NOTE TECHNIQUE

Ajustement du "Exposure Time Calculator LHIRES III"


L'outil "Exposure Time Calculator" de LHIRES III est un tableur Excel permettant d'évaluer la performance du spectrographe dans ces différentes configurations. Il permet en particulier d'anticiper le rapport signal sur bruit attendu lors de l'observation d'une étoile donnée, ce qui est très précieux pour le travail préparatoire. Pour plus de précision sur l'outil ETCL, voir ici.

De très nombreux paramètres instrumentaux interviennent dans la calcul. La plupart peuvent être déduits des caractéristiques techniques constructeurs des composants du spectrographe. Ces valeurs sont cependant entachées d'incertitudes. Pour améliorer la précision de l'outil ETCL on a observé avec LHIRES III une étoile et comparé ce qui est attendu du calcul à ce qui est observé réellement sur le ciel. La variable d'ajustement principale pour faire coïncider le calcul à l'observation est ici le rendement des réseaux à diffraction, pour lesquels l'incertitude est la plus grande.

Deux configurations ont été vérifié, l'une avec le réseau de 2400 traits/mm, l'autre avec le réseau de 1200 traits/mm.

Létoile observée est 62 And, de magnitude V=5.31 et de type spectral A1V. Les paramètres de cette étoiles pour ETCL sont (température effective et correction bolométrique) :

Te = 15000 K
BC = -1.00

Le graphe suivant (figure 1) montre la consistance entre le modèle d'étoile simulé (en bleu) et le modèle de la base Kurucz (pour une étoile de magnitude 10). L'accord est jugé satisfaisant pour notre application.


Figure 1. Modèle ETCL en bleu et modèle Kurucz en rouge. Le continuum de l'étoile est ajusté de manière correcte par ETCL dans le domaine spectral d'intêret.

L'observation a été réalisé depuis l'observatoire de Castanet-Tolosan le 13 août 2006 (proche de Toulouse). L'étoile était pratiquement au zénith avec une transmission atmosphérique jugée moyenne. On a fixé à 0.85 cette transmission pour le calcul et pour tous le domaine spectral.

Le télescope est un Celestron 11 (D=0.28 m). Le spectrographe est monté au foyer f/10 de celui-ci. La caméra est une Audine avec un CCD Kodak KAF-0402ME. Le gain électronique est de 2 électrons par pas codeur.

Pour annuler l'erreur sur la fonction de fente, cette dernière est retirée lors des meures proprement dite. Ceci élimine l'impact du seeing ou encore des erreurs de suivi sur la mesure du rendement.  Le rendement observé ici est donc le produit du rendement optique et du rendement du détecteur (voir les commentaires à la fin de la page concernant la "transmission" de la fente).

Les temps de pose vont de 120 secondes à 180 secondes. Durant ce laps de temps il n'y a pas de guidage possible puisque la fente n'est pas en place. Ceci n'est pas critique car on ne s'interresse pas à la résolution spectral, mais au flux intégré dans la trace du continuum.

On observe 4 régions spectrales autour de la raie Halpha (l=6563 A), du doublet jaune du sodium (l=5892 A), du triplet du magnesium (l=5170 A) et de la raie Hbeta (l=4861 A).

Les spectres sont traités de manière habituelle (soustraction de l'offset, du dark, et élimination du fond de ciel). Le signal en nombre de comptes (cps) dans le continuum est mesuré avec l'outil L_COUNT de IRIS/SpIRIS.

Le tableau 1 donne le niveau de comptes observé, ramené à un temps de pose de 1 seconde avec le réseau de 2400 traits/mm :

Tableau 1
Signal observé avec le réseau de 2400 traits/mm

Lambda (A)

Comptes/seconde

6563

17.6

5892

37.5

5170

44.2

4861

35.4

Le tableau 2 donne le niveau de comptes observé, ramené à un temps de pose de 1 seconde avec le réseau de 1200 traits/mm :

Tableau 2
Signal observé avec le réseau de 1200 traits/mm

Lambda (A)

Comptes/seconde

6563

66.5

5892

118.9

5170

103.0

4861

93.6

Le tableau 3 donne les paramètres techniques adoptés pour le calcul.

Tableau 3
Paramètres instrumentaux

Lambda (A)

Transmission atmosphère

Transmission du télescope

Transmission  de l'optique spectro (hors réseau)

Rendement quantique du CCD

6563

0.85

0.88

0.84

0.70

5892

0.85

0.88

0.84

0.72

5170

0.85

0.88

0.84

0.58

4861

0.85

0.88

0.84

0.50

L'obstruction centrale du télescope est prise égale à 0.33.

A partir des éléments précédent, on déduit les valeurs de rendement des réseaux de 2400 traits/mm et 1200 traits/mm pour faire coïncider le calcul et l'observation. Le tableau 4 donne le résultat trouvé.

Tableau 4
Efficacité calculée des réseaux du spectrographe LHIRES III

Lambda (A)

Efficacité du réseau
2400 traits/mm

Efficacité du réseau
1200 traits/mm

6563

29%

36%

5892

42%

50%

5170

43%

41%

4861

41%

43%

Le tableau 5 donne pour le réseau de 2400 traits/mm le rendement global de l'ensemble de l'instrumentation lorsque le spectrographe est utilisé au foyer d'un télescope du type C11 (ce rendement prend en compte une transmission caractéristique de l'atmosphère pour un site de plaine et l'efficacité quantique du détecteur). La dernière colonne du tableau donne le rendement pour une fonction de fente de 19%. C'est la valeur caractéristique trouvée depuis l'observatoire de Castanet-Tolosan avec une fente de 25 microns de large. Le "seeing équivalent" est de l'ordre de 9 seconde d'arc. Ce "seeing équivalent" inclue à la fois la turbulence atmosphérique (souvent médiocre à Castanet-Tolosan) et le bougé de l'étoile associé aux erreurs de guidages en longue pose. Il est facile de mesurer la fonction de fente en faisant le rapport entre le signal trouvé avec la fente en place (et en faisant une bonne focalisation de l'étoile ainsi qu'un bon guidage si possible !) et le signal trouvé sans la fente. Noter que depuis ce lieu d'observation et avec la fente en question, suivant l'état de l'atmosphère, la transmission de fente peut fluctuer entre 15% et 25%.

Tableau 5
Rendement de la chaîne d'acquisition LHIRES III avec un réseau de 2400 traits/mm et un télescope C11.

Lambda (A)

Rendement global
avec une transmission de fente de 100%

Rendement global avec une transmission de fente de 19%

6563

9.7%

1.8%

5892

14.5%

2.8%

5170

11.9%

2.3%

4861

9.8%

1.9%

Le tableau 6 donne le rendement global avec le réseau de 1200 traits/mm.

Tableau 6
Rendement de la chaîne d'acquisition LHIRES III avec un réseau de 1200 traits/mm et un télescope C11.

Lambda (A)

Rendement global
avec une transmission de fente de 100%

Rendement global avec une transmission de fente de 19%

6563

12.1%

2.3%

5892

17.2%

3.3%

5170

11.4%

2.2%

4861

10.3%

2.0%

L'écart entre une transmission de fente de 100% et une transmission de l'ordre de 20% est ce que l'on peut espérer gagner ou perdre en fonction de la qualité du télescope, du soin apporté à la focalisation de l'étoile, de la qualité du site d'observation, de la presence de vent, ... A ce jeu, il faut souligner que les petites télescopes sont avantagés (moindre sensibilité à la turbulence, guidage plus simple car la focale est plus courte).

Il est bien sur toujours possible d'élargir la fente, mais bien entendu cela se fait au détriment de la résolution spectrale et de la consistance temporelle des observations. Avec LHIRES III, on peut par exemple ouvrir la fente jusqu'à 30 microns, ce qui permet encore d'observer avec une résolution spectrale proche de 15000 avec le réseau de 2400 traits/mm, ce qui demeure très correct. En même temps que l'on ouvre la fente, le rendement global augmente vite. Mais attention à bien surveiller la résolution spectrale (voir la figure 2). En ajustant soigneusement la largeur de fente, il faut trouver le juste milieu entre la résolution spectrale et la capacité de son site et de son instrumentation. La limite maximale en rendement est bien sur la valeur calculée dans les tableaux 5 et 6 pour une transmission de fente de 100%. Il faut souligner que le rendement des meilleurs spectrographes professionnel atteint difficilement 25% et que l'efficacité maximale de la chaîne complète d'un instrument performant comme HARPS ne dépasse guère les 5% (le rendement de l'instrument CORALIE associé à son télescope, qui a permis la découverte de la première exoplanète, a une efficacité pic de 1.5%). LHIRES III est en deçà, mais tout de même pas dramatiquement éloigné !


Figure 2. Comparaison d'un spectre de l'étoile Gamma Cas acquis avec une fente et sans fente. Noter la différence de résolution spectrale. Le cas sans fente est favorable car le temps de pose n'est que de 60 secondes et le télescope n'a pas eu le temps de beaucoup dérivé durant ce laps de temps.

On peut encore noter que le rendement maximal de LHIRES III à un pic au niveau du doublet jaune du sodium avec la caméra CCD utilisée. La région de la raie Halpha obtient la moins bonne note, mais avec tout de même une chute de rendement assez bien maîtrisée. Bien sur, il faut aussi considérer la distribution spectrale de l'étoile étudiée. L'examen des tableaux 1 et 2 montre que dans le cas de l'observation d'étoiles bleus (les Be par exemple), les courtes longueurs d'onde sont favorisée. Par exemple, avec le réseau de 2400 traits/mm, on observe pour un même temps de pose deux fois plus de signal au niveau de la raie HBeta qu'au niveau de la raie Halpha. Ce type de considération peut dicter des stratégies d'observation.

Pour la zone de la raie Halpha et une étoile de type spectral A1V, la table 7 donne la magnitude atteinte limite en fonction du rapport signal sur bruit objectif (SNR, Signal to Noise Ratio). Le temps de pose total est d'une heure, morcelé en 12 poses élémentaires de 5 minutes. Le capteur CCD est un KAF-0402ME avec un bruit de lecture pris égal à 18 électrons. On suppose que le spectre couvre 12 pixels suivant l'axe transverse à la dispersion. La transmission de fente est prise égale à 0.19. Enfin, le télescope est un SC de 0.28 m.

Table 7
Magnitude limite atteinte en fonction du rapport signal sur bruit pour un temps de pose d'une heure
Télescope de 28 cm.

Configuration

SNR=25

SNR=50

SNR=100

SNR=150

2400 traits/mm
R=17 000

7.5

6.7

5.9

5.4

1200 traits/mm
R=6 200

8.9

8.1

7.3

6.8



Figure 3. La fine fente du spectrographe LHIRES III le jour de ces essais, interceptant une partie de l'image de la Lune. La fente est le trait noir horizontal. L'image est observée par la voie guidage du spectrographe (caméra Watec 120N).

Vous pouvez télécharger le fichier ETCL.XLS actualisé en cliquant ici.


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