à la 18e. En prolongeant encore la durée de la pose, il serait certainement possible de découvrir quelques nouveaux détails à ce groupe déjà si remarquable des Pléiades ; malheureusement, dans les conditions atmosphériques et physiques déplorables où se trouve placé l'Observatoire, au milieu d'une grande ville comme Paris, il ne serait pas possible de le faire sans voiler à peu près complètement les plaques, à cause de l'éclairement de l'atmosphère par le gaz. Une exposition de quatre heures est une limite qu'on ne peut guère dépasser.

Contre-amiral MOUCHEZ,
de l'Institut, directeur de l'Observatoire de Paris.

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Mise à jour : 25 décembre 2005