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QUE LA GRAVITATION SOIT AVEC TOI !
Episode 1
Une étoile ordinaire tire sa stabilité
dune lutte incessante entre la gravité, qui tend à la faire seffondrer sur
elle-même, et la chaleur produite par les réactions thermonucléaires. Léquilibre
est donc parfait tant que létoile reste dans la série principale. En fin de vie la
production de chaleur sarrête dans son cur et la gravité en profite
lâchement pour prendre le dessus. Une étoile de la taille de notre soleil se retrouve
confinée dans une sphère denviron 10 000 km de diamètre appelée naine blanche.
Un peu avant cette extrémité létoile expulse une grande partie de sa matière
sous forme de nébuleuse planétaire, comme la nébuleuse de la lyre ou hélix. Mais
après, la gravité jette léponge, elle a trouvé un nouveau maître. Que se passe
til ? Pour comprendre, dabord un peu dhistoire :
Au
début du XXem siècle on nenvisageait pas un état de la matière
beaucoup plus concentré que celui observé habituellement sur terre. Pour toutes les
choses connues, leau, le bois, les roches ou les êtres vivants, les densités ont
toutes le même ordre de grandeur : quelques grammes par cm3. Il faut
attendre les années 1920 pour que la mécanique quantique nous en explique les
raisons :
Dans un
atome les électrons sont liés au noyau par des forces électriques et sont animés de
très grandes vitesses. De même que les molécules de gaz exercent une pression sur les
parois dun récipient, les électrons sont responsables dune pression
empêchant la matière de se contracter au-delà dune certaine limite. Cest le
principe dexclusion découvert en 1925 par un physicien américain : Wolfgang
Pauli. Il stipule que deux particules identiques ne peuvent avoir la même position et la
même vitesse. Cest ce qui empêche notre doigt de traverser une table par exemple
et, de toute façon, sans ce principe, lunivers ne serait quune soupe de
particules où aucune chose ne pourrait exister. Dans la matière ordinaire il y a
beaucoup de vide, de place perdue, mais la mécanique quantique prédit lexistence
dune matière très concentrée où il ny a plus de vide : cette matière
est dite dégénérée. Cest exactement ce qui ce passe dans les naines blanches où
les électrons sont confinés dans un volume si petit que tous les niveaux dénergie
sont occupés. Autrement dit toutes les places sont prises. Le principe dexclusion
interdit donc de remplir davantage le volume et les électrons résistent à toute
compression supplémentaire. Cest ce quon appelle la pression de
dégénérescence qui est indépendante de la température, contrairement à la pression
dun gaz ordinaire. Une naine blanche restera donc indéfiniment en létat sans
jamais plus se contracter. Elle mettra des milliards dannées à se refroidir car
elle est protégée du froid de lespace par un manteau de quelques km
dépaisseur constitué de matériaux opaques non dégénérés. La température de
surface ne dépasse pas les 100 000 ° k, alors le cur atteint 100 millions °k pour
une jeune naine blanche. La densité à lintérieur dune naine blanche est de
lordre de la tonne par cm3. ( petit mais costaud
). Sa composition
est très simple : De loxygène au cur puis de lhélium en se
rapprochant de la surface.
La première
naine blanche fut découverte en 1862 en orbite autour de Sirius. Son découvreur, un
Américain, la nomma Sirius B sans connaître sa vraie nature.
La gravité
aurait-elle trouvé un maître absolu ? Non car elle a un allié de
poids : la masse. En 1931, un astrophysicien indien, Subrahmanyan Chandrasekhar,
trouva une limite à la masse des naines blanches : 1,4 masses solaires. Au-delà, la
gravité lemporte sur la pression de dégénérescence des électrons. Toutefois on
estime quune étoile jusquà 8 masses solaires formera tout de même une naine
blanche avec une masse inférieure à la limite de chandrasekhar car elle perd
énormément de gaz, sous forme de vent stellaire, au cours de sa vie.
La gravité
peut donc prendre sa revanche avec les étoiles très massives, supérieures à 8 masses
solaires. Grâce à une température de plusieurs milliards de degrés, ces étoiles sont
capables de synthétiser tous les éléments lourds connus. Les transmutations successives
conduisent à la formation, dans le cur de létoile, de lélément le
plus stable de lunivers : le fer. Le noyau de fer est si stable quaucune
autre fusion nest possible. Le cur de fer ainsi formé ne débite plus
dénergie et cesse dassurer léquilibre gravitationnel de létoile
qui en est au stade de super géante rouge. La masse de létoile seffondre sur
le cur inerte à la vitesse de la chute libre. Dans la bataille, les photons qui
jaillissent sont tellement énergétiques quils font éclater les noyaux de fer en
une multitude de noyaux dhélium : cest la photo désintégration. La
température est telle que les noyaux dhélium se désintègrent, à leur tour, en
leurs constituants élémentaires, protons, neutrons et électrons. Comme pour les naines
blanches, les électrons sont dégénérés, mais la masse du noyau dépassant la limite
fatidique de Chandrasekhar, la pression de dégénérescence des électrons est incapable
de résister à la compression. En une fraction de seconde, les électrons sont poussés
à lintérieur des protons où leurs charges électriques se neutralisent pour
créer des neutrons. Comme leur nom lindique, les neutrons nont pas de charge
et donc ne se repoussent pas comme les protons, ils peuvent donc se rapprocher
jusquà se toucher. Cette neutronisation saccompagne donc dune implosion
du cur de létoile qui seffondre littéralement sur lui-même sous
laction de la toute puissante gravité. La densité atteint celle des noyaux
atomiques. Le cur de létoile est devenu une sorte de noyau atomique géant
constitué principalement de neutrons. Les couches externes de létoile rencontrent
donc, en seffondrant, un mur infranchissable et rebondissent : cest une
supernova. 90 % de sa matière est expulsée dans lespace. Encore une fois la
gravité est vaincue, cette fois cest la pression dégénérescence des neutrons qui
empêchent un effondrement total. Il reste ce quon appelle une étoile à neutrons
de 10 km de diamètre avec une densité de 100 millions de tonnes par cm3 (
très petit mais très costaud
). Une étoile à neutrons sapparente donc un
noyau atomique géant. La différence est que létoile à neutrons est liée par la
gravité et le noyau atomique par la force nucléaire forte. La surface est formée par
une croûte rigide de fer de 1 km dépaisseur portée à plusieurs millions de
degrés.
La première
étoile à neutrons a était détectée sous la forme dun pulsar en 1967 ( voir
cosmos express n° 21) et la plus célèbre et celle de la nébuleuse du crabe.
A
suivre
Dans Episode 2
: Le triomphe de la gravitation.
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LE TRIOMPHE DE LA GRAVITATION
Episode 2
Nous avons laissé la gravitation au prise avec la matière dégénérée dune
étoile à neutrons. Nous lavons vu, le grand allié de la gravitation, cest
la masse. Il y aura donc une limite pour la masse de ces résidus stellaires
au-delà de laquelle ils seffondreront sur eux-mêmes pour donner les
objets les plus fascinants de lunivers : les trous noirs.
Ce concept
nest pas nouveau ; en 1796 le mathématicien astronome Pierre Simon Laplace
associa lidée de vitesse finie de la lumière avec celle de vitesse de libération
pour supputer lexistence de corps si massifs que même la lumière ne pourrait le
quitter. Il calcula quune étoile qui serait 250 fois plus grosse que le soleil et
en même temps aussi dense que la terre ne laisserait pas sortir ses rayons lumineux et
serait donc invisible.
La vitesse
de libération est la vitesse au-dessus de la quelle tout projectile, quelle que soit sa
nature, est libéré de la pesanteur terrestre. Elle se calcule en fonction de la masse de
la planète et de son rayon : plus grande est la masse de lastre considéré,
plus grande sera sa vitesse de libération, et, pour une masse donnée, la vitesse de
libération est dautant plus élevée que le rayon de lastre est petit. Ainsi
elle est de 11.2 km/s à la surface de la terre, 620 km/s à la surface du soleil mais
atteint plusieurs milliers de km/s sur une naine blanche dune masse solaire dont le
rayon ne dépasse pas 10 000km. Cest donc à partir de la simple notion de vitesse
de libération que fut élaboré le concept, infiniment plus complexe, de trous noirs.
Voyons un peu de quel bois se chauffe un astre capable de retenir
la lumière dans ses filets, pour cela revenons à notre étoile à neutrons :
La limite de
la masse des étoiles à neutrons nest pas connue avec précision comme dans le cas
des naines blanches, on lévalue à environ 3 masses solaires pour un diamètre de
10 km. Au-delà la pression de dégénérescence des neutrons est incapable de résister
à leffondrement gravitationnel. Cette fois plus rien ne peut arrêter la
contraction de létoile sur elle-même jusqu'à un point de volume nul et de
densité infinie. Cest ce que les astrophysiciens appellent une
singularité , faute de pouvoir expliquer le phénomène avec leurs outils
habituels. En effet la physique traditionnelle, en particulier la relativité générale
dEinstein, résout très bien les problèmes de gravitation à grande échelle et la
mécanique quantique décrit linfiniment petit des particules. Or pour comprendre ce
qui se passe dans la singularité, il faudrait une théorie
quantique de la gravitation qui nest pas encore élaborée.
Un trou noir
ne se résume pas à un point, il na pas de surface rigide comme une étoile à
neutron mais possède un horizon. Cest la limite après laquelle toute chose,
matière ou rayonnement, se trouve irrésistiblement attirée vers la singularité sans
aucun espoir de revoir le jour. En 1915 un astrophysicien allemand, Karl Schwarzschild,
sintéressa à cette limite et calcula la distance critique : R = 2GM / C2.
G est la constante de gravitation, M la masse du corps considéré et C la vitesse de la
lumière. Ce rayon critique est donc uniquement proportionnel à la masse, cest une
des caractéristiques des trous noirs doublier la nature des choses et de conserver
uniquement leur masse. Ce rayon de Schwarzschild est donc la
dimension critique dun objet en dessous de laquelle la vitesse de libération, à sa
surface, est égale à celle de la lumière. Ainsi pour toute chose il existe un rayon de
schwarzschild :
Pour
la terre, dont la masse est de 10 25kg, ce rayon est de 1 cm, pour le soleil
avec 1030 kg il est de 1 km et pour une galaxie de 1011 masses
solaires il est de 0.01 al. On peut également le calculer pour un homme de 100 kg, il
serait de 10-23 cm.
Un trou noir
isolé est bien sûr indétectable, par contre sil se trouve à proximité
dune étoile, il lui arrache sans cesse des matériaux qui forme un disque
daccrétion chauffé à plusieurs millions de degrés. La matière en tombant dans
le maelström émet des bouffées de rayons X parfaitement détectables par nos
satellites. Cest ainsi que fut trouvée, en 1965, une source de rayons X dans le
cygne grâce à un détecteur embarqué à bord dune fusée. On baptisa cet objet
Cygnus X-1. Par la suite il savéra que lon était en
présence dun trou noir de 7 masses solaires en orbite très serrée autour
dune étoile de type O de 30 masses solaires. Cygnus X-1 tourne à seulement 30
millions de km de la super géante en moins de 6 jours. Cest le premier candidat
trou noir officiellement reconnu.
Il existe
également des trous noirs géants, de plusieurs millions de masses solaires dans le
cur de nombreuses galaxies à commencer par la notre. Le bulbe de la voie lactée
recèle un tel monstre : Sagittarius A pour les intimes.
La
gravitation est donc la grande gagnante de lhistoire, elle à réussi à vaincre
notre physique et notre compréhension
Heureusement il nous reste
limagination et là nous sommes imbattables. |