La Grande Tache Rouge de Jupiter


Image Credit: Hubble Heritage Team (STScI/AURA/NASA) and Amy Simon (Cornell U.)



Jupiter est l'un des objets célestes les plus appréciés des astronomes amateurs. Entre les nombreux détails de son atmosphère, sa tache rouge et le balai de ses satellites, le spectacle est garanti, même dans un instrument modeste.


1) Jupiter en quelques chiffres :

Jupiter est la cinquième planète du système solaire.
Sa distance au Soleil est de 740 880 000 km au périhélie et de 815 920 000 km à l'aphélie, soit en moyenne 5,2 fois la distance Terre-Soleil.
C'est la plus grosse planète du Système solaire (diamètre à l'équateur : 142 800 km, soit 11 fois celui de la Terre). À elle seule, sa masse représente plus de 2 fois la somme des masses de toutes les autres planètes réunies !
Elle décrit son orbite en 11 ans et 315 jours (année jovienne).
Sa période de rotation est la plus courte du système solaire. À l'équateur (Système I), celle-ci est de 9h 51min ; aux latitudes supérieures (Système II), elle est de 9h 56min. Cette rotation rapide conditionne l'aplatissement très prononcé au niveau des pôles.
Elle possède 29 satellites (Adrastée, Métis, Amalthée, Thébé, Io, Europe, Ganymède, Callisto, Léda, Himalia, Lysithéa, Elara, Ananke, Carme, Pasiphae, Sinope, etc.)


2) L'atmosphère :

Jupiter est une planète gazeuse. Au centre, un petit noyau rocheux est entouré d'un océan d'hydrogène liquide. Au-dessus existe une couche d'hydrogène (88%) et d'hélium (11%), tous deux gazeux. Des cristaux d'ammoniac et de la glace de méthane, en réfléchissant la lumière solaire différemment selon leur longueur d'onde, dessinent autour de la planète des bandes de nuages de couleur rouge-brun et ocre-jaune.
La dynamique atmosphérique de Jupiter est très forte et manifeste de très grandes variations. Les différentes structures que l'on y retrouve témoignent de l'extrême turbulence de l'atmosphère, et correspondent à des formations nuageuses étirées par la rotation rapide de la planète, qui diffère selon la latitude.
On différencie grossièrement 2 types de structures :
- les bandes : brillantes (zones) ou sombres (ceintures),
- les taches ovales : brunes ou blanches, la plus grande est la Grande Tache Rouge.

Voici un schéma de la nomenclature standand de l'atmosphère jovienne :

  - NPR : North Polar Region ; Région Polaire Nord
- NNTZ : North North Temperate Zone ; Zone Tempérée Nord Nord
- NNTB : North North Temperate Belt ; Ceinture Tempérée Nord Nord
- NTZ : North Temperate Zone ; Zone Tempérée Nord
- NTB : North Temperate Belt ; Ceinture Tempérée Nord
- NTrZ : North Tropical Zone ; Zone Tropicale Nord
- NTrZB : North Tropical Zone Belt ; Ceinture de la Zone Tropicale Nord
- NEB : North Equatorial Belt ; Ceinture Équatoriale Nord
- NEBZ : North Equatorial Belt Zone ; Zone de la Ceinture Équatoriale Nord
- EZ : Equatorial Belt ; Zone Équatoriale
- EB : Equatorial Belt ; Ceinture Équatoriale
- SEB : South Equatorial Belt ; Ceinture Équatoriale Sud
- SEBZ : South Equatorial Belt Zone ; Zone de la Ceinture Équatoriale Sud
- GRS : Great Red Spot ; Grande Tache Rouge
- STrZ : South Tropical Zone ; Zone Tropicale Sud
- STB : South Temperate Belt ; Ceinture Tempérée Sud
- STZ : South Temperate Zone ; Zone Tempérée Sud
- SSTB : South South Temperate Belt ; Ceinture Tempérée Sud Sud
- SSTZ : South South Temperate Zone ; Zone Tempérée Sud Sud
- SSSTB : South South South Temperate Belt ; Ceinture Tempérée Sud Sud Sud
- SSSTZ : South South South Temperate Zone ; Zone Tempérée Sud Sud Sud
- SPR : South Polar Region ; Région Polaire Sud

Pour que l'atmosphère de Jupiter soit perturbée à ce point, il faut une importante source d'énergie que le Soleil seul ne peut apporter. Il faut donc chercher son origine dans le cœur de la planète. En effet, le noyau engendre de la chaleur par lente compression gravitationnelle de la planète. Cette chaleur interne produit de profonds courants de convection jusque dans les couches liquides de Jupiter, ce qui entraîne en s'associant à la rotation rapide de la planète ces mouvements complexes des nuages.


3) La Grande Tache Rouge (GTR) :

La formation atmosphérique la plus curieuse est sans aucun doute la GTR. Elle a été observée pour la première fois par l'astronome britannique Robert Hooke en 1664 sous la forme d'un ovale rouge dans la bande Sud.
À l'époque, les scientifiques croyaient que la GTR était constituée de volcans, corps flottants, océans, colonne de gaz surmontant un relief profond. Les sondes Voyager en 1979 mirent fin à ces conjectures fantasques.
Cette tache monstrueuse est en fait un immense tourbillon atmosphérique où règnent des vents de plus 500 km/h. Les nuages y tournent dans le sens inverse des aiguilles d'une montre, et mettent six jours pour en faire le tour, leur vitesse augmentant du centre vers le bord. Il s'agit donc d'un énorme orage anticyclonique, région de haute pression dont la partie supérieure des nuages est beaucoup plus haute et plus froide que les régions voisines.
La GTR n'est en fait que le plus grand d'une classe de phénomènes météorologiques, également constitués d'autres tourbillons anticycloniques, dont les fameux ovales blancs de la ceinture sud-tropicale.
La forme de la tache rouge est conique avec un sommet tronqué de deux tiers moins large que sa base. Des nuages de gaz riches en ammoniac quittent les couches profondes de cette perturbation et gagnent son sommet en décrivant des spirales (le sommet est à -146°C, inférieur de 2K aux températures des nuages environnant, qui se trouve à 8km en contrebas du sommet). Sa période de rotation n'est pas celle de la planète à cette même latitude, et elle subit une « dérive » irrégulière en longitude, comme si elle « flottait » sur l'atmosphère jovienne.
Sa teinte rouge pourrait provenir de la présence de composés carbonés ou de phosphore.

Toutes ces taches ovales peuvent être comparées aux zones persistantes de haute pression que l'on trouve sur Terre. Mais en revanche la stabilité et la pérennité de ces particularités joviennes sont étonnantes. La durée de vie exceptionnellement longue de ces cyclones géants (la GTR est observée depuis plus de 300 ans) est liée en grande partie au fait que les températures sont si basses (100 à 150° K) sur la planète que ces systèmes perdent très peu d'énergie.
Cependant les observations au sol ont démontré que la GTR n'avait pas toujours la même position ni le même aspect en fonction du temps.
Actuellement située dans la Zone Tropicale Sud à une latitude d'environ 35° (système II), en 1973 la GTR avait une latitude de 0°. Jusqu'en 1980 elle a augmenté de 65° pour grimper de 30° jusqu'en 1991. La tendance actuelle est à l'augmentation.
Sa taille s'est également modifiée au cours des années. Au début du XXe siècle, elle était longue de 40 000 Km et large de 15 000 Km. Ses dimensions actuelles sont 25 000 x 12 000 Km (de quoi engloutir 2 fois la taille de la Terre). En 2040 elle devrait être de la taille de la Terre et disparaître dans un siècle si tout continue comme cela sauf si un de ces plus petits tourbillons continue à s'avancer et se mélange avec la GTR.
De même sa couleur n'est pas constante, et donc l'appellation Tache Rouge est plus ou moins impropre. Parfois rouge brique ou saumon, voire rose vif, parfois plutôt grise ou presque blanche. Ainsi en 1927 ou en 1936 la « Tache Rouge » fut si pâle qu'elle disparut complètement.


En définitive, la GTR peut être assimilée à une tempête ininterrompue dans l'atmosphère de Jupiter. Présente depuis plusieurs siècles, elle finira par disparaître, mais nous avons encore largement le temps d'en profiter !



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