TEST DU SPECTROGRAPHE LHIRES III
DANS UNE CONFIGURATION A RESOLUTION SPECTRALE INTERMEDIAIRE


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Cette page expose le résultat d'une évaluation du spectrographe LHIRES III équipé d'un réseau de 600 traits/mm. L'observation a été réalisée dans la nuit du 14 au 15 novembre 2006, depuis Castanet-Tolosan, région Toulousaine (France), en montant le spectrographe au foyer f/10 d'un télescope Celestron 11 (diamètre de 0.28 mètre). La fente d'entrée de LHIRES III a une largeur de 26 microns. La caméra CCD est une Audine avec un CCD Kodak KAF-0402ME (pixels de 9 microns). La dispersion moyenne est de 0,735 Angstrom/pixel. Le domaine spectrale couvert va de 6250 A à 6800 A environ. L'autoguidage est effectué sur la fente réfléchissante de LHIRES III avec une caméra Watec 120N.

La configuration permet d'observer avec un pouvoir de résolution de 2700 des objets faibles (typiquement, de magnitude 9).

La cible principale de cette observation est l'étoile AB Aur, sur une suggestion de Claude Catala (observatoire de Paris-Meudon). Il s'agit d'une étoile de la famille Herbig Ae/Be, des objets jeunes, qui présentent une perte de masse significative sous la forme d'un vent stellaire fort. L'activité chromosphérique y est par ailleurs importante. C. Catala propose une observation régulière et à rythme rapide de l'émission Ha de AB Aur de manière à échantillonner sa période de rotation de 32,2 heures (la période est courte, aussi plusieurs observations dans une même nuit sont recommandés - voir continues, ce qui est facilité par la haute déclinaison de l'étoile pour les observateurs de l'hémisphère nord). AB Aur est le prototype des étoiles Herbig Ae/Be et le membre le plus brillant dans l'hémisphère nord. Les étoiles T Tauri sont des sous-classes (elles se distinguent par la masse notamment). On trouvera une liste d'objets ici.

1. Allure caractéristique des spectres bruts

Le spectre 2D individuel brut de l'étoile Be Gamma Cas (pose de 60 secondes) au voisinage de la raie Halpha :

L'image est volontairement fenêtré à une taille de 768 pixel x 100 pixels au moment de l'acquisition.

Ci-après, le spectre du néon :

On dispose dans cette configuration de 10 raies d'émission du spectre du néon, ce qui permet de réaliser un étalonnage en longueur confortable et précis dans la partie rouge du spectre.

L'image d'offset (médiane de 19 clichés individuels) :

L'image du signal thermique (médiane de 9 clichés individuels posés 300 secondes) :

L'image flat-field (diffuseur sur la pupille du télescope éclairé par une lampe halogène - médiane de 13 images exposées 30 secondes chacune - voir ici par exemple) :

Les variations dans l'image flat-field sont pour l'essentiel liées à la réponse spectrale du détecteur CCD.

2. Prétraitement

Le prétraitement et l'extraction du profil spectral de niveau 1b est réalisé avec le pipeline SPIris de manière entièrement automatique :

On utilise un polynôme de degrés deux pour effectuer l'étalonnage en longueur d'onde. L'erreur résiduelle RMS sur les 10 raies du néon ajustées est inférieure à 0,01 angstrom :

3. Extraction des coefficients de calibration spectrale

La courbe de réponse spectrale relative est déterminée de manière habituelle en observant une étoile dont on connait au préalable un spectre calibré. On a choisit les étoiles Alpha Gem (Castor) et Alpha Aql (Altair) car ces objets sont brillants, le spectre est simple (types spectraux respectifs A2V et A7V) et des données sont disponibles sur la librairie du spectrographe UVES (télescopes du VLT).

Ci-après le spectre de niveau 1b de Castor, c'est-à-dire le profil spectral juste extrait des données 2D, tel que le délivre le pipeline SPIris (il s'agit de la somme de deux poses de 3 minutes).

Le spectre UVES de l'étoile Castor :

Sur le même graphique, le spectre UVES et le spectre LHIRES III de Castor duquel a été retiré les raies telluriques de la vapeur d'eau (logiciel VisualSpec, menu Radiométrie, fonction H2O correction) :

Résultat de la division du spectre LHIRES III par le spectre UVES (au préalable, le décalage spectral entre les deux spectres causé par le mouvement de la Terre autour du Soleil a été corrigé) :

La lissage du spectre précédent a été réalisé pour ne conserver que la partie lentement variable, qui est seule caractéristique de la réponse instrumentale, et pour elliminer les artefacts dûs à la différence de résolution des deux spectres (VisualSpec, menu Radiométrie, outil Extraire de continuum) :

Chaque points de la courbe précédente est un coefficient de calibration qu'il faut appliquer à tous les spectres de l'observation pour extraire la vraie distribution spectrale (voir ici pour plus de détails sur la méthode d'extraction).

Le même calcul est fait avec l'étoile Altair, à titre de contrôle.

Le spectre de niveau 1b de Altair (somme de 2 poses de 2 minutes) :

Le spectre UVES de Altair :

La superposition du spectre UVES et du spectre LHIRES III (après avoir retiré les raies telluriques de H2O) :

Division du spectre LHIRES III par le spectre UVES :

Extraction de la réponse spectrale lissée :

Les coefficients de calibration adoptés sont la moyenne du résultat trouvé pour les étoiles Castor et Altair :

En bleu, voici le spectre de niveau 2a de Castor (spectre étalonné en longueur d'onde et divisé par la réponse spectrale instrumentale) et en rouge, le spectre UVES de cette même étoile :

A part la résolution spectrale, l'accord entre ces spectres est satisfaisant.

Voici le même résultat pour l'étoile Altair (noter que le continuum de cette étoile à un aspect plus complexe que celui de Castor, et que cette structure est retrouvée avec un bon accord entre les spectres UVES et LHIRES) :

4. Résultats (par ordre chronologique)

Gamma Cas - 14 novembre 2006 - 17H57 TU - Etoile Be - Type spectral B0IV - Magnitude V=2.5


Le voisinage immédiat de l'étoile Gamma Cas.
Observation réalisée avec une lunette Takahashi FSQ106 et une caméra Canon EOS 350D.

HD108 - 14 novembre 2006 - 18H32 TU - Etoile supergéante haute luminosité - Type spectral O6 - Magnitude V=7.4

Altair - 14 novembre 2006 - 18H59 TU - Type spectral A7V - Magnitude V=0.8

HD4841 - 14 novembre 2006 - 19H31 TU - Etoile supergéante haute luminosité - Type spectral B5 Ia - Magnitude V=6.9

AB Aur (HD31293) - 14 novembre 2006, 20H28 TU - Etoile Herbig Ae/Be - Type spectral A0 - Magnitude V=7.1


L'étoile AB Aur (l'objet brillant en bas à gauche du centre) observée au télescope de 60 cm du Pic du Midi en 1994.
L'objet est englobée dans la nébuleuse Vdb 31. Image extraite du Buil-Thouvenot Atlas.

53 Cas - 14 novembre 2006 - 21H10 TU - Etoile supergéante haute luminosité - Type spectral B8 Ib - Magnitude V=5.6


L'étoile 53 Cas (la plus brillante, dans le coin supérieur droit), en marge de l'amas ouvert Stock 5.
Image réalisée avec une lunette de 128 mm - Buil-Thouvenot Atlas.

Zeta Tau - 14 novembre 2006 - 22H10 TU - Etoile Be - Type spectral B2III - Magnitude V=3.0

T Tauri - 14 novembre 2006 - 23H00 TU - Etoile Herbig Ae/Be - Type spectral K0IV - Magnitude V=9.9


L'étoile T Tauri est au centre de ce champ, observé au télescope de 60 cm du Pic du Midi en 1995 (image extraite du Buil-Thouvenot Atlas).
L'objet est entouré par la nébuleuse NGC 1554 (SH2-238).

Beta Ori (Rigel) - 14 novembre 2006 - 23H53 TU - Etoile supergéante - Type spectral B8 Ia - Magnitude V=0.3

Zeta Ori - 15 novembre 2006 - 00H08 TU - Etoile supergéante - Type spectral O9 Ib - Magnitude V=1.8


L'étoile Zeta Ori (au centre), non loin de la fameuse nébuleuse de la "Tête de Cheval".
Objectif Canon de 50 mm f:1.4, utilisé à f:2.8 et caméra Canon EOS 350D.

Alpha CMi (Procyon) - 15 novembre 2006 - 00H26 TU - Type spectral F5IV-V - Magnitude V=0.3

Alpha Gem (Castor) - 15 novembre 2006 - 00H35 TU - Type spectral A2V - Magnitude V=1.6

HD50820 - 15 novembre 2006 - 01H10 TU - Etoile Be - Type spectral B2IV - Magnitude V=6.2

T Tau - 15 novembre 2006 - 01H45 TU (second passage pour vérification - pose courte)

 

HD250550 - 15 novembre 2006 - 03H32 TU - Etoile Herbig Ae/Be - Type spectral B9 - Magnitude V=9.5

 L'observation s'achève par l'acquistion des images flat-field (les images du signal thermique ont été acquise lors d'un run à haute résolution, 24 heures avant).

5. Conclusion

Le mode de résolution spectral intermédiaire (R=2700) est tout à faire avec opérationnel avec LHIRES III. Le réseau de 600 traits/mm est un compromis intéressent entre le niveau de détails sur des étoiles à forte activité chromosphérique ou de disque (surveillance de la raie Halpha et peut être des raies de l'hélium) et la magnitude limite atteinte (ce qui offre un large choix d'objets). Une caméra de guidage haute sensibilité est cependant nécessaire (une caméra permettant de faire varier le temps de pose, par exemple, la Watec 120N c'est montrée ici très efficace).

L'étoile AB Aur a pu être observée avec un rapport signal sur bruit de 85 par élément d'échantillon au niveau du continuum (ce rapport signal sur bruit est de 150 si on le meure par l'élément de résolution de 2.5 angstroms). Le profil P Cygni de la raie Ha est clairement mis en évidence avec un niveau de détails qui laisse espérer la capacité de suivre l'évolution de l'étoile sur un temps court (l'imagerie Doppler du vent et de l'activité semble possible). On note la présence non ambiguë d'une raie faible à 6300 angstroms, visible aussi dans le spectre de l'étoile T Tauri. Il s'agit peut être de la raie interdite [OI] (c'est l'une des raies qui colore en rouge-orangé nos aurores polaires) ?

L'observation d'étoiles Herbig Ae plus faible est plus anecdotique. Mais on peut souligner que T Tauri, avec sa magnitude V=9.9, donne un spectre lisible et que le profil P Cygni de HD20550 (V=9.5) est parfaitement mis en évidence. Pour ces deux étoiles, le rapport signal sur bruit par élément de résolution est évalué à 15 environ pour une heure de pose. Le seeing était cependant médiocre au moment où ses cibles ont été pointé, de l'ordre de 5 à 6 secondes d'arc (il est évalué à 3 seconde d'arc pour AB Aur). Lors d'une nuit plus favorable, un rapport signal sur bruit de 20 à 25 sur une étoile de magnitude V=9.5 doit pouvoir être atteint avec le télescope utilisé (diamètre de 0,28 m).

Quelques étoiles supergéantes chaudes ont aussi donné de bons spectres lors de ce premier "run" avec le réseau de 600 traits/mm. La surveillance de l'évolution à court et moyen terme d'un large échantillonnage d'objets de ce type est une autre voie qui s'ouvre, en plus de celle des étoiles Be par exemple.


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