Lunettes et spectrographie

Une des qualités principale demandée au télescope placé à l'avant d'un spectrographe est l'achromatisme. Autrement dit, les rayons lumineux provenant d'une étoile doivent pouvoir converger en un point image unique dans le plan de la fente d'entrée du spectrographe, quelle que soit la longueur d'onde (dans le domaine spectral d'intérêt). La qualité spectrophotométrique des spectres en dépend, car en présence d'une aberration chromatique significative, la fente d'entrée bloque certaines couleurs plus que d'autres, ce qui induit des distorsions dans le continuum. En outre, suivant la largeur de fente adoptée et en fonction de la taille du disque de seeing, le chromatisme peut être responsable d’une variation incontrôlable de la résolution spectrale le long du profil, ce qui complique l'exploitation des données acquises.

Le télescope idéal pour la spectrographie est constitué uniquement de miroirs. Il est donc parfaitement achromatique. La configuration la plus simple, la formule Newton, est parfaite. Par exemple un télescope de ce type, dans la catégorie des 200 à 250 mm ouvert entre F/5 et F/6, est redoutablement efficace. Le diamètre est relativement modeste pour que la turbulence ne soit pas très gênante, une monture relativement économique satisfait au besoin, la maniabilité est élevée. La configuration est très adaptée à des spectrographes acceptants un faisceau ouvert, tel le LISA, le Alpy 600 ou encore l'entrée de fibre d’un spectrographe type échelle (eShel), avec un couplage idéal.



Example d'utilisation d'un spectrographe couplé à un télescope Newton. Ici un spectrographe Alpy 600 et un télescope CN212 (D = 212 mm, F/4).

Dans la catégorie des petits diamètres, une autre alternative est d'exploiter des lunettes astronomiques courtes (i.e. de petite focale et bien ouverte, vers F/5 à F/7). Ces tubes optiques sont très populaires aujourd’hui, car souvent exploités comme des instruments grand-champ pour la photographie astronomique.

Je vais montrer que sous conditions, ces instruments sont exploitables pour la spectrographie. Mais il va s'en dire qu'à diamètre équivalent, un télescope Newton sera considérablement moins couteux, au point qu'une lunette astronomique (les anglo-saxons parlent de "refracteur") de 200 mm de diamètre est totalement inimaginable à réaliser ! L'intérêt de l'approche "réfracteur" n'est réellement intéressent que dans deux situations. D'abord parce que les lunettes offrent en général plus de souplesse d'utilisation en raison du grand tirage optique (le plan focal est le plus souvent bien dégagé par rapport à un Newton standard - à vérifier tout de même sur son modèle). Ceci permet de monter plus aisément de nombreux accessoires à l'avant du spectrographe (comme un système de guidage ou d'étalonnage). Ensuite, parce qu'on possède déjà ce type de tube optique et qu'on souhaite découvrir avec lui la spectrographie sans investir dans un télescope à miroir. Ajoutons accessoirement que les lunettes sont des instruments robustes, quasiment indéréglables, donc sans histoires - ce qui permet de ce concentrer sur l'essentiel, c'est-à-dire l'observation.

Est-ce que le propriétaire d'une lunette peut se permettre de la transformer en un collecteur de photons apte à l'observation spectrale ? Si la réponse est positive, cela signifie que l'observateur possède un "tout-en-un". Du jour au lendemain il peut décider de ce consacré à la photographie du ciel, puis en fonction de l'actualité du ciel (apparition d'une nova, d'une comète) prendre des spectres sans changer l'instrument principal. Il suffit de substituer à la caméra électronique un spectrographe, une opération qui ne prend que quelques minutes. Il peut même songer à changer de configuration en cours de  nuit !

Mais on le sait, les lunettes astronomiques, faites de lentilles que la lumière traverse, souffrent d'un mal congénital : l'aberration chromatique. Cependant, si les lunettes courtes sont revenues au-devant de la scène, c'est que les progrès de l'optique offrent aujourd'hui le moyen de corriger efficacement cette aberration. C'est l'introduction de verres "spéciaux" qui a changé de cours de l'histoire. Finalement, lunettes astronomiques et spectrographie font-elles bons ménages ?

S'il s'agit d'observer le spectre d'étoiles depuis le proche ultraviolet (disons au-dessus de 3800 A) jusqu'au rouge profond (disons jusqu'à 7200 A), et s'il s'agit d'effectuer un travail sérieux, la réponse est franchement non lorsque l'objectif de lunette est formé un doublet achromatique simple à deux lentilles. Le chromatisme secondaire de cette formule optique est peut être acceptable pour l'observation visuelle, mais certainement pas pour la spectrographie.

Il est impératif de choisir un modèle apochromatique, dans lequel le degré de correction des aberrations chromatiques est supérieur. L'objectif est cette fois calculé pour que la courbe chromatique de meilleure mise au point coupe deux fois le plan de focalisation dans la gamme du spectre visible. Le chromatisme secondaire est alors fortement réduit. On y parvient en exploitant des formules optiques à trois lentilles ou plus, dont une au moins est taillée dans un verre spécial, assez cher à produire (note : l'apochromatisme peut être atteind avec deux lentilles seulement, mais au prix de l'accentuation d'autres aberrations en général).

Pour montrer de que quoi il retourne, je vais m'appuyer sur deux modèles haut de gamme d'astrographes, assez largement diffusés chez les astrophotographes exigeants : la série FSQ-85 et FSQ-106 de la marque Takahashi. Ces réfracteurs sont composés de 4 lentilles (formule Petzval), dont deux sont en de verres spéciaux (dits ED). Les photographies suivantes montrent la lunette FSQ-106ED en mode imagerie.

 

L'astrographe FSQ-106ED de la marque Takahashi. Le diamètre de l'objectif est de 106 mm avec une focale de 530 mm (F/D = 5). Il s'agit donc d'une lunette de très courte, mécaniquement compacte, et très ouverte. Elle peut être équipé comme ici d'un accessoire (réducteur de focale) qui amène la focale de l'ensemble à 390 mm environ afin d'accroitre encore la luminosité (F/D = 3,7).

Parmis les spectrographes directement utilisable au foyer d'une lunette aussi lumineuse figure l'Alpy 600 de la la société Shelyak Instrument. C'est ce modèle qui va être plus particulièrement testé ici en conjonction avec ces lunettes courtes, avec seulement une petite disgression autour du spectrographe Lhires III en fin d'article.

Note : la performance du couplage entre une lunette apochromatique et le spectrographe LISA fait déjà l'objet d'un article que l'on peut consulter ici.

Evaluons d'abord le plus petit modèle de la famille, la FSQ-85ED, avec son objectif de 85 mm de diamètre et sa focale de 450 mm (F/5,3). Les photographies suivantes montrent le spectrographe Alpy 600 (équipé de son module de guidage et d'étalonnage) monté à l'arrière de cette lunette :

 

En un tour de main, la lunette FSQ-85ED peut être équipé d’un spectrographe pour constituer un véritable instrument de recherche et d’enseignement de l’astrophysique. Le spectrographe montré ici est un modèle Alpy 600. La caméra de guidage du spectrographe est une Atik314L+. La caméra science (dans le prolongement du tube de la lunette) est un modèle Atik460EX. L'ensemble est fixé sur une monture Astrophysics Mach 1 GTO.

Les observations de ce test ont été réalisées en décembre 2013 depuis mon observatoire urbain dans le sud de Toulouse, sur une petite terrasse d'appartement et en hiver. Le lieu, fortement pollué par l’éclairage de ville, ne brille pas par la stabilité de l'atmosphère, en hiver en particulier. Le seeing a toujours été très mauvais durant ces essais. Il est estimé à 4 secondes d'arc en pose longue.

Au foyer de la lunette FSQ-85ED, un tel seing correspond à une largeur à mi-hauteur des images stellaires de 8,7 microns environ. La largeur de fente adoptée étant de 23 microns, la quasi-totalité du flux stellaire entre donc dans le spectrographe, sans être bloqué par les bords de fente.

Les images ci-après reproduisent avec deux niveaux de contraste le spectre 2D de l'étoile Capella acquis avec cet équipement. Le temps de pose est de 14 x 0,5 seconde. La caméra Atik460EX est exploitée en binning 1x1 (pixels de 4,54 microns de coté) :

Spectre 2D de l'étoile Capella (type G8III) affiché à contraste modéré en haut et à fort contraste en bas. La portion de spectre montrée va de l'ultraviolet au rouge.

Le spectre délivré par la FSQ-85ED est extrêmement fin depuis l'ultraviolet (3650 A) jusqu'à 7300 A au moins dans le proche infrarouge. La résolution spectrale est quasi constante dans cet intervalle. La correction chromatique dans un domaine spectral aussi large de cette petite lunette est tout simplement époustouflante ! Je qualifierais cet instrument de Chef d'Oeuvre optique. A ceci s’ajoute aussi le très bon comportement du spectrographe Alpy 600 dans l’ultraviolet.




Spectre 2D de l'étoile HD27295 (type B9IV). Pour cette étoile chaude, on notera la finesse du spectre jusqu'à la limite de la série de Balmer de l'hydogène dans l'ultraviolet.

Un signe qui ne trompe pas à l'usage de cette lunette : sur le terrain on n'hésite jamais à choisir plan de meilleure mise au point, cela vient naturellement. C'est dans sa globalité que le spectre devient net ou flou suivant le tirage adopté. C'est facilité, sur et agréable.

Les profils spectraux des étoiles Capella et HD2729 correspondant sont présentés ci-après.

 
 

Attention ici, le pouvoir de résolution spectral est supérieur à celui attendu d'un spectrographe Alpy 600 équipé d'une fente de 23 microns, soit R = 600 environ, en principe. La raison est que la résolution n'est pas ici limitée par la largeur de la fente, mais par le seeing (le disque de seeing est plus petit que la largeur de la fente d'entrée) et par la qualité optique intrinsèque du spectrographe (aberrations optiques). Le pouvoir de résolution est ici estimé à R=700 dans le rouge.

Il est important de remarquer que ce mode d'utilisation du spectrographe, avec des images d'étoiles très fines relativement à la largeur de fente, est normalement peu recommandable, car il est source d'erreurs dans le spectre. Ces erreurs concernent l'étalonnage spectral et la forme des raies. En effet l'image de l'étoile, toute petite, est libre de naviguer d'un bord à l'autre de la fente durant la pose ou d'une pose à la suivante. Ces erreurs sont heureusement réduites ici pour deux raisons : (1) en moyenne, sur une pose longue, l'étoile est positionnée au même endroit dans la largeur de la fente, d'autant plus que le guidage est facilité par la très courte focale de la lunette (2) l'effet géométrique de positionnement est en partie régularisée par les aberrations optiques propres du spectrographe avec un faisceau entrant à F/5,3 (les aberrations du spectrographe finissent de toute manière par limiter la résolution spectrale même en fermant considérablement la fente d’entrée). L'expérience sur la base de l'analyse de nombreux spectres acquis indique qu’avec configuration la finesse des raies et l'étalonnage spectral sont peut affectés d'un spectre à l'autre, mais à condition cependant que le temps de pose cumulé soit relativement grand (quelques secondes).

Prenons un exemple. Le spectre de l'étoile Capella ci-devant est le résultat de l'addition de 14 spectres individuels exposés 0,5 seconde chacun. L'analyse des 14 profils individuels montre clairement un décalage spectral de l'un à l'autre. Par rapport au spectre moyen, le glissement spectral observé respectivement pour les 14 spectres est de :

+0,4 A, -1,1 A, +0,2 A, + 0,3 A, -0,3 A, +0,5 A, 0,0 A, -0,3 A, + 0,5 A, -0,4 A, +0,7 A, +0,2 A, +0,5 A, -0,9 A.

Ces valeurs sont a comparer à la finesse spectrale du spectrographe Alpy 600, qui est de 8 A environ. L'extrait de spectre à suivre permet de comparer les deux profils les plus décalés l'un de l'autre de la séquence en question :


Comparaison des spectres individuels numéro 2 et 11 de la séquence Capella. Le décalage spectral est évident ainsi que de problables distorsions dans le profil des raies. On rappelle que les spectres individuels sont exposés seulement 0,5 seconde.

En l'état le résultat n'est pas bon. Cette funeste situation est ici rattrapée, car le spectre final est la somme de 14 profils individuels, cumulant un temps de pose 7 secondes. Le graphe suivant compare le résultat de la sommation simple des 14 profils et la sommation des 14 profils après que ceux-ci ont été recentrés soigneusement sur la même base de longueur d'onde. L'écart est infime entre les deux profils, ce qui valide l'effet de moyenne :

Noter enfin que le spectrographe Alpy 600 offre la possibilité de sélectionner la largeur de fente. Ici la largeur standard de 19 microns serait plus appropriée que la largeur de 23 microns utilisée lors des tests, afin de sécuriser plus encore la régularité des spectres acquis.
 


Voici à présent, toujours avec le spectrographe Alpy 600, la qualité du spectre obtenue avec une FSQ-106 de première génération. Il s'agit encore d'un Petzval à 4 lentilles, mais qui exploite le cristal de fluorine à la place des verres ED. Noter que ce modèle n'est plus fabriqué.

 

La première déclinaison de la lunette FSQ-106 à base de fluorine. Diamètre de 106 mm, focale de 530 mm (F/5).

Le spectre 2D de l'étoile Capella pris avec la FSQ-106 Fluorine. La différence de finesse de la trace du spectre par rapport à la FSQ-85ED saute aux yeux, en particulier dans l'utraviolet. Le spectre apparait à présent plus empaté, comme l'indique les deux exemples suivants.




Spectre 2D de l'étoile Capella avec deux niveaux de constraste obtenu avec la la lunette FSQ-106 "historique" (lentille fluorine). Comparer avec le résultat de la FSQ-85ED. Le spectre est certe relativement fin, mais bien moins régulier suivant la longueur d'onde considérée.




Le spectre 2D de l'étoile HD27295 en focalisant pour obtenir la meilleure finesse de la trace vers 4000 A. La sanction est immédiate et typique du chromatisme : la trace s'élargie fortement dans la partie verte du spectre.

Le niveau de chromatisme secondaire de la FSQ-106 première version pouvait en son temps contenter l'astrophotographe, mais pose problème pour la spectrographie en large bande (noter l'impossibilité de trouver un point de focalisation correct pour l'ensemble du spectre visible, même en excluant la partie untraviolette).

Ci-après le profil spectral de l'étoile HD27295 en focalisant le spectre autour de 4000 A :

Les raies de la série de Balmer sont certes fines et contrastées dans l'ultraviolet du fait du choix de focalisation, mais le contraste des raies Hgamma et Hdelta est totalement faussée par rapport au résultat attendu, indiquant un déficit local de résolution spectrale dans les longeurs d'onde correspondantes. Un tel comportement n'est pas acceptable pour une exploitation scientifique de l'instrument.
 


 

La marque Takakahsi à réagit en faisant évoluer la formule optique de la FSQ-106 vers la FSQ-106ED. Quel est le progrès accomplit du coté du chromatisme ?

 

Le spectrographe Alpy 600 associé à une lunette FSQ-106ED F/5. Un jeu de deux bagues allonge n°12 (M72 mm, long. 17 mm) est ajouté pour assurer une bonne mise au point à mi-course de la crémaillère de la lunette.


Le spectre 2D de l'étoile Capella réalisé au foyer de la lunette FSQ-106ED.


Le spectre 2D de l'étoile HD27295 à la lunette FSQ-106ED.

Le chromatisme secondaire est fortement réduit dans la version FSQ-106ED par rapport à la FSQ-106 historique, au moins d'un facteur deux. Malheureusement l'homogénéité de finesse de la trace sur l'ensemble de l'étendue spectrale observée n'arrive pas au niveau d'excellence de la FSQ-85ED, ce qui n'est pas une très bonne nouvelle. La correction chromatique de la FSQ-106ED est réellement d'un très haut niveau, parfait pour l'astrophotographe exigeant, mais elle est surpassée par celle du modèle FSQ-85ED. Clairement, Takahashi a dû procéder à des compromis dans la FSQ-106ED. L'apochromatisme a été un peu sacrifié sur l'autel de la couverture du champ de netteté (très grand dans la cas de FSQ-106ED), de la luminosité (F/5 pour la FSQ-106ED, F/5,4 pour la FSQ-85ED).

Pour le spectroscopiste exploitant un spectrographe à large bande spectrale, la FSQ-106ED pose un dilemme. Par rapport à la FSQ-85ED elle collecte 1,55 fois plus de flux en un même temps de pose, mais le choix de la longueur d'onde de mise pose un problème délicat. Contrairement à la FSQ-85ED, il n'est pas possible d'obtenir un spectre parfaitement net sur l'ensemble du domaine visible. Les trois graphiques montrent la situation. On y compare le spectre de Capella pris avec la FSQ-85ED et avec la FSQ-106ED avec un temps de pose équivalent. Le point de focalisation optimal pour cette dernière lunette est choisi voisin de 4100 A.

Dans l'ultraviolet, les spectres ont un aspect fort voisin (on note seulement une légère dégradation du contraste des raies dans le spectre FSQ-106ED en dessous de 3750 A, sans que cela soit trop dramatique). La résolution spectrale demeure proche dans le bleu-vert. La situation est moins satisfaisante dans le rouge, autour de la raie Halpha. Cette dernière raie est plus contrasté (et donc mieux résolu) dans le spectre pris avec la FSQ-85ED. L'écart de résolution est évalué à 10% environ (on rappelle que le point est réalisé à 4100 A).

Paradoxalement, les écarts de finesse spectrale le long du spectre ou entre spectres acquis entre ces deux instruments vient de la trop bonne qualité de ces derniers ! On rappelle que le pouvoir de résolution n’est pas entièrement fixé par la largeur de la fente. Il dépend aussi de la finesse des images stellaires, et donc par exemple de la qualité de focalisation en fonction de la longueur d’onde.


Pour améliorer le cas de la FSQ-106ED en spectrographie large bande, la lunette a été testé avec un amplificateur de focale "Extender Q 1.6X", un accessoire Takahashi spécialement prévu pour ce modèle. La focale passe alors de 530 mm à 848 (F/8).

 

Le spectrographe Alpy 600 interfacé à la lunette FSQ-106EQ au travers de l'Extender Q 1.6X Takahashi. A droite, une détail de ce complément optique.

En fermant ainsi le faisceau (de F/5 à F/8) un gain en qualité chromatique est attendu, d'autant plus que c'est amplificateur de focale est une pièce optique apparemment soignée (groupe de 4 lentilles). De fait, l'ensemble s'avère performant et en tout cas, ne génère pas de défauts supplémentaires, comme en témoignent les spectres 2D ci-après de l'étoile Capella :


Spectre 2D de l'étoile Capella pris avec une FSQ-106ED + Extender Q 1.6X.

Grâce à l'amplificateur de focale, en considérant un seeing de 4 secondes d'arc, la taille des images stellaire (FWHM) dans le plan du détecteur est de 16 microns, une valeur plus en cohérence avec l'usage d'une fente relativement large (23 microns). La perte de flux au niveau de la fente à cause du seeing (l'image de l'étoile déborde de par est d'autre de la largeur de la fente) est de l'ordre de 10%, ce qui est assez marginal.

Ci-après la comparaison de deux spectres de Capella couvrant la partie UV, l'un pris avec une lunette FSQ85ED, l'autre avec une lunette FSQ106ED :


Confrontation des spectres FSQ85ED/FSQ106ED dans la région ultraviolette.

Au moins dans cette partie UV du spectre, les deux instruments se comportent de manière fort équivalente. Cependant, sur l'ensemble du domaine visible, l'achromatisme de la lunette FSQ-85ED continue à demeurer légèrement supérieur à la configuration FSQ-106ED+Extender.

La séquence ci-après présente les spectres 2D de l'étoile HD123299 pris avec un télescope Schmidt-Cassegrain Celestron 11 + réducteur Célestron F/6.5, un télescope Newton Takahashi CN212 F/4 et une lunette FSQ106ED + Extender F/8. Le spectrographe est le même, un Alpy 600 avec une fente d'entrée de 23 microns de large.



La partie UV du spectre de l'étoile HD123299, de type A0III et de magnitude 3,68.

Sans surprise, à cause de la longue focale, le C11 donne la trace la plus large (la taille du disque de seeing est effectivement plus grande dans le plan de la fente d'entrée à cause de la focale supérieure).

Le télescope CN212 est parfaitement achromatique pas définition (composé uniquement de miroir). On remarque par ailleurs que le spectre va très loin dans l'ultraviolet (le signal est détectable jusque vers 3600 A ) avec ce Newton, car la lumière traverse un minimum de surface optique.

Le spectre FSQ106ED apparaît le plus fin sur cet exemple avec un niveau de chromatisme intermédiaire entre le C11 et le CN212 pour faire simple. Le spectre FSQ106ED est exploitable jusqu'à 3680 A environ dans le l'ultraviolet. Noter que les distances focales pour la configuration CN212 et pour la configuration FSQ106ED sont identiques. L’écart de largeur des traces de spectres pris avec ces deux instruments peut s’expliquer par une différence de seeing. Par ailleurs, noter que dans le premier cas, le spectrographe Alpy 600 est exploité à F/4 alors que dans le second cas il est exploité à F/8.

Il est instructif de relever le signal en nombre de comptes numérique intégré en un point du spectre. Compte tenu du mauvais seeing de mon site au moment de la prise de ces spectres, de l'ordre de 4 secondes d'arc (et de la transmission de fente consécutive donc), on constate sur l'exemple HD123299 précédent, qu’à 4600 A le C11 accumule seulement 3,0 fois plus de signal que la petite lunette FSQ106ED, alors que le rapport devrait être de 6,1 en faveur C11 en se basant sur le rapport des surfaces de pupille (28 cm + obstruction centrale pour le C11 et 10,6 cm pour la lunette). Le diamètre supérieur du C11 n'est pas entièrement valorisé, car près de la moitié du signal stellaire est perdu au niveau de la fente à cause de la turbulence. Plus précisément dans les conditions d'observation, on trouve une transmission de fente d'environ 86% avec la lunette FSQ106ED et une transmission de fente de 45% avec le Celestron 11.

Le CN212 (D = 212  mm) enregistre quant à lui 2,1 fois plus de signal que la lunette de 106 mm, alors que le rapport des surfaces collectives est de 3,5. Ici encore, le rendement de la lunette s'avère supérieur. Le seeing était peut être moins favorable lors de l’acquisition avec le CN212. En outre, le coefficient de réflexion des miroirs du CN212 est peut-être moins efficace que le pouvoir de transmission cumulé des lentilles de la lunette FSQ-106ED, ce qui peut expliquer en partie la différence d'aspect des traces.

Le plus important est que pour la configuration FSQ106ED+Extender, l'accord en terme de contraste des raies avec un spectre de référence de HD123299 pris dans la base Miles (et ramené à la résolution spectrale du Alpy 600) est très satisfaisant, comme le montre le graphe suivant :

Comparaison du spectre observé de HD123299 (en bleu) et du spectre de référence de cette étoile, extrait de la base MILES et ramené à la résolution de R = 600 environ du spectrographe Alpy 600 (en rouge).

Echantillon du spectre de HD12329. Comparaison observé/reférence dans la région ultaviolette.

Ces différents essais valident l'usage d'une configuration FSQ-106ED avec un spectrographe très large bande, mais à condition d'accroître la distance focale avec un complément optique, tel le Extended Q X1.6 de Takahashi. Cette adaptation de la configuration de base de la lunette semble améliorer le chromatisme secondaire de manière assez subtile, mais tout de même significative.

Ci-après la comparaison entre le spectre l'étoile HD123299 à la résolution spectrale de R = 600 environ du Alpy 600 couplé à une FSQ-106ED et la résolution de R = 11000 d'un spectrographe eShel dont la fibre d'entrée est couplée à un Celestron 11 :

Le spectrographe eShel est 18 fois plus résolvant que le spectrographe Alpy 600, et cela esr très bien visible dans les détails ci-après :

Détails du spectre de HD123299.

Les très fines raies ne sont pas résolues par le spectrographe Alpy 600. En revanche, la résolution des raies de Balmer est suffisante pour par exemple d'effectuer une mesure de largeur équivalente.

Remarquer que le temps de pose est près de 8 fois plus long pour le eShel, avec pourtant un rapport signal sur bruit inférieur au final. Ces spectrographes ne jouent pas dans la même catégorie, aussi bien au niveau de la performance (en résolution et qualité d'étalonnage spectral) que du cout bien sûr. Le spectrographe Alpy 600 est orienté vers l'observation faible flux, le spectrographe eShel est orienté vers la l'observation très détaillées du profil de raies avec grande précision en étalonnage spectral.

Puisqu'il est question de haute résolution, voyons pour finir ce qu'offre une petite lunette dans ce domaine...

 

 

Une lunette de petit diamètre peut aussi être exploité en spectrographie haute résolution. Avec un spectrographe Lhires III / 2400 traits/mm par exemple, la criticité du chromatisme secondaire s'estompe considérablement, car le domaine spectral observé est très étroit.

Ce type de configuration n'est pas anachronique. Elle s'avère pratique par la maniabilité (poids léger de l'ensemble), la compacité (facilité au transport,...), la facilité à pointer (à cause de la courte focale), et s'avère aussi performante pour le diamètre, en particulier lorsque le seing est médiocre. En voici la démonstration au travers du couple FSQ-106ED / Lhires III, dont voici des images

 

Un spectrographe Lhires III monté au foyer d'une lunette FSQ-106ED via l'amplificateur de focale 1,6X. L'ensemble de base est trop ouvert (F/8) par rapport au maximum d'acceptante du spectrographe Lhires III, optimisé pour un faisceau entrant à F/10 (mais qui accepte en fait F/9). Pour ces premiers tests, la perte de flux consécutive est jugée acceptable (dans le futur, l'interface pourra être modifiée pour s'approcher de l'ouverture F/9 - il faut ajouter une allonge de 35 mm supplémentaires entre l'amplificateur et le spectrographe).



Spectre 2D de l'étoile Capella réalisé avec le spectrographe Lhires III + FSQ-106ED + Extender 1.6X. Fente de 23 microns. Le temps de pose est de 15 x 180 secondes. Noter la finesse de la trace. La raie Halpha est au centre.

Dans le graphe suivant, on a superposé le spectre de l'étoile acquis avec le spectrographe Lhires III (en bleu) et le spectre acquis avec le spectrographe Alpy 600 (en rouge), dans les deux cas, le collecteur est une lunette FSQ-106ED :

Un monde sépare ces deux spectrographes sur le plan de la résolution spectrale. On a mesuré sur des raies telluriques du spectre Lhires III un pouvoir de résolution de R = 20000, ce qui est un très bon résultat (la Hapha est ici très bien résolue). Le pouvoir de résolution du Alpy 600 est 33 fois inférieur (mais saisit tout le spectre visible en une fois !).

À titre d’exemple d'application, ci-après deux spectres d'étoiles Be (kappa Dra et zeta Tau) réalisés avec la lunette FSQ-106ED et un Lhires III 2400 traits/mm :



Le spectre de l'étoile Be kappa Dra.



Le spectre de l''étoile Be zeta Tau.



Une étoile chaude : Castor (type A1V)



Une étoile de température intermédaire : la Lune (même spectre que le Soleil - type G2V)

 

Une étoile froide : delta Vir (type M3III)
 


Conclusion

L'astrographe FSQ-85ED présente un spectre secondaire extrêmement discret, quasi imperceptible dans le domaine visible. Cette lunette, d'une qualité optique remarquable, peut être utilisée directement (à F/5.4) avec un spectrographe large bande tel que le Alpy 600. Il est recommandé d'équiper le spectrographe d’une fente étroite, de l'ordre de 19 microns, pour bien régulariser la réponse impulsionnelle spectrale (forme des raies) et l'étalonnage spectral.

L'astrographe FSQ-106ED est en retrait sur le plan de la correction du chromatisme par rapport à la FSQ-85ED. Il est recommandé de fermer le faisceau vers F/8 en utilisant un amplificateur de focale, ici l'Extender Q 1.6X Takahashi, qui s'avère homogénéiser le spectre secondaire. L'ensemble est utilisable par des observateurs exigent pour la spectrographie large bande dans ces conditions. Cette lunette est suffisamment robuste pour supporter un spectrographe Lhires III pour de la spectrographie à haute résolution (R = 20000) de très bonne qualité. Il faut bien ajuster le frein de la crémaillère pour quelle ne glisse pas sous le bas du spectrographe, tout en permettant une focalisation. Le dosage est subtil. L'ensemble donne un bon agrément, et comme on vient de le voir, permet d'expérimenter de nombreuses configurations instrumentales.

Ces résultats montrent qu’un instrument spécialement conçu pour l’imagerie du ciel profond peut être un efficace collecteur de flux en spectrographie. Il est bon de noter que le spectrographe Alpy 600 ne coute qu’une petite fraction du prix de ces tubes optiques. De quoi donner l’idée à certains observateurs, un peu curieux, de sortir des sentiers battus de l’imagerie, pour découvrir la reine des disciplines de l’astronomie, à savoir la spectrographie !

 

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