Nous sommes à - 200 millions d'années. La grande chaîne hercynienne a été fortement érodée. Ce qui deviendra la France se situe au niveau du tropique du Cancer. Le climat est tropical, chaud et humide. L'affaissement progressif du bassin parisien vers l'Est depuis 40 millions d'années provoque l'arrivée de la mer par un golfe marin qui s'insinue depuis le bassin germanique. Notre Massif central devient une île sur laquelle poussent des fougères arborescentes, des prêles géantes et les premiers conifères. La vie s'est beaucoup diversifiée depuis le Permien et les amphibiens ont laissé la place aux reptiles primitifs puis aux dinosaures, aux reptiles marins, aux reptiles volants et aux très discrets mammifères.

Soudain, une météorite géante pénètre dans l'atmosphère et percute le sol. En moins de dix minutes, cet événement bouleversera toute la région. Dans un rayon de 200 km, toute vie disparaît des suites des phénomènes suivants : onde de choc dans l'air (quelques millièmes de seconde avant l'impact), puis explosion, effet de souffle, émissions de vapeurs toxiques, nuée ardente, séisme.

 

Position des terres émergées à l'époque de l'impact, au Lias (entre - 200 et - 180 MA).

L'énergie cinétique de la météorite est considérable. Elle est transformée en énergies mécanique et thermique. Celles-ci sont transmises au socle et communiquées à la météorite elle-même qui se sublime entièrement et instantanément. Ses vapeurs se condensent rapidement en très fines particules d'un alliage métallique de fer, chrome et nickel qui contaminent les roches. On en retrouve aussi la trace dans des microfractures des gneiss sous-jacents au plancher de l'astroblème.

Au centre de l'impact, près du hameau de La Judie, les pressions atteignirent des valeurs impressionnantes. Les roches du socle furent en partie vaporisées et fondues pour donner les brèches de fusion. Elles sont parfois riches en vacuoles et peuvent prendre l'aspect d'une roche volcanique. Tout autour, le socle cristallin a été pulvérisé, a volé en éclat, et les poussières et les morceaux lithiques qui sont retombés se sont agglomérés en brèches clastiques. Ces brèches peuvent contenir du verre (suévites).

A l'origine, le cratère avait une forme circulaire d'environ 20 km de diamètre et une profondeur de 2 km. Le fond plat était recouvert de brèches sur une épaisseur de 100 mètres.

 


Estimations en quelques chiffres

d'après les thèses de Philippe LAMBERT
et la notice de la carte géologique ROCHECHOUART au 1/50 000 du BRGM


Les évaluations sont basées sur la vitesse de la météorite, de 20 à 50 km/s.

Diamètre de la météorite :
- pour une vitesse de 20 km/s : 1,5 km
- pour une vitesse de 50 km/s : 0,8 km.

Masse de la météorite (pour une météorite pierreuse, chondrite, de densité 3,4) :
- pour une vitesse de 20 km/s : 6 milliards de tonnes
- pour une vitesse de 50 km/s : 1 milliard de tonnes.

Point d'impact : La Judie, 4 km à l'ouest de Rochechouart.

Énergie libérée au moment du choc : 14 millions de fois la bombe atomique d'Hiroshima soit l'équivalent d'un séisme de magnitude 11 sur l'échelle de Richter.

Pression atteinte 0,2 seconde après l'impact : 5 000 à 1 000 GPa, soit 50 000 kbar à 10 000 kbar.

Température autour du point d'impact : 10 000° C.

Temps de creusement du cratère avant la détente des roches compressées : moins de 2 secondes.

Profondeur du cratère avant réajustement : 2 km.

Profondeur de pénétration de l'onde de choc et du phénomène de pression/décompression : 6 km.

Temps de formation du cratère, détente et phase d'éjection terminée : 42 secondes.

Durée totale de la cratérisation après réajustement : 10 minutes.

Diamètre du cratère : 18,5 à 20 km.

Volume de roches vaporisées : 13,2 km3.

Volume du socle fondu : 66 km3.

Surface concernée : 300 km2.

Épaisseur de la couche de brèches : 100 mètres maximum.

Toute vie a disparu dans un rayon de 200 km par suite des phénomènes : explosion, effet de souffle, émission de vapeurs toxiques, nuée ardente, séisme, raz de marée…

Âge de l'impact.

La chronologie relative ne nous renseigne pas : on peut juste constater que l'impact est antérieur aux anciens dépôts fluviatiles de 65 Ma et postérieur aux plus jeunes roches cristallines filoniennes de 295 Ma.

Plusieurs datations furent effectuées sur les impactites :

- méthode potassium/argon : 149 à 271 Ma (milieu du Permien à Jurassique supérieur).
- âge du paléomagnétisme : 180 à 200 Ma (Jurassique inférieur-Lias).
- méthode des traces de fission : 198 à 206 Ma.
- méthode rubidium/strontium : 186 ± 8 Ma.

Aucune trace de l'impact n'existe dans les terrains sédimentaires de ces âges, autant dans ceux du Seuil du Poitou que de la Charente, pourtant à 15 km du centre de l'astroblème. Les auteurs de la carte géologique se posent la question : " Faut-il chercher dans des sédiments plus anciens ? ".

Répartition des impactites et zonéographie de la structure de l'astroblème.

L'onde de choc, onde de compression, agît tant que sa vitesse est supérieure à celle du transfert du son dans le milieu traversé. Elle produit plusieurs sortes de dégâts en fonction de la pression décroissante, c'est le métamorphisme de choc :

- Sublimation des roches au-dessus de 200 GPa.
- La fusion totale des minéraux et, pour partie, leur vaporisation, crée un verre bulleux entre 200 et 80 GPa.
- La fusion totale donne un verre sans bulles entre 80 et 60 GPa.
- La fusion partielle des minéraux et la déformation cristalline d'autres produit un verre non bulleux entre 60 et 35 GPa. Le quartz est détruit vers 40 GPa.
- Les cristaux perdent leur structure cristalline et certains deviennent amorphes (verre diaplectique) entre 3,8 et 15 GPa. Au-dessus de 16 GPa, le quartz devient de la stishovite.
- Les minéraux subissent des déformations de leur structure cristalline avec " bandes de glissement " et " plans parallèles " (pseudoclivage) entre 15 et 5 GPa.
La découverte de quartz pseudoclivé provenant de cônes de percussion permet de penser que ceux-ci se développent sous des pressions de plus de 10 GPa.


L'effet de choc a très vite diminué et s'amortit à partir du point d'impact en zones théoriquement concentriques, mais celles-ci durent être certainement modifiées par le relief inconnu existant à cette époque.

1. - Zone du point d'impact probable. Métamorphisme de choc le plus intense dans le socle. Brèche polygénique vitreuse à bulles.
2. - Maximum d'extension des cônes de percussion. Limite d'apparition des bulles dans les brèches vitreuses.
3. - Extension maximale des brèches vitreuses.
4. - Limite des brèches allochtones.
5. - Maximum d'extension de la bréchification et du métamorphisme de choc.

(d'après Ph. Lambert, 1977).

L'anomalie gravimétrique négative.

Une campagne de mesures gravimétriques sur le site de Rochechouart-Chassenon, effectuée par le Dr J. Pohl, permit de mettre en évidence une légère anomalie négative, centrée sur le point d'impact probable de la météorite et d'une vingtaine de kilomètres de diamètre.

 
L'anomalie gravimétrique circulaire correspondant à l'astroblème de Rochechouart-Chassenon
(extrait de Pohl et al., 1978) - BRGM, Carte géologique de la France au 1/50 000, feuille Rochechouart, 1996.

Cette anomalie négative atteint - 8 à - 10 mGal (1 Gal = 1 cm/s2) dans la zone des brèches à fort taux de fusion. Le déficit calculé de masse est de 30 à 40 milliards de tonnes.

L'évaluation de la profondeur jusqu'à laquelle le phénomène de décompression s'est fait sentir est d'environ 6 km. En fonction de ces résultats, les modélisations impliquent une profondeur d'environ 2 km pour la cavité transitoire qui correspond à la première phase du processus de cratérisation.

 

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Dernière mise à jour : le 25 novembre 1999.