NOTE TECHNIQUE

FOCALISATION OPTIMALE D'UNE ETOILE SUR LA FENTE DU SPECTROGRAPHE LHIRES III


La bonne focalisation de l'étoile observée sur la fente d'entrée du spectrographe a une importance déterminante sur le rendement. La fente bloque en effet fortement le passage des photons dans une image stellaire si cette dernière est élargie par un défaut de mise au point.

Le meilleur critère de bonne mise au point est celui qui consiste a éteindre au maximum l'image de l'étoile lorsque celle-ci est en position au mieux entre les deux bords de fente.

Le petit film fente1.wmv (320 Ko) on montre un cas réel d'image en sortie de la caméra vidéo de guidage de LHIRES III. L'étoile visée est 59 Cyg (V=4.7). Le télescope est un Celestron 11 (D=0.28 m F/D=10). La caméra de guidage est une Watec 120N.  La fente a une largeur d'environ 18 microns. L'étoile était au zénith et la turbulence modérée lors de cette acquisition.

Sur ce film de 20 secondes la fente est verticale. L'axe des ascensions droite est horizontal. On réalise un mouvement de va et vient avec le mouvement lent en ascension droite du télescope. Au départ, l'étoile est à gauche de la fente. Puis ensuite, on agit sur le mouvement lent pour déplacer l'étoile vers la droite, c'est à dire en direction de la fente. A un certain moment, l'étoile est au centre de la fente et elle disparaît alors pratiquement totalement. Cela signifie que le flux stellaire entre dans le spectrographe : c'est bien le but recherché. Le mouvement en ascension droite est poursuivi pour que l'étoile échappe de la fente par la droite (on l'a dépasse). Pour les dernières 10 secondes du film, l'étoile est ramenée vers la fente et maintenu au centre, aux erreurs de guidage près.

Le cas présenté dans le film fente1.wmv correspond à une focalisation quasi optimale pour mon télescope. On note aussi que le guidage critique est orienté suivant l'axe des ascensions droite. De cette manière on évite le jeu mécanique propre à l'axe de déclinaison lors des aller retour de rattrapage. En ascension droite la vis tangente est toujours en prise, seule la vitesse du moteur est modifiée. L'instrument répond alors instantanément aux solicitations de l'opérateur ou du dispositif de guidage. Le petit film montre bien la réactivité conférée par l'orientation choisie pour la fente (l'axe long est donc parallèle aux cercles de déclinaison).

Pour le film fente2.wmv, le spectrographe est défocalisé de 0,5 mm. Si vous regardez attentivement l'image de l'étoile, vous allez vous apercevoir que celle-ci parait plus fine, plus piquée que dans le film fente1.wmv. A priori cela semble plus favorable... et pourtant... On réalise les mêmes mouvement de l'étoile. La sensibilité de la caméra n'est pas modifiée. Surprise, l'étoile ne disparaît pas totalement, en tout cas pas de manière franche comme dans le cas précédent. IL NE FAUT DONC PAS CE FIER AUX APPARENCES. Le rendement instrument est nettement moins bon à présent puisque le signal qui revient vers la caméra de guidage n'entre pas dans le spectrographe. Le bon juge, le SEUL juge, est l'abaissement du signal qui retourne vers la caméra guide lorsque l'étoile est centrée sur la fente. Alors pourquoi l'étoile parait plus fine dans le film fente2.wmv et pourquoi s'agit-il d'un piège ? Le problème est que la focalisation de la caméra Watec sur l'image de la fente est un peu approximative lors de ces tests. En d'autre terme, l'image de la fente donnée par la caméra est légèrement flou. Il est donc normal que lorsque l'étoile est correctement focalisée vis à vis de la fente, elle apparaisse légèrement défocalisée dans la caméra de guidage. L'idéal est d'avoir tous les plans conjugués optiquement, mais ce n'est pas strictement impératif : rappelez-vous que le but est d'assombrir au mieux l'image stellaire par approche successives. Un léger flou dans l'mage n'est pas trop génant alors.

L'intéret de la caméra Watec 120N est de pouvoir régler de manière très souple la sensibilité de la caméra. J'aime prendre une étoile assez faible (typiquement de magnitude 4 à 6), régler la sensibilité pour ne pas saturer l'image lorsque l'étoile est en dehors des lèvres de la fente (comme le montre le film fente1.wmv), puis jouer sur la disparition quasi totale de l'image en agissant sur la focalisation du télescope. Avec un peu d'habitude, on arrive à trouver la focalisation optimale après 3 ou 4 essais, pas plus. Je règle la focalisation à +/- 0,15 mm près sur mon C11. C'est la sensibilité de réglage lorsque le degré de turbulence est faible depuis mon observatoire (ce qui est assez rare malheureusement !).

On peut tout à fait autoguider sur l'image que montre le film fente1.wmv, mais souvent j'augmente un peu la sensibilité pour que l'étoile demeure encore légèrement visible lorsqu'elle se trouve dans la fente, ce qui donne du signal d'autoguidage permanent. C'est ce qui est fait sur le film fente3.wmv. Les mouvements réalisés sont les mêmes que pour les films précédent. Dans la phase de guidage (dernière partie du film), la lumière résiduelle est réfléchie par les lèvres est visible. La focalisation est pourtant optimale (on est revenu au cas du film fente1.wmv), mais il faut bien comprendre que cette lumière en retour est faible par rapport aux flux total contenu dans le signal stellaire (se rappeler que le gain de la caméra est augmenté et que l'image stellaire est ici légèrement saturée lorsqu'elle quitte le centre de la fente). Le but de l'autoguidage est de maintenir en équilibre le signal provenant des deux lèvres.

Il ne faut SURTOUT pas augmenter à l'excés le gain de la caméra comme le montre le film fente4.wmv, toujours pour l'étoile 59 Cyg (remarquer que des étoiles faibles du champ apparaissent maintenant). En effet, la saturation permanente de l'image conduit à une très faible variation du signal lorsque l'étoile sort de la fente, d'où un mauvais autoguidage. Le même phénomène se produit si vous visez une étoile brillante en utilisant une caméra de guidage à partir de laquelle il n'est pas possible de régler la sensibilité. Clairement, une caméra telle la Watec 120N, la Mintron ou encore les webcam modifiés longue pose ou petites caméras CCD à temps d'intégration variable sont, non seulement des éléments de confort, mais aussi de précision.

Une autre clef importante du succès est de réaliser un autoguidage de qualité sur des durées de plusieurs minutes. On a vu les conditions fondamentales :

- autoguider de préférence suivant l'axe ascension droite,

- bien ajuster la sensibilité de la caméra de guidage à l'objet observé pour éviter de saturer l'image de ce dernier.

Pour l'autoguidage j'utilise une version de SpIris modifiée pour le guidage "mode spectral" en ascension droite (durant des années j'ai guidée suivant l'axe des déclinaison, ce qui n'est pas très favorable en général, on l'a vu (et cela accentue aussi les erreurs spectro-photométriques associées à la réfraction atmosphérique).

Pour guider, on positionne l'étoile au centre de la fente (à repérer au pixel près). Sélectionner l'étoile en dessinant un rectangle autour, penser à côcher l'option Fenêtre (SpIris ne recherche alors l'étoile que dans la zone image précédemment sélectionnée), puis GO (section Guidage) :

Il faut au préalable régler les paramètres d'autoguidage. Voici ceux adoptés pour une monture NJP pilotée par un système FS2. Noter que l'on a indiqué la position de la fente suivant l'axe X (horizontal). Il faut lire ici X0=334 et non pas Y0=334 - cette petite erreur d'ergonomie est en cours de correction dans le logiciel,et non traitée au moment de la prise de cette photo d'écran :

Et nous voici en phase d'autoguidage (noter que l'étoile est presque invisible lorsqu'elle est bien positionnée par rapport à la fente) !

L'image brute du spectre de 59 Cyg après 300 secondes de pose :

TRES IMPORTANT : le document ci-dessus montre l'image effectivement acquise dans sa globalité. On se force, par une option de fenêtre du logiciel (ici Pisco en association avec une caméra Audine), à acquérir le spectre toujours dans la même zone du CCD. La largeur d'image (horizontale, suivant l'axe spectral) est la largeur du capteur Kodak KAF-0402ME employé, c'est-à-dire de 768 pixels. En revanche, suivant l'axe vertical, l'image ne fait que 100 pixels de haut (une valeur un peu arbitraire). En quelque sorte, on utilise ici un capteur de 768x100 pixels. On s'interdit toute liberté excessive verticale pour positionner le spectre. Cette zone de 100 pixels de haut est toujours la même dans mon instrumentation depuis des années: j'en connais très bien l'offset, le signal thermique, le flat-field... C'est une condition importante pour acquérir des spectres consistants. Accessoirement, on économise de la place sur le disque en procèdent ainsi.

La finesse du spectre suivant l'axe transverse à la dispersion est un bon indicateur complémentaire de la qualité de focalisation de l'étoile sur la fente. Ici, la largeur à mi-hauteur verticale est de l'ordre de 2 pixels et la trace du spectre est bien homogène. C'est bon signe. Mais le juge de paix demeure le test photométrique que montre le film fente1.wms.

Le profil spectral de 59 Cyg à partir d'une seule acquisition de 300 secondes :

Le profil spectral de 59 Cyg, résultat de l'addition de 8 poses de 300 secondes :

Le spectre de niveau 2b de 59 Cyg (retrait des raies telluriques H2O) :

Le spectre de l'étoile 8 Lac fait la même nuit (magnitude 5.7) :

Spectres comparés de l'étoile Gamma Cas autour de la raie Halpha avec une fente de 18 microns de large et une fente de 27 microns de large :

Spectre de niveau 2b de l'étoile Gamma Cas :

Pour avoir une idée du rendement de la fente, le plus simple est de faire l'acquisition d'une même étoile :

1) avec la fente normale et dans les conditions d'un guidage normal,

2) sans la fente (et donc sans guidage).

En ajustant éventuellement les spectres 2D par rapport à la différence de temps de pose et en comparant le signal dans la trace on peut évaluer précisément le rendement. Sous SpIris vous pouvez utiliser la commande L_COUNT pour mesurer le signal en unités de compte. Au préalable le spectre 2D doit être prétraité et il faut retirer le niveau du fond de ciel (commandes L_SKY, L_SKY2, ...). Vous sélectionnez la même partie dans les deux spectres en définissant un rectangle avec la souris :

puis :

>L_COUNT

SpIris retourne le niveau médian du signal dans la zone sélectionnée.

En cette nuit du 27 juillet 2007, caractérisée par une turbulence assez faible, le rendement de fente mesurée (guidage de 2 minutes) est de 40% avec un fente de 18 microns (soit une perte de signal de 60%). C'est dans les fait un fort bon rendement (il est au moins doublé par rapport à celui atteint en guidant en déclinaison à cause des jeux mécaniques sur ce dernier axe ou lorsque le seeing est passable). Le rendement atteint 76% avec une fente de 27 microns.


Retour