La découpe du polystyrène


L'emploi du polystyrène dans la construction d'un scope léger et rigide s'avère indispensable.

Si cette approche ne pose aucun problème particulier, hormis le temps supplémentaire nécessaire à la confection des panneaux composites (poly+contreplaqué), la fabrication d'une table de découpe spécifique facilite grandement la tâche, et apporte une précision supérieure au traditionnel cutter.

Le principe repose sur la fusion du poly au contact d'un fil chauffant. Le travail est donc plus net et, surtout, les découpes circulaires sont faciles à effectuer.

A titre d'exemple, voici les grandes lignes pour la réalisation et l'utilisation d'un plan de travail dédié aux coupes circulaires (adaptables aux coupes droites) du polystyrène extrudé.

 

1. Le matériel

La table proprement dite se compose de planches de contreplaqué et de tasseaux collés à la PU (un bon exercice avant la réalisation du télescope). Une "gouttière" centrale dans l'épaisseur de l'ouvrage accueille un "curseur" libre de s'y déplacer longitudinalement.

Note : si vous optez pour une table amovible indépendante de votre établi, la longueur d1 doit être supérieure à d2 pour éviter un basculement de l'ensemble lors de sa mise en place, en porte-à-faux, sur votre espace de travail.

 

planche_vue_dessus

 

Sur ce schéma, vu de dessus, la table repose sur un établi (fixée à l'aide d'un serre-joint, non représenté). Le curseur central se trouve dans sa gouttière. A gauche, le fil chauffant est tendu entre la table et un bras, dont la longueur détermine la profondeur de coupe maximale.

Dans le cas présent, ce bras est indépendant de la table et fixé au mur de la pièce, à cause des impératifs du lieu et du souhait d'avoir une marge de coupe importante. Bien entendu, on peut tout à fait imaginer un ensemble table/bras solidaires l'un de l'autre.

 

detail_bras_curseur          detail_gouttiere

 

La surface de la table doit être assez lisse pour permettre un déplacement doux du poly. Suivant la nature du contreplaqué utilisé, on poncera plus ou moins (+ un éventuel polissage). Un vernissage ou le placage d'une matière plastique (feuille de téflon?) apporterait un plus indéniable...

 

Le curseur. Son utilité réside essentiellement dans les coupes circulaires, car son axe central (constitué d'une tige filetée) matérialise leur centre. La distance entre la tige filetée et le fil chauffant n'est autre que le rayon de nos futurs cercles de poly.

La hauteur du bloc doit être équivalente à celle de la gouttière, de telle sorte que leurs plans coïncident. Cette précaution n'est pas indispensable (la hauteur du curseur peut être plus basse que la table, mais en aucun cas plus haute).

Lors des coupes, le serrage de la pièce se fait par le biais d'un écrou standard, borgne ou papillon, au pied de la tige filetée, avec une rondelle qui assure un bon maintien sous la table.

 

schema_curseur

Le curseur se compose d'un morceau de contreplaqué (en jaune) et d'aluminium taraudé (en gris) collés ensembles (par exemple, à l'époxy). Cette partie métallique sert de contre-écrou lors du serrage au pied de la tige.

Une alternative consiste à remplacer l'alu par un écrou enfoncé et collé dans le ctp.

 

 

Le fil chauffant. Il en existe de tous diamètres, et on le trouve en général chez le marchand de modèles réduits. Préférez un fil très fin (0.2 mm) et résistif. Il s'altère moins lors de son échauffement (oxydation) qu'un fin fil d'acier normal.

Obtenir une coupe nette et aisée repose sur plusieurs facteurs dont le premier : la rigidité du fil. En effet, lors du passage du poly, celui-ci exerce une force sur le brin d'acier et peut, dans le pire des cas, dévier sensiblement de son axe. Cet effet est d'autant plus accentué que l'échauffement du fil provoque sa dilatation, donc une plus grande élasticité incompatible avec la précision recherchée.

Pour pallier cet inconvénient, il faut tendre le câble. Contrepoids, poulies, ressorts, traction autour d'un axe,... les solutions abondent. Dans l'exemple présent, l'emploi d'un ressort de traction solidaire du bras s'est avéré efficace et d'une mise en œuvre facile.

 

schema_fil_ressort

Dans un morceau de tasseau, forer un trou d'un diamètre égal à celui du ressort de traction (à crochets). Au milieu d'une vis (ex. M4), fixer et serrer le ressort entre deux écrous. Scier le dessus du tasseau et l'"usiner" pour pouvoir engager la vis. La solidariser à l'aide d'un écrou, et le tour est joué.

Au niveau du fil, sectionner la longueur utile suivant l'épaisseur du poly (20, 30, 40 mm) + une marge pour faire deux petites boucles. Chacune se place au niveau d'un crochet (en haut, celui du ressort; en bas, celui d'un piton vissé dans un morceau de ctp fin (de même surface que le curseur, pour se caler dans la gouttière).

 vue frontale

 

Le bras et son support doivent résister à la traction du fil. Plus le bras est long, plus l'effet de levier et sa flexibilité augmentent. Aussi l'ensemble doit-il être assez rigide pour éviter ce désagrément.

Le bras (voir photo du haut) est constitué d'une latte de ctp18mm renforcée par une cornière d'acier en U (type "rail de bibliothèque" qui possède déjà des trous sur toute la longueur)

 

support_mural
Grâce à sa forme triangulée, le support mural contribue à maintenir le bras dans les meilleures conditions (lequel se fiche sur deux tiges filetées)

 

L'alimentation électrique. C'est le point le plus délicat à maîtriser, car il dépend de la résistance électrique du fil. Trop fin et trop court avec une intensité électrique élevée, il devient incandescent et finit par éclater.

On pourrait calculer exactement la tension à appliquer en fonction de la longueur de câble, mais si les formules vous rebutent, une approche empirique permet néanmoins un résultat convenable. Dans ce cas, l'emploi d'un transformateur (alternatif ou continu) muni d'un variateur s'avère incontournable.

Compter environ 6v pour 15cm de fil 0.2mm.

A partir des bornes, deux pinces crocodile se rendent chacune à une boucle du fil (ou sur la visserie du montage précédent, si elle est métallique).

 

 

transformateur

Si tous les réglages du variateur posent problème et que le fil éclate, c'est que votre transformateur est trop puissant. Dans ce cas, on peut néanmoins utiliser l'appareil en jouant sur la position d'une des deux pinces crocodile par rapport à une extrémité du fil.

Lors de la réalisation d'une des deux boucles, laisser le reste du fil "pendre", et trouver la distance optimale d (pour une position minimale du variateur) qui empêche le fil d'éclater.

Ceci a pour effet d'augmenter la résistance du système et "soulage" le fil chauffant, qui ne joue plus le rôle de fusible.

 

 

2. Mode opératoire

Le tracé sur une surface aussi fragile que le poly doit s'opérer en concordance avec la précision du procédé de chauffe. Etant donné qu'il permet des coupes du style "laser", autant s'aligner sur cette approche, et opter pour un marqueur à fine pointe plutôt qu'un stylo à bille qui aurait tôt fait de percer le matériau.

Seule ombre au tableau : le champ de chaleur qui émane du fil. Suivant le réglage électrique, il "brûlera" plus ou moins fort, et le trait de coupe peut s'élargir considérablement. Cette fusion intempestive du poly est d'autant plus accentuée que la vitesse d'exécution est lente.

 

trace

Dans le meilleur des cas (bon réglage du transfo et vitesse d'exécution rapide), on peut couper suivant le tracé (1).
Plus longtemps le fil reste au même endroit, plus la chaleur qu'il dégage entame le poly (2).
On peut éventuellement tenir compte de cet effet, et couper le long du tracé (3).

 

La mise en place du poly sur le curseur demande une attention particulière, dans la mesure où la tige filetée représente l'axe de rotation pour les découpes circulaires. Dès lors, tout jeu à ce niveau engendre une dérive en cours de procédure. Voyons comment éviter ce piège...

 

poly_poincon

Découper un carré (ici, le cutter fera l'affaire) plus large que le disque à obtenir. Déterminer le centre, et à l'aide d'un poinçon percer délicatement le poly.

Comme il faut placer la tige filetée du curseur par dessous le poly, répéter l'opération à l'arrière de celui-ci, en agrandissant le trou pour obtenir un diamètre à peine plus petit que celui de la tige filetée.

 

poly_curseur

Maintenant, il suffit de placer le carré sur la tige filetée en forçant légèrement, de telle manière que ce soit elle qui forme l'orifice définitif.

Au besoin, on tournera le carré comme pour le visser sur la tige.

 

 

La découpe proprement dite peut commencer. Prenons l'exemple d'un cercle destiné à l'anneau d'une cage secondaire.

Comme vu précédemment, c'est la distance entre l'axe de rotation et le fil chauffant qui détermine le rayon d'un disque. Il suffit donc de mesurer et de tracer directement sur le poly la distance souhaitée (avant de percer et de placer la pièce comme décrit ci-dessus). On évite ainsi le tracé global d'un cercle ou le placement du curseur le long d'une graduation dépendante de la table (cette solution peut être séduisante mais a priori source d'une plus grande erreur)

Le fait de tracer plusieurs rayons d'un même disque parfait le contrôle d'une coupe. Chaque quart de tour, par exemple, le fil chauffant devrait se trouver "au même endroit", c'est-à-dire coïncider avec une tangente du cercle.

 

decoupe_circulaire

Amener le fil chauffant au bord du premier cercle (1), couper le transfo, et serrer le curseur. Rallumer le transfo et commencer la rotation du poly (2).

Après l'obtention du disque, répéter la procédure pour le rayon intérieur.

En résumé : carré > disque > anneau.

 

Petit inconvénient, sans gravité : on passe à travers le disque pour rejoindre le rayon de la découpe interne. En cas de collage d'inserts en contreplaqué (théoriquement, c'est incontournable), on peut s'arranger pour effectuer cette "cicatrice" à leur niveau.

 

disque_anneau

 

Les découpes droites se font à partir d'un guide fixé sur le curseur. Une section de tasseau suffit, mais il faut tout de même contrôler son parallélisme avec le plan du fil chauffant. 

Comme il n'y a qu'un point de fixation pour le guide, cela peut nuire à son maintien. Une rondelle et un écrou papillon sur la tige filetée du curseur améliorent cet état (les plus ingénieux peuvent construire une table à double gouttière, ce qui permettrait de placer deux curseurs indépendants, et d'effectuer des coupes angulaires).

 

coupe_droite

Une équerre assure des coupes à 90°. Le tasseau, fixé sur la tige filetée du curseur par le biais d'un écrou, peut aussi être solidaire de la table à l'aide d'un serre-joint.

Comme pour les coupes circulaires, inutile de tracer la ligne sur le poly. La distance entre le fil chauffant et le guide suffit. En poussant la pièce vers l'avant, veiller à exercer en même temps une pression constante contre le tasseau, pour obtenir une découpe régulière.

 

3. Remarques

Avant d'effectuer les découpes, en particulier les circulaires, il faut tracer tous les repères pour la mise en place ultérieure d'inserts. Etant donné que le centre représente l'origine de toutes les mesures, une fois celui-ci percé et l'anneau obtenu, il ne sera plus possible d'en tenir compte sans artifice (rayons de bois, report sur feuille, etc.)

 

La précision du système dépend grandement de la réalisation du curseur, de la tension du fil, de la vitesse d'exécution des coupes. 1/2 ou 1 millimètre d'erreur représente une limite accessible, mais en cas d'écart plus important, il est toujours possible de corriger au moment du collage par l'emploi de la pâte à bois. C'est juste une étape supplémentaire qui ne nuit pas à la rigidité du montage.

 

Si le bras est indépendant de la table, veiller à placer celle-ci correctement sur l'établi, de telle manière que le fil chauffant soit bien d'aplomb lors de sa fixation entre le ressort et le piton de la gouttière.

 

Pour débiter les grands panneaux de poly (exemple, pour l'obtention de carrés), préférer l'utilisation du cutter par passages successifs de la lame sur le tracé. L'opération est plus rapide que la coupe au fil chauffant, et ne demande pas une grande précision puisque les chutes sont comprises dans le calcul des cotes.

 

Un dernier mot, à propos du polystyrène. Il en existe de différentes qualités et de différentes épaisseurs (en général par incrément de 10mm), mais aussi de différentes "rigidités". Si le poly expansé (frigolite) est déjà exclu de nos propos, vérifier la qualité du poly extrudé. Sa surface doit être lisse, et une simple pression entre le pouce et l'index donne une bonne information sur sa consistance.

 

 

panneaux_poly

Un poly n'est pas l'autre... certains fournisseurs délivrent un polystyrène extrudé moins lisse, qui dénote une qualité suspecte (le poly jaune de gauche est "strié", alors que le rose de droite est parfaitement lisse)..

Ceci peut paraître négligeable, mais la précision des découpes dépend de leurs tracés, donc de la surface sur laquelle celles-ci sont effectuées.

 

 

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