PLACE DE COND
É JUSQU’EN 1789

Il y a des lieux prédestinés par la géographie au rôle qu’ils doivent jouer dans l’histoire.

La nature défend si bien un confluent, que la place d’Armes qui naîtra en cet endroit pourra se dire une forteresse naturelle. A la rencontre de la Haine et de l’Escaut, le site de Condé explique tout à la fois son appellation, révèle son origine, et contient son histoire. Enclos par des rivières et de nombreux marais, le CONDATE « gaélitique » a pu servir, au temps de César, d’abri, de refuge et d’asile aux familles des vaillants guerriers Nerviens. A la pointe du confluent, CONDATUM, au lieu d’un oppidum, s’élèvera plus tard à l’époque de BAGAC, une tour carrée romaine, petit poste tenu par des vétérans-colons assurant la surveillance de la traversée des rivières et des voies militaires qui passaient à proximité, menant de la capitale BAVAI à TOURNAI par Escautpont (d’où l’origine du nom) et Thun.

L’importance du CONDET KYMRIQUE (nom donné parfois aux GALLOIS) se révèle dans le traité de VERDUN en 843, comme aussi celui de MERSEN en août 870.

Toujours un utile point de défense, la tour carrée romaine devient le donjon d’un castel développé à la frontière de deux pays trop souvent en guerre, la NEUSTRIE et l’AUSTRASIE. Voici que vers 855 surgissent les VIKINGS (NORMANS), venus dans leurs barques en remontant l’Escaut jusqu’au confluent de la Haine. Repoussés, ils reparaissent en 874, conduit par un chef valeureux ROLF ou ROLLON; ils sont de nouveau contraints de repartir. Malgré l’abbé GOSLIN, ROLLON revient et s’installe sur le confluent en octobre 880 et y prit ses quartiers d’hiver.

Cette fois les vikings aménagent la place par la création d’un fossé qui entre l’Escaut et la Haine forme un triangle le long de l’emplacement de l’ancienne Villa Romaine du Vieux-Condé. Le comte de Hainaut REIGNIER ne réussit à les chasser qu’en 885. Mais ROLLON rentra l’année suivante et ne l’abandonna définitivement que peu avant 889.

CONDÉ, située aux confins du Hainaut, du BRABANT, de l’Ostrevant et de la Flandre, joue son rôle de place frontière, entre des pays trop souvent divisés, de tête de pont sur un fleuve limite.

Autour du donjon, GHERARD de BOURGOGNE, dit de ROUSCILON ajoute quelques défenses vers 990, et vers l’an 1000, GUERIC le SOR premier BER du Burbant et d’Avesnes, s’y retrancha très fortement en perfectionnant les travaux des Vikings.

CONDÉ le NEUF où la ville actuelle ne prend sa véritable importance qu’en 1169; le comte de HAINAUT, BAUDOUIN IV, dit l’édificateur fait entourer d’une enceinte muraillée, flanquée de tours, la partie haute, déjà munie d’un fossé profond et renforcée d’une imposante levée de terre. En 1174, BAUDOUIN IV s’empare du château-fort à la pointe du confluent, dont Jacques d’Avesnes est alors le maître, il fait raser la muraille et les tours, puis il les reconstruit, les ruine de nouveau en1176 et encore en 1184, les rétablit encore et enfin les conserve quelque temps dans ses domaines.

Les Flamands qui occupaient le site de CONDÉ, pour s’assurer la navigation sur l’Escaut, évacuent la place en 1304 où pourtant ils s’étaient fortifiés. Le roi de France PHILIPPE le BEL : « ... Environ commencement du mois de juillet 1304 descendit en Flandres pour la cinquième fois à plus grand Ost (armée) qu’oncques auparavent. Depuis Arras il ne pouvoit marcher droict en paÿs vers Lisle (Lille). Sans combat et grands dangers à raison qu’il avoit des destroits chemins et des marais, il passa en bihayant par le paÿs de Hainaut et à petites journées il franchit l’Escaut environs du VIEUX-CONDE par le gué de ce paÿs et ensuite par Saint-Folquin et WIERRE il pârvint en vue de TOURNAY ... ».

Afin d’intercepter les relations de tournai avec la France, Jacques van Arteweld réoccupe CONDÉ en l’an 1339, Capitaine général de Gand, riche marchand drapier, il avait donné le signal du soulèvement contre le comte de Flandre, Louis de Nevers. Il tenait à contrôler la navigation depuis CONDÉ dont l’Escaut était navigable depuis cette ville. Il en relève les défenses et s’y maintient jusqu’à la retraite des Français.

Après la mort, en 1477, du duc de Bourgogne, Charles le Téméraire, le gouverneur de Tournay pour le Roi de France LOUIS XI, MOUY, tenta, à la fin de juillet, d’enlever la place de CONDÉ aux Bourguignons, mais il échoua. Il n’en fut pas de même en avril 1478. Le Roi LOUIS XI vint en personne pour tenter de s’emparer de CONDÉ avec20000 hommes d’armes et il disposait de l’aide des gens de Tournay et de ceux de Mortaigne (Mortagne). Après 28 jours de bombardement, la porte principale dite alors de Tournai est détruite et le fossé en partie comblé. La porte ayant été emportée d’assaut, le château et le sire de Maingoval Jean de Lannoy commandant la place se rendirent le 1er mai. Aussitôt la ville prise, le Roi LOUIS XI entend la messe en l’église de VIEUX-CONDE, y fonda une messe quotidienne, puis monte à cheval et fait son entrée dans la place forte conquise.

L’Archiduc Maximilien d’Autriche ne reprit possession de CONDÉ que le 2 juin. Les brèches que venaient de pratiquer l’artillerie française dans l’ancienne enceinte montraient sa faiblesse contre les boulets.

Pour mieux garantir la place, Charles-Quint fit exécuter en 1528, tant au dedans qu’au dehors de l’enceinte de sa bonne ville, des terrassements considérables, remparts, ravelins (ouvrage de fortification analogue aux demi-lunes du XVème et XVIème siècle) et boulevards (bastions).

Pendant les troubles religieux, la ville fut surprise le 25 novembre 1580, par une bande de protestants de Tournai qui la pillèrent, puis en sortirent précipitamment le 6 décembre 1581, à l’approche du baron de MONTIGNY, envoyé par Alexandre Farnèse pour reprendre possession de la place au nom du Roi d’Espagne.

Dès lors, la principale force de la place consistait en le développement des inondations qui pouvaient l’entourer sur les trois quarts de son pourtour, ne laissant à l’attaque que le plateau de VIEUX-CONDÉ-TOURNAI, du côté des Pays-Bas. A partir de 1582, les Espagnols firent établir au Sud, dans le coude de l’Escaut, une tête de pont en forme d’ouvrage à cornes. Ils améliorèrent le système des digues et perfectionnèrent les écluses et de l’autre côté, ils élevèrent sur les pentes du plateau de VIEUX-CONDE, des bastions, des cavaliers et des ravelins en terre.

C’est dans cet état que le duc d’Harcourt trouva, en Août 1649, la place qu’il assiégea le 22 et emporta le 25 par le faubourg de Fresnes. Les Français n’y séjournèrent que jusqu’au 24 septembre et les Espagnols rentrèrent en mai 1650.

Le maréchal de Turenne et le duc de la Ferté mirent, le 14 août 1655 le siège devant la place forte de CONDÉ, dont le gouverneur, le duc de Bournonville, capitula le 18 août.

L’armée espagnole, commandée par don Juan d’Autriche bloque le 25 juillet 1656 CONDE que le lieutenant-général Du Passage défendit aidé de Vauban jusqu’au 18 août, puis faute de vivres, il fallut rendre la place.

L’expression « Faute de vivres, il fallut rendre la place » mérite une explication pour sa bonne compréhension.

- Les sièges, à cette époque ne se concevaient que du début du printemps jusqu’au début de l’hiver.

- Le règlement des places fortes donnait l’obligation, au commandant militaire de la place d’Armes d’avoir en magasin les vivres et divers approvisionnements pour tenir un siège pendant cette période. Cette quantité de vivres devait permettre à la troupe d’assurer sa subsistance jusqu’au 1er novembre. Il en était de même pour la population civile résidant « intra muros ». Le commandant d’Armes avait l’obligation de vérifier, par des inspections régulières, que toutes les familles possédaient bien les vivres pour subvenir jusqu’à l’hiver. En cas d’insuffisance au moment critique, il avait la possibilité d’expulser les défaillants. La période sensible des sièges correspondait, hélas avec la période de soudure des récoltes.

Les Commandants d’Armes, à l’approche d’un parti, avec l’intention d’assiéger la ville, hésitaient parfois à faire sortir les imprévoyants, car ceux-ci, pouvaient donner des informations sur l’état du moral des défenseurs, le degré de préparation de la garnison, la valeur et les emplacements de l’artillerie et toutes les informations sur les points faibles de la place forte.

Revenus dans leur forteresse, les Espagnols se remirent à renforcer les ouvrages et à en perfectionner les inondations.

Avec habilité, et sur les conseils de Vauban, Louvois prépara vingt ans aprés, la conquête par le Roi Louis XIV des places tenues par les Espagnols de Douai, Condé, Valenciennes et Bouchain, appelées à former le fameux pré-carré, qui consistait en un quadrilatère de rivières inondables : Escaut, Scarpe et Sensée. Vauban avait imaginé de construire à Audenarde des batteries flottantes pour atteindre Condé du côté des inondations. Progressivement, l’investissement se fit du 18 au 20 avril 1676. Sept maréchaux de France, un nombreux état-major, une artillerie formidable accompagnèrent le grand Roi qui était résolu à conquérir la place rapidement. Les travaux d’approche, les bombardements aboutirent assez vite, un triple assaut fut donné le 26 avril à la place, que livra à discrétion le défenseur, le colonel d’Ostiches.

Le traité de Nimègue du 17 septembre 1678 ayant confirmé à la France la possession de la place de CONDE, ainsi qu’un certain nombre de villes de l’Artois, de la Flandre, du Cambraisis et du Hainaut, le maréchal Vauban entreprit l’organisation de cette frontière, dont il releva presque entièrement la fortification et dont il fit la « barrière de fer ». A Condé, les travaux dirigés par le chevalier de Ville, substituèrent à l’ancien système à bastion, le tracé bastionné du maître, adoptèrent les dehors existants, les inondations, la navigation et tous les bâtiments militaires. Ces travaux s’accomplir d’abord de 1680 à 1690, et se poursuivirent ensuite.

A la fin du règne du Roi LOUIS XIV, on pouvait considérer CONDÉ comme une place de tout premier ordre, gardant les lignes de l’Escaut et de la Hayne. La défense de ces dernières donna lieu, le 11 septembre 1709 à la bataille de Malplaquet, dont le résultat demeura indécis. Sur la ligne de l’Escaut, le maréchal VILLARS remporta à DENAIN, le 24 juillet 1712, sur le prince EUGÈNE, une victoire décisive qui sauva la France. Sous le Roi LOUIS XV, le maréchal de SAXE gagna également le 13 mai 1745, l’importante journée de Fontenoy. Hors du rayon d’action de la place, ces divers champs de bataille sont distants à vol d’oiseau, à savoir :

            - Malplaquet de 22 kilomètres à l’est,
            - Denain de 19 kilomètres au sud,
            - Fontenoy de 20 kilomètres au nord-ouest.

Bibliographie : service historique de l’Armée de Terre, Paris. Condé sur Escaut de E. MARTEL, 1913.