LA LYRE (Lyra, Lyr) et l'étoile Véga

La Lyre est une minuscule constellation à la forme d'un parallélogramme presque parfait, à un angle duquel jaillit une belle flamme bleue, Véga, prémices de l'apparition du Génie aux trois voeux. Véga, alias Tchiniu, la très sage enfant du roi Soleil, filait et tissait à merveille. Jusqu'au jour où elle s'approcha d'une fenêtre et jeta son regard à l'extérieur. Il tomba droit sur le jeune Kien-niou, berger de son état, et ce qui devait arriver arriva : la princesse s'en éprit. Le roi accepta qu'elle l'épouse, et les tourtereaux s'en allèrent, après la noce, roucouler dans leur nouveau nid. Ils firent tant et bien qu'ils oublièrent le métier à tisser de la princesse qui fut abandonné aux araignées, et les bêtes du roi Soleil, livrées à elles-mêmes, s'égaillèrent à travers l'Univers. Las de tant d'inconséquence amoureuse, le souverain tailla dans le vif : il sépara le couple et exila le berger, devenu l'étoile Altaïr, de l'autre côté de la Voie Lactée. Entre les deux amants s'était ouvert un infranchissable gouffre de lumière... L'étoile Sheliak, la Tortue en arabe, est une référence directe aux origines de la Lyre. Hermès, le messager des dieux, est l'inventeur de cette espèce de harpe cornue dont les poètes de l'Antiquité aimaient à pincer les cordes en roulant des yeux inspirés. Hermès était en train de se promener sur les bords du Nil lorsqu'il trouva une carapace de tortue évidée. Il joua un moment avec et, fasciné par l'écho qu'elle renvoyait, une idée lui vint. Il fixa quelques cordes à la carapace, les gratouilla et le son qu'elles produisirent l'enchanta. Désireux de montrer son invention à ses camarades, il se dépêcha de regagner l'Olympe. Apollon l'y attendait de pied ferme : né voleur, Hermès lui avait volé son troupeau. Pour se faire pardonner, il offrit à Apollon son nouvel instrument, qui fit désormais partie de la parfaite panoplie du dieu de la Beauté et des Arts. Aucun mortel ne pouvait rivaliser avec Apollon lorsqu'il poussait la chansonnette. Orphée, fils du roi de Thrace et d'une muse fut, du côté des mortels, le plus grand joueur de lyre de tous les temps. Quand il se mettait à chanter, les animaux les plus sauvages venaient même se coucher à ses pieds. Un jour Orphée rencontra la ravissante Eurydice, l'aima et décida de l'épouser. Malheureusement le jour de leurs noces, la jeune femme fut piquée par une vipère. Elle mourut, laissant le doux et tendre Orphée en proie à la plus terrible des douleurs. Incapable de se résigner à la perte de sa bien-aimée, il décida de la ramener à la vie : il allait descendre aux enfers et l'arracher à l'ombre. Il alla à la rencontre du tout puissant Hadès (Pluton), maître des lieux. Orphée chanta comme jamais encore il ne l'avait fait et l'infernale divinité, sous le charme, ne pu lui refuser de lui rendre sa belle. Il ne mit qu'une condition à son retour à la lumière : tant qu'ils chemineraient dans le royaume des morts, Orphée ne devait en aucun cas se retourner pour regarder sa femme. L'un derrière l'autre, les jeunes époux franchirent une à une les portes des enfers. Alors qu'Orphée arriva à l'air libre, il se retourna, hélas, trop tôt ! La jeune femme était encore à moitié ensevelie dans l'obscurité de la caverne. Orphée eut juste le temps d'entrevoir sa silhouette avant qu'elle ne se dilue à jamais dans l'ombre. Les dieux ne lui permirent pas de redescendre parmi les morts : cette fois Orphée avait définitivement perdu sa bien-aimée Eurydice. Orphée se retira dans les montagnes où il passa ses journées à gratouiller de la lyre en pleurant son amour perdu. Quelques nymphes, séduites par le céleste musicien, tentèrent, sans succès, à leur tour de le séduire. Devant sa résistance, elles se jetèrent sur lui et le déchiquetèrent. Le gentil chanteur finit en mille morceaux dans une rivière. Les muses qui l'avaient inspiré récupérèrent ses restes et leur offrir une sépulture digne de ce nom. Zeus se chargea de la lyre qu'il accrocha au firmament.

Illustration: URANOGRAPHIA de Johannes Hevelius (1611-1687)