L’OCCULTATION NORMALE

    Dans le cas des observations d’occultations normales nous rencontrons, selon la phase ascendante ou descendante de la Lune, deux conditions d’observabilité.

Fig. 1. Aspect d’une occultation entre la nouvelle lune et la pleine lune.

Fig. 2. Aspect d’une occultation entre la pleine lune et la nouvelle lune.

1. Entre la nouvelle lune et la pleine lune les disparitions ont toujours lieu au bord obscur (A) et les réapparitions au bord éclairé (B). Dans le premier cas l’observation est très facile, mais dans le second cas elle est presque impossible (figure 1).

2. Entre la pleine lune et la nouvelle lune les disparitions ont toujours lieu au bord éclairé (C) et les réapparitions au bord obscur (D). Dans le premier cas l’observation est très difficile, mais facile dans l’autre cas (figure 2).

Conditions d’observation

    Pour réussir une observation d’occultation nous devons tenir compte de deux facteurs : les conditions d’observabilité et la magnitude de l’étoile. En effet, si l’étoile est assez brillante la disparition en C sera bien visible, tandis que si elle est faible elle sera pratiquement inobservable. Quant aux réapparitions en B, inutile de les tenter, sauf si l’étoile est très brillante (Aldébaran ou Spica par exemple), mais de toute façon ces mesures seront toujours imprécises.

    De plus, l’instant où l’on s’aperçoit que l’étoile est à nouveau visible n’est pas nécessairement l’instant réel de sa réapparition car notre vision n’est peut-être pas dirigée dans la bonne direction. Pour pallier à cet inconvénient, il faut placer un masque au foyer de l’oculaire.

    La réalisation de ce masque est très simple si on utilise la technique photographique. Tracez deux cercles dont le plus grand est tangent au centre du champ afin de pouvoir centrer la Lune dans sa totalité (figure 3). Reproduire ce dessin photo-graphiquement, le voile du film permettra d’atténuer l’éclat de la Lune afin d’éviter l’éblouissement. Le diamètre du diaphragme de l’oculaire, que représente le cercle extérieur, et la dimension de la Lune au foyer de l’instrument permettent de déterminer la dimension finale du masque. Le rayon de la Lune variant de 14,7’ à 16,8’ selon sa distance à la Terre, les rayons des deux cercles de centrage devront valoir respectivement 0,0043 et 0,0049 fois la longueur focale de l’instrument. Découpons un trou rectangulaire reprenant les deux cercles et légèrement excentré pour permettre une vision bien contrastée de la zone où va réapparaître l’étoile et plaçons ce masque au plan focal de l’oculaire. Choisir un oculaire ayant un champ de 1° minimum afin que la Lune puisse être entièrement visible dans le champ. Il ne reste plus qu’à fixer un index à l’extérieur de cet oculaire et à l’emplacement exact indiqué par la flèche sur le masque.

Fig. 3. Réticule fabriqué par Jean Bourgeois et utilisé par l’auteur.

Fig. 4. Index fabriqué par Jean Bourgeois et monté sur son télescope de 300 mm.

    En faisant tourner l’oculaire dans le porte oculaire, nous faisons voyager l’index sur un rapporteur convenablement orienté — c’est-à-dire que la ligne fictive partant des 180° et passant par le centre de l’oculaire ainsi que par le 0° du rapporteur soit parfaitement alignée avec l’axe polaire de la Lune — et solidaire du télescope (figure 4). Supposons par exemple qu’une étoile doit réapparaître à un angle PA de 270°. En plaçant l’index à l’endroit du rapporteur où est situé les 270°, nous verrions l’étoile réapparaître à l’intérieur du petit rectangle découpé dans le masque.

Les prédictions

    Il est également nécessaire de savoir quand observer ces phénomènes : on peut trouver ces prédictions (étoiles jusque la magnitude 7) dans différentes revues : Annuaire de l’Observatoire Royal de Belgique, Éphémérides de la Société Astronomique Française, etc. Celles-ci donnent entre autres les dates et heures (UT) des instants de contacts des phénomènes visibles de différents sites ainsi que les formules permettant de calculer, très facilement, ces instants pour d’autres lieux, pour peu qu’ils se trouvent environ à moins de 300 km du lieu pour lequel la prédiction a été réalisée. L’erreur sur l’instant n’excédera pas la minute.

    Pour obtenir gratuitement les prédictions d’occultations d’étoiles plus faibles que la magnitude 7 et pour un site bien déterminé, il suffit d’en faire la demande à l’auteur (Jean Schwaenen - Allée D 5 - 6001 Marcinelle - Belgique. Ces prévisions — étoiles jusqu’à la magnitude 15 si l’instrument le permet — contiennent entre autres : le numéro XZ (catalogue spécial d'étoiles zodiacale) de l’étoile, sa magnitude, son spectre, la facilité de l’observation, la date, l’heure, le genre de phénomène (D pour disparition, R pour réapparition), l’angle au pôle (PA) et au terminateur (CA), les données sur la Lune, les librations, la position de l’étoile, etc.

    Pour chaque observation il est nécessaire de connaître sa position sur Terre en longitude et en latitude avec une précision de 1" (environ 30 m en latitude et 20 m en longitude pour nos régions) et l’altitude en mètres au-dessus du niveau de la mer.

L’observation

    Étant en possession de toutes les données nécessaires, on peut maintenant commencer l’observation en pratiquant comme suit : afin de bien repérer l’étoile et de la suivre jusqu’à sa disparition ou de bien situer l’endroit du bord lunaire où elle va réapparaître (CA ou PA), il est recommandé d’être prêt à observer au moins un quart d’heure à l’avance. N’oublions pas que ce sont des phénomènes quasi-instantanés qui souvent surprennent l’amateur inexpérimenté par leur soudaineté.

    Il est cependant conseillé de ne pas fixer trop longtemps l’étoile, car la tension engendrée à la longue risque de faire dévier l’image de l’étoile sur le point aveugle de l’œil (figure 5), ce qui aurait pour effet de provoquer de courtes pertes de vue de l’étoile. Il faut plutôt observer indirectement ou procéder à un court balayage du champ.

    Pour la compréhension du lecteur il est bon de savoir que le C.A. (cusp angle), est l’angle compris entre l’extrémité du terminateur la plus proche et l’endroit du limbe où aura lieu le phénomène. Celui-ci est compté de 0° (nord ou sud) à 90° le milieu de ce bord. La figure 6 illustre une disparition à C.A. –40° sud. Lorsque l’angle C.A. est négatif cela signifie que le phénomène a lieu au bord éclairé de la Lune. Quant à l’angle de position (PA) du point de contact, il est mesuré du centre de la Lune, à partir de son pôle céleste boréal, dans le sens N-E-S-O (contraire aux aiguilles d’une montre). La figure 7 illustre une réapparition à P.A. 230°.

    Tenons compte aussi que les instruments astronomiques retournent les images, tels les télescopes qui inversent le nord et le sud. Vérifier également le bon fonctionnement de votre récepteur DCF 77 et du magnétophone, les piles ne sont pas éternelles.

Fig. 6. définition de l’angle au terminateur (C.A. cusp angle) avec disparition de l’étoile au bord éclairé, à l’angle C.A. –40° S.

Fig. 7. Définition de l’angle P.A. avec réapparition à l’angle 230° P.A.

Circonstances locales d’une occultation

    Soient la Terre, L la Lune et E une étoile supposée à l’infini (figure 8). Par le centre de la Terre, faisons passer un plan appelé Plan fondamental perpendiculairement à la direction de l’étoile. L’intersection de ce plan (que nous noterons p) avec l’équateur terrestre en X est l’axe TX. L’axe TZ sera tout simplement la direction de l’étoile. Menons dans ce plan p l’axe TY perpendiculairement aux deux autres et dirigé au nord de l’équateur. Le plan fondamental est immuable, puisqu’il est perpendiculaire à la direction d’une étoile fixe (aux mouvements propres près). La projection du centre de la Lune (L) dans ce plan est M dont les coordonnées x, y sont deux des éléments de Bessel. Plaçons ensuite sur la Terre un observateur O, d’altitude alt et situé aux points de coordonnées r cos j’ et r sin j’. D’une manière similaire, traçons les coordonnées x et h du point M’ dans ce plan fondamental de la projection de O elle-même parallèle à l’axe TZ. Dans ce plan, la distance des points M et M’est P, toutes les longueurs sont généralement exprimées en rayon équatorial terrestre  (6 378 140 km). Dans cette unité le demi-diamètre lunaire (k) équivaut à 0,272 507 6.

     On comprend, dès lors, que l’on enregistrera une disparition et une réapparition aux instants pour lesquels on aura l’égalité P = k, c’est-à-dire lorsque l’observateur entre et sort du cylindre d’ombre porté par la Lune.


Fig. 8. Positions repérées dans le plan fondamental.