LE CCD EN DEUX OU TROIS LIGNES

Un détecteur CCD (Charge Coupled Device ou Dispositif à Transfert de Charges en français) est fondamentalement constitué d'une surface photosensible plane que l'on positionne au foyer d'un imageur optique, en lieu et place, par exemple, d'une pellicule photographique. Le matériel de base de la surface photosensible est le silicium, qui est dopé de manière à acquérir des propriétés photoélectriques, c'est-à-dire qu'un photon incident (un grain de lumière) est susceptible d'y produire une charge électrique (un électron, par exemple).

Un circuit CCD. La surface sensible est le rectangle noir. Des fils très fins (bonding) relient électriquement la plaquette de silicium aux pattes du circuit.

En analysant au microscope la surface sensible d'un CCD on constate qu'elle est constituée d'un réseau de minuscules cellules électriquement indépendantes. Ces cellules, que l'on appelle photosites, d'une taille de quelques microns à quelques dizaines de microns, sont capables, lorsqu'elles sont correctement alimentées électriquement (on dit polarisées), d'accumuler un grand nombre d'électrons sous l'effet du flux optique incident. Ce nombre de photons est lié à la brillance de l'objet observé, mais aussi au temps d'exposition de la surface sensible à l'éclairement. Par exemple, si le temps d'exposition à la lumière double, la quantité de charges photoélectriques accumulées sous le photosite double aussi. On retrouve ici la notion de temps de pose chère aux photographes.

Le taux de conversion entre les photons et les électrons (les charges électriques) est appellé le rendement quantique. Celui-ci varie fortement avec la longueur d'onde et défini le domaine spectral de sensibilité du CCD (de 0,4 à 1 micron de longueur d'onde la plupart du temps). Dans la région du spectre où le CCD est le plus sensible, dans le rouge profond, le rendement quantique est de l'ordre de 40 à 50% pour les CCD courants, mais peut atteindre jusqu'à 90% avec des détecteurs particulièrement optimisés et ... chers !

Macrophotographie de la surface sensible. Les structures régulières horizontales et verticales limitent physiquement les photosites. Les photosites constituent une mosaïque appelée matrice CCD.

Le CCD est conditionné dans un boîtier de circuit intégré banal, à ceci près que la partie supérieure de ce dernier est transparente à la lumière (un petit hublot en verre protège souvent la surface sensible de la poussière et de l'arrachage des connexions électriques très fines situées sur son pourtour).

Après la phase d'exposition à la lumière, l'image optique est donc transformée en une image électronique. Plus les photosites sont de petite taille, plus l'échantillonnage (ou discrétisation) de l'image optique sera précis et plus l'image électronique sera potentiellement le reflet fidèle de l'original optique sur le plan de la résolution. On appelle un élément de l'image ainsi échantillonné par les photosites, un pixel (de l'anglais picture element). Dans la littérature les termes de photosites et de pixels sont souvent mélangés et nous ne dérogerons pas à cet amalgame dans la présente documentation !

Il y a des limites physiques à la taille des photosites (5 ou 6 microns de côté pour les plus petits) et des limites liés aux performances (si les pixels sont trop petits, la quantité de charge stockable sous les photosites devient insuffisante pour assurer une dynamique de l'image correcte dans une exploitation scientifique du détecteur). De gros pixels (30 microns de côté) pourront collecter plus de charges électriques mais dégraderont plus ou moins la résolution de l'image face à la plupart des configurations optiques usuelles.

Un CCD peu comporter plusieurs centaines, voir plusieurs milliers de pixels suivant l'axe horizontal et l'axe vertical

Une fois le signal intégré dans les photosites, l'information qu'ils contiennent doit être transférée ligne après ligne puis colonne après colonne jusqu'à un étage d'amplification, pour finalement délivrer une information électrique sur une broche du circuit CCD.

Le transfert des charges, dit vertical, est réalisé en polarisant de manière adéquate et séquentiellement des lignes de pixels adjacentes de la structure CCD. Ces signaux de polarisation séquentiels sont appelés des horloges. Pour un cycle d'horloge donné, les charges de l'ensemble des photosites d'une ligne sont transférées dans la ligne adjacente située en dessous (par tradition on considère que les charges se déplacent de haut en bas dans la zone image du CCD, d'où le terme de ligne en dessous). En même temps, le contenu de la dernière ligne de la zone image est transféré dans une ligne spéciale, appelée registre horizontal. La figure ci-après illustre ce mécanisme de transfert.

Ces figures schématisent un CCD qui ne comporterait que 3 lignes de 5 photosites chacune. A gauche, l'image vient d'être intégrée et chaque lettre traduit la quantité de charge accumulée au niveau des photosites. A droite, la phase de lecture du CCD débute. Toutes les lignes ont été transférées d'un cran vers le bas. La première ligne de photosites se retrouve dans le registre horizontal.

Une fois que les charges d'une ligne sont déversées dans le registre horizontal, ce dernier doit être lu à son tour. Pour cela, une seconde série d'horloges est mise en action pour assurer un transfert de pixel à pixel suivant l'axe horizontal. Les charges arrivant à l'extrémité du registre horizontal sont expédiées dans un circuit électronique qui convertit le nombre d'électrons contenus dans le photosite en une tension électrique. Ce circuit fonctionne en trois temps : (1) un condensateur est chargé à un niveau dit de précharge par la fermeture d'un interrupteur qui applique à ses bornes une certaine tension fixe (ce qui nécessite une horloge supplémentaire), (2)  l'interrupteur est ouvert, ce qui produit une petite variation de la tension électrique aux bornes du condensateur, qui s'apparente à un bruit, (3) les charges en provenance d'un photosite sont injectées dans la capacité, ce qui a pour effet de décharger cette dernière de manière proportionnelle au nombre d'électrons contenus dans le photosite. La différence en tension sur les bornes de la capacité entre le signal alors observé et celui constaté juste après l'ouverture de l'interrupteur traduit la valeur du contenu du paquet de charge analysé sous une forme usuelle.

La phase de lecture de la ligne stockée dans le registre horizontal. Le premier paquet de charge (la lettre E) de la ligne est transféré dans l'étage de sortie. Tous les photosites sont déplacés par la même occasion d'un rang vers la droite. Une fois le registre horizontal entièrement lu, une nouvelle ligne est transférée dans ce registre et le cycle recommence.

Après amplification, cette tension est présentée sur une broche du circuit. Donc, au fur et a mesure que les cycles d'horloges se déroulent, l'information sur la quantité de lumière ayant exposé chaque photosite apparaît séquentiellement sur la broche de sortie du CCD. On appelle ce train d'information, le signal vidéo. L'étage de sortie par lequel transite toute l'information contenue dans l'image constitue un véritable goulet d'étranglement. Le temps de lecture complet de l'image électronique dépend de la fréquence des horloges. Dans une caméra optimisée pour la détection de faible flux et disposant d'un CCD d'une taille d'environ 400.000 pixels, il peut être de plusieurs secondes.

A ce stade une électronique externe au circuit CCD a pour fonction d'amplifier, de mettre en forme, de numériser et d'expédier vers l'ordinateur le signal vidéo. L'étape de conversion du signal continûment variable sortant du CCD en un signal numérique est indispensable car l'ordinateur ne comprend que les nombres binaires (le codage du signal vidéo se fait le plus souvent entre 8 et 16 bits). L'ordinateur reconstitue ensuite l'image point à point sur l'écran (en niveaux de gris, en couleurs, ou sous une autre forme) et stocke les précieux octets sur une mémoire de masse pour traitement ultérieur.

Une caractéristique très appréciée des circuits intrinsèques du  CCD, et des circuits associés à la puce CCD, est qu'ils ajoutent un bruit minimal au signal vidéo. Le bruit est une variation aléatoire du signal utile, qui peut aller jusqu'à brouiller complètement ce dernier. D'une manière générale, le bruit limite la détectivité du système, c'est-à-dire, en terme simple, sa capacité à détecter des objets de faible intensité lumineuse. Le bruit s'exprime le plus souvent en nombre d'électrons au niveau de l'étage de sortie du CCD. Un bruit inférieur à 20 électrons caractérisera en général une caméra pouvant être exploitée pour la détection de faibles flux. Cependant, il ne faut pas s'arrêter à ce paramètre pour juger de la performance finale d'une caméra CCD. Par exemple, le rendement quantique, qui est le taux de conversion des photons en électrons, est déterminant pour évaluer la sensibilité finale du système. Dans la plupart des CCD d'un prix raisonnable, ce taux est de l'ordre 30 à 40% (il est cependant très variable en fonction de la longueur d'onde considérée). Citons encore la linéarité de la réponse (proportionnalité entre le nombre de photons incidents et le signal observé à la sortie du CCD ou de la caméra), qui est le gage de mesures photométriques de qualité. La linéarité est d'une manière générale excellente avec les CCD.

L'image numérique en provenance de la caméra et qui est stockée dans la mémoire de l'ordinateur est appelée une image brute. Elle est constituée de la somme de l'image optique proprement dite, mais aussi de signaux parasites, notamment un signal de décalage (appelé aussi offset) provoqué par l'électronique intégrée du CCD et éventuellement par les circuits électroniques externes de traitement du signal vidéo, ainsi que d'un signal, dit thermique, qui naît spontanément dans les photosites, en même temps que l'image optique est intégrée. Le signal thermique est la manifestation de charges parasites qui sont produites du fait de l'agitation thermique du réseau cristallin de silicium. Même si le CCD est plongé dans l'obscurité, le signal thermique se manifeste toujours et produit un signal électrique parasite perceptible. On l'appelle aussi parfois signal d'obscurité, à cause de cela. Tout comme les photocharges, les charges thermiques sont produites avec un taux qui est proportionnel au temps d'intégration. Sans précaution particulière, le signal thermique peut dominer le signal optique, ce dernier étant alors susceptible de devenir  inexploitable. La seule parade pour éradiquer le signal thermique consiste à refroidir le détecteur CCD lors de son utilisation.

Tous les signaux additifs parasites doivent être éliminés lors d'une phase du traitement d'image assez critique, que l'on nomme prétraitement. En plus des biais additifs, le prétraitement a pour fonction de corriger les biais multiplicatifs. Ceux-ci traduisent le fait que les pixels n'ont pas tous la même sensibilité à l'éclairement ou que l'optique utilisée présente un vignettage.