Leçon 8 : Le prétraitement des images du ciel profond (3)

Nous allons revenir sur quelques aspects de la leçon 7.

Tout d'abord une petite astuce qui permet de préserver de la dynamique dans l'image résultant de l'addition de plusieurs images élémentaires (on parle aussi de compositage et l'image finale est dite compositée). Avant d'effectuer l'addition il est ainsi recommandé d'abaisser le niveau du fond de ciel significativement (tout en ne générant pas de valeurs négatives). Par exemple dans le cas des images de NGC 4565 il serait avantageux de normaliser le fond de ciel vers le niveau 100 (dans les images actuelles ce niveau est de 700 environ). Ainsi, après addition, le fond de ciel serait de 7 x 100 = 700 au lieu de 7 x 700 = 4900. Pour normaliser au niveau 100 les images avant addition utilisez la commande Normalisation de l'offset d'une séquence... du menu Traitement :

En ce qui concerne la commande Registration des images stellaires... vous avez peut être noté que plusieurs options s'offrent pour effectuer le recentrage. Lors de la leçon 7 nous avons utilisé la technique à une étoile, la plus rapide et la plus simple sur le plan algorithmique. Essayez à présent l'option Appariement linéaire sur la séquence d'images non encore recentrée K1, K2, ... K7 :

Cette fois il n'est plus demandé de sélectionner une étoile. L'algorithme exploite l'ensemble des étoiles des images pour réaliser le recentrage. C'est précis, relativement rapide et surtout entièrement automatique et fiable. En contre-partie, le déplacement entre les images doit être uniquement une translation, ce qui est tout de même la situation la plus courante avec des séquences d'images acquises les unes derrière les autres. Mais si en plus les images entre-elles sont affectées d'un angle de rotation, voir même d'un changement d'échelle, le salut est encore possible en utilisant l'option Appariement total. Cette dernière option est très puissante et permet même de registrer des images tournées de 180° l'une par rapport à l'autre sans la moindre intervention humaine (l'algorithme utilise la méthodes des triangles).

Dans le cas de l'utilisation de la méthode à une étoile ou de l'appariement linéaire, IRIS génère dans le répertoire de travail le fichier SHIFT.LST. Ce fichier contient les valeurs de décalagesen pixels relativement à la première image (une ligne par image dans ce fichier). Pour examiner le fichier SHIFT.LST exécutez le commande Afficher les données du menu Analyse et chargez le fichier shift.lst qui se situe dans le répertoire de travail courant :

Il apparaît que le décalage de la seconde image (K2.PIC) par rapport à la première image (K1.PIC) est de -3.716 pixels en X et -2.313 pixels en Y. De même la troisième image (K3.PIC) doit être déplacée de -6.717 pixels suivant l'axe horizontal et de -2.152 pixels pour qu'elle se superpose à la première.

Il est facile (mais aussi parfois utile) de bien verifier les calculs précédents en réalisant la soustraction d'images deux à deux après avoir pratiqué les translations nécessaires pour qu'elles se superposent en théorie. Normalement le résultat doit être proche de zéro. Faisons cette vérification entre l'image K1 et l'image K3. Chargez cette dernière en mémoire puis exécutez la commande Translation... du menu Géométrie :

Puis effectuez la soustraction avec l'image K1 :

Encadrez les seuils de visualisation autour de 0 (au besoin cliquez sur le bouton Auto de la fenêtre de réglage de seuils, ou encore, ajoutez une constante à cette image pour faciliter la visualisation avec des seuils uniquement positifs) :

L'image a un niveau quasiment nul. Seules les étoiles brillantes et un peu de la galaxie sont visibles comme des contours en raison de la variation de résolution spatiale entre les images K1 et K3 (évolution temporelle du seeing en raison de la turbulence atmosphérique par exemple). Ce type de différence est très sensible à des décalages, même minimes, des images. C'est un bon réflexe d'effectuer un contrôle de ce type lors d'une opération de registration douteuse.

Avec des lignes de commandes voici comment procéder pour effectuer un contrôle :

LOAD  K3
TRANS  -6.71  -2.15
SUB  K1  1000
VISU  1200  800

Il existe de nombreuses méthodes pour compositer des images. Nous avons vu lors de la leçon 7 l'addition des images d'une séquence d'images. C'est simple, mais pas nécessairement toujours approprié. La boite de dialogue Addition d'une séquence... du menu Traitement propose une option plus évoluée que la pure addition arithmétique. C'est la technique Sigma clipping : les images sont additionnées mais l'intensité des pixels utilisés dans chaque images de la série pour synthétiser la somme dans l'image résultat est vérifiée. Si celle-ci, pour un pixel donné d'une image, s'écarte d'un certain nombre de fois la valeur de l'écart-type de la distribution d'intensité relevée dans toute la série pour le point de l'image considéré, ce pixel n'est pas utilisé pour l'addition. Le procédé permet d'écarter des pixels déviant, statistiquement non représentatifs. C'est très efficace pour retiré des résidus de points chauds (courant d'obscurité important au niveau d'un seul pixel) ou une trainée de satellite, forcément présente dans une seule image de la série. Un raffinement supplémentaire dans IRIS est que le Sigma clipping peut être fait plusieurs fois de suite automatiquement, ce procédé itératif augmentant encore l'efficacité de la réjection. Pour nos images nous pourrions faire par exemple (mais cela ne se justifie pas vraiment car les images prétraitée sont bien propres ici) :

Le coefficient sigma fixe le seuil de réjection : plus se coefficient est faible plus le critère de réjection est sévère, mais attention à ne pas prendre une valeur trop faible car alors il est possible d'éliminer de l'information utile présente dans la séquence. Généralement se coefficient est compris entre 2 et 4. Il est très rarement utile d'utiliser un nombre d'itération supérieur à 2. Il faut souligner que le nombre d'images dans la séquence doit être suffisamment grand pour que le calcul statistique ait une signification. Un nombre de 7 images est un minimum. Il est à noter enfin que les images de la séquences doivent avoir été réalisées dans les même conditions. Il faut en particulier veiller à harmoniser le niveau du fond de ciel des images (normalisation du fond de ciel), tel que nous l'avons pratiqué lors de la leçon 7, ceci est tout à fait essentiel.

L'équivalent en ligne de commande sera :

composit [nom] [sigma] [nb iter] [flag max] [nb images]

Le paramètre [flag max] prend la valeur 0 ou 1. Dans le premier cas les intensités non rejetées sont additionnées de manière normale. Dans le second cas IRIS normalise le niveau final à 32767 (voir la commande ADD_NORM décrite dans la leçon précédente).

Ici nous feront :

COMPOSIT  K  2.5  2  0  7

Une autre technique de compositage très classique est le somme médiane. Dans ce cas, l'intensité des pixels correspondant dans chaque image de la série est triée par ordre croissant et l'intensité dans l'image finale de ce pixel est l'intensité qui se trouve au centre de la distribution triée. Ici encore le but est d'éliminer les valeurs non représentatives sur le plan statistique. Le compositage médian est particulièrement efficace dans certaines situations. On l'utilise par exemple pour généré une image flat-field à partir d'images comportant des étoiles distribuées aléatoire d'une image à l'autre : les étoiles sont alors supprimées automatiquement (voir leçon 10). Tout comme pour le sigma clipping, il faut bien veiller à normaliser l'offset (et éventuellement le gain, voir plus loin) des images de la série. On réalise le compositage médian en appelant la commande Compositage médian... du menu Traitement :

IRIS retourne une petite statistique qui indique le pourcentage de chaque image de la séquence utilisé pour synthétiser l'image finale. Tout  va bien lorsque ces pourcentages sont approximativement équilibrés. Si l'un d'eux est très différent des autres il faut examiner l'image correspondante : le problème provient le plus souvent d'une mauvaise normalisation. Par exemple le niveau du fond de ciel n'est pas au même niveau que dans les autres images. L'autre situation classique est le cas d'un temps de pose différent des autres images de la séquence. Dans un tel cas il faut multiplier les images par une constante afin d'harmoniser le gain (commande Normalisation du gain d'une séquence... du menu Traitement). Ce type de normalisation est très souvent effectué lors du traitement d'images flat-field (voir leçon 10).

Le compositage médian vu d'une ligne de commande s'écrit :

SMEDIAN R 7

Nota : le nombre maximal d'images pouvant être traitées par la commande SMEDIAN est de 19. Si le nombre d'images dans le lot est supérieur à cette limite vous devez utiliser la commande SMEDIAN2, qui est d'un fonctionnement identique, mais moins rapide.

Une autre possibilité pour compositer des images est de favoriser la résolution en utilisant la commande Drizzle... du menu Traitement :

La fonction travaille sur les image prétraitées (et normalisées !), mais pas recentrées. C'est cette commande qui va réaliser le recentrage pour vous (vous avez deux choix pour la méthode de registration). Mais l'essentiel ici est la technique utilisée pour re-échantillonner l'image finale à une taille plus grande que les originaux et avec une résolution augmentée. Ce petit miracle est possible à partir du moment où les images de la séquence ont été acquise en déplacement légèrement et aléatoirement le télescope entre chaque pose (on appelle cela de diphering). Le gain en résolution est d'autant plus important que les images sont sous-échantillonnées au départ. Avec un FWHM (i.e. largeur à mi-hauteur des étoiles) plus grand que 2 pixels le gain est quasi nul. Dans le cas de la séquence de NGC 4565 le FWHM dans les images individuelles est de l'ordre de 1,5 pixel (utilisez la commande PSF du menu contextuel pour l'évaluer) et le gain en résolution peut donc être significatif. A noter qu'il n'est généralement pas utile de pousser le sur-échantillonnage au delà d'un facteur 2 et qu'un nombre de 7 images est le minimum requis pour la séquence. Voici le résultat :

Comparez avec une image de la séquence de départ et mesurez le chemin accomplie grace à un prétraitement maîtrisé !

Une étape clef du prétraitement est la registration à une fraction de pixel près des images les unes par rapport aux autres. Dans le cas où IRIS effectue une translation, l'image translatée à une fraction de pixel est normalement calculée par une technique d'interpolation bi-linéaire. Cette méthode répond bien au problème, mais atendance à un produire un lissage des images qui conduit en final par une perte de détails (ou de résolution). Nota: l'algorithme du drizzling décrit ci-avant n'est pas affecté par ce problème. L'option Interpolation spline de la boite de dialogue Registration des images stellaires... indique à IRIS s'il faut utiliser une technique d'interpolation bi-cubique spline lors de la translation des images. Dans l'affirmative le résultat est alors une bien meilleure conservation des détails, mais au prix d'un temps de calcul légèrement plus long et au prix de l'apparition possible d'artefact au pied des étoiles le plus brillantes (la présence d'artefact est quasi imperceptible sur les objets montrant une variation lente d'éclat, comme une galaxie par exemple).

  

A gauche, le prétraitement a été effectué en utilisant une interpolation bi-linéaire. A droite, l'option Interpolation spline a été sélectionnée. Dans le premier cas, la largeur à mi-hauteur des étoiles est de 2.1 pixels, alors que dans le second cas elle est de 1.8 pixels. L'interpolation spline a apporté un gain en résolution de 15% environ.

Une dernière astuce : lors du recentrage des images avec l'aide de la commande REGISTER, ou en utilisant l'option d'appariement sur une étoile de la boite de dialogue Registration des images stellaires... du menu Traitement, il se crée automatiquement dans le répertoire de travail un petit fichier texte appelé FWHM.LST (vous pouvez l'examiner avec un éditeur de texte standard). Ce fichier contient la largeur à mi-hauteur de l'étoile sélectionnée avec la souris pour servir de référence lors du recentrage (plus précisément, il s'agit de la moyenne des largeurs à mi-hauteur suivant les axes horizontaux et verticaux de l'image). La première ligne (et seconde colonne) du fichier FWHM.LST contient la largeur à mi-hauteur en pixels des étoiles dans la première image de la séquence traitée, la seconde ligne contient cette même information pour la seconde image, et ainsi de suite. L'intérêt du fichier FWHM.LST est qu'il permet de repérer les meilleures images du ciel profond dans une séquence, tout au moins, celles qui ont les étoiles les plus fines, c'est à dire celles pour lesquelles la largeur à mi-hauteur est la plus faible. Cela donne l'opportunité de trier les meilleures images. Deux commandes de IRIS exploitent le fichier FWHM.LST.

La commande COPYFWHM copie les meilleures images d'une séquence en une nouvelle séquence où ne sont conservées que les images dont la largeur à mi-hauteur est inférieure à une valeur donnée en paramètre. La syntaxe est simple :

COPYFWHM [ENTREE] [SORTIE] [FWHM] [NOMBRE]

[ENTREE] est le nom générique de la séquence de départ. Bien sur, il est obligatoire que cette séquence soit recentrée au préalable avec la commande REGISTER (ou l'équivalent dans la boite de dialogue Registration des images stellaires...), pour qu'existe sur le disque un fichier FWHM.LST valide. En général on enchaîne directement à la suite REGISTER et COPYFWHM (ou ADD3, voir ci-après).

[SORTIE] est le nom de la séquence produite, où ne sont conservées de les meilleures images au sens de la meilleure résolution.

[FWHM] est la largeur à mi-hauteur en pixel au delà de laquelle les images ne sont pas conservées dans la séquence de sortie. Une des techniques pour choisir la valeur du FWHM est de surveiller le nombre d'images retenues au final. Par exemple, si sur une séquence de départ de 20 images, seule 3 images sont gardées, c'est que la valeur du FWHM objectif est trop sévère. Vous devez re-essayer avec une largeur à mi-hauteur plus grande. A l'inverse, si les 20 images se retrouvent dans la séquence d'arrivée c'est que peut être le FWHM n'est pas assez sévère (ou alors toutes les images sont parfaites et identiques en finesse, ce qui est toujours possible). Pour vous aider, la commande COPYFWHM retourne toujours dans la console le nombre d'images conservées. Typiquement, il faut s'arranger pour garder de l'ordre 75% des images de départ, mais ce pourcentage peut évoluer très sensiblement suivant la situation (qualité du suivi du télescope par exemple). Ne pas hésiter à faire de nombreux test, COPYFWHM est une commande très rapide.

[NOMBRE] est le nombre d'images dans la séquence de départ.

Par exemple :

COPYFWHM   K   R   2.1  20

produit une séquence R1, R2, ... à partir de K1, K2, ... dans laquelle se trouve les images ayant un FWHM inférieur à 2.1 pixels. Vous pouvez ensuite additionner les images de la séquence R avec les outils de votre choix (ADD2, COMPOSIT, ...).

La commande ADD3 effectue directement l'addition des meilleures images, sans passer par la copie d'une séquence auxiliaire. La syntaxe est :

ADD3 [NOM] [FWHM] [NOMBRE]

Le résultat est rapide et efficace : ADD3 additionne de la séquence [NOM] les images qui ont une largeur à mi-hauteur inférieure à [FWHM]. Par exemple :

ADD3  K   2.1  20

Le fichier FWHM.LST et les commandes associées sont des compagnons précieux lorsque la qualité de suivi du télescope est défaillante (erreur périodique de l'entraînement par exemple).