Les enfants d'Orion

La Nature
revue scientifique

L'ECLIPSE DE SOLEIL DU 17 JUIN 1890



(La Nature, revue des sciences et de leurs applications aux arts et à l'industrie, 18° année, 2° semestre, n°889, 14 juin 1890, page 21)

Le 17 juin prochain, les habitants de toute la France et des colonies françaises du nord-ouest de l'Afrique, assisteront à une éclipse qui, pour eux, ne sera que partielle, mais qui offrira cependant un véritable intérêt. En effet, elle sera annulaire pour tous les peuples vivant sur une zone de 100 a 200 kilomètres de largeur, régnant depuis le golfe de Guinée jusqu'à la Chine méridionale et traversant le Sahara, la Méditerranée orientale, le sud-est de l'Asie, la chaîne de l'Himalaya et le Thibet.
Lors de son passage entre le Soleil et le globe que nous habitons, notre satellite aura cette fois un diamètre très petit, parce qu'il arrivera quatre jours après, lors de son apogée du 21 juin, à sa plus grande distance de toute l'année. C'est ce qui fait que son disque ne pourra recouvrir complètement celui du Soleil, quoique celui-ci soit en ce moment très petit, parce que la Terre passera à son aphélie le 5 juillet prochain.
De toutes parts débordera, même dans les lieux les plus favorisés et à l'époque de la plus grande phase, un ruban de lumière étincelante qui empêchera d'apercevoir les auréoles, les protubérances, etc. Il y aura une diminution de lumière assez sensible pour que les peuples barbares, témoins du phénomène, qu'ils ne savent pas prévoir, s'aperçoivent qu'il se passe quelque chose d'extraordinaire sur le disque du Soleil. Quant à Paris et aux grandes villes de France, la partie obscurcie n'aura pas une valeur assez importante pour que la diminution de lumière frappe les personnes qui ne seront pas prévenues.



Les circonstances de l'éclipse seront observées dans tous nos établissements astronomiques publics et privés, dont le nombre augmente de jour en jour de la façon la plus satisfaisante. M. Janssen, directeur de l'Observatoire de Meudon, qui revient d'une longue expédition dans le Sahara, où il a continué ses études sur l'atmosphère solaire, confiera à un délégué de son établissement le soin de suivre l'éclipse dans les lieux où elle se présentera de la façon la plus instructive, c'est-à-dire à Candie, qui peut en être considérée comme le centre.
Pour la première fois, la Tour Eiffel servira à des observations célestes, et des excursionnistes s'y rendront en grand nombre, surtout si le ciel est voilé, afin d'étudier un phénomène, qui n'est pas très rare si on considère l'ensemble de la Terre, mais qui l'est bien davantage si on ne s'occupe que d'un lieu déterminé comme Paris. En effet, cette éclipse de soleil, qui porte le n° 7383 dans le grand catalogue d'Oppolzer, est la 219e du siècle. Mais il n'aurait pas été possible d'observer dans nos murs plus de la dixième partie de ce nombre, même si le ciel s'y prêtait, ce qui n'est pas très souvent le cas.
Quoi qu'il en soit, le premier point du globe touché par le cône de pénombre est situé dans l'océan équatorial, au nord de l'île de l'Ascension, et le dernier se trouve dans l'océan Indien, au nord de l'île de Ceylan. Le premier contact se produit à 7 h. 4 m. du matin et le second a 1 h. 4 m. du soir, en temps moyen de Paris. Le phénomène aura donc duré juste six heures pour toute la Terre. C'est seulement deux heures et quelques minutes de moins que la plus grande durée possible, dans les circonstances lés plus favorables.
Pendant ce temps, la Terre aura tourné de 90 degrés autour de son axe polaire, de sorte que les heures locales des circonstances de l'éclipse seront toutes affectées par cette rotation. Mais le cône de pénombre que la Lune entraîne derrière elle balaie la Terre avec une vitesse beaucoup plus grande puisque, malgré ce déplacement si notable, on constate un peu plus de 97 degrés de longitude entre le premier point situé à l'ouest et le dernier situé à l'est, c'est-à-dire entre le premier et le dernier contact.
Nous avons groupé dans le tableau ci-dessous les circonstances de l'éclipse pour les différentes villes de France et des Colonies françaises, où on peut l'observer. Nous avons numéroté les stations que nous avons choisies, d'après l'Annuaire du Bureau des Longitudes, en les rangeant d'après la succession des instants où l'éclipsé commence à être visible. Notre tableau montre très nettement que ces instants se succèdent de l'ouest à l'est, c'est-à-dire dans le sens de la marche du cône d'ombre.







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Mise à jour : 18 avril 2005