La première caméra à matrice CCD refroidie montée
sur le télescope
de 60 cm du Pic du Midi en juin 1985. Le boîtier de la caméra
se réduit à un simple et énorme profilé de
radiateur pour transistors de puissance. Un gros ventilateur complète
le dispositif d'évacuation des calories. Le CCD est tout simplement
à l'air libre, un épais bloc de verre étant plaqué
sur son hublot pour éviter le givrage, avec entre les deux, un zeste
d'huile pour microscopie afin de supprimer les franges d'interférence
d'égale épaisseur. Un drap noir recouvre l'ensemble lors
des observations. Le tout est relié à un Apple IIe situé
dans le laboratoire voisin, via une carte d'interface maison.
Le dispositif de refroidissement de cette première caméra
pouvait être complété par une structure polyuréthane
en contact avec le radiateur qui était remplie à la cuillère
de glace carbonique. La température sur le CCD descendait alors
momentanément à -80°C ! Ce n'était efficace que
quelques minutes, tout juste le temps de faire une image. Pour produire
la glace carbonique on détendait le gaz d'une énorme bouteille
de CO2 dans un sac en toile. Une de nos préoccupations d'alors était
la gestion du stock de bouteilles de gaz de 1,5 mètre de haut, seulement
transportables par 2 personnes en plein forme physique.
L'électronique de la caméra était regroupée
sur cette carte qui s'enfichait dans un des connecteurs d'extension de
l'Apple IIe. Le circuit imprimé avait été dessiné
à la main. La numérisation se faisait sur 10 bits. Un oscillateur
à quartz, que l'on peut voir en haut à gauche, générait
une horloge rapide pour nettoyer le registre horizontal du CCD très
rapidement.
L'ambiance d'alors dans le laboratoire jouxtant le T60. Une montagne d'alimentations
pour alimenter, entre autres, 3 étages Peltier. Le téléviseur
au premier plan était utilisé pour visualiser les images
en 8 niveaux de couleurs et aussi pour regarder les matchs de foot (nous
avions pris l'habitude d'aller au Pic du Midi fin juin, une période
propice aux grands événements sportifs : nous avons suivi
assidûment durant les poses CCD, la victoire de la France en coupe
d'Europe en 1984 et 2 coupes du Monde !). C'est l'époque des logiciels
MAT (pour acquisition avec une Matrice CCD) et TI (pour Traitement d'Images).
L'imagination des auteurs était fracassante. Monter au Pic du Midi
avec tout cet équipement (ne pas oublier l'énorme bouteille
de gaz pour fabriquer la neige carbonique) représentait une véritable
expédition.
Le premier objet observé en CCD sur le T60 le 15 juin 1985 : M104,
la galaxie du Sombrero. A cette époque, nous n'avions qu'une très
vague idée des possibilités du CCD. L'apparition de cette
image sur l'écran, pourtant très modeste pour les observateurs
d'aujourd'hui, a déclenché une ovation extraordinaire dans
le laboratoire du T60. C'est encore un souvenir très vif. Rendez-vous
compte, en 2 minutes de temps de pose il était possible de voir
sans problème la bande de poussières de cette galaxie
vue par la tranche ! On devine sur ce document d'époque les problèmes
de visualisation d'alors, ainsi que les difficultés de pointage
compte tenu de la petitesse du champ. Cette mission amateur au Pic du Midi,
qui s'est déroulé du 15 au 25 juin 1985, est certainement
la plus émouvante que j'ai vécue. Les compagnons de mission
et de ces heures balbutiantes du CCD étaient Serge Chevrel, Jean-Claude
Francoual, Eric Thouvenot, Bernard Marlière, Richard Szczepaniak
et Olivier Zuntini. Vous trouverez une évocation de cette mission
dans le Ciel et Espace 211, de mai-juin 1986.
Début 1986, dans la frénésie et l'urgence, une caméra
basée sur le CCD Thomson TH7852 est construite pour observer la
comète de Halley depuis l'île de la Réunion. L'atelier
de mécanique de l'école Sup'Aéro à Toulouse
est alors notre camp retranché. Richard Szczepaniak et Eric Thouvenot
y sont élèves. Le cahier des charges nous impose de fabriquer
une caméra relativement légère pour pouvoir être
raisonnablement transportée aux antipodes. La construction ne se
passe pas sans casse comme le montre cette image : une erreur dans une
cote mécanique nous a fait broyer du CCD lors de la première
fermeture du boîtier !
La comète de Halley a été observée en avril
1986 depuis l'île de la Réunion avec cette caméra.
Elle était alors utilisée en conjonction avec des objectifs
de 50 à 300 mm de focale, le tout étant accroché à
une monture équatoriale spécifique (ce fut une grosse et
lourde expédition). La caméra était tout juste achevée
et certains se souviennent encore des recherches épiques qu'il fallait
faire dans l'île pour trouver un fer à souder ou un oscilloscope.
Le vide était fait à l'intérieur du boîtier,
ce qui explique l'épaisseur des parois, quelques peu surdimensionnées,
et une masse encore trop élevée pour que l'engin puisse s'adapter
sur des télescopes d'amateurs standards.
Une des nombreuses images CCD de la comète de Halley obtenue depuis
l'île de la réunion. Il fallait de très courtes focales
pour que la comète rentre approximativement en entier dans les petites
images d'alors. On voit ici un exercice pour tenter de retirer les nombreuses
étoiles du champ, Halley se trouvant en plein milieu de la Voie
Lactée. Le logiciel de traitement d'images d'alors s'appelait TI4.
Les commandes en ligne sont de rigueur. Un peu rustre, mais incomparablement
efficace lorsque l'on maîtrise la bête. On trouvait déjà
dans ce programme de quoi faire de la bonne photométrie et de la
bonne astrométrie.
En décembre 1986, la caméra de la manipe Halley est montée
sur le télescope de 1 mètre du Pic du Midi. C'est la première
fois qu'une caméra CCD matricielle est utilisée sur ce télescope.
Pour l'occasion, des bouts de radiateurs ont été ajoutés
pour accroître encore l'efficacité du système de refroidissement
(les parties brillantes en haut et en bas de la caméra). Un dispositif
à miroir basculant de récupération est monté
à l'avant de la caméra pour faciliter le pointage. Le montage
est rustique, à base de planches de bois et de tirants en tiges
filetées. Le boîtier électronique principal de la caméra
se situait sous la planche en bois. En ce mois de décembre 1996
nous avions l'extraordinaire privilège, Eric Thouvenot et moi, de
faire de l'astronomie CCD sur un télescope géant. Une situation
inimaginable pour des amateurs. Nos cibles d'alors furent des nébuleuses
planétaires, le quasar triple et Jupiter...
Les premières images de Jupiter réalisées avec une
matrice CCD sur le télescope de 1 mètre du Pic du Midi en
décembre 1986. Ce document explique la technique du masque flou,
pas encore tout a fait au point. L'Apple IIe est toujours dans la coupole
et il fait affreusement froid durant de longues et belles nuits. C'est
la dernière mission que nous faisons seul, en tant qu'amateur sur
le T1M. L'année suivante, Jean Lecacheux et Francois Colas prennent
la mesure du potentiel des CCD en observation planétaire sur le
T1M, et nous ferons dorénavant des missions conjointes très
fructueuses...
Le mois d'août 1987, marque une étape importante. Je
construis la première caméra de taille humaine, suffisamment
compacte pour pouvoir être installée sur un petit télescope
d'amateur et non pas seulement sur le T60 ou sur le T1M du Pic du Midi.
Le CCD est le Thomson TH7852. En ce mois d'août, Eric Thouvenot,
Guylène Prat, Olivier Gadal (le propriétaire du télescope)
et moi même, redécouvrons une fois de plus les incroyables
possibilités du CCD pour les astronomes amateurs. La caméra
CCD est très caractéristique de l'époque : une véritable
usine à gaz (pompe à vide, pompe à eau...). Le joint
réalisant l'étanchéité au vide du boîtier,
et que l'on voit dépasser, est issu d'une chambre à air de
pneu automobile récupérée non loin du lieu d'observation,
du côté de Limoux dans le département de l'Aude ! C'est
de cette époque que germe l'idée de dévorer tous les
objets du ciel et de constituer ce qui deviendra le Buil-Thouvenot
Atlas.
Toujours en 1987, la performance des ordinateurs
compatibles PC surpasse enfin celle du vénérable Apple IIe,
à bout de souffle et qui est mis au placard. Les progrès
du CCD sont étroitement liés à ceux de l'informatique
! Ces deux images ont été faites au T1M du Pic du Midi en
octobre 1987 (elle illustre la carte de voeux 1988 de l'Observatoire Midi-Pyrénées,
ce résultat étant décrit comme le fruit d'une association
amateurs-professionnels). François Colas, Jean Lecacheux, Pierre
Lacques, Christian Buil et Eric Thouvenot sont aux commandes. Ce sont nos
premières tentatives dans le domaine de l'imagerie couleur et les
progrès dans la technique d'acquisition et le traitement d'images
sont évidents. A gauche, Jupiter dans la bande du méthane
à 0,893 micron, à droite Jupiter observé dans le continuum
spectral vers 0,80 micron. La caméra est la même que celle
qui est montée sur le petit télescope Vixen de l'image précédente.
Cette caméra aura encore une longue carrière car elle sera
par la suite utilisée comme détecteur dans le spectrographe
du T60. Pour traiter et visualiser ces images (elles pèsent maintenant
221 x 145 pixels), il faut passer des nuits dans les locaux désertés
de l'Observatoire Midi-Pyrénées à apprendre à
utiliser un ordinateur qui occupe une pièce entière (EricThouvenot
fait alors un stage de DEA d'astronomie, ce qui ouvre les portes).
Jean Lecacheux à gauche et Francois Colas à droite,
ce dernier dans un de ses exercices favori : concocter de superbes gâteaux
par nuits de mauvais temps au Pic du Midi. Ces deux là sont des
observateurs émérites. Leur demande continuelle de disposer
d'équipements à la pointe nous a constamment aiguillonné
et nous a permis d'acquérir une très bonne expérience
de l'observation CCD en peu d'années.