LA MISE EN FORME DES HORLOGES

Le transfert des charges dans les différents registres du CCD nécessite un chronogramme précis. Mais en plus de la synchronisation, il est important que les horloges respectent d'autres exigences. Parmi les plus importantes il faut citer la valeur de la tension au niveau haut, la valeur de la tension au niveau bas et le temps de montée et de descente pour aller d'un niveau à l'autre. Les signaux expédiés par le PC sont du type TTL (ils évoluent approximativement entre 0 et +5V suivant le niveau logique). La lecture rapide de la notice technique d'un CCD montre que de tels signaux sont  inaptes à commander le transfert des charges. Un circuit électronique doit donc être interposé entre l'ordinateur et le CCD pour produire des horloges correctes.

Le circuit d'horloge d'un CCD peut être vu comme l'entrée d'un composant MOS. Celui-ci présente une capacité d'entrée parasite pouvant atteindre une valeur relativement importante (quelques nanofarad), avec un impact non négligeable sur la constante de temps des circuits produisant les horloges. Ceux-ci doivent fournir un courant important durant le bref  instant que dure le changement d'état (à ce moment, le CCD est en quasi court circuit). Si le courant n'est pas suffisant, le front d'horloge s'arrondit à l'excès avec à la clef, un dysfonctionnement du CCD. En revanche, il n'y a plus de problème lorsque que le niveau de l'horloge est établi, car alors l'impédance d'entrée du circuit d'horloge du CCD est très élevée. On utilise pour conditionner correctement les horloges des circuits spécialisés appelés drivers.

Dans Audine nous n'avons pas choisi la solution traditionnelle des drivers de MOS pour commander les horloges. En effet, une alternative particulièrement simple et économique pour adapter le niveau des horloges consiste à exploiter les signaux en provenance du PC pour simplement commander des interrupteurs analogiques qui commutent les tensions nécessaires au fonctionnement du CCD. Nous utilisons le circuit MAX333A de MAXIM qui comporte 4 interrupteurs indépendants. Le MAX333A peut commuter des tensions jusqu’à +/-20V ce qui est plus qu’il n’en faut pour le KAF-0400 (nota : le nouveau circuit MAX394 de Maxim est compatible broche à broche avec le MAX333A, mais en revanche n'est pas strictement identique au niveau électrique, sa gamme de tension étant plus faible). Les caractéristiques du MAX333A (résistances internes) garantissent par ailleurs des fronts d'horloges suffisamment raides.

 Le brochage du circuit MAX394, qui est identique à celui du MAX333A. C'est cependant ce dernier qu'il faut utiliser pour Audine.

Le principe d’utilisation d’un interrupteur analogique est très simple. Le niveau d’horloge adéquat est obtenu en permutant successivement l’interrupteur sur deux tensions continues distinctes dont les valeurs définissent les niveaux haut et bas souhaités pour l’horloge. La sélection de l’une ou l’autre des tensions est commandée par l’état d’un signal logique issu directement du port imprimante du PC. La figure suivante montre par exemple comment câbler un des interrupteurs du MAX333A pour produire les horloges de transfert vertical du KAF-0400.

 
Utilisation d’un des interrupteurs du MAX333A pour produire l’horloge V1 ou 2  du KAF-0400.

Lorsque le signal de commande (broche 1) est au niveau bas, le signal d’horloge disponible sur la broche 3 est à –8V. Lorsque le signal de commande est au niveau haut, le signal d’horloge est au niveau +0.5V. En changeant de manière cyclique l’état du signal de commande il est dès lors très simple de générer une horloge évoluant entre +0.5 et –8V.
 

LE TRAITEMENT DU SIGNAL VIDEO

Les charges électriques de chaque pixel sont véhiculées une à une vers l'étage de sortie du CCD au rythme des horloges synthétisées par l'ordinateur. Les charges sont converties en une tension dans l'étage de sortie. Cette tension apparaît sur une broche du circuit CCD, est amplifié par un circuit externe puis numérisée. La succession des tensions correspondant à la lecture des pixels les uns derrière les autres s'appelle le signal vidéo.
 
Dans le KAF-0400 la conversion entre les charges électriques et les tensions est réalisée par un système amplificateur très sensible, avec un taux de conversion de 10 µV/e-.

L'allure du signal vidéo est  représentée dans l'image suivante :

 
Forme du signal vidéo tel que le montrerait un oscilloscope.

En (a) nous trouvons le top de reset correspondant à la pré charge de la diffusion flottante de l’étage de sortie. Entre (a) et (b) l’interrupteur du circuit assurant la pré charge vient de s’ouvrir, ce qui provoque, par couplage capacitif parasite, la différence de niveau observée. Le palier (b) est appelé palier de référence. En (c) l’information contenue dans un paquet de charge est déversée dans la diffusion flottante, puis à partir d’un certain moment, le niveau du palier (d) est atteint. C’est le palier vidéo. La différence de tension entre le palier de référence et le palier vidéo est proportionnelle au nombre de charges contenues dans le pixel analysé. C’est donc bien cette différence que nous allons chercher à extraire. La figure ci-après montre une stratégie possible pour réaliser cette opération. L'amplitude du signal vidéo est référencée par rapport à la masse électrique. Le signal Vr (niveau du palier de reset) puis le signal Vi (niveau du palier vidéo) sont mesurés et enfin la différence Vi-Vr est calculée. La valeur Vi-Vr passe de 0V environ lorsque le CCD est dans l'obscurité jusqu'à 1 volt lorsque le CCD est saturé.

Localisation du signal vidéo par rapport au zéro électrique juste à la sortie du CCD. L’amplitude moyenne du signal est de l’ordre de 10 V, mais les variations correspondant aux différences de variations d’éclairement du CCD sont plus modestes, comprises entre 0.5 et 1V.

En pratique, la présence d'un niveau continu de l'ordre de 10V, se superposant au signal vidéo proprement dit, pose problème car il interdit l'amplification du signal vidéo afin d'obtenir une différence Vi-Vr d'amplitude correcte avant numérisation.

Il est simple de supprimer la composante continue en interposant un condensateur C juste dans la sortie vidéo du CCD. On réalise alors une liaison capacitive.

 Une simple liaison capacitive permet de bloquer le niveau continu du signal vidéo tout en laissant passer la composante variable. Après le condensateur, le signal vidéo est centré par rapport à la masse autour de sa valeur moyenne.
 
Pour parfaire le traitement du signal vidéo il est souhaitable de référencer le palier de reset par rapport à la masse électrique. C'est le rôle du circuit de clamp.
 Schéma d’une chaîne de traitement vidéo bâtie autour d’un circuit de clamp.

En partant du CCD on reconnaît un système RC (condensateur C1 et résistance R1) qui a pour rôle de filtrer la composante continue. C’est notre liaison capacitive précédente un petit peu améliorée afin de maîtriser la constante de temps du filtre qui est proportionnelle au produit R1.C1. Les valeurs indiquées dans le schéma  sont caractéristiques pour une fréquence de lecture des pixels de quelques dizaines de Khz, typique d’une caméra astronomique. Si pour une raison ou une autre il est nécessaire d’accroître la constante de temps, il est préférable d’agir sur C1 plutôt que R1 car les courants de fuite de l’amplificateur IC1, en passant dans cette résistance, sont susceptibles de produire une tension de décalage qui peut être gênante.

Le premier amplificateur IC1 réalise l’amplification  du signal. Le gain est donné par la formule :

 G = 1+ R3/R2

Le condensateur C2 et l’interrupteur analogique constituent le circuit de clamp proprement dit. Lorsque le palier de référence d’un pixel est établi, l’interrupteur est fermé durant un bref instant (1 ou 2 microsecondes). Ceci a pour effet de forcer le potentiel du palier référence à celui de la masse. Le cycle ouverture/fermeture/ouverture de l’interrupteur s’appelle dans le jargon électronique un top de clamp. Après le top, le potentiel de la masse est conservé jusqu’à ce que le palier vidéo soit établi à son tour. Le condensateur C2 laisse passer cette variation de tension, si bien que le potentiel relevé à la suite de ce condensateur est la valeur de la différence de tension entre le palier vidéo et le palier de référence. Le cycle recommence par l’arrivée du palier de référence du pixel suivant et l’envoi d’un nouveau top de clamp. Tout ceci  fonctionne correctement sous trois conditions :

Un troisième amplificateur IC3 complète le montage. Le gain est unitaire (R4=R5) et la fonction est d’inverser le signal vidéo afin que celui-ci varie vers les tensions positives lorsque le flux optique augmente.
 
Le circuit de clamp en action. En haut, on trouve la commande d’ouverture et de fermeture de l’interrupteur (un niveau haut signifie que l’interrupteur est fermé). Au centre on a représenté le signal vidéo à la sortie du CCD et en bas le signal vidéo à la sortie de l’amplificateur suiveur, au point D du schéma de clamp (le signal est  inversé à ce stade).
Sur cet oscillogramme on voit en haut le signal de l'horloge pixel et en bas le signal vidéo mesuré au point A du schéma de clamp. Le potentiel de masse est indiqué par le symbole 2> sur la gauche du graphe.
Le signal vidéo au point B sur schéma de clamp. Le signal vidéo est amplifié par rapport à la vue précédente. Les fronts sont arrondis du fait de la bande passante de l'amplificateur IC1.
Le signal vidéo au point C du schéma de clamp. Le circuit de clamp a fait son travail : le potentiel de masse se situe à présent au niveau du palier de référence.

Le circuit de clamp est très attractif en raison de sa simplicité, ce qui nous l'a fait adopter pour la caméra Audine. Les composants électroniques à utiliser sont peu nombreux et très courants, à ceci près qu’il faudra sélectionner avec soin l’interrupteur analogique. Nous profiterons des MAX333A déjà présents dans le circuit électronique d'Audine, les caractéristiques de ces interrupteurs permettant de réaliser un circuit de clamp de qualité.

La chaîne de traitement vidéo dans Audine repose sur le circuit AD713 de Analog Device qui contient 4 amplificateurs opérationnels à haute impédance d'entrée (une propriété essentielle pour cette application).
 

LA CONVERSION ANALOGIQUE-NUMÉRIQUE

Le dialecte d’un ordinateur est le langage binaire, y compris lorsque celui-ci dialogue avec le monde extérieur. Dès lors, caméra et ordinateur ne pourront se comprendre que si le signal vidéo est converti en un signal numérique. C’est le rôle du Convertisseur Analogique/Numérique, ou CAN en abrégé. Ce circuit est à la frontière de deux mondes bien distincts. D’un côté le signal analogique à mesurer, issu de l’amplificateur, est appliqué sur une des broches du CAN. De l’autre côté, les données binaires traduisant le résultat de la conversion sont disponibles le plus souvent sur autant de broches qu'il y a de bits dans le nombre binaire résultant.

Il existe de nombreuses techniques pour réaliser une conversion de l'analogique vers le numérique. La plus usitée d’entre elles repose sur l’estimation du signal analogique par pesées successives, en comparant le signal d’entrée avec une tension de référence.

Quelque soit la qualité du CAN, celui-ci ne peut fournir qu’une valeur approchée du signal analogique appliqué à son entrée. La précision du convertisseur va dépendre en partie de sa résolution. Les sorties du circuit étant du type binaire, la résolution s’exprime en puissance de 2. Par exemple, si le codage se fait sur 15 bits de large, soit 215=32768 pas de quantification (ou en anglais Analog Digital Unit, ADU), et si la gamme d’entrée du CAN est de 10 Volts, la résolution sera de 10/215=0.30 mV. La résolution exprime la variation de tension nécessaire au passage d’un pas de quantification au suivant. Mais, rappelez-vous que la conversion analogique/numérique s’effectue pratiquement toujours à la suite d’une opération d’amplification du signal vidéo, aussi pour connaître la résolution à la sortie du CCD est-il nécessaire de tenir compte du gain de l’amplificateur. Supposons qu’il soit de 16 dans notre exemple, la valeur du pas de quantification ramenée à la sortie du CCD sera alors 0.15 / 16 = 9 µV. La sensibilité de l’amplificateur intégré du KAF-0400 spécifié par le constructeur étant de 10 µV/e-, un pas de quantification sera l’équivalent à un signal de 9/10=0.9 électron.

Outre la résolution, le temps de conversion est une caractéristique importante du CAN qui agit directement sur la durée de lecture de la matrice CCD. Le AD976 de Analog Device, choisi pour la caméra Audine, effectue la conversion sur 16 bits en 10 microsecondes. Ce convertisseur est du type bipolaire, c'est-à-dire qu'il peut convertir une gamme de tensions incluant des valeurs négatives et positives. Dans Audine nous n'utilisons que la gamme positive et, du coup, la conversion effective du signal vidéo se fait sur 15 bits (la dynamique du CAN est divisée par deux).

Le circuit AD976 est un convertisseur simple à mettre en œuvre et performant. Nous avons vu qu'il peut convertir en 16 bits à la fréquence 100 KHz (200 Khz pour la version AD976A). Mais en plus il ne nécessite qu'une alimentation de +5V. La référence de tension et l'échantillonneur/bloqueur sont intégrés ce qui limite le nombre de composants extérieurs au strict minimum (l'échantillonneur/bloqueur est un circuit électronique qui permet de figer la tension à mesurer durant la phase de conversion). Le défaut de linéarité sur l’ensemble de la dynamique est de +/-2 ADU. En sortie, les données peuvent être lues, soit d’un coup sur 16 bits de large, soit au travers d’un multiplexeur 2 x 8 bits. Le circuit ADS7821 chez BURR BROWN est un équivalent du AD976, compatible broche à broche.

La figure suivante montre comment utiliser le AD976 afin que les mots de 16 bits puissent être véhiculés sur 4 fils seulement (un nibble). On reconnaît ici les exigences en entrée d’un port parallèle imprimante de base. Il suffit pour cela de relier les 8 sorties déjà multiplexées du AD976 à un multiplexeur supplémentaire externe 8 vers 4, le 74HC157. Si la commande SELECT (broche 1) est au niveau bas, se sont les entrées 1A, 2A, 3A et 4A qui sont copiées sur les broches de sortie 1Y, 2Y, 3Y et 4Y. Si SELECT est au niveau haut, se sont les entrées 1B, 2B, 3B et 4B qui sont reliées aux sorties. En combinant le signal MULTI1 avec le signal MULTI2, qui commande le multiplexage proprement dit du CAN (sélection des 8 bits de poids fort ou des 8 bits de poids faible), il devient possible de faire transiter des mots de 16 bits en 4 opérations de lecture d'un nibble.

 
Multiplexage sur 4 bits d’un convertisseur 16 bits du type AD976.