Le réglage fin de la correction d’erreur périodique : compensation de la boucle de rétroaction.     

Click here for an english abstract.


L’article ci-dessous est la synthèse d’un travail commun de réflexion et d'expérimentation réalisé en janvier et février 2007 avec Olivier Gadal. Les conclusions théoriques auxquelles nous en sommes arrivés nous ont permis de mettre en place un protocole de mesure de la durée de la boucle de rétroaction. Nos données de correction d’erreur périodique ont ensuite été traitées en fonction de cette mesure, permettant d’améliorer considérablement la qualité de notre suivi, autant sur le LX200 d’Olivier que sur mon LX90.

A – Qu’est-ce que la boucle de rétroaction, quel est son ordre de grandeur ?

Les dispositifs de correction d’erreur périodique qu’on trouve sur différents télescopes, notamment ceux de type LX de Meade, ont pour principe général de :


La question qui sera traitée ici est celle de la boucle de rétroaction : il s’agit de la durée que l’on peut décomposer de la manière suivante (en considérant le cas où le guidage est assuré par un ordinateur via un logiciel ad hoc et non manuellement) :

La durée de cette boucle de rétroaction, non négligeable, fait que la correction enregistrée, qui sera ensuite appliquée lorsque la PEC sera activée, arrivera donc toujours un petit peu trop tard.

Essayons d’évaluer ce « un petit peu ».


Si on voit bien que la durée totale de la boucle de rétroaction est surtout conditionnée par le temps de pose de guidage utilisé et qu’elle ne doit pas être supérieure à 1 – 1,5 seconde si la pose de guidage est de 1 seconde. Cependant, il n’est pas possible de la calculer directement.

B – Une approche théorique débouchant sur un protocole de mesure la durée de la boucle.

L’idée de base de cette approche m’est venue d’une remarque d’Olivier me signalant qu’après entraînement de la correction d’erreur périodique, ces images étaient globalement améliorées, mais que subsistait une oscillation plus marquée autour du point d’équilibre pour les segments aux environs desquels l’erreur initiale est maximale. Pourquoi une oscillation plus marquée à l’approche de ces segments ?

La courbe de PEC étant enregistrée, elle a l’aspect ci-dessous (NB, il s’agit des données d’un LX200, enregistrées sur trois cycles de vis tangente, soit 3 fois 8 minutes et 3 fois 200 segments) :



Cette courbe de correction, si elle était idéale, serait l’exact inverse de la courbe d’erreur périodique, dont l’aspect serait :



Appliquer la correction revenant à additionner l’erreur et sa correction, on obtient, toujours dans l’idéal :



L’erreur est parfaitement corrigée, est reste en permanence égale à zéro (courbe rouge).

Le retard introduit par la boucle de rétroaction fait qu’en réalité, la courbe de correction (bleue) est décalée vers la droite. L’erreur n’est plus parfaitement corrigée et il apparaît un résidu d’erreur, plus marqué pour les segments ou l’erreur est plus importante :



Le décalage des données semble visuellement imperceptible (dans l’exemple ci-dessus, elles ont été décalées de 1 segment de LX200, soit 2,4 secondes) et pourtant, l’effet est dévastateur ! De plus, on retrouve ce qu’Olivier décrivait comme une oscillation autour des segments où l’erreur initiale est la plus marquée ! Y a-t-il là à la fois l’explication de ce phénomène et la piste pour y trouver un remède ?

J’ai alors eu l’idée de mesurer le résidu d’erreur après correction (amplitude de crête à crête de la courbe rouge) pour des valeurs de décalage (shift) différentes entre les deux courbes. J’ai fait cette simulation à partir des courbes enregistrées par Olivier, en les décalant tout simplement sous Excel et en mesurant le résidu correspondant.

Le résultat qui saute aux yeux est que pour cette simulation, le résidu d’erreur est exactement proportionnel au décalage entre les données :



Bien sûr, il ne s’agit que de données simulées, mais elles donnent une piste pour un protocole de mesure et de correction de la boucle de rétroaction : introduire dans la raquette de commande différents jeux de données de correction, décalées vers l’arrière, puisqu’il s’agit de corriger un retard (shifts négatifs), enregistrer au moyen de poses CCD témoins les oscillation d’une étoile de référence, dresser un graphique de l’amplitude de ces oscillations en fonction de la valeur du shift et déterminer graphiquement, par interpolation ou extrapolation la valeur idéale du shift, qui n'est autre que la durée de la boucle de rétroaction.

C – Le protocole opératoire

1 - Mettre le télescope en mode PEC ON avec les données de correction enregistrées au cours d’une séance d’entraînement (ou mieux, la moyenne de plusieurs séances, voir article sur MyScope) ;
2 - Faire une série d'images d'une étoile assez brillante avec une pose courte (1/10 sec) au foyer (éventuellement réduit) avec une CCD ; images séparées de 5 sec ; pendant 1 cycle de vis tangente, soit 8 minutes pour un LX200, 9 minutes 20 pour un LX90, soit une centaine d'images ; fenêtrer pour occuper moins d'espace disque ; sauvegarder dans un répertoire ad hoc
3 - Charger dans l'autostar la courbe shiftée -0.1
2 bis - comme 2
3 bis - comme 3 avec courbe shiftée -0.2


Comment shifter les données ?

C’est simple avec le logiciel MyScope dont j’ai déjà exposé le fonctionnement :
D – Les résultats

Ayant procédé de cette manière, j’ai chargé successivement dans l’Autostar de mon LX90 des données shiftées de -0,1 à -0,5 segment (soit -0,37 à -1,87 seconde).

J’ai visé une étoile de référence sur ma CCD et fait des acquisitions de 0,1 seconde, espacées de 4,9 secondes, pendant un cycle de vis tangente (9 minutes 20), en laissant le télescope suivre, et en lui ayant chargé successivement les différentes courbes shiftées.

Sous Iris, il suffit de registrer les séries d’images pour que le logiciel produise un fichier appelé « shift.lst » qu’on peut ouvrir avec un éditeur de texte et transférer ensuite sous Excel pour analyse. Ce fchier comporte deux colonnes qui expriment, en pixels, le décalage de l'image courante en AD (1ère colonne) et en déclinaison (2ème colonne) par rapport à la première image de la série. On peut bien sûr convertir les pixels en arcsecondes en fonction de l'échantillonnage du dispositif.

On peut mesure l’amplitude de crête à crête sur un graphe, ou utiliser les fonctions min et max de la colonne de données et en faire la différence ; on peut aussi calculer l’écart-type de la série de données.

J’ai ensuite porté les résidus sur un graphe « nuage de points » en fonction du shift correspondant ; voici ce que j’ai obtenu avec les résidus de crête à crête :



On retrouve une relation linéaire entre le résidu d’erreur et le shift des données.

J'arrive ainsi à une conclusion conforme à la théorie échafaudée : le résidu d'erreur périodique passe par un minimum pour un shift de -0.25 qui correspond à une durée de rétroaction de 0,9 seconde pour mon LX90.

Dans le cas d’Olivier qui a conduit la même expérience avec son LX200, la boucle calculée est de 1,2 seconde, mais ce chiffre est largement fonction du temps de pose utilisé pour le guidage pendant le PEC TRAIN.

Le résidu de crête à crête est ce qui reste du maximum d’erreur après correction (voir les 3 pics de la courbe rouge plus haut). Il suffit à ruiner une pose longue qui n’aurait pas eu la chance de se glisser dans une zone de calme relatif. Mais même dans ces zones, le résidu d’erreur existe, même s'il est moindre. Plutôt que de le calculer comme une distance de crête à crête, on peut calculer, pour chaque série de données shiftées, l’écart-type des erreurs constatées, qui sera significatif de ces petites oscillations résiduelles.

Là aussi, j’ai dressé un graphique de cet écart-type en fonction du shift :



La courbe est moins anguleuse, mais elle montre bien à nouveau un minimum pour un shift de -0,25 environ, ce qui corrobore les conclusions précédentes.

E – Réinjecter les données

Deux options sont envisageables :

On peut garder la courbe shiftée à -0,2 et la réinjecter dans la raquette (la précision des corrections de MyScope est d’un dixième de point, soit 0,37 sec pour un LX90 et 0,24 sec pour un LX200). On obtiendra alors un résidu maximum d'erreur de 12 arcsec, contre 36 avec les données non corrigées, soit 4 pixels pour mon échantillonnage habituel.

On peut aussi faire, sous MyScope, la moyenne des deux courbes-0,2 et -0,3 qui pourra constituer une approximation d’une courbe shiftée de -0,25. Dans ce cas, on pourra espérer réduire l'erreur maximale à 5 arcsec, soit 1,7 pixel.

C’est ce que j’ai fait, mais depuis, le ciel ne m’a pas permis de constater un éventuel progrès par rapport à la courbe shiftée de -0,2.

De son côté, Olivier a envoyé dans sa raquette différentes courbes shiftées, et a pu constater les progrès directement sur ses images de galaxies (150 galaxies par nuit, sans guidage – d’où l’importance d’une PEC efficace - dans le cadre d’un programme de recherche de supernovae). Résultats : là où sur 150 images posées chacune 2 minutes, 20 étaient inutilisables pour cause de dérive de l’ordre de 5 pixels, la courbe shiftée de -0.5 lui a donné des résultats pratiquement toujours parfaits. Il a donc allongé ses temps de poses à 3 min pour détecter d'éventuelles Sn plus faibles.