LA WEBCAM EN IMAGERIE PLANETAIRE

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Conçues pour voir un interlocuteur via un ordinateur, les webcam ont été détournées de leur fonction première il y a quelques années par une poignée d'astronomes amateurs ingénieux. Avec ces " caméras CCD du pauvre ", il est possible d'obtenir des images extrêmement détaillées de la Lune et des planètes. Le principe se résume en quelques étapes essentiels : il faut adapter la webcam sur votre télescope, en lieu et place de l'oculaire qui sert à l'observation, filmer le sujet convoité pendant quelques dizaines de secondes puis traiter le film à l'aide de logiciels.

Choix du matériel

La webcam

Optez de préférence pour la Philips ToUcam Pro, digne successeur de la fameuse Vesta pro. Outre ses performances remarquables en terme de sensibilité et de rendu des couleurs, elle dispose d'un objectif à vis que vous pourrez enlever et remettre à votre guise : vous n'avez plus qu'à commander un adaptateur en métal au coulant de votre porte-oculaire. Une telle solution permet de ne pas condamner votre webcam à un usage purement astronomique et offre un excellent maintient. Dans le cas d'un objectif fixe (cas de la Quick cam VC et de la Quick cam pro par exemple), l'opération est plus délicate : il faut ouvrir le corps de la caméra avec un petit tournevis, retirer l'objectif et venir y coller une boîte en plastique de pellicule photo, percée en son centre pour laisser passer la lumière. La plus grande précision s'impose lors du positionnement des deux éléments !

L'ordinateur

Lorsque la caméra est en place dans le porte-oculaire, tout se contrôle depuis l'écran d'ordinateur : cadrage, mise au point, prise de vue… Il est donc très commode que celui-ci soit placé juste à côté du télescope. Un ordinateur portable vous permet d'être autonome loin de toute prise de courant. Un ordinateur de bureau doit quant à lui être relié au secteur : prévoyez une bonne rallonge si vous observez depuis le fin fond de votre jardin ! Un ordinateur surpuissant n'est pas indispensable pour l'acquisition des images. Prévoyez quand même un peu de place sur le disque dur : chaque séance vidéo que vous allez acquérir pèsera plusieurs dizaines de Méga-octets (Mo). En revanche, tout le traitement des images qui s'en suivra sera d'autant moins fastidieux que l'ordinateur offrira de bonnes performances.

L'instrument

Les webcam peuvent donner de très bons résultats avec pratiquement tous les types d'instruments. Méfiez-vous simplement des objectifs de lunettes mal corrigés du chromatisme : ils peuvent donner des images empâtées à cause de la sensibilité dans l'infrarouge des détecteurs. Une seule solution dans ce cas : interposer un filtre anti-infrarouge devant la webcam.

A cause de la très petite taille de leur capteur CCD, les webcam sont intransigeantes quant au centrage d'un astre dans le champ. Un chercheur puissant et parfaitement réglé devrait vous permettre de pointer un objet avec succès. Dans le cas contraire, utilisez un oculaire avant de positionner la webcam sur l'instrument. Quelques exercices en plein jour, sur une cible fixe lointaine, vous permettront rapidement de vous faire la main. Mais sur le ciel, un moteur de poursuite précis est indispensable afin de ne pas perdre sans cesse l'astre du champ.

Gare à la petite taille des détecteurs CCD... Une focale de 3,9 mètres permet tout juste de faire loger l'arène de clavius dans le champ de la webcam...

Grâce à l'excellente résolution des webcams, il n'est pas nécessaire d'utiliser de forts agrandissements : vous capturerez déjà de fins détails sur les planètes avec seulement 1500 à 3000 millimètres de focale ! A titre d'exemple, l'échelle est d'environ 0,5'' d'arc par pixel avec seulement 2 mètres de focale. Compte-tenu de la taille des pixels des webcams les plus utilisées (Vesta Pro et Toucam Pro), il est nécessaire de travailler avec un rapport focale/diamètre d'au moins F/D=10. Les utilisateurs d'instruments ouverts doivent donc impérativement investir dans une lentille de barlow de bonne qualité. Cependant, dans la pratique, on considère qu'il faut plutôt un rapport F/D de 20 au minimum pour atteindre pleinement le pouvoir séparateur théorique de l'instrument. Dans le cas contraire, on parle de sous-échantillonnage : les plus fins détails sont invisibles et d'éventuels artefacts apparaissent : bords des planètes brillants etc... Revers de la médaille : plus on augmente le rapport F/D, plus on allonge le temps de pose et plus la turbulence peut brouiller les images. Par forte agitation atmosphérique, on peut perdre complètement le bénéfice d'un tel agrandissement.

Images de Saturne au C14 par faible turbulence avec un rapport F/D de 11 (image de gauche) et de 28 (image de droite). L'image à F/11 est clairement sous échantillonnée par rapport à celle à F/28.

La prise de vue

Une fois l'astre centré sur l'écran, vous voilà prêt pour quelques réglages avant la prise de vue. Si ces derniers peuvent très bien être réalisés avec le logiciel d'origine de la caméra, il existe d'autres outils, plus spécialisés dans l'acquisition d'images astronomiques. Citons notamment Qcfocus ou l'incontournable Iris, tous deux téléchargeables gratuitement sur internet. Par défaut, votre caméra règle automatiquement la luminosité et surexpose complètement les planètes, ce qui ne convient qu'au cadrage. Lors de la mise au point, débrayez l'exposition automatique, réglez le temps de pose à environ 1/25ème de seconde et optimisez la luminosité et le contraste à l'aide des curseurs de " gain " et de " gamma ". Choisissez d'abord une cadence d'image de 15 à 30 images par seconde, afin d'observer les changements de netteté en temps réel. Pour la prise de vue, passez à une vitesse plus lente, de 5 à 10 images par secondes, afin de ne pas dégrader la qualité de vos images. Quand vous êtes satisfait de l'allure de votre proie sur l'écran, vous pouvez lancer votre "capture " : vous allez enregistrer votre fichier vidéo pendant le temps choisi. Attention à la place disponible sur votre disque dur. Vous pouvez, pendant la prise de vue, apporter de petites corrections sur les moteurs pour garder une image bien centrée. C'est par exemple nécessaire si vous capturez la Lune pendant un bon moment sans disposer de vitesse de suivi lunaire.

Le traitement

En visionnant le film brut, vous ne serez sans doute pas ébahi par sa qualité : turbulence déformant la planète au cours du temps, aspect granuleux, manque de contraste… C'est là que la magie du traitement informatique entre en scène. Pour cette phase, utilisez le logiciel AVI2bmp ou, comme pour la prise de vue, l'extraordinaire Iris, de Christian Buil, une pure merveille d'efficacité. De tels logiciels décomposeront automatiquement votre capture vidéo en images. Ainsi, un film de trois minute réalisé à la cadence de 10 images par secondes sera décomposé en… 1800 images couleur ! L'étape suivante consiste à superposer ces images les unes sur les autres afin de gommer complètement leur aspect granuleux : on dit qu'on réduit le bruit. Avec les webcam, il n'est pas rare de combiner des centaines d'images ! Avec sa commande compute_trichro, Iris se charge de sélectionner les meilleures clichés de votre film, de les recadrer les uns par rapport aux autres et de les combiner… Sans que vous n'avez à lever le petit doigt ! Reste ensuite à améliorer la netteté du cliché ainsi obtenu. Le masque flou, disponible sur tout bon logiciel de traitement d'images, comme par exemple Photoshop, est le plus simple à mettre en œuvre. Cependant, vous découvrirez avec l'expérience les possibilités immenses d'Iris dans ce domaine. Outre le masque flou, vous pouvez réaliser un traitement par " ondelettes ". Sans entrer dans les détails, un tel outil permet de faire ressortir les détails sans accroître le grain de l'image, c'est à dire le bruit de fond. Lors de ces traitements, votre inspiration aura libre cours : masque doux ou fort selon l'effet recherché, saturation des couleurs plus ou moins prononcée… L'un des avantages de l'informatique est aussi de réaliser un nombre infini d'essais pour ne garder que ceux qui vous conviennent le mieux.

Images webcam de Jupiter obtenues au foyer d'un T 254mm à F/10. A gauche : une seule image brut (on remarque le grain). Au centre : combinaison de 50 images, sans traitement (le grain a diminué : au augmente le rapport signal/bruit). A droite : l'image résultante a été traitée par "ondelettes".

 

Influence des conditions atmosphériques

La turbulence

On entend souvent dire que les webcams permettent de s'affranchir de la turbulence, et que telle ou telle image a été réalisée dans des conditions très médiocres. Ces affirmations doivent être prise avec beaucoup de précautions. Une chose est certaine : puisque les poses sont beaucoup plus courtes avec une webcam qu'avec la photographie argentique, les résultats sont toujours meilleurs, puisque la turbulence aura moins le temps de brouiller les images. Pourtant, plus la turbulence sera faible, mailleures seront les images, même avec une webcam. Il est donc erroné de penser que les webcam permettent d'obtenir de bons résultats quelles que soient les conditions atmosphériques. Preuve en est avec la comparaison des deux clichés ci-dessous, réalisés et traités de la même façon. La seule différence entre les deux : l'un a été réalisé par nuit de faible turbulence, l'autre par nuit de forte agitation atmosphérique. Comme on le voit, le résultat n'est pas du tout le même !

Images webcam obtenues dans les même conditions au foyer d'un T 355mm à F/11. A gauche : par nuit de faible turbulence, à droite, par nuit de forte turbulence. Dans les deux cas, 20 images compositées et traitées sur 200.

Un instrument de gros diamètre est réputé plus sensible à la turbulence qu'un petit. Cependant, puisqu'il capte plus de lumière, il permet des temps de pose plus courts. Alors, qui a l'avantage lorsque la turbulence brouille les images ? Les deux images ci-dessous apportent quelques éléments de réponse. Il s'agit de la planète Mars, capturée coup sur coup avec une petite lunette de 105mm à F/26 et un gros télescope de 355mm de diamètre à F/11. Les poses étaient de 1/100ème de seconde à la lunette et 1/500ème de seconde au télescope. Malgré cette différence d'un facteur 5, on voit que la netteté est à peu de chose près la même. Le gros télescope, sensible à la turbulence, ne réussit pas vraiment à tirer son épingle du jeu lors l'agitation atmosphérique est importante.

Images webcam obtenues le même soir avec : à gauche, une lunette de 105mm (peu sensible à la turbulence), à droite, avec un télescope de 355mm. La différence de luminosité a permis des temps de pose 5 fois plus courts, mais cela ne suffit pas à augmenter la définition de manière significative.

 

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