La mesure de la transmission spectrale atmosphérique absolue


On montre une méthode pour mesurer la transmission spectrale absolue de l'atmosphère terrestre et comment relever les paramètres permettant de corriger les spectres de l'atténuation atmosphérique en fonction de la masse d'air.

Le protocole consiste à observer la même étoile à plusieurs masse d'air (élévation au-dessus de l'horizon), puis de profité du différentiel de masse d'air pour calculer la transmission au zénith. A défaut d'utiliser la même étoile, on peut observer des étoiles distinctes à différente masse d'air, mais de même type specral et dont on connaît la magnitude. C'est cette dernière variante que j'ai utilisé ici. Elle a l'avantage d'être rapide, mais elle est moins précise, car on n'est jamais sûr que le profil spectral des étoiles est strictement identique, même si le type spectral est identique. Il existe aussi toujours une incertitude sur la magnitude (faible a priori).

J'ai utilisé la formule suivante pour calculer la transmission atmosphérique T(l) pour une masse unitaire (cette relation est établie dans A. Vidal-Madjar, A&A, 523, A53 (2010)) :

           (1)

avec Oa1(l), le profil spectral observé d'une étoile à la masse d'air a1 et Oa2(l), le profil spectral observé d'une étoile (de même type spectral) à la masse d'air a2.

Les profils spectraux ci-devant sont mis à l'échelle sur une base commune de temps d'intégration et de magnitude. En effet, les deux étoiles ne sont pas obligatoirement observées avec le même temps de pose, et bien sûr, leur magnitude V n'est sûrement pas identique. La formule utilisée pour cette mise à l'échelle est :

        (2)

avec ta1 et ta2, les temps de pose respectifs pour les étoiles 1 et 2, et ma1 et ma2, les magnitudes respectives de ces mêmes étoiles.

Les profils spectraux doivent être exprimés en comptes numériques (pas en valeurs normalisées). Or, ISIS produit de manière naturelle des profils normalisés au terme du traitement. Il est cependant possible de convertir l'intensité en compte numérique en multipliant la version normalisée par le nombre de comptes numériques effectivement relevé dans la zone de normalisation du spectre. Depuis la version 5.2, ce nombre est clairement retourné par ISIS après chaque traitement (pour le profil final, ainsi que pour les profils individuels d'une séquence, ce qui permet de surveiller le bon guidage sur la fente des poses individuelles, par exemple) :

Dans cet exemple, le nombre de comptes numériques (ADU) dans la fenêtre spectrale de normalisation est de 5,08 x 107 ADU. Cette fenêtre est choisie ici dans le vert, entre 5540 A et 5580 A. Elle peut être ajustée depuis l'onglet "Configuration" :

Pour convertir un spectre normalisé en comptes numériques, vous pouvez ensuite par exemple faire :

On rappelle qu'il est facile sous ISIS d'obtenir la masse d'air d'un objet en utilisant l'outil "Vitesse héliocentrique" de l'onglet "Divers" :

Enfin, l'élévation à la puissance d'un profil spectral peut être faite en lançant la fonction L_POWER depuis la ligne de commande ISIS.

Le graphe ci-après montre le profil spectral d'un certain nombre d'étoiles observées à diverses élévations par rapport à l'horizon. Ces spectres ont été obtenus avec un spectrographe Alpy 600 équipé d'une fente de 23 microns (utilisation du module de guidage), monté au foyer Newton d'un télescope CN212 (diamètre de 200 mm, F/D = 4). Les temps de poses caractéristiques pour ces étoiles vont de 300 à 400 secondes suivant le cas.

On remarque immédiatement l'effet de l'atténuation atmosphérique lorsque l'étoile est de moins en moins haute au-dessus de l'horizon. Elle est particulièrement forte dans la partie bleue du spectre. Les étoiles choisies sont toutes de type A1V et on a veillé à ce que l'extinction interstellaire soit négligeable lors de la sélection. Elles sont par ailleurs observées au méridien pour éliminer les imprécisions liées au spectre atmosphérique (dispersion verticale produite par la réfraction de l'air).

L'étoile HD111397 va servir de référence commune à tous les autres spectres (c'est l'objet indicé 2 dans les formules (1) et (2)). Notez que l'étoile HD96819 est observée à une faible élévation au-dessus de l'horizon pour bien accroître le contraste de masse d'air avec l'étoile de référence (a1 = 3.143 pour a2 = 1.166).

L'application de la formule (1) donne le résultat suivant :

Les trois courbes noires sont trois mesures indépendantes de la transmission atmosphérique au zénith (a = 1), en faisant les rapports entre le profil des étoiles HD108107, HD97277, HD96819, le profil de l'étoile HD111397 étant pris comme référence.

L'accord est vraiment très bon entre les transmissions calculées. L'atténuation est de l'ordre de 0,85 dans le rouge par rapport à une observation hors atmosphère. Noter que la nuit était particulièrement claire. L'atténuation atteint 1/2 dans le bleu extrême.

La trace des raies de la série de Balmer de l'hydrogène dans la transmission atmosphérique est visible dans un des cas calculés. Cette anomalie vient du fait que les profils spectraux des étoiles A1V choisies ne sont pas strictement homothétiques (ici, le profil des raies de l'étoile HD108107 est légèrement différent du profil des raies de l'étoile de référence HD111397).

En rouge, on a tracé dans ce graphique la transmission théorique trouvée en utilisant le modèle d'atmosphère de ISIS :

Le modèle ajuste l'observation de manière fort satisfaisante en utilisant un index AOD de 0,12 - valable dont pour la nuit d'observation en question (site urbain en plaine). L'outil de calcul de la transmission atmosphérique peut donc être exploité avec une bonne confiance pour corriger l'atténuation atmosphérique qui affecte les spectres observés.

Conclusion

On a démontré ici la possibilité de mesurer la transmission atmosphérique absolue avec un équipement simple et un peu de méthode. En l'état la procédure est un peu complexe à appliquer, car elle nécessite un assez grand nombre d'opérations, toutes faisables cependant sans quitter ISIS. Le travail présenté ici est expérimental. Si le besoin se fait sentir, l'enchaînement des opérations pourra être automatisé. On montre aussi que ce protocole, qui s'apparente à la méthode de Bouger en photométrie, permet d'évaluer efficacement l'indice AOD, qui détermine l'atténuation par les aérosols, pas toujours évidente à jauger à l'oeil.

On trouvera dans cette annexe un exemple d'application du protocole pour le traitement spectrophotométrique des données.


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