Conception d'un spectrographe compact
autour d'un unique objectif photographique

Février 2002


Cette page décrit un concept de spectrographe batit autour d'un simple objectif photographique. La disposition optique est connu sous le nom de "montage Littrow" (i.e. la lumière parcours deux fois un chemin optique dans un même objectif, dans un sens, puis dans l'autre).

Outre le réseau à diffraction, le coeur du spectrographe est un objectif photo de 50 mm de focale ouvert à F/D=1.8 et de marque Nikon. Le réseau est un modèe 600 traits/mm de Edmund Optics. Cette combinaison produit un spectre avec une dispersion d'environ 2,8 angstroms/pixel (CCD KAF-400 utilisé avec des pixels de 9 microns de coté). La caméra CCD est une Audine.

La figure 1 montre le schéma optique. Le spectrographe ce veux relativement compact pour pouvoir être monté directement au foyer du télescope et bénéficier ainsi d'une rendement maximal (une fibre optique peut être cependant ajoutée relativement simplement pour pouvoir déposer le spectrographe au pieds du télescope - la sortie de fibre se situe alors au niveau de la fente d'entrée). Le poids du spectrographe équipé avec la caméra Audine est actuellement de 1900 grammes (le poids de la caméra Audine seule est de 590 grammes).


     

Figure 1. Schéma de principe.

Le réseau à diffraction est le modèle A46-075 de Edmond Optics (www.edmundoptics.com). Il possède 600 traits/mm avec un angle de blaze de 8,6° optimisé pour la longueur d'onde de 5000 A. La taille est de 30 x 30 mm pour une épaisseur de 9,5 mm. Prix : 105,70 dollars.

Le miroir de renvoi elliptique provient de Edmond Optics. Il s'agit du modèle référencé A32-271 (dimension du grand axe = 17,96 mm ; dimension du petit axe = 12,70 mm ; épaisseur = 3,81 mm ; prix = 34,50 dollars).

L'objectif est un modèle Nikon : Nikkor 50 mm F1.8 A. Important : noter qu'il s'agit de la version non-autofocus du 50 mm Nikon (voir la raison plus loin). Prix : 210 Euros.

La figure 2 donne les cotes principales de l'instrument. Le faisceau optique dessiné correspond à un télescope à F/D=4. La bague de mise au point de l'objectif n'est pas exactement sur l'infini pour donner une marge de focalisation aisée en agissant sur cette bague (réglage du tirage entre l'objectif et la caméra Audine). La hublot de fermeture de la caméra produit une défocalisation typique de 0,5 mm qui est aisément compensable lors de ce réglage. Remarquer que le faisceau provenant du télescope ne tombe pas exactement au milieu du miroir de renvoi elliptique. Le hors axe de l'objectif par rapport à l'image conjuguée de la fente et du spectre est de 8 mm.


     

Figure 2. Schéma à l'échelle du spectrographe. Cliquer ici pour visualiser une version
grand format (50 Ko).

La fente d'entrée comprend deux pièces mobiles glissant le long de deux piges rectifiés (voir figure 3). Les lèvres de la fente sont constituées de deux lames de taille crayon (à revoir !). Deux vis (non représentées sur la figure) permettent d'ajuster l'écartement des deux pièces. Un ressort situé entre celles-ci met en appui sur les deux vis. Cette fente est relativement simple et offre l'avantage de rendre mobile les deux lèvres de la fente, ce qui permet de dégager au besoin entièrement le champ image.


   

Figure 3. La fente.

Le réseau de 30 x 30 mm est supporté par une mécanique qui assure deux positions angulaires stables. Dans la première la perpendiculaire au réseau est parallèle à l'axe optique du spectrographe (axe de l'objectif photo). Ceci permet d'envoyer sur le réseau une image de l'ordre zéro du champ image (image non dispersée) afin de faciliter le pointage et de réaliser l'étalonnage spectral. Dans la seconde position la normale au réseau est tournée de 9,6° environ par rapport à l'axe optique, ce qui envoie le spectre d'ordre 1 sur le CCD (longueur d'onde centrale de 5600 angstroms). Des vis permettent d'ajuster précisément ces angles. En outre des vis latérales en teflon permettent d'orienter les traits du réseau par rapport aux lignes du CCD. Le porte réseau est le sous-ensemble le plus complexe du spectr'aude.

  

Figure 4. Le porte réseau.

L'objectif photographique est maintenu en place dans une pièce fendue. On a choisi un objectif de grande marque mais aussi le moins cher de la dite marque (focale standard de 50 mm). Noter qu'il s'agit de la version non autofocus de Nikon, qui est très compacte. Le 50 mm AF n'est pas un bon choix car la lentille frontale est très loin de l'avant mécanique de l'objectif, ce qui oblige à éloigner un peu trop le réseau en induisant un risque de vignetage optique. Le rapport d'ouverture de l'objectif (1.8) permet d'accepter sans vignetage un faisceau ouvert a f/4 émanant du télescope. Avec un télescope ouvert à F/D=3,3, tel le CN-212 de Takahashi utilisé directement au foyer Newton, le spectrographe obture environ 5% du faisceau, ce qui reste raisonnable.

  

Figure 5. Le porte objectif

Juste après la fente d'entrée un petit miroir de renvoi elliptique envoie le faisceau à 90° environ. Ce miroir est placé juste en avant de la caméra CCD comme le montre la figure, mais légèrement déporté latéralement (de 6 mm par rapport à l'axe optique de l'objectif photographique).

 

Figure 6. Disposition du miroir de renvoi.

Le miroir de renvoi est collé sur une pièce cylindrique de 12 mm de diamètre (voir la figure 7). Une vis dans la partie inférieure autorise un degré de liberté en orientation du miroir afin d'injecter le faisceau optique avec le bon angle dans le spectrographe. La pièce en bois a été ajoutée pour mieux guider en rotation le miroir. Dans la version finale, un système de levier devrait facilité sur le télescope même ce réglage d'orientation, qui doit être assez précis. Noter que le miroir n'envoie par le faisceau provenant exactement à angle droit dans le spectrographe : l'angle d'incidence du faisceau entrant sur la surface réfléchissante est de 88,1° et non pas de 90°.

   

Figure 7. Le porte miroir.

La plaque de base du spectrographe est en aluminium de 5 mm d'épaisseur, ce qui permet d'assurer une bonne rigidité d'ensemble. Le poids de cette plaque est cependant relativement important et il est ici envisageable d'adopter une structure en contre-plaqué (prévoir du 12 mm d'épaisseur au minimum). Au gain en masse s'ajoute alors celui de la facilité de fabrication.



Figure 8. La plaque de base. Remarquer le trou oblong de fixation de la caméra Audine sur le gauche qui donne un degré de liberté en focalisation.

Les figures 9 et 10 montrent l'ensemble des composants du spectrographe mis en place. La focalisation de l'objectif, à la fois sur le CCD et sur la fente, est réalisée en observant au travers de l'objectif avec un bon chercheur de 50 mm réglé à l'infini (le réseau est retiré lors de ce réglage).



Figure 9. La plaque de base équipée.



Figure 10. Vue de coté du spectrographe.

La figure 11 montre le principe du basculement du réseau pour sélectionner l'ordre 0 ou l'ordre 1.

  

Figure 11. A gauche le réseau est en autocollimation : il se comporte comme un simple miroir qui renvoie l'image de la fente (ou d'une étoile) directement vers le CCD. A droite, le réseau est incliné pour envoyer le spectre vers le CCD. Une tige équipée d'une vis molletée sortant du boitier du spectrographe permet de réaliser cette opération de basculement aisément.

Le spectrographe fermé est visible sur la figure 12. Remarquer vers le bas le bouton permettant de modifier l'orientation du réseau (bi-stable). Sur le dessus on voie une vis poussant sur l'une des lèvres de la fente. Une vis existe diamétralement opposée pour l'autre lèvre. Le pas des vis est très grossier avec un fort jeu. Des vis micrométriques seraient ici bien venue. La pièce cyclindrique est une adaptation vers un télescope du type CN-212 de Takahashi.



Figure 12. Le spectrographe achevée.

La figure 13 montre le premier spectre réalisée avec le spectr'aude équipé d'un objectif de 50 mm de focale. Il s'agit d'une étoile de type A0 de magnitude 3 observée avec une lunette FSQ-106 de Takahashi (temps de pose de 60 secondes le 21 février 2002). Le spectrographe n'était pas encore parfaitement réglé. On remarque une défocalisation graduelle du spectre en allant du rouge vers le bleu. Le chromatisme de l'objectif est responsable en partie du phénomène. Une inclinaison de la caméra de 1,5° devrait permettre de compenser ce défaut.

Figure 13. Le spectre de l'étoile après un traitement standard (procédure automatique de Iris). En bas, le spectre après le binning vertical. La rouge est à droite. La raie intense à l'extrême gauche est H-beta (4861 A). La raie H-alpha est celle qui est la plus intense dans la partie droite du spectre.

La figure 14 est le profil spectral de l'étoile précédente. La résolution moyenne est de 6,5 angstroms, ce qui est conforme à l'objectif.

Figure 14. Le profil spectral. Seul l'étalonnage spectral a été effectué (la courbe traduit pour une part la transmission optique de l'instrument et la sensibilité spectrale du CCD). La raie Hb de l'hydrogène est à 4861 A et la raie Ha est a 6563 A. On note les bandes du O2 atmosphérique vers 6870 A. 

Pour le spectre de la figure 15 (l'étoile Procyon de type spectral F5V) la correction d'inclinaison de 1,5° de la caméra est effectuée. La focalisation sur l'ensemble du spectre est nettement plus homogène.

Figure 15. Spectre de l'étoile Procyon réalisé avec une lunette FSQ-106 de Takahashi. Le doublet du sodium (NaI) est bien visible un peu à droite du centre.

Le profil spectral de l'étoile Procyon (figure 16) montre le dédoublement du doublet du sodium, ce qui est un résultat un peu inespéré puisque la séparation des deux raies n'est que de 5,97 angstroms alors que l'échantillonnage du spectre est de 2,81 angstroms par pixel. C'est un cas limite d'échantillonnage (il faut deux pixels au minimum par élément de résolution).


Figure 16. Le profil spectral de l'étoile Procyon. La correction de la sensibilité spectrale de l'instrument a été effectuée : l'allure du continuum est représentative.

Figure 17. Détail de la région du doublet du sodium dans le spectre de Procyon (partie jaune du spectre).

La figure 18 montre un spectre très différent, celui de l'étoile Zeta Tau de type Be (noter la raie Ha en émission).

Figure 18. Le spectre de l'étoile Zeta Tau. La variation basse fréquence du continuum a été retirée pour rendre le spectre plus lisible.

 

Pour voir d'autres exemples de spectres acquis avec ce dispositif, cliquer ici


 Retour