Le CROA des mille et une nuits



Hier, j'ai observé pour la 1001è fois. Et si je racontais tout depuis le début ? C'est possible, puisque j'ai toujours pris des notes d'observation, et ce depuis la toute première. Je ne vais pas tout mettre, sûrement pas, mais je vais m'efforcer d'inclure les séances d'observations les plus intéressantes, ou mémorables... Attention : ce qui suit sera complété progressivement.

Avant mon premier "télescope"

Mon plus ancien souvenir en relation avec l'astronomie date d'il y a très longtemps. Je devais avoir cinq ans environ, j'étais assis sur la banquette arrière de l'Ami 8, près de la fenêtre de gauche, et on voyait la Lune. Nous rentrions d'un week-end chez ma grand-mère (et effectivement, l'ouest était à gauche de la route du retour). Je me souviens avoir été intrigué par le fait qu'elle n'avait pas la même forme que la dernière fois que je l'avais vue, et je me demandais pourquoi. Apparamment, c'est que j'avais déjà regardé la Lune. Mais je me souviens de ça surtout parce que m'avait ça intrigué assez longtemps.

Quelques années plus tard, et à deux reprises, mon père avait lu dans le journal qu'il y aurait une éclipse de Lune et nous l'avait fait regarder aux jumelles. Je dois dire que ça ne m'a pas marqué plus que ça (mais je m'en souviens quand même). J'étais sûrement trop petit.

À cette époque, j'avais lu l'atlas de mes parents. À la fin, il y avait quatre double pages qui faisaient rêver : une sur la place du Soleil dans la Galaxie, la suivante montrant deux cartes des constellations (une par hémisphère), puis une page sur le Système Solaire, et enfin une grande carte de la Lune. Avec mon frère, on s'était interrogés : c'est quoi les étoiles ? Après analyse de la carte du Système Solaire, il nous semblait que ça devait être les astéroïdes, vu qu'ils se répartissaient tout autour. Le soir, en été, nous avions réussi à reconnaître la Grande Ourse. Mais c'est tout...

Vers l'âge de dix ans, ou onze, ou douze, je ne sais plus (on habitait rue du Port, donc c'était avant douze ans, ça c'est sûr, et après neuf), mes parents m'achetaient des bandes-dessinées, mais j'avais demandé à avoir "Castor Juniors Magazine" plutôt que "Picsou Magazine". Ce magazine, qui a disparu je crois, mélangeait des petites histoires de Donald et compagnie avec des articles plus ou moins scientifiques mis à la portée des enfants. Je me souviens de certains thèmes : la post-synchronisation, les fantômes, les OVNI (où j'ai appris que Vénus est souvent prise pour un OVNI. Vénus ? Tiens donc, on peut la voir à l'oeil nu ????), etc. L'un d'eux expliquait comment repérer les constellations en été. La méthode (mauvaise) était basée sur l'utilisation des points cardinaux. Regardez à l'ouest, et vous devez voir (suivait un schéma très approximatif). Grâce à cet article, et après avoir passé quelques soirées d'été (rapides) dans le jardin, j'ai appris à reconnaître Deneb et le Cygne, Véga et Altaïr (mais pas l'Aigle). Mais c'est tout. Cassiopée était soi-disant facile à reconnaître, ben non. Et Capella juste à l'horizon nord, ben il y avait des maisons qui gênaient...

Quand j'étais en sixième, on pouvait aller au C.D.I. durant nos heures creuses juste pour lire (ensuite ils ont changé les règles : si on n'a pas un travail de documentation précis, il faut aller en étude), et je me souviens avoir dévoré un livre qui parlait d'astronomie. Une photo m'avait fasciné : celle de la nébuleuse de la Tête de Cheval. C'est à cette époque, je pense, que j'ai glissé sur la mauvaise pente... L'année suivante, à la rentrée, notre professeur d'histoire-géographie a commencé par nous parler de la Terre dans le cosmos. Elle m'a soufflé en expliquant que les étoiles étaient d'autres soleils ! En deux secondes, j'ai pris conscience de l'immensité de l'Univers. Elle avait sur elle un magazine avec, dedans, un article sur le Système Solaire, si quelqu'un veut l'emprunter... Je me suis jeté dessus, mon père en a fait des photocopies (pour que je puisse le rendre le lendemain), que j'ai toujours ! Mince, toutes ces étoiles, ce ne sont pas des astéroïdes, ce sont des soleils ! Entourés d'autres planètes, invisibles, et tout ça...

L'année suivante, j'avais ma première lunette... enfin, une longue-vue, un jouet. Un copain très sympathique (merci Charles !) m'a offert un livre d'astronomie pour mon anniversaire. Je m'en souviens encore : j'ai passé le dimanche soir à lire la première partie (sur les planètes), et j'avais plein d'images de planètes dans la tête qui m'empêchaient de dormir. Le lendemain, vers 6h du matin, j'étais réveillé et j'ai lu le début de la deuxième partie (sur les étoiles). Je n'ai jamais eu de nouveau cette sensation d'apprendre tant de choses si rapidement, et c'était grisant. Avant ce livre, je ne savais quasiment rien de l'astronomie. Et voilà qu'on m'apprenait que les étoiles ont une naissance et une mort, qu'il y a d'autres galaxies, que l'Univers a eu un début. Et tout ça d'un seul coup !

La longue-vue de 50 mm n'était qu'un jouet et mon père m'avait encouragé à viser une "vraie" lunette. Alors j'ai commencé à économiser mon argent de poche pour pouvoir, un jour, m'offrir un cadeau de rêve : une "vraie" lunette astronomique. En attendant, tout démarre le lendemain de Noël...

Mes premiers pas

Ma toute première observation astronomique a donc été réalisé le lendemain de Noël avec la longue vue de 50 mm que je m'étais faite offrir pour Noël. Mon père m'a accompagné à la sortie du terrain de camping où nous étions venus passer une semaine de vacances à la neige. J'ai posé comme j'ai pu l'espèce de petit trépied en plastique (sur le rebord d'un muret, je crois) et j'ai regardé la Lune à x20. Elle n'était pas encore en premier quartier et il n'y avait pas tellement de choses à voir. Mais je m'étais documenté un peu avant (en étudiant la carte de la Lune de l'atlas), et j'ai reconnu la Mer des Crises. J'ai un souvenir encore très clair de cette séance d'observation n°1, parce que c'était la première justement. Je me souviens que le trépied n'était pas pratique, et que la Lune ne m'avait pas tellement impressionné (croissant trop fin) au "télescope" (c'est comme ça qu'il s'appelait sur la boîte !) J'ai juste noté sur mon agenda : « Vu Lune (Mare Crisium notamment). »

J'ai noté que j'ai observé les deux soirs suivants, mais je ne m'en souviens pas. Pour la n°3 : « Vu Lune et quelques étoiles. Je ne reconnais pas les constellations. Par contre, je constate le déplacement de la Lune par rapport aux autres jours. » Ah oui, ça je m'en souviens : j'étais complètement perdu, tant il y avait d'étoiles, et je n'avais aucune idée de comment on peut apprendre les constellations. La méthode des Castors Juniors, c'était juste pour le ciel d'été. Je ne savais pas que le ciel change selon les saisons (mon premier livre d'astronomie parlait de théorie seulement), mais il était clair que je ne reconnaissais plus les rares repères appris jusqu'alors. D'ailleurs la Grande Ourse était de travers, elle montait. Je me souviens que ça m'avait intrigué (jusqu'alors, je l'avais toujours vue à plat, légèrement descendante - forcément, je ne regardais le ciel que les soirs d'été) et que je m'étais résigné à ce que, ici, la Grande Ourse est vue de travers, contrairement à chez nous...

C'est lors que de quelques soirées de février que la Lune a montré son attrait. Il faisait beau, la fenêtre de la maison donnait côté ouest, là où se couchait la Lune en premier quartier. J'ai pointé la longue-vue à travers la fenêtre et c'était étonnant : il y avait plein d'ombres ! C'est que, à l'approche du premier quartier, la Lune est spectaculaire même avec un jouet, même à travers la fenêtre. J'ai constaté que la Grande Ourse montait : avant dîner elle était oblique et entamait sa montée, et après dîner elle était verticale, et j'ai même reconnu le Lion dessous ! Bizarrement, je n'avais toujours pas compris que les étoiles se levaient (et se couchaient) comme le Soleil. D'ailleurs, pour la Lune, je ne comprenais pas très bien non plus, j'avais admis qu'elle se déplaçait, mais pourquoi ? aucune idée...

Par la fenêtre côté est, on voyait trois étoiles alignées (c'était la ceinture d'Orion mais je ne le savais pas encore, car la carte des constellations de l'atlas de mes parents, la seule dont je disposais, utilisait une projection polaire, déformant fortement les constellations à l'équateur). Je me suis amusé à pointer à la longue-vue une étoile brillante à gauche de ces trois étoiles, au cas où (sûrement Bételgeuse), mais non : rien à voir. Ça ne m'a pas étonné, il était clair qu'une longue-vue, ça ne sert qu'à observer la Lune.

Finalement, je me suis donc acheté une "vraie" lunette : une lunette des Trois Suisses à quasiment 1000 F : 60 mm de diamètre, 700 mm de focale, sur monture azimutale, avec un chercheur à 45° (il y avait une sorte de "flip-mirror" qui orientait la lumière vers le chercheur et non l'oculaire) et trois oculaires Huygens : H35 mm (x20), H20 mm (x35) et H6 mm (x117). Il y avait aussi une lentille de Barlow, mais on ne pouvait pas focaliser avec le 6 mm.

Sa première lumière, c'était par la fenêtre. J'ai pointé une étoile très brillante en soupçonnant que c'était peut-être Vénus (car il paraît que Vénus apparaît parfois sous cette forme, même qu'on l'appelle l'étoile de Berger, c'est écrit dans le livre). À x20 et x35 c'était juste une étoile, et je n'ai pas réussi à la centrer à x117. Aujourd'hui, je sais que c'était effectivement Vénus, mais avec un disque de petite taille et gibbeuse, donc pas reconnaissable à faible grossissement surtout à travers la fenêtre !

Je me souviens aussi que nous étions retournés à la montagne lors des vacances de Pâques. Une nuit, je suis sorti regarder les étoiles à l'oeil nu. D'abord, trouver la Grande Ourse... La dernière fois, elle était là, derrière cette montagne, à la verticale. Allons, bon, elle n'y est plus. J'ai passé un temps fou à la chercher, cette "casserole", en me demandant ce qui m'arrivait. C'est dingue : la Grande Ourse a disparu ! Elle était peut-être redevenue horizontale, comme quand j'étais petit ? Ben non. Rien au nord, rien à l'est, rien à l'ouest... Je regarde partout, partout, partout ! La Grande Ourse a disparu... À tout hasard mais sans trop y croire, je regarde au-dessus de moi. Ça alors ! Elle est là, tout au zénith ! Mais qu'est-ce qu'elle fait là-haut ? C'est ce soir là que j'ai compris que les étoiles bougeaient. La carte de l'atlas ne l'indiquait pas (et du coup je me demandais comment on devait s'en servir)... Et je ne savais absolument pas pourquoi diable les étoiles ne restent pas en place.

À la fin de l'année scolaire, je me souviens d'un soir où j'ai regardé la Lune par la fenêtre. Nous vivions alors en appartement et ce n'était pas très pratique. Mais quel choc ! La Lune à la lunette de 60 mm, c'est beaucoup mieux qu'à la longue-vue. On distingue plein de cratères ! Le gros problème était que le grossissement de x117, qui permettait cette impression de survoler la Lune, je ne le domptais pas bien : la monture était peu stable... Mais quel choc ! Je ne m'y attendais pas, car à la longue-vue, bof quand même...

Ce qui a tout changé, c'est qu'en juillet, nous avons déménagé (encore), et à nouveau nous avions une maison avec jardin, en périphérie d'une petite ville. Le soir du déménagement, le 18/07/1983, a eu lieu ma première vraie séance d'observation. Et celle-là aussi, je m'en souviens encore parfaitement. « Regardé à la lunette, dehors, la Lune au premier quartier. Terminateur une nouvelle fois très intéressant. Copernic pas visible. Vu ensuite Mizar et Alcor. Pas vu le compagnon de Mizar. Regardé à l'oeil nu le Bouvier, la Couronne Boréale, Hercule, la Lyre, le Cygne, l'Aigle, pas reconnu la Petite Ourse. »

Déjà, la Grande Ourse avait repris sa place normale, à l'endroit ! Après avoir pointé la Lune, je me suis décidé à essayer d'apprendre les constellations, cette fois à l'aide de la carte livrée avec la lunette de 60 mm (pas plus précise que celle de l'atlas, mais utilisable sur le terrain). Je suis donc parti de la Grande Ourse, facile à trouver (surtout à l'endroit). D'après la carte, à gauche de la Grande Ourse, il doit y avoir Arcturus. J'ai regardé le ciel, et oui : il y a une étoile brillante. D'après la carte, quatre autres étoiles forment, plus haut, une sorte de cerf-volant. Je regarde le ciel : oui, c'est comme sur la carte. Ça y est, j'ai trouvé le truc : pour reconnaître les constellations, il suffit d'y aller étoile par étoile, constellation par constellation, en s'inventant des alignements. C'est comme ça que j'ai fait pour trouver la Couronne, Hercule (difficile, celui-ci, je me revois encore en train de comprendre qu'Hercule n'est pas à gauche du Bouvier, comme sur la carte, mais en haut à gauche, car le Bouvier est de travers, il faut en tenir compte), puis revoir la Lyre et le Cygne. Et l'Aigle. Par contre, je n'ai pas trouvé la Petite Ourse, ni la Polaire... Satisfait d'avoir appris plein de constellations, j'ai voulu vérifier ce qui est dit dans mon livre : Mizar serait une étoile double. Je ne me souviens plus de cette première tentative, mais apparamment je n'ai pas réussi à la séparer.

La soirée suivante, j'ai fait un croquis (mon premier dessin !) du champ de Mizar, notant Mizar, Alcor et une petite étoile faible entre les deux. Serait-ce le compagnon de Mizar ? (En fait c'était SAO 28748 - je n'ai pas vu Mizar B car je n'ai pas pensé à le chercher tout près de A, mais dès la séance suivante j'y parviendrai.) Lorsque je sors plus tôt, un peu avant la tombée de la nuit, je vois une étoile très brillante. J'ai cru au début que c'était Antarès. Mais très vite, la voyant si brillante, je vais soupçonner Vénus, ou peut-être Jupiter. Ce sera la grande question de l'été, résolue des années plus tard grâce aux logiciels. « L'étoile brillante qui se couche, serait-elle Antarès ? Au x117, on voit un petit diamètre. Vénus ? Oui mais Antarès est dans la région. Pendant quelques instants, j'ai cru voir : [suit un schéma avec deux petites étoiles autour - ce sont les satellites]. Ce serait donc Jupiter ? » En fait, c'était bien Jupiter, mais pour diverses raisons (oublie d'enlever le filtre lunaire, de grossir à fond...) je ne verrai plus ces satellites, d'autre part ils ne sont pas visibles si le ciel est trop clair, or l'étoile se couche de plus en plus tôt. Pendant plusieurs années, je serais persuadé que j'ai vu Vénus...

03/08/1983 : je suis allé me poster de l'autre côté du jardin pour chercher M31. C'est que, juste après le déménagement, nos parents nous ont inscrit à la bibliothèque municipale, et j'y ai trouvé deux livres passionnants : "L'astronomie", de Pierre Rousseau (qui se lit comme un roman !) et un atlas des constellations signé Rükl (il me semble), que je recopie dès que j'ai du temps libre. Grâce à ces deux livres, je sais qu'il n'y a pas que la Lune à regarder, mais aussi les étoiles doubles, les nébuleuses, tout ça. Je sais aussi, grâce à P. Rousseau, que le ciel tourne, que les étoiles se lèvent et se couchent comme le Soleil (suis-je bête de ne pas y avoir pensé !) et qu'il existe un ciel d'été, un ciel d'automne, etc. Le style enthousiaste de l'auteur me motive à observer : je veux voir Vénus, je veux voir Jupiter, et Mars, et Saturne (mais je ne sais pas du tout où elles sont !) et toutes les autres merveilles du ciel dont il parle. Commençons donc par M31. J'ai repéré Andromède. En fait, chaque soir, je continue à apprendre de nouvelles constellations, et je constate qu'une fois reconnues, elles ne s'oublient plus, et que le "vertige" ressenti lors de mes premières séances à la montagne (l'impression d'être perdu tant il y avait d'étoiles), je l'ai perdu : maintenant je me repère aussitôt, et je n'ai plus l'impression qu'elles sont si innombrables. Dommage, d'ailleurs.

Bref, je pointe à la lunette Mirach. D'après l'atlas emprunté à la bibliothèque, M31 est un peu au-dessus. Je ne sais plus si je suis parti de Mirach, ou si déjà j'ai eu la bonne idée de partir de Nu And. Mais j'ai noté « Les Pléiades ne sont pas encore levées, zut. Je repère Cassiopée, Andromède et peut-être Pégase. Je ne trouve pas M31 malgré de longues recherches dans le champ. » Ah oui, je me souviens : le livre disait que, l'été, Pégase, Andromède et Algol formaient une sorte de Grande Ourse géante, et c'est ce qui m'a permis de m'y repérer. Sauf que je trouvais plus naturel de prolonger les trois étoiles d'Andromède par Alpha Persée, même si du coup ça ressemblait moins à la Grande Ourse. Quoiqu'il en soit, j'ai cherché M31 avec la plus mauvaise des méthodes : balayer les environs avec le plus fort grossissement (au début, j'employais systématiquement x117, puisque c'est lui qui donnait la meilleure image de la Lune.)

07/08/1983 : cette fois je cherche M57. Mais toujours à x117. Je m'en souviens, parce qu'à force de balayer le champ dans la région qui, me semblait-il, était celle où se trouvait M57, j'ai fini par "découvrir" Epsilon de la Lyre. « Cherché M57 dans la Lyre, avec le x117. Je cherche un peu partout et à un certain moment, je tombe sur deux étoiles très proches. Une étoile double ? (suit un schéma) » Ah, donc l'atlas des constellations, je ne l'avais pas encore, car je me souviens, maintenant... J'avais d'abord identifié l'étoile grâce au chercheur et constaté que je la voyais à l'oeil nu (mais simple). Et quand j'ai lu l'atlas des constellations, ils en parlaient ! Donc cet atlas, j'ai dû l'emprunter après le livre de P. Rousseau. Autre observation : « Vu ensuite l'étoile brillante à l'horizon est. Elle est rougeâtre, et il n'y a pas de satellites. Antarès ? Un peu trop brillante quand même. » C'était Jupiter, mais sans doute trop basse pour être bien vue, d'autant qu'il ne faisait pas complètement noir.

C'est la séance du 09/08/1983 qui m'a permis un grand progrès. Je m'en souviens, parce que ça a été une révélation : il faut utiliser un faible grossissement pour les observations stellaires ! Je me souviens aussi que je disposais, cette fois, de l'atlas de la bibliothèque municipale. Je me suis installé côté nord-est du jardin, dans l'intention de dessiner ce que je voyais à l'oculaire. Drôle d'idée... Si je me souviens bien, elle m'est venue du livre de P. Rousseau. Il y a un chapitre où il parle des astronomes du dix-neuvième siècle, qui avaient cartographié le ciel. Voilà une activité qui me paraissait intéressante : et si j'en faisais autant ? Je pointe Deneb à x117 (comme d'habitude) puis, pour je me demande bien quelle raison, je place le x20. Révélation : « Il y a plein d'étoiles dans le champ. Je viens de constater qu'il est beaucoup plus intéressant d'utiliser un petit grossissement. » (Suit un dessin des environs de Deneb tellement mal fait que je n'ai jamais réussi, à l'aide d'un logiciel, à identifier les étoiles qui s'y trouvent...) Tiens, cette nuit là, j'ai aussi pointé la Polaire : j'ai donc fini par la trouver.

14/08/1983 : « Vu Lune. Je repère les trois cratères de Cyrille, Catherine et Théophile, qui sont remarquables facilement, et qui dominent la région. Regardé quelques autres cratères. J'essaie de voir à quoi ils correspondent sur la carte. Puis je m'installe sur le balcon pour chercher M31. Toujours rien. » Le 20/09/1983 : « J'aperçois enfin Pégase sûr. Et pas de M31 ! » Décidemment, c'est ma troisième tentative. Je me souviens encore très bien de la bonne, mais pas des trois premières. Maintenant que j'utilise un faible grossissement, qu'est-ce qui a pu me faire louper M31 ? Peut-être que je partais de Mirach ? Le 22/09/1983, l'étoile brillante qui se couche de plus en plus tôt est encore assez bien visible et je la pointe : « Je veux savoir une bonne fois pour toutes si, à l'horizon est, il s'agit de Vénus ou d'Antarès. Mais au lieu d'utiliser le x117, j'ai pris le x35 ! Vu aussi la Pleine Lune. » Ah, je m'en souviens. Je comptais bien me concentrer sur l'image afin de voir si, oui ou non, cet astre a un diamètre apparent. Comme je n'avais pas confirmé les satellites autour, ce n'était pas Jupiter, mais ça pouvait être Vénus, d'autant que je savais, à présent, qu'elle peut présenter une phase presque pleine. Sauf qu'elle montrerait un diamètre apparent à x117. Après la vérification (pas de diamètre apparent), je me suis rendu compte que je m'étais trompé d'oculaire. Je me revois encore le ranger dans la boîte et m'apercevoir de ma confusion. Or l'étoile brillante est maintenant trop basse...

23/09/1983 : je dessine la région entre Alpha et Gamma Cassiopée. Cette fois, le dessin n'est pas trop catastrophique et je reconnais les étoiles. J'ai noté en particulier une sorte de mini-Grande Ourse à côté de Dzêta Cassiopée. Je l'ai même dessinée à x35 et, sur ce dessin, il y a un petit peu plus d'étoiles que sur celui à x20. Mais je n'en ai pas tiré la conclusion qui s'imposait : le faible grossissement ne montre pas toutes les étoiles. Il me faudra plusieurs années pour m'en convaincre. Depuis que j'ai vu les environs de Deneb à faible grossissement, je l'utilise exclusivement pour les observations stellaires, et exclusivement le x117 pour la Lune.

Mon premier objet du ciel profond, c'est les Pléiades, mais vues à travers la fenêtre et à la longue-vue de 50 mm, car il était trop tard pour aller dans le jardin. Puis, à ma quatrième tentative, je trouve M31 ! 03/10/1983 : « Je décide de chercher à nouveau M31 (cette fois déjà haut). Et je le trouve ! C'est une légère tache blanche floue qui ne supporte pas les forts grossissements. Je vois ensuite les Pléiades. C'est super ! Mais il n'y a pas de nébulosités. N'empêche, quel champ d'étoiles ! »

Cette soirée là, je m'en souviens très bien. J'étais parti de Nu And, et d'après l'atlas, M31 était juste à côté. Et alors je balaye, je balaye, je balaye, sans rien trouver. Des étoiles, des étoiles, des étoiles, une petite tache floue, des étoiles, des étoiles, non, pas de M31. Sur la photo de mon livre d'astronomie, c'est une grande galaxie spirale, et je m'étais même amusé à calculer qu'elle faisait environ 2° sur le ciel. J'avais utilisé mes nouvelles connaissances en trigonométrie pour ça, à partir de sa distance et sa dimension réelle, mais je trouvais le résultat absurde : elle serait plus étendue que la Lune ! Je ne me faisais pas assez confiance en maths, mais je m'attendais quand même à quelque chose d'étendu. Heureusement, comme avec la Grande Ourse introuvable au printemps, je n'ai pas renoncé. Et donc je continue à balayer. Des étoiles, des étoiles, des étoiles, une petite tache floue, des étoiles, des étoiles... Mais elle est où ? peut-être que je me trompe d'étoile de départ ? J'en ai passé du temps ! Tout vérifié : je ne me trompe pas d'étoile, j'ai le faible grossissement... Alors ? La carte doit être un peu penchée... voilà... et elle est juste à côté de Nu Andromède, un poil en haut à droite (à l'époque, je ne me rendais pas compte que 2°, par exemple, c'était tout petit sur la carte mais bien plus grand à l'oculaire). Bon, on repart : des étoiles, des étoiles, encore des étoiles, la petite tache floue bizarre, des étoi... tache floue bizarre ? Heu... C'est quand même pas ça ? Je reviens dessus... C'est un peu allongé, mais c'est tout petit (par rapport à ce que j'attendais). Aucun rapport avec la photo du livre ! D'un autre côté, la photo n'a pas été prise avec une petite lunette des Trois Suisses... J'ai donc compris que si, c'était ça, M31 ! Et même déception, ensuite, en constatant que les Pléiades n'étaient pas entourées de nébuleuses comme sur la photo de mon livre. Moralité : le ciel à la petite lunette, c'est très loin d'être aussi beau que sur les photos des observatoires. Ah, dommage... À noter que M31 a été retrouvée le 11/10, mais pas le 12/10, ni le 21/11 : la méthode du "balayage" n'est pas très efficace...

Le 11/10/1983 : « Vu Lune et Vénus (?) à travers la fenêtre. » En fait, c'était toujours Jupiter, non loin de la Lune. Mais comme j'étais persuadé que c'était Vénus... Maintenant qu'il fait froid, je ne sors plus dans le jardin, donc j'observe à travers la fenêtre. Ben quoi ? Le 14/11/1983, je dessine un peu au hasard des champs d'étoiles brillantes observés à travers la fenêtre, notamment les alentours d'Alpha Persée, un joli champ (je ne savais pas encore que j'avais dessiné Melotte 20). Ensuite, je sors dans le jardin : « Je ne trouve pas M13. Vu ensuite la Lune. Enfin je vois Copernic au terminateur. » Ah, je m'en souviens, de M13 ! Entre temps, je me suis fait offrir un livre pratique : "Multiguide nature des étoiles et planètes", de chez Bordas. Ce livre contient un atlas de constellations et des photos de Vehrenberg prises avec un télescope de Schmidt, donc des photos à grand champ destinées à aider à trouver les objets. Ben non, je n'y suis pas arrivé avec M13. Le livre expliquait aussi très bien les mouvements du ciel, l'utilisation d'un télescope, etc. C'est le livre qu'il me manquait ! Mais il prétendait que M13 était un objet intéressant à la lunette, or je ne l'ai pas trouvé. Forcément, avec une Lune gibbeuse... (Copernic était le cratère qui semblait le plus impressionnant sur la carte de l'atlas de mes parents, c'est pour ça que je voulais le voir à la lunette - à l'époque, je progressais beaucoup plus en observation lunaire qu'en observation du ciel profond !)

Le 18/11/1983 au matin, j'ai regardé vite fait Vénus à travers la fenêtre avant de partir à l'école. Le croquis indique qu'elle n'était pas circulaire mais allongée, donc sans doute gibbeuse. Vérifions sur un logiciel... oui, c'est bien Vénus (et il y avait Mars non loin, mais sans doute ne l'ai-je pas vue parce qu'il ne faisait plus nuit). Elle était presque en "dernier quartier". Mais bon, ce n'est pas à travers la fenêtre que j'aurais pu distinguer une forme précise, évidemment. Je me souviens de cette matinée parce que Vénus est restée longtemps visible à l'oeil nu, et je la voyais encore par la fenêtre de ma salle de classe lors du premier cours du matin. J'aurais bien voulu être dans le jardin... Le 22/11, même observation au petit matin à travers la fenêtre : je reconnais que c'est Vénus parce que c'est allongé, mais sans y voir un quartier. Le 23/11, j'observe le Soleil par projection sur le plafond (oui, toujours à travers la fenêtre !) mais il n'y a pas de tache.

Le 10/12/1983, toujours à travers la fenêtre, je reconnais Orion et cherche M42, sans succès : « Cherché M42, mais la position de la lunette m'en empêche (coincée entre deux meubles). » Orion était encore trop basse, pas en face de la fenêtre. Je me suis longuement demandé comment j'ai réussi à ne pas trouver M42 lors de mon premier hiver, mais en relisant mes notes c'est clair : je ne sortais plus dans le jardin... Le 24/12, donc le soir de Noël, j'ai pointé à nouveau la région de M42 à travers la fenêtre. Je m'en souviens car, ce soir là, nous avions regardé "Le père Noël est une ordure" à la télé, et nous avions tous adoré ce film. Et je me souviens aussi en train de dessiner les champs d'étoiles autour de Thêta et 42 Orion. D'ailleurs j'ai toujours ces dessins (réalisés à x20 puis x117). Celui de Thêta Orion montre une étoile double à gauche (Thêta 1) et une étoile triple à droite (Thêta 2, qui est normalement quadruple, c'est le "Trapèze"), et pas de nébuleuse. Ça peut paraître bizarre, mais c'est vu à travers la fenêtre.

Voici les dessins de champs d'étoiles brillantes remis au propre :

Le 05/01/1984, j'observe Vénus à travers la fenêtre, et cette fois je reconnais parfaitement sa forme. Je soupçonne aujourd'hui que Vénus était mieux placée, sans doute en face de la fenêtre puisque moins haute, contrairement aux matinées de novembre où elle était plus haute, donc vue en biais, et encore plus déformée par le double vitrage. C'est mon premier dessin planétaire ! Je note aussi : « Vénus se rapproche de plus en plus du Soleil. » Effectivement, le 18/11 son élongation était de 46°, cette fois seulement de 39° - en fait, c'est surtout l'inclinaison de l'écliptique, en baisse, qui me donnait cette impression. N'empêche, il faudrait que je trouve le moyen de savoir où se trouvent les planètes. Le soir, je ne les ai pas trouvées, le matin il n'y a que Vénus. Mon nouveau livre conseille de lire les revues d'astronomie pour se tenir au courant. Les quoi ? Il faudra que j'en parle à mes parents...

Suite des dessins remis au propre :

Car c'est maintenant la question qui me préoccupe : Vénus s'est révélée intéressante (phase parfaitement reconnue) et j'ai hâte de voir les autres planètes. La Lune, ça devient routinier, et en ciel profond je n'ai pas vu grand chose (pas de M13 ni de M42, par exemple). Ce sont les planètes qui me passionnent. Or j'ai lu qu'en 1981, elles étaient toutes alignées dans la Vierge. Connaissant leur période de révolution, je me mets donc à calculer leur position aujourd'hui. Je ne sais pas comment je m'y suis pris, mais j'ai trouvé que Saturne devait être dans le Verseau (alors qu'elle était dans la Balance...) Du coup, le 17/01/1984, je sors dans le jardin avec la ferme intention d'inspecter les étoiles brillantes du Verseau, au cas où l'une d'elles serait Saturne... Échec : il n'y a par là que des étoiles. Le lendemain, mercredi, j'accompagne mes parents à la librairie de Metz afin d'acheter un livre pour l'école (une pièce de Molière, je crois). J'en profite pour leur parler de revue d'astronomie... Il y en a une dans le rayon des revues : "Ciel et Espace", qu'elle s'appelle ! Je l'achète, je la dévore, et j'apprends qu'il y a plein de planètes dans le ciel du matin : Saturne et Mars non loin de Vénus, et Jupiter encore proche du Soleil. Aaaaahhh ! Enfin je vais contempler les planètes du Système Solaire ! D'après Pierre Rousseau, ce devrait être spectaculaire : il expliquait notamment, dans son livre, que même les astronomes amateurs pouvaient assister aux phénomènes météorologiques sur Mars (en fait, il me faudra attendre vingt-deux ans pour voir un truc pareil...) Aussitôt, j'envoie le bulletin d'abonnement. Me voilà maintenant un "vrai" astronome amateur ! (Anecdote : Ciel et Espace me renverra le n°197, que je venais d'acheter, je l'ai donc en double, et je l'ai conservé comme neuf dans son enveloppe. De temps en temps, je le déballe, et sa texture, son odeur, ça me donne la sensation d'être à nouveau ce jeune débutant ouvrant sa première revue d'astronomie...)

Mes premiers pas, mais cette fois c'est bien parti !

Le jeudi 19/01, j'observe de nouveau à travers la fenêtre au petit matin, avant de partir à l'école, Vénus est au ras de l'horizon (donc Jupiter pas encore levée), et plus haut il y a Mars et Saturne. Je ne vois qu'une étoile, que je pointe : c'est Saturne. Mais c'est décevant : on voit deux espèces de ronds reliés par une barre, le tout dédoublé (forcément, le double vitrage...) Ah quelle déception ! Le 20/01, j'observe le Soleil à travers la fenêtre, avec le filtre "sun". Dans "Ciel et Espace", ils parlent d'observation solaire, il y a même des dessins, alors ça me motive à en faire autant, d'autant que ce jour là il y a des taches. Mais jamais l'observation solaire ne me branchera vraiment. C'est surtout l'occasion de faire de l'astronomie sans attendre la nuit.

21/01/1984 : « Cherché M41 (non trouvé) en balayant le sud de Sirius. Regardé ensuite les Pléiades (M45). » Toujours fâché avec le ciel profond... J'ai ajouté, plus tard, que les observations se sont faites à travers la fenêtre (je ne m'en souviens plus, je devais m'en souvenir lorsque j'ai ajouté cette note). Le 27/01, j'observe le Soleil (filtre "sun") entre midi, puis à nouveau en fin d'après-midi, au retour de l'école. Le Soleil se couche alors et je vois un avion passer devant ! Ah, je m'en souviens ! J'avais installé la lunette dans le bureau, côté ouest, et j'avais laissé le carton et les emballages par terre. Et voilà le chat qui vient jouer avec : il a trouvé le moyen de s'introduire - et de se coincer - dans le plastique d'emballage de la lunette. Ah, j'ai eu peur ! J'ai tiré sur le plastique un peu brutalement pour le sortir de là, pfouu... Lors de l'observation entre midi, j'ai réalisé un dessin. Les deux groupes de taches étaient superbes : « On voit deux grands groupes de taches, l'un en forme de lion. J'essaie de les dessiner le mieux possible, mais on a l'impression qu'ils sont vus avec plein de détails trop serrés au x20, alors que l'image change au x117. » Voici le dessin :

05/02/1984 avant dîner : je note sur mon compte-rendu que j'ai vu la lumière cendrée de la Lune. Tiens, c'est vrai, je n'en ai jamais fait mention avant. Mais il me semble que je l'avais vue très tôt, car mes livres en parlaient. Après dîner, je sors dans le jardin (avant dîner aussi, je pense) : « Le ciel est très beau. On voit plein d'étoiles dans les Gémeaux. Même : on voit vaguement la Voie Lactée. Les régions de Persée, Cocher et Cassiopée sont étonnantes. Surtout : je trouve enfin M42. Ça ne ressemble pas aux photos... En fait, on ne voit qu'une vague tache blanche diffuse en longueur (dans le sens est-ouest) autour de Thêta Orion. La constellation du Lion se lève. Toutes les étoiles de la Grande Ourse qui donnent sa forme d'ourse apparaissent. L'Éridan est vu distinctement, même le Lièvre et le Grand Chien. Vraiment, le ciel n'était pas mal. » Je ne me souviens plus de M42 à la lunette de 60 mm, juste des souvenirs de souvenirs. Sans mes notes d'observation, je jurerais que je ne l'ai jamais vue. Alors que sa vision au 115/900 est inoubliable. Mais bon, j'avais encore beaucoup de mal avec le ciel profond, et je passais visiblement plus de temps à regarder le ciel à l'oeil nu...

10/02/1984 au matin : « Vu à travers la fenêtre du salon : Mars, Saturne, Jupiter. C'est le crépuscule. Mars est vue minuscule. Saturne apparaît toujours de la même manière [croquis montrant sa forme bizarre - la même qu'avait vue Galilée, en gros]. Jupiter est au ras de la maison d'en face. Je dois me reculer. De plus, le jour se lève de plus en plus. Il n'y a aucun détail, ni aucun satellite d'ailleurs. » Cette matinée, je m'en souviens : trois planètes d'un coup ! Grâce à "Ciel et Espace".

Le 13/02/1984, je décide d'observer l'occultation d'Epsilon Gémeaux par la Lune. Cette fois j'ai compris : je retourne définitivement au jardin. La fenêtre, ce sera juste de temps en temps pour le Soleil. Je me souviens : Ciel et Espace donnait les horaires pour Paris, et j'étais persuadé qu'il fallait faire une correction de décalage horaire (en réalité, ce n'est pas ça qu'il faut corriger...), du coup je me trompe d'horaire et je loupe l'immersion. Pareil pour l'émersion, pour la même raison. C'était l'occultation la plus intéressante de l'année... Ce soir là, je note : « J'ai compris accidentellement comment régler la mise au point au chercheur. » Il fallait tourner l'espèce d'oculaire, je crois, selon un mouvement vissant, et je n'y avais jamais pensé. Du coup, depuis presqu'un an, j'avais des images floues. Je me souviens encore des étoiles qui faisaient des petits carrés (je ne me suis jamais demandé pourquoi elles étaient carrées lorsque défocalisées, je pense aujourd'hui que c'est à cause de la forme du petit miroir qui interceptait le faisceau à l'intérieur de la lunette). Maintenant, avec la mise au point du chercheur, ça va devenir plus facile...

Belle soirée ciel profond le 04/03 : « Cherché des amas ouverts. Vu M44, Praeseppe, dans le Cancer. Quel bel amas ! Vu ensuite le double amas de Persée : NGC 869 et 884. J'ai vu tout d'abord NGC 884, puis 869. Ce sont deux amas serrés, avec quelques étoiles à l'intérieur, et le reste est diffus. Puis vu M31 (enfin ! car ça faisait longtemps). Il est près de l'horizon. J'utilise pour le voir la photo du livre "Multiguide des étoiles et planètes". Vu aussi M42, toujours aussi décevant, mais avant, vu M41 à l'aide d'un photo du "Multiguide", en me guidant d'étoile en étoile. C'est plus dur qu'avec la galaxie d'Andromède. Cherché M35 et M101, non vus. »

Bon, c'est pas très détaillé comme CROA... Je me souviens encore du Double Amas : je l'ai cherché parce que Serge Brunier en parlait dans mon premier "Ciel et Espace" (à la rubrique "Étoiles et nébuleuses", en dernière page du magazine). Je n'utilisais pas encore de cartes, mais les photos à grand champ, c'était déjà mieux que balayer au hasard. Surtout, ce soir là j'ai découvert quatre nouveaux objets du ciel profond, alors que je n'en avais vu que trois jusqu'à présent (M45, M31 et M42 auparavant ; M44, NGC 869, NGC 884 et M41 à présent - la suite en juillet, j'avance lentement...)

Mais la majorité des observations restent celles de la Lune, du Soleil en journée (à travers la fenêtre) et parfois d'étoiles doubles. Le 13/04, séance consacrée aux étoiles, mais à l'oeil nu : « Regardé quelques étoiles dehors. Je parcours le ciel puis je cherche où se trouve Spica. En me mettant complètement au fond du jardin, je vois Spica juste au-dessus de la maison d'en face (côté sud). La Vierge était la seule grande constellation que je n'avais pas encore vue. Quand je rentre, je vois par la fenêtre Arcturus et deux étoiles que je ne reconnais pas [qui étaient en fait Alpha Crb et Alpha Ser]. » Depuis l'été dernier, j'observe le ciel régulièrement et j'ai donc fait le tour du ciel saison par saison. Les constellations que j'ai appris, je ne les oublie pas (et ça a été une bonne surprise). Il ne me restait plus que la Vierge (en réalité, j'ai oublié le Scorpion et le Sagittaire). Désormais, je n'aurais plus cette sensation d'être perdu dans le ciel. Le ciel m'est devenu familier, c'est chez moi.

Le 22/04, dimanche soir, nous rentrons d'un week-end chez ma grand-mère. Il est tard, presque minuit, mais tandis que mes parents rangent leurs affaires, ils me permettent de sortir vite fait la lunette dans le jardin. Il faut dire que, grâce à l'heure tardive, Saturne et Mars sont levées - je les ai vues sur la route. Je ne les avais vues qu'à travers la fenêtre, lorsqu'elles étaient du matin, juste avant de partir à l'école, en janvier et février. Mais bientôt, à mon lever, il faisait jour. Bref, j'avais hâte de revoir Saturne, surtout depuis le jardin, avec de meilleures images. Verrais-je les anneaux ? Il ne faut peut-être pas rêver. J'ai fait un petit croquis de Spica et Saturne qui se lèvent à droite de la maison d'en face : Saturne est déjà suffisamment haute pour être pointée, mais Mars reste très basse. Compte-rendu : « Vu en vitesse Saturne. Pour la première fois, je vois les anneaux [il y a un croquis sur lequel on voit les anneaux, mais sans voir qu'une partie est devant la planète et l'autre derrière]. Wah ! Pas de division de Cassini. Quand je me décale à droite du jardin : [croquis où apparaît cette fois Mars, basse]. Mars apparaît bien rouge [sous-entendu : à l'oeil nu]. Il est tard, il faut me coucher, je n'observe pas Mars. Ce que je regretterai le lendemain. » Je ne suis sorti que dix minutes, entre 23h55 et 0h05 (heure d'été), le temps que mes parents aient fini de ranger les affaires et la voiture. Au lit ! Mars, quand te reverrai-je ?

Le 27/04, nouvelle observation de Saturne. « Je vois Saturne. Il y a une raie sur le disque. On dirait que c'est l'ombre de l'anneau. C'est probablement ça. Ensuite je cherche M13. Raté. » J'ai aussi réalisé un dessin du Lion à l'oeil nu, car il y avait plus d'étoiles que d'habitude. Finalement, je dois attendre le 18/05 pour avoir Mars visible pas trop tard en soirée, et suffisamment haute. « Vu Mars. C'est un disque et c'est tout. Vu Saturne : [croquis]. On n'y distingue plus rien ! Il doit y avoir de la brume car ensuite : plus rien à l'oeil nu. Vu à l'est la constellation du Serpent, sous le Bouvier. » Tu parles d'une première : Mars était vraiment décevante. C'était l'opposition de 1984, une opposition "moyenne" avant les deux belles de 1986 et, surtout, 1988. Le diamètre apparent était, ce soir là, de 17,6" (un peu plus que pour l'opposition 2007, pour donner une idée). À noter aussi que je continue d'apprendre quelques constellations moins importantes, cette fois le Serpent.

Le 22/05/1984, je dessine Saturne, j'observe Mars (toujours rien à voir, c'est juste un petit disque) et je dessine le champ de Denebola. Voici le dessin de Saturne :

Le 30 mai, il y aura une éclipse partielle de Soleil (à environ 50 %). Or cette fin de mois est particulièrement nuageuse. Après le 22, le ciel est couvert en permanence. Le 27, j'arrive à observer le Soleil pendant une éclaircie. Puis ça se recouvre définitivement. L'éclipse est ratée. J'ai toujours été fâché avec les éclipses de Soleil...

Le 09/06/1984, je dessine mes premiers cratères :

Le premier n'est pas Schiller, c'est le couple Heinzel et Mee. J'ai beaucoup de mal à m'y retrouver car ma seule carte de la Lune, c'est celle du "Multiguide étoiles et planètes", qui est très succinte. C'est en achetant une vraie carte de la Lune, que j'utilise toujours aujourd'hui, que je pourrai me mettre vraiment au dessin lunaire. Mais on n'y est pas encore. À présent, c'est Jupiter qui m'intéresse. Mars m'a déçu, mais je m'y attendais un peu à la suite de l'article très détaillé de Jean Dragesco dans "Ciel et Espace" n°199 (mai-juin 1984). Par contre, il paraît que Jupiter est la planète la plus facile, celle qui montre le plus de choses à petit diamètre, et je ne l'ai toujours pas vue. Quand j'aurais vu Jupiter, cette fois je pourrais me considérer comme un "vrai" astronome amateur... Le 16/06, je repère Antarès : il est clair que l'étoile brillante de l'été dernier n'était pas Antarès, bien pâle à si faible hauteur. « Vu Mars et Saturne, puis vu Antarès. À 21h10 TU, il ne fait pas encore entièrement nuit.» Mais Jupiter n'est toujours pas levée. En 1984, Jupiter était située dans le Sagittaire, à faible déclinaison. Il m'aurait fallu veiller tard pour la voir, surtout avec la maison du voisin, plein sud, qui me bouchait l'horizon... Voici les dessins d'étoiles doubles réalisés le 16/06 :

Toujours pas de Jupiter le 26/06 puis le 02/07. Ce n'est pas une planète pour les lève-tôt... Le 02/07, j'ai dessiné un cratère, mais j'ai perdu son dessin. Aujourd'hui, je ne me souviens plus du tout ce que j'ai dessiné. Ah, c'est malin !

Deuxième saison astronomique

Un évènement intéressant se produit peu après : mon père a lu dans le journal qu'un club d'astronomie s'était créé dans les environs. Il m'y emmène. J'ai le souvenir d'un après-midi dans une salle de la mairie d'un petit village, rencontrant des inconnus (on devait être 7 ou 8) qui parlent le même langage que moi. Je m'y suis tout de suite bien senti. D'autant qu'il y avait des débutants, comme moi, et qu'on pouvait échanger nos impressions. Le président, celui qui était le plus expérimenté apparamment, nous a montré notamment ses dessins : il dessinait le ciel sur des feuilles de Canson noir, à l'encre de Chine blanche. C'était beau ! En fait, la première fois, je n'étais même pas sûr que c'était un dessin et je n'ai pas osé demandé pour ne pas avoir l'air idiot. J'ai bien fait, car peu à peu j'ai compris que c'était bien des dessins. Il avait l'air d'apprécier celui de NGC 4565, dont on voyait la forme allongée, et nous avait montré une photo parue dans un livre que je ne connaissais pas : "Nébuleuses et Galaxies". Nous nous sommes séparés après avoir bien papoté et donnés rendez-vous pour observer samedi. Ah, c'est bien sympa les clubs astro ! Celui-ci s'appelait "Groupe Astro Messier 54" (à cause du département). Je ne crois pas qu'il existe encore. Histoire de comparer avec l'astronomie amateur actuelle, je précise les instruments des membres : le président était le mieux outillé avec un Newton Perl 150/750. Le vice-président possédait un 115/900, la trésorière avait une lunette 60/900, un jeune membre (à peu près de mon âge) était équipé d'un 115/900, un autre jeune d'une lunette 60/900 et moi d'un 60/700. Je me souviens aussi d'un membre qui habitait pas très loin de chez moi et avait une lunette de 60 mm, une 60/900 aussi je crois. Bref, j'avais la plus petite lunette, mais ex-aequo...

Et donc, le samedi 07/07, c'était la soirée astro organisée par le club. Mon père m'amène chez le président, puis l'un des membres me ramènera. « J'arrive à 21h15 (heure d'été) et j'ai oublié mes oculaires ! On m'en prête un de 25 mm (ce qui donne x28). Je vois Mars puis Saturne assez tôt (Soleil couché il n'y a guère de temps) [1]. Ensuite, je vois Omicron-2 Cygne, étoile triple. Pas vu Alpha-2 Balance. Je vois Epsilon-2 Lyre double. Dzêta Lyre est dédoublée plus distinctement avec le x28 qu'avec mon oculaire de 6 mm ou de 20 mm. Vu Jupiter [2]. Cherché des nébuleuses [3]. Dans le 115/900 [du vice-président], on voit M11 et la Voie Lactée est très dense en étoiles. Dans le 150/750, on voit M103, NGC 6800-et-quelques près de Gamma Cygne [4], M13, Jupiter, la Lune (elle fait mal aux yeux), M57 et Saturne, moins fine que dans ma lunette. »

[1] J'imagine l'ambiance, ça devait être : "venez voir, j'ai Mars !", "déjà ?", "et moi j'ai Saturne !"...
[2] Voici le dessin de Jupiter et le ballet de ses satellites :

[3] Lesquelles ? Aucune idée...
[4] Sans doute NGC 6910.

Je revois Jupiter le 10/07 :

Et le 20/07, je trouve enfin M13. Plutôt que de balayer plus ou moins au hasard dans la région, j'ai décidé de réfléchir un peu : je pars (au 35 mm) de Dzêta Hercule, puis je descend vers le sud... et je tombe dessus ! Ce n'est qu'une tache floue ronde. M11, d'après le "Multiguide étoiles et planètes", avait l'air facile à trouver, proche d'étoiles visibles à l'oeil nu. Effectivement, j'arrive à la trouver. Encore une tache floue ronde, la même que M13. J'ai dessiné le cheminement, pour pouvoir les retrouver :

Le 24/07, je vois Saturne, Mars, Jupiter. Ça devient routinier... Je continue à dessiner des champs d'étoiles brillantes : Alpha Hercule, Véga, Deneb, etc. Ça n'a pas grand intérêt, mais vu que je ne vois pas grand chose en ciel profond... Mais il y a du changement : lors de la deuxième réunion du club, le président nous a appris sa technique de dessin. Cet instant est pour moi "historique" car je commence à me rendre compte que je n'ai pas d'affinité avec l'astrophoto, ça ne me tente pas et les commentaires de "Ciel et Espace" me paraissent éloignés de l'astronomie qui m'intéresse. Jusqu'à présent, mes dessins de champs d'étoiles étaient des croquis réalisés rapidement. Grâce à la technique apprise dans le club d'astronomie, j'ai trouvé un but. Je sais maintenant pourquoi j'observe. Mes premiers dessins réalisés sur Canson noir, ce sont des champs autour de Dzêta et Gamma de la Lyre. Les dessins du ciel profond, ce n'est pas pour maintenant...

En août, nous partons en camping dans le Verdon. Je n'ai pas pris mon matériel, mais je contemple à l'oeil nu le ciel dès que possible. La première chose qui m'a frappé, c'est la constellation du Sagittaire. Enfin, je la vois en entier. C'est sa forme de théière qui s'impose (l'atlas de la bibliothèque municipale et mon "Multiguide" la représentaient différemment, mais "Ciel et Espace" utilisait la théière). Dans le sud de la France, le Sagittaire est quand même plus facile à admirer, et c'est une constellation majeure. Elle m'a encore plus impressionnée que le Scorpion, vue aussi pour la première fois en entier. C'est durant ce séjour que mon père m'a emmené visiter l'observatoire du CERGA, qui figurait dans une liste d'un article de "Ciel et Espace" proposant de profiter des vacances pour visiter les observatoires de France. J'ai vu le plus grand télescope de Schmidt d'Europe et les espèces de télescopes-boules. Nous sommes repartis avec un fascicule sur l'interférométrie, que j'ai toujours. C'est technique mais passionnant.

Le 01/09, c'est la deuxième soirée d'observation du club. Cette fois, nous partons en rase-campagne, dans les côtes de Meuse. C'est l'un des membres qui me ramènera. D'ailleurs on ne part qu'en deux ou trois voitures, du coup il n'y a pas beaucoup de place et je ne prends pas ma lunette, on m'en prêtera une. Il paraît que le site était plus transparent que la dernière fois, mais je ne m'en suis pas aperçu, sans doute par manque d'expérience. « Vu aux jumelles plein d'amas (je ne sais plus lesquels). Au 115/900, on voit la Lune, Saturne, Jupiter, M17, M16 je crois, etc. Dans le 150/750, on voit Khi et h Persei, avec plein d'étoiles (et le président les dessine !), puis les Pléiades (dessin aussi !) et M13 comme sur les photos ! Dans la lunette 60/900 qu'on m'a prêté, je vois M11 (que je dessine), Deneb (dessin), M31 (dessin, avec M32 à côté !), le double amas de Persée, qui est loin de ressembler à ce qu'on y voit au 150 mm. C'est très humide. » Remarque : mine de rien, à cette époque le pointage de M31 n'était plus un problème. Comme quoi j'avais bien progressé, même si c'était lent. Eh, c'est que j'avais neuf objets du ciel profond à mon tableau de chasse. Non : dix, avec M32 ! Un souvenir que j'ai conservé de cette séance, et qui n'est pas noté dans le compte-rendu, c'est que le président m'avait montré son livre ("Nébuleuses et galaxies") et que je l'ai un peu feuilleté à la lampe de poche. Il me faut ce livre !

Puis c'est la rentrée... Je continue à observer la Lune, Mars et Jupiter (le Soleil, c'est fini), ainsi que quelques étoiles doubles (Alpha et Bêta du Capricorne), et je cherche M11 (tiens, je ne l'ai pas retrouvé apparamment ?) Voici un dessin du 29/10 :

Le 30/10, soirée d'observation du club d'astronomie, à l'oeil nu (ça devait être juste après une réunion). Le but était de s'entraîner à dessiner les constellations. « Je commence à dessiner le Cocher, le Taureau et Persée mais je n'y arrive pas très bien. Le ciel devient très vite brumeux, tout le monde rentre. » Ah oui, si on est rentré, c'est bien ça : c'était pendant la réunion. Le lendemain, 31/10, j'observe mon premier astéroïde : Cérès devait passer entre Omicron et Ksi Taureau, d'après la carte des éphémérides de "Ciel et Espace", et si je me souviens bien, j'avais observé l'endroit avant dîner puis après, pour l'identifier. J'ai aussi dessiné les Pléiades dans le but d'estimer la magnitude limite, en utilisant une carte de magnitude parue dans un article de "Ciel et Espace". Le dessin ne montrait pas d'étoiles plus faibles que la magnitude 8,0 au lieu des 10,0 théorique (5,0 à l'oeil nu au mieux, et 5,0 d'écart puisque la lunette a une surface 100 fois plus grande). J'en ai conclu qu'en pratique, on perd 2,0 magnitudes par rapport à la théorie. En réalité, je m'apercevrai plus tard que certains de mes dessins montrent des étoiles plus faibles, de plus j'ai réalisé ce dessin à x20, un grossissement trop faible pour montrer toutes les étoiles, et enfin, je ne remontais jamais le "flip mirror" du chercheur car j'avais déjà auparavant constaté que ça en changeait rien (mais probablement que je manquais d'expérience pour apprécier la perte de magnitude, car à mon avis ça devait en générer une). Voici le brouillon du dessin de M45 (c'est-à-dire le dessin réalisé à l'oculaire) puis sa remise au propre avec l'image réorientée :

Le 01/11, j'observe Jupiter et la Lune. Voici les dessins :

Le 29/11 : « Dessiné Catherine-Cyrille-Théophile. Par chronométrage, j'essaie de mesurer les diamètres des cratères. Les résultats des mesures des diamètres ne sont pas portés sur le dessin, juste le chronométrage. J'en ai aussi profité pour estimer le champ au x117. »

Le champ de 15' correspond à un diamètre apparent de 30° pour le H6 mm. Le 01/12, je dessine Alphonse, Ptolémée et Arzachel puis les Appenins (ma formation préférée à la lunette) et enfin Aristote et Eudoxe :

Je me souviens que tous ces cratères, c'est "Ciel et Espace" qui m'avait donné envie de les observer, grâce à une rubrique de Serge Brunier qui présentait régulièrement des formations lunaires. Comme pour la rubrique "Étoiles et nébuleuses", c'était passionnant. Il y avait des photos amateurs, certaines très bonnes (notamment de C. Arsidi), et quelques photos que S. Brunier avait réalisé avec le 1 mètre du Pic du Midi. Il me semble que c'est à cette époque (fin 1984) que j'ai acheté ma carte de la Lune (que je possède et utilise encore). D'ailleurs il me semble même que je l'ai achetée en accompagnant mes parents à la librairie de Metz, encore pour des fournitures scolaires. Je me souviens, c'était début décembre... après qu'on ait acheté le livre qu'il me fallait pour les cours de fraçais ("Gargantua" peut-être ?) j'en avais profité pour voir ce qu'ils avaient au rayon astronomie. Et là, que vois-je ? Le fameux "Nébuleuses et galaxies" qui m'avait fait envie depuis que je l'avais vu, d'autant que son auteur était celui qui écrivait mes deux rubriques préférées de "Ciel et Espace"... J'ai proposé à mes parents qu'ils me l'achètent et le conservent pour me l'offrir pour Noël (en plus d'un abonnement à "Ciel et Espace", ah quel beau Noël !)

En décembre, je commence à mieux maîtriser la recherche des objets. Ça fait maintenant un an et demi que j'observe régulièrement. Ainsi, le 14/12, c'est déjà ma 131è séance d'observation, et je trouve mon 11è objet du ciel profond : M15, que je dessine avant dîner. J'y retourne après dîner et trouve deux autres objets, grâce au "Multiguide" et ses photos à grand champ : « Vu et dessiné NGC 752 et M34. Je ne suis pas certain d'avoir vu réellement M34, trouvé au hasard en cherchant dans la région. Ça ne ressemble pas à M34 tel que je me l'imaginais en tout cas. » Plus tard, après l'avoir vu avec certitude au 115/900 et en comparant les deux dessins, je me rendrai compte que c'était bien M34. Encore un an auparavant, je ne retrouvais plus M31. Et là, NGC 752 et M34. La différence, c'est que maintenant je sais à peu près à quoi ressemblent les objets, et surtout je sais mieux les choisir. Car un an auparavant, j'aurais pu chercher M34 et NGC 752, ils ne sont pas plus difficiles que M31, et plus spectaculaires. Mais comme tous les débutants, j'étais "intoxiqué" par la célébrité de M31. Je sais qu'encore aujourd'hui, les débutants commettent l'erreur de chercher des objets célèbres, genre M57, au lieu de chercher des objets faciles, genre M11... Voici la remise au propre de M15, NGC 752 et M34, avec l'image réorientée (nord en haut, est à gauche) :

Noël est arrivé. J'ai déballé mon cadeau, "le Brunier" ! Je me revois encore lisant tout d'une traite en me disant que je ferais bien d'en garder pour demain.

Pendant les vacances de Noël, je m'étais amusé à construire une grande carte de constellation à la façon des cartes Michelin (pour la zone équatorial, en projection rectangulaire). Je plaçais les étoiles à partir des cartes du "Multiguide", puis les objets du ciel profond du "Brunier", et je coloriais en bleu le ciel (je trouvais ça joli...) puis reliait en rouge les étoiles des constellations. Ça m'a surtout permis de mémoriser encore mieux les constellations, notamment les noms d'étoiles en notation de Bayer (que j'utilise depuis) : les Alpha, les Bêta, etc.

L'hiver passe, et il est plutôt couvert : aucune observation entre le 14/12 et le 27/01, alors que je sortais à la moindre occasion. Mais comme l'an passé et l'année suivante, j'ai un bon mois de février. Vénus est revenue le soir, presque en premier quartier. Je fais quelques dessins pour apprécier l'évolution des phases. Le 21/02/1985, je dessine le Double Amas de Persée : « Pour le trouver, comme le 04/03 dernier, je me promène dans le champ [les environs de là où il doit se trouver] et je tombe dessus. » Le 22/02 avant dîner : « Vu et dédoublé Gamma Andromède assez facilement. Dessin. Vu Vénus. La turbulence est meilleure qu'avant car le disque ne tremble presque plus. » (Lors des observations précédentes, j'ai noté que Vénus tremblait et se dédoublait. Je pense que c'est parce qu'elle était très basse. Or peu à peu, elle va s'écarter du Soleil, en outre l'écliptique va s'incliner favorablement.)

Grâce au "Brunier", j'observe de plus en plus le ciel profond. Après dîner, ce même 22/02, je découvre quatre nouveaux objets du ciel profond : « Vu tout d'abord M35 : très bel amas. Ouah ! Dessin. Puis vu M44, que j'ai pu trouver en m'aidant des étoiles du Cancer, visibles à l'oeil nu. C'est un des plus beaux amas du ciel à la lunette de 60 mm. Dessin. Vu ensuite NGC 2264, pas mal non plus. Dessin. Puis NGC 2244. Dessin aussi. Puis M47 et dessin. M47 est un bel amas, malgré sa faible hauteur sur l'horizon. Pas vu M46. » Les comptes-rendus sont encore succints... Au passage, je rappelle que mon ciel n'était pas très bon (magnitude limite entre 4,5 et 5,0 dans le meilleur des cas - je testerai ça plus tard), c'est pourquoi je ne voyais pas le Double Amas à l'oeil nu, ni M44.

Le 24/02, à nouveau j'observe d'abord avant dîner puis après. Avant dîner, je dessine Vénus (sa phase rétrécit peu à peu) et je continue mes chronométrages de cratères sur la Lune (pour calculer leurs diamètres). J'ai préparé une carte des amas du Cocher établie à l'aide des photos à grand champ du "Multiguide". Ce sera plus pratique que de lire à la lampe de poche la photo, où les étoiles sont vraiment minuscules. Ça marche : « Je trouve M36 à l'aide de ma carte. Ce n'est qu'un rond diffus, un peu comme M11 et M13. M38 et M37, que je vois ensuite à l'aide de la carte, sont identiques. Pas d'étoiles résolues. M36 est le plus faible. Je dessine les trois amas. » Avec M37, j'ai trouvé vingt objets du ciel profond, dont la moitié pour ce seul hiver. Le "Brunier" n'y est évidemment pas pour rien...

Après le 24/02, je dois attendre le 18/03 la prochaine observation. Celle-là, je m'en souviens. D'après "Ciel et Espace" il y avait l'élongation maximale de Mercure, et j'avais bien compris pourquoi les élongation de printemps sont les plus favorables. De plus, la proximité de Vénus allait m'aider. À l'aide d'un calcul d'interpolation plus ou moins improvisé, j'avais estimé d'abord l'élongation des deux astres (les éphémérides de la revue donnaient les élongations tous les 10 jours, je crois, et celle de Mercure variait rapidement) afin de savoir où était Mercure par rapport à Vénus. D'après "Guide", ce soir là Vénus était à 25° du Soleil, et Mercure à 18°. Oui, je me souviens, je savais que son élongation était inférieure et qu'il faudrait chercher en dessous. Je m'attendais donc à chercher Mercure en dessous et un peu à droite de Vénus (en supposant que les deux planètes sont alignées sur l'écliptique). Or voici mon compte-rendu : « Vu Vénus (dessin) bas sur l'horizon (environ 15° ou 10° de hauteur). Puis je cherche Mercure qui est proche de Vénus et de sa plus grande élongation. Ce devrait donc être un jeu d'enfant. Pas du tout... J'ai beau silloner le ciel au chercheur et au x20 dans les environs de l'endroit où doit être Mercure, je ne le trouve pas. Mince alors ! » En fait, et je l'ai soupçonné assez vite, Mercure n'était pas aligné avec Vénus. Du coup, elle était en bas mais à gauche (ayant une latitude plus faible). J'ai encore bien en mémoire cette soirée, où je balayais le ciel encore bien bleu, au-dessus des arbres qui bouchaient l'horizon, bien que je m'étais placé tout au bout du jardin. Mercure, je devrai encore attendre plus douze ans avant de la voir, bien après Uranus et Neptune...

Les observations suivantes sont surtout consacrées à Vénus, dont le croissant est de plus en plus fin. Elle se rapproche du Soleil mais l'inclinaison de l'écliptique est favorable puisque nous sommes autour de l'équinoxe de printemps. Le 24/03 : « Dessin de Vénus dans les mêmes conditions qu'hier. Vénus est vraiment très proche du Soleil et j'aurai du mal à revoir la planète ces prochains jours. » Effectivement, elle est alors à 17,6° d'élongation, mais pratiquement à la verticale du Soleil (d'après "Guide"). C'est ma dernière observation à la lunette. Depuis quelques temps, je sentais que j'avais fait le tour de ses possibilités et j'avais hâte de passer au diamètre supérieur. Après presque deux ans d'utilisation régulière, je sais trouver les objets, je sais à quoi ressemble une planète, un objet du ciel profond. Il me faut plus gros, c'est urgent ! J'ai noté dans mon cahier d'observation, entre la n° 145 (celle du 24/03) et la n° 146 (la première lumière du 115/900), le texte suivant :

« Je reçois le 18/03/1985 à midi le "Ciel et Espace" de mars-avril. Le lendemain soir, je vois une petite annonce de vente d'un 115/900 pas trop cher (2000 F). Comme ça fait plusieurs mois que j'attendais l'occasion, je téléphone (vers 21h10). Le 115/900 arrive par camion le jeudi 04/04 vers 10h30, mais je n'ai pas réuni l'argent car je pensais qu'il fallait le chercher. Du coup le camion repart et je n'ai le télescope que le samedi 06 vers 12h. Déballage et montage dans l'après-midi (c'est le deuxième week-end des vacances de Pâques). Réglage du chercheur dans l'après-midi du 08. Puis attente impatiente d'une soirée favorable. » En fait, je n'attendrai pas trop : ce 08/04, il fait beau...

Je me souviens encore très bien de l'après-midi passée à monter le 115/900. Il y avait deux modes d'emploi, l'un plus détaillé que l'autre. C'était un "Ganymède 502T". Il était muni de deux oculaires que je possédais déjà : H20 mm et H6 mm. J'y ai ajouté le H35 mm de la lunette. Les filtres "sun" et "moon", je les possédais aussi. Ce télescope, je vais l'utiliser trois ans, et au bout de trois ans je savais que je n'avais pas encore fait le tour de ses possibilités. Il y a une grosse différence entre la lunette de 60 mm et le 115 mm, je m'en rendrai compte notamment sur M42 ou sur le Double Amas de Persée. Bientôt...

Astronomie au 115/900 - 1985

Le 08/04/1985 au soir, je sors mon nouvel instrument, le télescope de 115/900. J'attendais de meilleures images, grâce au diamètre plus important, mais aussi la possibilité d'utiliser les cercles de coordonnées. J'ai donc commencé par réaliser une mise en station aussi soignée que possible, malgré l'absence de réglage fin sur la monture (ni en hauteur, ni en azimut...) « Je fais soigneusement la mise en station. C'est long... Puis j'essaie de trouver M48, M66 et M103 à l'aide des cercles de coordonnées, puis M66 en balayant le champ. Introuvables. » Je m'en souviens : une grosse déception, car la méthode des coordonnées ne peut pas marcher. J'ai pris mon temps, et je savais ce que je faisais. Mais les cercles sont si petits, et la mise en station si difficile à faire sans réglages fins... Il faut avouer que pour l'instant, je ne dispose d'aucune méthode de pointage fiable. Et le chercheur ? C'est un 8x24 diaphragmé, qui ne montre que les étoiles très brillantes. Ce n'est pas avec lui que je pouvais voir M48, M66 ou M103.

C'est pourquoi deux jours plus tard, je reviens à la seule méthode qui marche pour l'instant : pointer plus ou moins dans la région indiquée par la carte, puis balayer à l'oculaire. Maintenant que je sais à quoi m'attendre et que je maîtrise le champ de l'oculaire, ça peut marcher sur les objets faciles. Bref, le 10/04 : « J'arrive à trouver M48 en balayant le champ. Dessin. J'ai commencé le dessin par les étoiles les plus brillantes. C'est alors que la transparence a dégénéré à cet endroit. Du coup, je n'ai pas pu dessiner les étoiles faibles vues au début. » Le 19/04 : « Vu M67 (dessin). Des étoiles faibles sont mieux vues au x45 qu'au x26, qui montre plutôt un amas d'étoiles serrées difficiles à dessiner. Vu Vesta près de Tau Vir (dessin). Cherché M66 puis NGC 2903 (je me perds, notamment pour trouver M66).

Ah, encore une soirée dont je me souviens bien. Pour trouver Vesta, qui passait tout près de Tau de la Vierge d'après "Ciel et Espace", j'ai dû d'abord repérer Tau de la Vierge... Quant à M66, j'en ai passé du temps à balayer le champ ! Est-elle visible avec mon télescope bas de gamme sous un ciel du reste pas terrible ? Ou bien est-ce moi qui m'y prends mal ? Je ne pouvais pas répondre. La remarque sur M67 est intéressante puisque je viens de constater l'intérêt du grossissement moyen par rapport au grossissement faible, mais je continuerai encore longtemps à privilégier le grossissement faible.

La séance suivante est consacrée au dessin de la Lune. Voici le dessin réalisé (Catherine, Cyrille et Théophile, à comparer avec celui fait à la lunette 60 mm) :

Une petite parenthèse... Le n°205 de "Ciel Espace" (mai-juin 1985) publie un article étonnant de C. Hanon : "Galaxies spirales et observations visuelles : jusqu'où ?". Cet article m'a beaucoup marqué. L'auteur racontait l'observation des galaxies spirales à travers des grands diamètres, notamment par Lord Rosse. C'était l'époque où on commençait à voir arriver des télescopes géants (en Dobson) de 400 mm ou même 500 mm. Les dessins étaient stupéfiants et je savais qu'ils représentaient, eux, ce qu'on voit à l'oculaire, contrairement aux photos. C'est ça qui m'attirait, mais ça me semblait une sorte de rêve inaccessible, pas un projet pour l'avenir. Quelques numéros plus tard arrivera une rubrique plus ou moins régulière présentant des constructions de Dobson. J'avais vraiment la sensation qu'il s'agissait d'un monde en marge de l'"astronomie sérieuse", celle où l'on pratiquait la photo avec le TP2415H dilué à 10% dans du DC je-sais-plus-quoi et tiré à grade 3 ou 4 à la rigueur par contretypage (je mélange tout, je sais, mais c'est pour mieux raconter à quel point l'astrophoto me paraissait être plutôt de la photo que de l'astro.)

En mai et en juin, donc, je loupe l'éclipse de Lune du 04/05 pour cause de mauvais temps, et j'observe notamment M13 (qui reste une grosse boule floue non résolue) et Epsilon Bouvier, impossible à dédoubler. Début juillet, je découvre deux nouveaux objets du ciel profond : IC 4665 et NGC 6633, dans Ophiuchus. C'est là que le "Nébuleuses et Galaxies" se révèle utile : sans lui, je n'aurais jamais pensé à chercer ces objets si peu connus. Or, au 115/900, NGC 6633 est particulièrement joli. Je trouve aussi, quelques jours plus tard, M5 et M57, tous deux visibles sous forme d'une tache floue. M57 ne montre pas son anneau : « M57 apparaît bien allongé et est de couleur blanche. Le champ autour de Gamma Lyr est riche en étoiles, certains étant doubles. » Lorsque la Lune est présente, je continue à la dessiner : Atlas et Hercule, puis Eudoxe et Aristote, deux dessins pas terribles. Mais petit à petit j'apprends à dessiner la Lune et ça va venir, bientôt (avant de réussir de beaux dessins lunaires, je crois qu'il faut forcément en rater pas mal pour commencer - finalement c'est comme en photo...) Voici un dessin du Mur Droit daté du 25/07/1985 :

En août, nous sommes partis en vacances dans le Massif Central, et j'ai pu emmener le 115/900. Le ciel du terrain de camping est meilleur qu'à la maison, la Voie Lactée y est facilement visible. Le lendemain de notre arrivée, dimanche 04/08, il fait beau, et je sors le télescope. « Je cherche M10 et M12. Pas trouvés. Je pointe Gamma Cyg pour chercher M29 et NGC 6910. Magnifique ! Que d'étoiles ! On dirait une photo de la Voie Lactée ! Trop dur à dessiner. J'ai vu une concentration d'étoiles brillantes sur environ 1° mais je ne crois pas que ce soit M29 ou NGC 6910. Peut-être NGC 6871 ? Découragé de dessiner dans ces régions, je me suis contenté de me balader dans la Voie Lactée. Puis j'ai pointé Bêta Cyg, moins "touchée" par la Voie Lactée. Dessin des alentours. Il y a comme un "champ de fond" d'innombrables étoiles vsibles sans l'être. Difficile à décrire... » Puis le 08/08, toujours au terrain de camping : « Vu M29. J'ai eu un mal fou à le trouver. C'est qu'il est loin de Gamma Cyg ! Bof, pas très intéressant. Vu ensuite NGC 6910, plus près de Gamma Cyg. C'est pas mieux. Dessins des deux amas ouverts. » Voici le dessin de NGC 6910 remis au propre sur Canson noir et encre de Chine blanche. C'est le petit groupe en forme d'Y à l'envers, en haut à gauche. Je l'ai décentré afin d'avoir Gamma Cygne dans le champ (tout en bas) :

Je dois ensuite attendre le 27/08 pour retrouver du beau temps. De nouveau dans le jardin de la maison familiale, je pointe Jupiter pour la première fois au 115/900. Ah, je m'en souviens encore. L'impression, à première vue, qu'il y a plein de bandes, mais ça disparaît une fois que je fixe la planète. « Jupiter est magnifique ! Ce n'est plus un disque avec deux bandes parallèles, c'est une ellipse (aplatissement évident) barrée de raies. Curieusement, les deux principales ne se détachent guère. Mais quand je veux faire le dessin, je n'arrive pas à tout voir : c'est l'aspect général qui est riche, et dès que je veux détailler il manque quelque chose. Je vois au premier coup d'oeil plein de raies, mais si je les cherche je n'en vois plus autant... (Dessin de Jupiter). » Voici le dessin, puis celui du lendemain, remis au propre :

J'ai noté aussi l'emplacement des satellites au dos du dessin :

Je continue, début septembre, à essayer tant bien que mal de dessiner Jupiter, mais mes dessins sont très mauvais car tout apparaît de façon très fugace. D'ailleurs aucun dessin ne se ressemble. Sur les deux précédents, je pense qu'à part les deux bandes, il n'y a pas grand chose de juste. Jupiter est difficile à dessiner parce que peu contrastée et je pense qu'il faut, comme pour la Lune, un certain apprentissage et pas mal de déchets initiaux avant d'arriver à quelque chose de bon. Aujourd'hui, je n'ai plus trop la patience de réaliser de mauvais dessins, aussi je ne sais plus dessiner la Lune et Jupiter... Le 10/09 : « Vu Saturne. La division de Cassini est vue aux anses. Puis dessiné Jupiter. Tous les satellites sont du même côté. » Sur les planètes, le gain de diamètre m'apporte clairement quelque chose. Les soirées d'automne sont encore consacrées à Jupiter, qui est un peu la vedette. Mais à l'occasion, je continue à dessiner la Lune. Et le 28/10, à l'occasion de l'éclipse de Lune - ma première depuis que je fais de l'astronomie - le club d'astronomie a organisé une soirée d'observation. Ah, enfin, un an après ! (Oui, le club n'organisait pas souvent de soirées d'observation, dommage...)

Je n'ai pas pris de notes sur place. Mais j'avais préparé une manipe amusante : noter toutes les cinq minutes la position de l'ombre par rapport aux cratères. Pour quoi faire ? Rien de particulier, juste histoire de faire quelque chose pendant l'éclipse, de ne pas seulement la contempler. J'avais donc décalqué la carte de la Lune du "Multiguide Étoiles et Planètes" et je suis parti avec elle et un stylo rouge. Voici ce que ça a donné :

Comme indiqué, il s'agit de la sortie de l'ombre. Les horaires sont TU. Ça s'arrête à 18h55 TU parce qu'à huit heures du soir, ma mère, qui devait me ramener, est arrivée. Déjà ? J'ai dû lui donner de mauvais horaires de l'éclipse... C'est l'oculaire 35 mm (x26) qui a servi. Ce qui est intéressant, c'est la petite note en haut à droite. Elle a été ajouté quelques années plus tard, lorsque j'ai remis de l'ordre dans mes notes (ce dessin a été ultérieurement collé sur le cahier de notes), mais elle correspond à une remarque que je m'étais faite à l'époque. Oui, normalement les lignes rouges devraient être à distance uniforme, puisque la Lune se déplace à vitesse uniforme (en première approximation) durant l'éclipse (n'oublions pas que c'est la Lune qui se déplace, pas l'ombre). Je me suis dit que j'avais dû mal dessiner ces lignes, mais avec toujours un petit doute... Finalement, j'ai refait la même manipe lors de l'éclipse de Lune de novembre 2004 (avec mon Kepler 200 mm), et j'ai constaté exactement le même phénomène. Cette fois, il a fallu que je trouve une explication. Mais cette fois, je connaissais beaucoup mieux le ciel et la réponse m'a semblée évidente. Bon, je saute un paragraphe pour maintenir le suspense...

La réponse est évidente : l'ombre de la Terre est une sorte de cône. Les lignes rouges sont les contours de sections circulaires de ce cône. Or ces sections sont d'autant plus petites (le diamètre diminue) qu'on s'éloigne de la Terre. Le bord de la Lune est plus éloigné de la Terre que son centre (la différence de distance vaut environ un rayon lunaire). Donc l'ombre qui frappe le bord de la Lune forme un cercle un peu plus petit que l'ombre qui frappe le centre de la Lune. Aussi, lorsque l'ombre progresse du centre vers le bord, les cercles diminuent légèrement en diamètre. Le centre de ces cercles se déplace bien de façon uniforme, mais le rayon diminue, c'est pourquoi les arcs de cercle se resserrent. Mine de rien, ce dessin prouve concrètement que la Lune n'est pas un disque plan (auquel cas les arcs de cercle seraient à distance uniforme) mais un volume. (En calculant la façon dont les arcs de cercle diminuent, on pourrait sans doute en déduire même que c'est approximativement une sphère.) C'est bien beau de le lire dans les livres, mais moi je l'ai vu... sauf que j'ai mis dix-huit ans à le comprendre !

Mais l'évènement impatiemment attendu par tous, c'est le retour de la comète de Halley. D'après les éphémérides, elle devrait commencer à être accessible à mon télescope dès novembre (pas fin octobre à cause de la Lune). Problème : ce novembre est mauvais. On a même de la neige une bonne partie du mois. Une seule observation est réalisée le 17/11, mais la Lune est présente. Je dessine Fracastor (je trouve qu'il commence à y avoir du progrès) :

Or le temps passe, et Halley s'approche. Je sais que son passage ne va pas être très favorable. De plus, j'ai suffisamment d'expérience (en matière de déceptions...) pour m'attendre à ne voir qu'une petite tache floue, comme d'habitude. Mais je suis impatient de la voir quand même et le temps passe... Comme beaucoup d'observateurs français, c'est le 01/12 qui me permettra de voir enfin la comète. Cette soirée du 01/12, réalisée en deux temps (avant dîner / après dîner) est un de mes plus grands souvenirs de l'époque. Grâce à Halley, même si comme prévu ce n'était qu'une tache floue. Le "Ciel et Espace" de novembre-décembre contenait une carte de repérage de Halley basée sur le "Sky Atlas", donc une carte bien plus précise que celles de mes livres. « Recherche de la comète de Halley : à partir de Gamma Peg, j'arrive à 75 Psc, à l'aide de la carte de "Ciel et Espace". Là apparaît Halley, brillante (tout est relatif) et nébuleuse, plutôt ovale, mais dans le sens perpendiculaire à l'écliptique. Je dessine la comète, qui entre vers l'intérieur d'un parallélogramme d'étoiles. » Précision : je chemine étoile par étoile à l'oculaire, pas au chercheur, car celui-ci est vraiment trop mauvais. C'est assez long, mais bien moins que balayer au hasard dans la région comme je le faisais avant. Cette méthode est donc sûre : il suffit d'être patient, et on est sûr d'arriver dans le champ. Donc, si on ne voit pas l'objet, c'est qu'il est invisible. Alors qu'avec ma précédente méthode, ça pouvait tout aussi bien dire que j'avais balayé de travers. Cette constation, je l'ai faite ce soir là et j'ai aussitôt adopté la méthode de recherche avec une carte, tellement pratique. Quant à Halley, je me souviens que j'étais heureux de l'avoir vue, car j'avais peur de la rater comme j'avais raté auparavant M66, M103, M10, M12, etc.

Le soir, après dîner, retour dehors. « Revu la comète de Halley. Le repérage ne pose plus de problème (j'avais été lent tout à l'heure). Le mouvement de Halley est évident : maintenant, la comète est entrée à l'intérieur du parallélogramme. Ensuite, je vois M31, NGC 752, puis NGC 663 en balayant la région de Cassiopée (afin de chercher M103). J'ai vu apparaître dans le champ, à un certain moment, un amas ouvert. J'ai tout de suite pensé que c'était NGC 663 et non M103 à cause de sa taille. Sa position par rapport à Delta et Epsilon Cas le confirme. »

Désormais, tous les soirs où il fait beau, je dessine la comète de Halley. Éventuellement seulement elle, car la fin du mois va être froide... Ainsi, le 02/12, puis le 04/12, j'ajoute deux nouveaus dessins de la comète. J'ai aussi dessiné M15, que voici remis au propre sur Canson noir :

On peut comparer avec le dessin réalisé à la lunette de 60 mm un an auparavant (voir plus haut) : il y a nettement plus d'étoiles, et j'ai détecté la condensation brillante au centre de l'amas. Le 05/12, j'interromps mon travail scolaire pour aller dessiner Halley (ça fait du bien...) « Dessiné Halley (pendant une pause lors de mes devoirs), qui semble avoir augmenté de taille. À cette époque, elle est passée sour la magnitude 6,0 et se dirige vers le Soleil (sud-ouest). Elle va traverser les Poissons puis le Verseau, tout en augmentant légèrement en éclat. Mais c'est en mars, dans l'hémisphère sud, qu'elle deviendra vraiment visible à l'oeil nu, aux alentours de la magnitude 3. Pour nos latitudes, c'est le mois de décembre qui est le meilleur. Début janvier elle sera encore plus brillante (vers la magnitude 5), mais très proche du Soleil. C'est pour ça que je ne rate pas une occasion. Le 06/12, j'observe dans des trous entre les nuages. Les Pléiades sont découvertes, mais la région où se trouve Halley reste perpétuellement cachée. Le 10/12 avant dîner, le ciel est brumeux et je n'arrive pas à la trouver. Aïe aïe aïe, et la Lune qui va revenir... Heureusement, le ciel s'éclaircit après dîner, et je peux réaliser un 5è dessin de la comète. Ensuite, je cherche M33 : « Je n'y arrive pas. J'essaie de m'aider de la large photo de "Nébuleuses et galaxies", mais je ne trouve rien. Ensuite, dessiné M45 puis M31.

Ah, M33... elle est si faible sous un ciel péri-urbain. Le dessin de M45, le voici (remis au propre sur Canson noir) :

Ce dessin est intéressant. Il m'a permis d'estimer le champ du x26 : quasiment un degré (champ apparent de 26° pour le H35 mm, ce qui n'est pas étonnant à ce coulant). À partir d'une carte de magnitudes des Pléiades trouvée dans "Ciel et Espace", je trouve comme magnitude limite du dessin : 9,3. Désormais, je serai persuadé que c'est la magnitude limite de mon télescope. Normalement, je dois atteindre 11,3 si la magnitude limite à l'oeil nu est de 5,0 (c'est le cas ici lors des meilleures nuits). Je me suis donc résigné à ce qu'en pratique, on est 2,0 magnitudes en-dessous, d'autant que j'avais fait exactement la même constation avec la lunette de 60 mm un an plus tôt. Or je me rendrai compte, plus tard, en utilisant des cartes d'étoiles variables, que je peux dépasser facilement la magnitude 10. Autre erreur : je ne fais pas la distinction entre magnitude limite stellaire et magnitude limite en ciel profond. Je décide donc de sélectionner tous les objets du livre de Brunier qui sont plus brillants que la magnitude 9,3. C'est mon programme d'observation. Par chance, cette erreur compense en fait la première.

Le mauvais temps revient, la Lune aussi. La séance suivante a lieu le 21/12 avant dîner et je dessine le cratère Copernic sur la Lune :

Sa forme hexagonale, décrite dans un article de "Ciel et Espace", est bien reconnue. Après dîner, je dessine la comète. Je note que : « il y a peu d'étoiles dans le champ ». Normal, maintenant qu'il y a la Lune. La comète vient d'entrer dans le Verseau et s'approche du Y situé à gauche d'Alpha Aqr (Gamma-Dzêta-Êta-Pi). Elle est de magnitude 5,0. Mais la Lune est proche, du côté d'Alpha Psc, donc très gênante. Les jours prochains elle va s'éloigner, mais devenir de plus en plus pleine... Je dessine encore Halley le lendemain. Mais ce 22/12 est mémorable pour une autre raison...

Jusqu'à présent, je prenais l'habitude d'observer deux fois : une fois avant dîner, à la tombée de la nuit, et ensuite après dîner. Voici par exemple les horaires du 21/12 : 17h00 à 17h45, puis 20h00 à 20h30 (heure d'hiver). Je ne restais pas trop tard et j'observais rarement plus d'une heure. Parce que je me couchais à des heures raisonnables, parce qu'il faisait froid, mais aussi parce que j'avais toute la vie devant moi et que je pouvais observer souvent (aujourd'hui, j'observe moins souvent, à cause des multiples contraintes de la vie, donc plusieurs heures de préférence). Bref, en ce mois de décembre, mes séances d'observation se terminent trop tôt pour me permettre d'avoir observé Orion, d'autant que la maison me cache le sud-est (je ne vois les constellations de l'équateur qu'environ une heure avant leur passage au méridien). Ce 22/12, je suis sorti deux fois : de 17h30 à 18h00 (Lune et Jupiter), puis de 18h30 à 19h00 (dessin de Halley). [Je donne ici les heures d'hiver, c'est plus parlant je trouve. En cas d'heure TU, je le préciserai.] Mais après dîner, je ressors une troisième fois, allez !

Je me souviens très bien de cette séance mémorable. Nous étions en train de regarder un film à la télévision, et il me semble que c'était la première diffusion des "Dents de la mer". Tout en regardant le film, j'hésitais : je sors dehors ou je reste pour le film ? Après tout, Halley a été dessinée. Oui mais M42 ? D'après Brunier, c'est un objet très intéressant. Bof, à la lunette de 60 mm il n'était pas terrible [en rédigeant ce texte, je m'aperçois que je ne l'ai même pas réobservée lors du deuxième hiver à la lunette !] Et puis j'aurais le temps les jours prochains. Et puis, il est bien ce film. Oui mais j'ai envie de sortir voir M42... Finalement, je me lève et je sors dans le jardin. Horaire : 21h15 à 22h00. Ce n'est pas très long (à l'époque, 22h00 était considéré comme tard, les films à la télé commençaient à 20h30 et se terminaient vers 22h00, puis on allait tous se coucher). Bref, trois quart d'heure d'observation qui sont encore dans ma tête...

« Vu M42. Magnifique ! C'est la première fois que je l'observe au 115 mm. La nébuleuse est verte, et même bien verte. La Trapèze est très serré mais séparé au x45. C'était donc ça le Trapèze ! C'est, semble-t-il, le meilleur grossissement, avec le x52. Je les essaie tous, et même le x300 donne une image intéressante. Le Trapèze est alors bien séparé, mais peut-être trop flou. M42 est verte aussi au x300. Oh ! »

"Ciel et Espace" nous abreuvait de photos amateurs de M42. À cette époque où régnaient le 103aO et le TP2415H, ces photos étaient en noir et blanc. La nébuleuse était une tache blanche surexposée, qui cachait tout le Trapèze. Or ce Trapèze, j'en avais entendu parler ici et là, simplement je ne comprenais pas ce que c'était puisqu'il était toujours noyé dans les photos. Certaines photos en couleur montraient une couleur rouge. Et voilà que je la vois verte ! Jamais je n'aurais imaginé une chose pareille. Je me souviens parfaitement m'être dit que je préférais M42 à l'oculaire plutôt qu'en photo, entre autre à cause du Trapèze. La présence de ces quatre étoiles blanches, brillantes, rehaussait l'esthétique de la nébuleuse, et aucune photo ne pouvait montrer ça. Même les rares photos montrant le Trapèze, grâce à un énorme travail de masquage de l'astrophotographe, ne donnaient pas cette impression que ces quatre phares illuminent littéralement la nébuleuse. Et ce vert étrange ! Si vous me lisez et ne voyez pas la couleur verte de M42, sachez que nous n'avons pas tous la même sensibilité aux couleurs en vision nocturne. Certains voient le vert de M42 facilement (j'ai cette chance), d'autres ne le voient pas même à travers un télescope de 300 mm. Ce 22/12, je ne savais pas tout ça. Mais personne ne m'avait dit que M42 serait verte et qu'elle était éclairée de cette façon par les quatre étoiles du Trapèze. Même Brunier ne m'avait pas préparé à une telle surprise.

Alors j'ai fait comme sur la Lune : j'ai essayé tous les grossissements. H35 mm, H20 mm, H35 mm + barlow, H20 mm + barlow, H6 mm et même H6 mm + barlow. Je me souviens m'être attardé sur l'image. On voyait la même chose, mais en gros plan, puis en encore plus gros plan, et encore plus gros que le précédent... Le Trapèze ! La couleur verte de la nébuleuse ! M42 est un choc, au même titre que ma première Lune à la lunette de 60 mm à travers la fenêtre. Dire que la nébuleuse d'Orion m'avait tant déçue à la lunette !

Le 23/12, des nuages m'interrompent alors que je commençais mon cheminement vers Halley. Rrrstkxfhgfpqioj#¤@^# !!! Puis arrive Noël. J'ai demandé au Père Noël le "Sky Catalogue 2000.0", volume 1, commandé par correspondance chez "World Data", un magasin qui vendait des publications en anglais et faisait de la publicité dans "Ciel et Espace". Pourquoi cet achat ? Oui, pourquoi pas plutôt le "Sky Atlas" ? Parce que j'étais persuadé qu'un tel atlas ne pourrait pas être utilisé sur le terrain (trop volumineux). De plus, il manquerait les données, qui m'intéressaient aussi. J'avais donc prévu de préparer mes propres cartes à partir de l'atlas, sur des fiches cartonnées. J'avais également converti toutes les coordonnées 1975.0 données dans "Nébuleuses et Galaxies" en coordonnées 2000.0, en suivant une méthode de calcul trouvée dans un vieux "éphémérides de la S.A.F." qu'on m'avait donné (il y avait en introduction des formules pour calculer les levers, couchers, passages au méridien, etc.) [Je précise que grâce à l'astronomie, et pour les calculs de magnitude, je savais utiliser le logarithme décimal à l'époque où j'étais en seconde, alors que ce n'est qu'au programme de terminale...]

Voici un exemple de carte fabriquée à l'aide du "Sky Catalogue" (région d'Antarès) :

J'indique les magnitudes des étoiles au cas où. Les objets du ciel profond sont ajoutés à l'aide de "Nébuleuses et Galaxies". Les lignes au crayon de papier vont de 5m en 5m en ascension droite, et de degré en degré en déclinaison. Chaque petit carreau représente 1m en ascension droite et 15' en déclinaison : il est donc assez simple de placer l'étoile à partir de ses coordonnées. Le nord est en bas, comme à l'oculaire. Remarque : tant que je suis entre -30° et +30° (en gros), je peux me contenter de ce genre de projection rectangulaire. Entre 55° et 65° aussi, à condition de prendre 2m par petit carreau. Mais vers 40° ou 50° de déclinaison, c'est plus compliqué car chaque petit carreau en ascension droite ne fait plus un nombre rond... Bref, durant les vacances de Noël, je me prépare des cartes de repérage des objets du ciel d'hiver que je souhaite chercher (là, l'exemple d'Antarès, c'est parce que j'ai retrouvé rapidement sa carte, mais elle a été fait quelques mois plus tard.)

Le 26/12, je sors rapidement pour dessiner Halley. Il fait un froid glacial et la transparence est très mauvaise (mais la comète est bien visible). Le 31/12, il fait encore plus froid. Je me revois encore dans le jardin, reculé jusque contre le mur de la maison pour avoir l'horizon ouest le mieux dégagé possible, et ayant du mal à tenir mon crayon. « Vu et dessiné Halley. Aucune étoile n'apparaît dans le champ, la transparence est vraiment mauvaise à cet endroit (de plus en plus bas sur l'horizon). » La comète est alors à 56° d'élongation et n'est donc observable que peu de temps après le coucher du Soleil. La Lune était pleine le 27/12 et va donc bientôt ne plus être un souci.

Un petit bilan pour terminer cette année 1985 :

Astronomie au 115/900 - 1986

En ce début de mois de janvier, c'est bien sûr la comète de Halley qui me préoccupe. Elle se déplace vers le sud-ouest, alors que le Soleil remonte vers le nord-est. Bref : son élongation chute à vue d'oeil. Chaque soir où je la regarde, je crains que ce ne soit le dernier. Certes, elle reviendra plus tard, en mai prochain... mais à magnitude 8-9 - rien à voir. Or ce mois de janvier est plutôt couvert (en plus d'être froid). Le 04/01, je la revois enfin sous un ciel pas trop mauvais et sans Lune (ça faisait bien deux semaines que je n'avais pas eu un ciel potable). « Vu Halley. On voit une queue développée et la comète est de couleur verdâtre. La queue s'élargit vers l'extérieur. Elle [la queue] est visible et évidente à condition de regarder sur le côté du champ, mais elle est très floue. Mieux visible au début de la séance qu'à la fin [normal, elle est basse]. » L'élongation de la comète n'est plus que de 49°, donc proche d'une élongation vénusienne, et la comète va devoir être vue de plus en plus basse. Et voilà qu'elle devient de plus en plus intéressante !

Plus rien jusqu'au 11/01, une semaine après : « Vu Halley, toujours verdâtre. Magnitude du noyau : à peu près celle de HD 208111, c'est-à-dire 5,7. Queue visible du coin de l'oeil. En fixant Halley, on voit seulement le noyau. Queue bien visible sur 8' [d'après le dessin], et le reste est visible en sortant Halley du champ ou en regardant le bord de l'oculaire, mais dans ce cas c'est assez flou. » Ah, ce n'est pas très clair... En vision directe, on ne voit que le noyau, brillant. En vision décalée on voit un départ de queue, mais il faut un vision "très décalée" pour voir cette queue plus étendue. Je suppose que si j'avais observé depuis un bon ciel de campagne, je l'aurais vue bien plus longue. J'ai d'ailleurs noté que la comète est proche d'un lampadaire très gênant... La comète n'est qu'à 38° d'élongation, et ça chute de jour en jour puisqu'elle se déplace vers le Soleil. Le lendemain encore je peux l'observer : « Vu Halley, toujours verdâtre. La portion nord de la queue est un soupçon plus brillante que la partie sud [la queue est épaisse et orientée à peu près ENE-OSO]. La queue, très floue, est évidente en vision décalée. » Cette observation a été réalisé entre 18h00 et 18h50, donc durant le crépuscule astronomique. Car ensuite, la comète passe derrière les arbres. J'ai donc pu observer et dessiner douze fois Halley (chaque observation a été assortie d'un dessin). Question : pourrais-je la revoir ? Jour après jour, alors que le mauvais temps s'installe à nouveau, je crains de ne plus jamais revoir dans ma vie cette comète.

Le 16/01, je cherche la comète au crépuscule, sous un ciel très mauvais, non loin du lampadaire qui me gênait et dont elle s'est approchée. Alpha et Bêta Aqr ne sont pas encore visibles à l'oeil nu, mais Epsilon Peg l'est, alors je pars de cette étoile et je descends au chercheur, puis je me perds... Il n'y a pas assez d'étoiles dans le ciel ! Le lendemain, nouvelle tentative, nouvel échec. Le ciel était couvert sauf par endroits, et notamment la région où devait se trouver Halley. Mais le temps que je pointe par là, ça s'est recouvert. Le ciel est découvert ailleurs, donc j'attends, en espérant qu'une éclaircie se reforme. Mais non... Ce soir là (17/01), la comète n'est plus qu'à 30° du Soleil, et ce sera pire les jours prochains. Si je n'arrive plus à la revoir, ce sera sans doute fini, car dans 76 ans, serais-je encore en vie ? Dans les prochaines semaines, la comète va croiser le Soleil sur l'écliptique puis traverser la portion sud du Sagittaire (en mars). Elle sera alors peut-être visible au ras de l'horizon au petit matin, pendant quelques jours. Puis elle passera dans l'Autel et le Centaure, où elle atteindra son éclat maximal, avant de redevenir visible pour l'hémisphère nord dans l'Hydre, fin avril, puis dans la Coupe en mai, mais en s'éloignant à grande vitesse de la Terre car se dirigeant exactement en sens opposé. Peut-être la reverrais-je en mars, si c'est possible, mais dans de très mauvaises conditions, ou peut-être en mai, mais très faible, peut-être trop ?

Le 20/01/1986, Halley s'approche de Bêta Aqr, c'est ma dernière chance. Au crépuscule, je parviens à apercevoir très faiblement Alpha et Bêta Aqr à l'oeil nu. C'est gagné ! Mais que c'est bas ! J'estime que le lampadaire gênant est à environ 7° du champ que je pointe (bonjour les reflets !). Je vois et je dessine Halley rapidement : « Halley est toujours verdâtre, bien visible malgré la transparence très mauvaise (seule une étoile de magnitude 8 est visible dans le champ) ». Mais : « Vers 17h35 TU, Halley rentre dans le halo du lampadaire... » Je viens de lui dire adieu et je le sais, c'est pourquoi je ne tenterai plus de la retrouver les jours prochains (de totue façon ç'aurait été impossible puisque le mauvais temps s'installe). Ça m'aurait embêté de ne pas l'avoir vue avant de prendre conscience que c'était la dernière, mais c'est fait. À 17h35 TU, le Soleil était à -12° (on entrait seulement dans le crépuscule astronomique) et la comète à 12° de hauteur et à seulement 25° du Soleil. Ouf, c'était juste ! Adieu Halley ! J'espère qu'il y aura d'autres belles comètes...

Après dîner, je retourne dehors. Je ne trouve pas M1 malgré la carte (ciel trop mauvais). Puis je pointe M35, que je trouve splendide ! J'observe aussi NGC 2264, décevant, puis M42, toujours verte. Je ne m'en lasse pas et réalise un dessin que, visiblement, j'ai dû perdre, ou peut-être jamais mis au propre (à cause de sa couleur, que je ne savais pas comment rendre ?) Ces trois objets sont dessinés (le dessin est devenu quasi systématique.) Le 28/01, je dessine NGC 663. Ce qui me permet de remarquer que la photo de M103, dans le "Nébuleuses et Galaxies", est en réalité celle de M103 ! D'ailleurs, M103, je l'ai trouvé également, et il est peu intéressant. Le 30/01, je trouve M1, qui n'est pas si mal que ça (le ciel devait être mauvais l'autre jour). Les observations du ciel profond deviennent routinière, et le ciel est souvent dégagé cet hiver là. Le 11/02, je cherche le compagnon de la Polaire et ne le trouve pas (à x150). Je finirais par le trouver plus tard, et je suis sûr que je l'aurais vu ce soir là si j'avais su à quoi m'attendre...

Le 11/02, je songe enfin à pointer le Double Amas, qui n'était pas particulièrement intéressant à la lunette... Ce sera mon deuxième choc de l'hiver. Mais avant de voir le Double Amas, je vois autre chose, et croyant que c'est lui, je commencerai par être déçu, avant de me poser des questions... « À 2°N de NGC 869 [que je n'ai pas encore vu - je rappelle que je chemine avec les cartes préparées à l'aide du "Sky Catalogue", et que le cheminement se fait à l'oculaire car le chercheur est vraiment médiocre, donc là je suis encore en train de cheminer] je vois un amas, mais ce n'est pas le Double Amas. En fait, c'est seulement un magnifique regroupement d'étoiles. Puis vu le Double Amas : il y a un fond nébuleux à x26 dans NGC 869 et NGC 884. » La description est trop incomplète. Voici mes souvenirs : en cheminant à partir de Delta Cas (après être passé par M103, décrit dans la partie précédant le passage cité), je me rapproche du Double Amas par le nord. Je tombe donc sur Stock 2. Mais cet objet ne figure pas dans le livre de Brunier, je ne l'ai donc pas inclus sur ma carte. Ma première réaction, c'est quelque chose comme : ah, voilà le Double Amas. Mais je n'en vois qu'un. En tout cas c'est joli, cela dit je m'attendais à mieux. Bon, il est où l'autre ? Tiens, je ne le trouve pas... Mais au fait, est-ce que je ne suis pas trop au nord ? Je redescend un peu et... oh ! Plein d'étoiles ! Cet hiver là, mes deux objets favoris étaient le Double Amas et M42 et, désormais, chaque soir, je n'oublierai pas de jeter un oeil vers eux. Les deux amas, et surtout NGC 869, sont les plus riches que je connais, leurs étoiles sont serrées, et en plus ils sont deux ! Quel est mon objet préféré du ciel profond ? Il y en a deux : la nébuleuse d'Orion et le Double Amas de Persée.

Le lendemain, grâce à mes cartes sur fiche cartonnées, je trouve Pallas (observé avant et après dîner, pour noter son déplacement), NGC 2392, NGC 1746, NGC 1647 et M42 pour finir. Je note que je n'ai toujours pas vu M43, ce que j'ai oublié de signaler : le M42 qui m'a tant plus, c'est en fait uniquement le coeur et le début de ses deux ailes. N'oublions pas que j'observe avec du matériel médiocre (surtout les oculaires !) sous un ciel péri-urbain. Le lendemain, il me vient l'idée saugrenue de grossir 150 fois sur le Double Amas : « Il me semblerait qu'il y ait plus d'étoiles au x150 qu'avec un plus faible grossissement (idem avec NGC 2392 hier). » L'abus du conditionnel montre bien que ça me surprenait. Aujourd'hui, je sais que c'est normal, mais à l'époque on laisse souvent croire aux observateurs que ciel profond = faible grossissement...

Le 16/02, je réalise un dessin du cratère Ptolémée (la Lune est revenue, fini le ciel profond, pas grave, je suis toujours intéressé par le dessin lunaire, d'autant que "Ciel et Espace" continue de publier la rubrique de S. Brunier sur la Lune). Ce dessin est le premier qui m'ait donné l'impression que ça y est, je sais dessiner la Lune.

Le lendemain, je dessine Clavius : « Dessiné Clavius. Raté le premier dessin, "réussi" le deuxième. » Effectivement, il n'est pas tout à fait réussi, car sa forme exacte n'est pas bien représentée.

Deux jours plus tard (19/02) je dessine le golfe des Iris :

Lui aussi, je le trouve plutôt pas mal. J'ai la sensation de commencer à savoir dessiner la Lune. Pourtant, ce sera mon avant-dernier au 115/900, le dernier (Tycho) ayant été fait un an plus tard. Après ce Tycho, il y aura un Gassendi au 200 mm en 1989, puis plus aucun dessin lunaire jusque 2003. Le ciel profond m'intéresse maintenant beaucoup plus que la Lune. Et de plus en plus, en cas de présence de la Lune, je prendrai l'habitude ne pas sortir. Jusqu'alors, je sortais systématiquement, souvent pour à peine une heure d'observation, parce que je découvrais le ciel, tout était nouveau pour moi. Mais après cet hiver bien étoilé, je vais devenir plus sélectif. J'observais 60 à 75 fois par an (le 19/02, c'est déjà ma n°213), ma moyenne va tomber à 50, puis 40, puis 30... mais les séances seront peu à peu plus longues.

Le 25/02, le ciel est illuminé par la Pleine Lune, mais je suis impatient de refaire du ciel profond et j'observe les amas du Cocher : « Vu M38 (pas immédiatement), condensation d'étoiles faibles, serrées, mais résolu. Vu M36, idem mais la résolution est plus facile que dans M38. Vu M37, condensation brillante d'étoiles faibles serrées résolues seulement en regardant sur le bord du champ. (J'ai tout regardé au x26.) » Double erreur : le faible grossissement, surtout avec un ciel lumineux, est une mauvaise idée. Et faire du ciel profond quand la Lune est pleine, bof... Heureusement, le lendemain la Lune se lève plus tard et j'observe suffisamment tôt. C'est donc sous un ciel noir que je note : « Vu M38 : amas petit, rempli de nombreuses étoiles séparées bien plus facilement qu'hier (la séparation est évidente). Disposition en croix pour certaines étoiles. Vu M36 : comme M38, en légèrement plus brillant. Puis vu M37 : plus brillant que M38 et M36, mais plus serré, ce qui donne une image d'étoiles serrées assez brillantes et très proches, comme sur les photos. » C'est ce genre d'observation qui me donnera envie de rester à la maison en cas de Lune...

[à suivre : la soirée du 07/03, avec un ciel meilleur que d'habitude...]