Une vaste structure de 200 km

Malgré les études de terrain de nombreux scientifiques sur la région de Rochechouart et de l'Ouest-Limousin et des images du satellite américain ERTS-1, la taille, les limites et la forme du cratère d'impact restent très imprécises.

Guy Tamain, chercheur au CNRS, spécialiste de la télédétection, après étude des images du satellite Landsat-2 de juillet 1975, observe que le point d'impact de la météorite se trouve « au centre d'une vaste mégastructure annulaire extrêmement dense » de 200 kilomètres de diamètre et non pas de 20 km comme on le pensait alors. Sa communication au 27e congrès géologique international à Moscou, en août 1984, n'aura aucune répercussion dans le monde géologique. L'attention des scientifiques et du public se trouve alors attirée par la découverte d'un autre cratère : celui de Chicxulub, au Mexique, lié à la disparition des dinosaures.

Ce qui est troublant, c'est que cette nouvelle structure agrandie de Rochechouart intégrerait une anomalie géologique restée inexpliquée, la carrière de quartz clivé de Saint-Paul-la-Roche (Dordogne), un quartz unique au monde. D'une grande qualité optique, ce quartz a servi à réaliser les hublots du Concorde, de la capsule Apollo VIII et des suivantes, puis des navettes spatiales. Mais le quartz clivable n'existe pas naturellement sur Terre ; il ne peut être produit que sous l'effet d'un impact météoritique. Mais alors pourquoi à 40 kilomètres de Rochechouart et pas les filons et lentilles de quartz situés plus près du centre du cratère ?

Il est à noter une seconde anomalie, naturelle cette fois, de cette carrière : un cristal de quartz géant que le propriétaire tenta de sauver en le donnant au Muséum d'Histoire Naturelle de Paris.


La grande pyramide de quartz de Saint-Paul-la-Roche (Dordogne),
d'une hauteur d'environ 4 mètres. Remarquez le grand plan de clivage
sur la gauche du cristal (photo F. Arbey, Minéraux & Fossiles n° 99).

Sous les pressions écologiste et médiatique, le Conseil général s'y opposa et préféra le garder en place dans le but de favoriser le tourisme dans cette région isolée du département. Ce fut un échec : le quartz se dégrada sous les intempéries pour disparaître en une quinzaine d'années... Chantonnons sur un air de tango « bêtise, bêtise, quand tu nous tiens... »
(Le Monde, 9 janvier 1999 - Science et Vie n° 978, mars 1999 - L'Astronomie (SAF), janvier 2001 - Le Feu du ciel, J.-P. Luminet, éd. Le Cherche-Midi, 2002).

Un nouvel âge

La dernière datation de l'impact à 214 millions d'années est établie par la méthode de fusion du point laser 40 Ar / 39 Ar et situe la chute à la fin du Trias, à l'étage Norien  (J. G. Spray, S. P. Kelley, Meteoritics and Planetary Science, 28 mai 1997).

Une « catena » ?

En 1998, à la suite de cette datation, John Spray, Simon Kelley et David Rowley, reconstituant la paléogéographie de la Terre il y a 214 millions d'années, suggérèrent qu'un énorme astéroïde ait pu se briser en plus de cinq blocs rocheux tombant sur l'Europe et l'Amérique, à plusieurs milliers de kilomètres les unes des autres. Au total, cinq cratères datés de la fin du Trias (à huit millions d'années près), dont trois sur la même latitude : Rochechouart (France), Manicouagan et Saint-Martin (Canada) ; les deux autres, Obolon (Ukraine) et Red Wing (États-Unis) ne sont pas alignés avec les trois précédents mais se trouvent situés sur la trajectoire des fragments de l'astéroïde. Les impacts, en raison de la rotation de la Terre, se produisirent à trois moments différents dans une période de quatre heures, formant une catena comme celle de la comète Shoemaker-Levy sur Jupiter en juillet 1994  (Nature, 12 mars 1998 - Le Monde, 4 avril 1998 - Science et Vie, juin 1998 - Science illustrée, septembre 1998).


Le Limousin a-t-il été frappé par un double cataclysme ?

À la suite de l'hypothèse de cette quintuple chute, un étudiant en DEUG de géologie, Raphaël Blanke, réexamine les images satellitaires. Voyant le cours de la Creuse détourné suivre la partie nord-est du cratère présumé par Guy Tamain, il décèle une autre structure circulaire. Il émet l'idée qu'un premier impact a été recoupé par un second, celui de Rochechouart. Il en fait part à Didier Devaux, géologue (Université Pierre et Marie Curie, Paris VI) et à Guy Tamain.

En regardant de plus près le nord-est limousin, ils remarquent d'autres structures annulaires, moins nettes que les précédentes (plus érodées ?). Ces dernières « intègrent les cours partiels de l'Allier et de la Loire ; elles ont pour centre une zone située entre Montluçon et Moulins, près de Bizeneuille (Allier) ». Cela pourrait en effet indiquer un autre cratère, d'un diamètre de presque 300 kilomètres.

Il ne fait aucun doute pour nos trois géologues que cette superstructure « est une réalité géologique ». Pour eux, les deux météorites proviennent d'un même astéroïde déjà fragilisé qui se serait scindé juste avant son arrivée dans l'atmosphère. Reste maintenant à réunir les preuves d'un impact, nouveaux thèmes de recherches.
(Le Monde, 9 janvier 1999 - Sciences et Avenir, juin 1999 - Le Feu du ciel, J.-P. Luminet, octobre 2002)

L'association Pierre de Lune
et l'Espace météorite Paul Pellas

C'est sa passion pour le site de Rochechouart qui pousse Claude Marchat, avec plus ou moins de bonheur, dans une campagne de sensibilisation des habitants pour faire comprendre la valeur et la fragilité du patrimoine local. En 1992, c'est une animation pour une classe de quatrième à Limoges. Après ce premier succès, une exposition permanente voit le jour à la mairie de Rochechouart.

Entouré de quelques personnalités locales, de volontaires passionnés et l'appui de scientifiques, il crée l'association « Pierre de Lune » en novembre 1993. Celle-ci se donne comme but de protéger, faire connaître et valoriser le site de l'astroblème.

La Municipalité met alors à la disposition de l'association un local qui deviendra en 1996 un petit musée, « l'Espace météorite », qui sera dédié à – et inauguré par – M. Paul Pellas, chercheur au Muséum d'Histoire naturelle de Paris. À l'entrée de la salle, des vitrines présentent des échantillons de diverses météorites, des panneaux explicatifs sur le système solaire et les corps parents des météorites, puis sur l'impactisme en général et les astroblèmes, dont le Ries et Rochechouart-Chassenon. Des échantillons de grande qualité des diverses brèches, dont un bloc de cônes de pression exceptionnel et un très beau morceau de quartz clivé de Saint-Paul-la-Roche. Dans la petite salle au fond est présentée une maquette du cratère tel qu'il devait être après sa formation. L'escalier qui mène à l'étage, où est présentée une vidéo-cassette qui retrace l'événement, est décoré par des dessins réalisés par les élèves d'écoles primaires lors d'animations.

En novembre 2000, l'association Pierre de Lune a proposé le classement en réserve naturelle géologique de tout le périmètre reconnu de l'astroblème, classement réalisé en 2001.

Aujourd'hui, elle organise des visites sur les sites protégés. Pour tous renseignements : Association Pierre de Lune - 16, rue Jean Parvy - 87600 Rochechouart - Tél. 05 53 03 02 70.

Une réserve géologique à Rochechouart

Le 18 septembre 2008, une nouvelle réserve géologique est créée : celle du site de l'astroblème de Rochechouart, unique en France, qui correspond aux traces laissées par l'impact d'une météorite. L'objectif de la création de cette réserve naturelle entre dans le cadre de la préservation d'un patrimoine géologique reconnu au niveau mondial.

Nouvelles datations !

Rochechouart : 201 Ma ± 2 Ma. Manicouagan reste à 214 Ma, Saint-Martin vieillit à 235 Ma et Obolon est rejeté à 169 ± 7 Ma. Martin Schmieder (Université de Stuttgart) publie en 2010 l'analyse d'échantillons récoltés à Videix, qu'il juge plus fiables. Âge corrigé : 201 ± 2 Ma. Cet âge correspond à la grande crise Trias-Jurassique. Le matériau des anciens échantillons récoltés dans une fissure provoquée par l'impact n'avait pas entièrement fondu et pouvait indiquer un âge supérieur à la réalité, le chronomètre radioactif n'ayant pas été remis à zéro.

Martin Schmieder et son équipe ont cherché à dater de gros cristaux de feldspath dans une roche recuite par l'impact (gneiss rouge) près du hameau de Videix, au Sud-Ouest du centre de l'astroblème. Sa correspondance avec la catastrophe du Trias-Jurassique est troublante. Un cratère de 20 kilomètres ne plaide pas pour un rôle dans une disparition massive d'espèces. Un cratère doit mesurer au moins 50 kilomètres de diamètre pour que son impact puisse perturber un peu le climat et au moins 100 kilomètres pour provoquer une extinction majeure.

Philippe Lambert, co-auteur de cette nouvelle datation, estime que le diamètre de 20 à 25 kilomètres ne concerne que le plancher central de la structure, sans les terrasses ni les remparts périphériques, qui ont été depuis longtemps érodés. Ainsi, le diamètre du cratère aurait pu atteindre 40 à 50 kilomètres.

Ce nouvel âge intéresse les géologues britanniques car, dans les sédiments du Royaume-Uni datés de 201 Ma, juste sous le niveau de la grande extinction Trias-Jurassique, les calcaires et argiles sont perturbés sur plus d'un mètre d'épaisseur avec des plissements et un écoulement fluidal caractéristiques d'un violent tremblement de terre. Par endroits, cette séismite (nouveau terme en géologie) est chapeautée d'une couche malmenée par un possible raz-de-marée occupant une surface de 250 000 km2 (la moitié de la surface de la France), des Cornouailles jusqu'en Irlande du Nord. Le géologue Michael Simms, du muséum de Belfort, a recensé tous les affleurements et forages de cette immense couche perturbée. Selon lui, l'énergie sismique requise pour affecter une telle étendue ne peut pas s'expliquer par le volcanisme ou la tectonique des plaques, mais pourrait l'être par un projectile cosmique d'une taille de 2 à 3 kilomètres qui aurait creusé un cratère de 40 à 50 kilomètres. Le séisme provoqué par l'impact de Rochechouart a été estimé à une magnitude 11 sur l'échelle de Richter.

Rochechouart correspond désormais à un tel impact du fait de sa taille et de son âge recalculés. À la fin du Trias, l'Europe n'était qu'un chapelet d'îles séparées par des bras de mer peu profonds. L'impact aurait secoué la mer toute proche et provoqué un tsunami haut de plusieurs dizaines de mètres lorsqu'il déferla sur l'archipel anglais. En France, cela expliquerait aussi une couche « raz-de-marée » datant de la fin du Trias, signalée dans le bassin de Lodève (département de l'Hérault).

Le cratère français est trop petit pour justifier à lui seul l'extinction du Trias-Jurassique. Cela ne fait qu'épaissir le mystère. A-t-il des complices plus puissants ?

 

Un site géologique exceptionnel        Chronique d'une énigme        L'événement

page d'accueil Janus    plan du site    vers le haut de la page...

Page mise à jour le 26 avril 2017.