L' Archéoastronomie

Une vue personnelle

     Elle se définit comme l'étude de la place occupée par l'observation des phénomènes célestes chez les civilisations et les peuples anciens. Elle est une branche de l'histoire de l'Astronomie. La matière qu'elle étudie est généralement constituée de vestiges de monuments ou de constructions : temples (Amérique latine), pyramides (Amérique latine, Egypte), monuments mégalithiques (Carnac, Stonehenge, Callanish), tombes (Irlande, Ecosse, Sardaigne), sur lesquels parfois figurent des gravures ou des sculptures. En ce qui concerne l'Europe ce sont essentiellement des vestiges mégalithiques. Ces vestiges ont le plus souvent, et en Europe en particulier, la particularité d'être totalement muets en ce sens qu' aucun document de l'époque ne nous est parvenu, si tant est qu'il en ait existé. D'une façon générale, sauf en Egypte, aucun écrit n'est à notre disposition soit parce qu'ils ont disparu soit parce que les civilisations en question n'avaient pas atteint ce stade.

     Cette discipline existe, avant la lettre, depuis plus d'un siècle en particulier avec des premières études anglaises (Lockyer) et françaises (Devoir, Charrière) sur des monuments remarquables tels que Stonehenge ou les alignements mégalithiques du Morbihan et de la presqu'île de Crozon, à propos desquels l' hypothèse d'une signification astronomique a rapidement été soulevée et développée. Ses premiers balbutiements remontent au 18ème siècle quand W. Stukeley nota l'orientation de l'axe de Stonehenge.

Et en effet qui dit archéoastronomie dit inévitablement et immédiatement monuments mégalithiques.

     L'archéoastronomie s'est vraiment développée à partir des années 1970  suite aux travaux d'un écossais, le professeur Alexander Thom (1894-1985), qui s'est initialement intéressé aux centaines de monuments mégalithiques de la Grande-Bretagne : il établit le plan de ces monuments, avec un relevé des dimensions, des orientations principales, le tout associé à des observations sur le site sur le paysage environnant. Son travail était fondé sur des connaissances et des méthodes solides et rigoureuses tant pour l'astronomie, que pour les relevés sur le terrain, les mesures ou les calculs. A. Thom a aussi travaillé sur la région de Carnac pour laquelle il a établi en particulier des plans des alignements qui n'avaient pas été mis à jour depuis plusieurs décennies. Citons aussi l'astronome anglais C.A. Newham qui a apporté des remarques nouvelles sur Stonehenge dans ces mêmes années 1970.

     Ce qui différentiait fondamentalement A. Thom de ses prédécesseurs était surtout que cet ancien professeur d'ingéniérie, qui avait établi de nombreuses lignes de chemin de fer dans les colonies, était un homme de terrain, maniant décamètre, chaîne d'arpentage et théodolite. Cela tranchait avec la démarche de la majorité de ses prédécesseurs ou de ses contemporains, en France ou ailleurs, qui avaient trop tendance à raisonner sur le papier et tracer beaucoup de traits et de figures géométriques sur des cartes ou des plans : on dessine des cercles, des triangles, des carrés, des lignes plus ou moins imbriqués, évidemment il y a toujours un trait qui finit par passer par où l'on veut qu'il passe.... C'est malheureusement une démarche toujours actuelle.

     Ayant accumulé durant près de 40 ans une quantité impressionnante de données, Thom s'est alors intéressé à la géométrie et aux orientations de ces monuments qui semblaient liées aux lever/coucher du Soleil, mais aussi de la Lune et des étoiles. Il en a tiré et publié trois ouvrages (Megalithic Sites in Britain (1967), Megalithic Lunar Observatories (1971), Megalithic Sites in Britain and Brittany (1978)) et un très grand nombre d'articles dans diverses revues.

     En premier lieu, à partir des plans qu'il avait soigneusement établis, il a émis l'hypothése que la construction de ces monuments était basée sur l'usage d'une part de figures géométriques élaborées et récurrentes (cercle parfait, ellipse, "oeuf", cercle en anse de panier) et le recours à des triangles rectangles genre 3,4,5 ou 5,12,13 pour établir certaines de ces figures; et d'autre part d'une unité de longueur bien précise (82,9 cm) qu'il baptisa le yard mégalithique et qui, selon lui, se retrouvait de l'Ecosse à la Bretagne.

     Ensuite, et la démarche était louable et nouvelle, il entreprit pour vérifier des hypothèses astronomiques, de reconstituer pour plusieurs sites les phénomènes de lever/coucher solaire et lunaire tels que les hommes de l'époque les voyaient : cela impliquait une mesure précise des horizons visibles, la prise en compte des variations de l'inclinaison de l'écliptique depuis 4000 ans, de l'influence de la réfraction atmosphérique et astronomique, de la variation de celle-ci avec la température, etc..Il a cru pouvoir transformer ces sites mégalithiques en observatoires de haute précision où la visée des lever/coucher en question se serait faits à quelques minutes d'arc près sur des détails de l'horizon, en particulier dans le but repérer les moments exacts des solstices et une subtilité du mouvement de la Lune. Il a alors déclenché durant près de quinze ans une polémique virulente parce que, autant ses mesures sur le terrain et sa méthodologie étaient inattaquables, autant pour les interprétations des orientations, il est apparu qu'il avait une légère tendance dans ses travaux à poser la conclusion comme hypothèse : les monuments mégalithiques, cercles, alignements, .... sont des sites astronomiques . Son interprétation de la géométrie et surtout son unité de longueur soulevèrent aussi beaucoup de critiques, un peu pour les mêmes raisons. En effet tout cela impliquait pour la culture néolithique un niveau de connaissances et de techniques trop développé par rapport à ce que l'archéologie nous apprenait.  A. Thom ne prenait pas toujours en compte l'histoire des sites et pouvait aussi mélanger des vestiges datant d'époques différentes. Ses interprétations dépendaient aussi de la connaissance présente d'un site : par exemple pour lui le Grand Menhir Brisé de Locmariaquer était le centre d'un gigantesque "observatoire", sorte de guidon de visée pour des points alentours situés parfois à plusieurs kilomètres et à partir desquels on pouvait repérer les lever/coucher de la Lune à ses huit azimuts extrêmes. Cette théorie séduisante fut annihilée quelques années plus tard lorsque de nouvelles fouilles sur le site montrèrent que ce menhir n'était qu'un membre d'un alignement de grandes stèles qui furent détruites et dont on retrouva des restes dans les tumulus alentours. L'archéologie est une science vivante.

     Après moult débats, articles et conférences il s'est dégagé un accord pour accepter les plans et relevés que Thom avait réalisés, ainsi que la méthodologie d'étude sur le terrain qu'il avait établie. De même ses conclusions concernant la géométrie des monuments ont été retenues. Son unité de longueur n'a pas été acceptée : il est en effet difficile de concevoir que la même unité ait perduré des siècles et ait servi à bâtir à la fois Stonenhenge, les alignements de Carnac ou le cercle de Brogar aux Îles Orkneys. Ensuite si orientations astronomiques il y avait, elles devaient être relativement larges, indicatives: une orientation montrait , par exemple, la direction du lever du soleil au solstice. Sans plus. Tant mieux si ce lever se produisait sur un point remarquable de l'horizon; cela aidait à le repérer. Et il devait sûrement y avoir de telles orientations : le ciel et les phénomènes quotidiens et saisonniers devaient occuper une place importante dans la vie des anciens, bien plus que de nos jours. Mais il n'y a pas eu d'"Observatoires Mégalithiques" pour reprendre le titre d'un des ouvrages de Thom. Et, surtout, on a rappélé aussi qu'il n'y avait pas non plus forcément une orientation astronomique dans tous les monuments mégalithiques ou autres. Prenons les alignements de Carnac : contrairement à une opinion répandue, il ne ressort pas d'orientation astronomique manifeste. Parfois des "orientations" ne sont que des simples coïncidences. Deux ou trois pierres alignées ne définissent pas obligatoirement une orientation : elles peuvent être les restes d'une structure plus importante qui n'a pas résisté au temps, telle un tumulus.

     On a rappelé aussi surtout le piège de l'archéoastronomie : à savoir la tendance à nous projeter dans les époques anciennes avec notre culture, nos connaissances astronomiques et notre attitude rationnelle, raisonnée, mathématique sur le mouvement de la Terre, de la Lune, du Soleil, sur les éclipses, etc; en oubliant justement que les anciens peuples n'avaient à leur disposition que le spectacle que la nature leur offrait, spectacle limité à l'horizon visible, qu'ils n'avaient pas de recul par rapport à ce spectacle, et qu'on ignore le plus souvent comment ils interprètaient le Soleil, la Lune, les étoiles, les planètes, leurs mouvements, etc.... Les considèraient-ils comme des divinités , des esprits ? Que représentaient pour eux les variations saisonnières, mensuelles ou annuelles des déplacements, de la visibilité ou de l'aspect des astres dans le ciel et, du Soleil et de la Lune en particulier ?, Est-ce que cela avait de l'importance, d'ailleurs ? De plus, et surtout, ces civilisations étaient encore sans écrits, donc sans beaucoup de mémoire, sinon orale, mais alors elle était limitée dans l'espace et le temps. Cette tendance à se projeter est bien sûr très naturelle et, reconnaissons le, il est difficile de se dépouiller de ses connaissances en abordant le passé : il est difficile de se mettre dans la peau des anciens. Il faudrait pour chaque phrase que l'on énonce concernant une interprétation possible d'un monument, analyser chaque mot de cette phrase et se demander quel sens ce mot pouvait avoir à l'époque, si tant est, même, que la notion qu'il recouvre existait.

     Exemple : pour certains sites ou certains monuments on lit parfois : "telle structure est alignée sur les levers solaires équinoxiaux; pour repérer des levers du Soleil à l'équinoxe il suffit (suffisait) de prendre la bissectrice de l'angle formé par les levers aux deux solstices". Certes, mais, à l'époque dans la culture concernée la notion de bissectrice existait-elle ?, la notion d'angle, même, existait-elle ? Les équinoxes étaient-elles tellement intéressantes ? Le risque, encore actuel, est donc de faire dire à ces vestiges ce que l'on a envie, inconsciemment, de leur faire dire, c'est-à-dire ce qui nous satisfait. Reste à savoir pourquoi ces "explications" nous satisfont......

     Illustration. A la même époque, un peu avant, un astronome anglais installé aux Etats-Unis, G. Hawkins (1928-2003), avait publié un livre présentant une étude originale et radicalement nouvelle de Stonehenge. A partir d'un relevé minutieux de la position de toutes les pierres du site et employant un ordinateur (chose remarquable en 1962 !) il avait conclu que ce monument était un observatoire servant à repérer les azimuts des lever/coucher solaire et lunaire, et au moyen duquel, associé aux particularités de sa construction, on devait être capable de calculer l'occurence des éclipses solaires et lunaires. Idem : polémiques, débats, etc.... plus ici succès commercial, par la publication d'un ouvrage fort intéressant ("Stonehenge Decoded" (1965)).

     Mais aussi succès dans les esprits : plus de quarante ans après on lit et on entend encore que Stonehenge-est-un-observatoire-destiné-au-calcul-des-éclipses : pourquoi ? Parce qu'Hawkins avait une approche nouvelle avec un outil nouveau (un IBM 7090, quasiment le premier ordinateur !), des conclusions nouvelles qui touchaient un monument exceptionel et fascinant, et un phénomène spectaculaire et un peu mythique : les éclipses. Même le grand astrophysicien F. Hoyle s'y est laissé prendre. Avec le temps il s'est dégagé que, plus sérieusement, Stonehenge est plus un temple destiné à marquer le lever solaire au solstice d'été; peut-être y a-t-il des orientations lunaires aussi à travers certaines arches des trilithes. Ou, comme il a été dit très récemment (2006) à la suite d'expérimentations par des archéologues sur une reconstitution de Stonehenge, un "théatre religieux" (j'aime l'expression), destiné non pas à célébrer le lever du Soleil au solstice d'été, mais son coucher au solstice d'hiver, en relation avec un culte des morts.

     Stonehenge est complexe, et une erreur est de le considérer et l'étudier comme un tout, pensé et conçu dès le départ tel qu'il nous apparaît aujourd'hui . Sa réalisation s'est étalée sur près de 1500 ans, soit quelque 50 générations ! Quel lien y a-t-il entre les premiers coups de pelle en 3000 BC et les dernières installations de pierres en 1500 BC ? Ce n'est pas un observatoire ni un calculateur d'éclipses : leur calcul n'est pas simple et on ne peut pas le faire avec des cailloux et des trous. On pourrait à la limite, avec des archives bien faites, envisager une estimation des occurences des éclipses de Lune qui sont un phénomène extérieur au globe terrestre et visible de tout un hémisphère, mais pas des éclipses de Soleil dont l'aspect (totalité ou non) dépend du lieu d'observation et dont l'occurence en un même lieu n'a rien de prévisible à partir des observations passées. A condition que ces obsevations passées n'en aient pas raté une seule....Les trous d'Aubrey, sur lesquels est basée la théorie des éclipses, remontent à la première phase de la construction (le fossé et le talus) qui date de plus de 3000 avant notre ère. Qui connaissait et maîtrisait le phénomène des éclipses à cette époque ?. Qui l'a maîtrisé par la suite ? Les "théories " proposées font appel à la matérialisation par ces 56 trous et des cailloux du mouvement relatif de la lune, du soleil, et des......noeuds de l'orbite lunaire (!). Les supporters de cette théorie imaginent-ils le degré d'abstraction que cela représente pour une population qui vient d'entrer dans le stade néolithique de son évolution ?. Réalisent-ils le temps nécessaire pour mettre au point avec certitude une telle méthode ? La quantité d'informations qu'il faut accumuler ? Nous, nous savons que la Terre tourne autour du Soleil dans le plan de l'écliptique, la Lune autour de la Terre, que son mouvement est compliqué, que l'orbite lunaire est inclinée sur l'écliptique et donc a en effet des noeuds qui jouent un rôle fondamental dans les éclipses. Notre culture et notre civilisation ont mis plusieurs siècles à maîtriser le phénomène des éclipses et leur calcul est encore aujourd'hui réservé à des spécialistes. Mais remarquons que les "méthodes" proposées ne prétendaient pas prédir les eclipses, mais les moments où une éclipse peut se produire. Même avec cette nuance elles ne devaient pas avoir beaucoup de succès : imaginons une éclipse très partielle se produisant derrière un ciel couvert, elle passerait totalement inaperçue.....

   Et pourquoi les peuples du néolithique européen auraient-ils été à ce point obsédés par les éclipses ? S'ils s'intéressaient tant à la Lune, en Ecosse en particulier ou même dans le Morbihan, est-ce que les marées n'auraient pas pu être une motivation bien plus forte et bien plus quotidienne ? C'est une hypothèse qui avait été avancée par A. Thom dans un de ses ouvrages.

   Une autre erreur concernant Stonehenge est de le regarder comme le représentant quasi unique du mégalithisme alors qu'il est une exception qui tranche radicalement sur tous les autres monuments mégalithiques, une sorte de chef-d'oeuvre, quasi final d'ailleurs pour la 'civilisation' mégalithique européenne. C'est un peu comme si on caractérisait l'architecture civile européenne des deux derniers millénaires à partir du seul château de Versailles. C'est oublier les centaines d'autres sites, certes moins beaux, moins imposants et moins fascinants, mais tout aussi intéressants et représentatifs de la culture mégalithique. A. Thom ne s'y était pas trompé, lui qui n'a publié une étude de Carnac qu'à 75 ans et de Stonehenge à ....80 ans !

   N'oublions pas aussi que le site de Stonehenge n'a jamais été complètement fouillé ; notre connaissance peut être radicalement changée par de nouvelles découvertes : ce n'est par exemple qu'en 1979 qu'a été découverte la trace d'un pierre jumelle de la Heel Stone. Les conclusions des fouilles qui ont démarré en avril 2008 révèlent la place essentielle occupée par les "pierres bleues" du Pays de Galles auxquelles étaient attribué un pouvoir de guérison : Stonehenge aurait été Lourdes néolithique. Les datations placent leur arrivée en 2300 et non 2600 BC; de plus des premières traces d'occupation humaine ont été datées de 7000 BC ! Enfin l'orientation du monument sur le coucher au solstice d'hiver serait associée au démarrage de la nouvelle année des cultures. Encore une fois l'archéologie n'est pas une science figée.

     L'archéoastronomie est vraiment née de ces travaux et de ces débats. Des archéologues, tels R. Atkinson (1920-1994), spécialiste de Stonehenge, ou A. Burl, ont admis la justesse et la valeur de la démarche : ce n'était pas rien, car l'archéologie classique était le plus virulent opposant à l'archéoastronomie. Plus par manque de culture (astronomique) que par principe. Leur principal reproche d'ailleurs, à juste titre, était symétrique : beaucoup d'archéoastronomes ignoraient purement et simplement l'archéologie et voulaient rebâtir les sociétés anciennes à partir de quelques alignements solaires, vrais ou supposés, en ignorant totalement le contexte des époques considérées : développement social, culturel, agricole, répartition des populations, climat, végétation, etc. Les archéoastronomes sérieux ont eux même par la suite fait le pas de replacer les résultats de leur études dans le tableau des sociétés anciennes que l'archéologie avait établi. C'est devenu ainsi petit à petit une discipline liant archéologie, astronomie, ethnologie (on parle parfois d'ethnoastronomie). Des revues spécialisées sont apparues, des conférences régulières ont eu lieu. De nombreux travaux de recherche se sont poursuivis, en Grande-Bretagne avec C.L. Ruggles, en Amérique Centrale et du Sud (vestiges mayas et incas) avec A.F. Aveni, aux Etats-Unis ("medicine wheels", indiens Anasazi, Pueblos (supernova de 1054)), en Espagne (mégalithes), en Italie, en Russie, en Suède (bateau de pierre), en Arménie, en Afrique etc... Les méthodes de l'archéoastronomie ont été appliquées à un très grand nombre de monuments un peu partout, mégalithiques ou non, comme des temples, des églises romanes. Les gens ont commencé à regarder d'un autre oeil et prendre en compte les orientations des édifices, à les relier (éventuellement) aux lever/coucher solaire/lunaire, ou au passage au méridien, ou à d'autres moments qui suivent le lever, etc..... Il y a beaucoup de travaux sérieux, prudents, critiques mais aussi, surtout sur des sites internet, des approches beaucoup moins prudentes, dépourvues de recul, versant dans le mysticisme fumeux, le mélange des civilisations, des continents et des millénaires avec surtout une tendance à ignorer, volontairement ou non, tout ce qui a pu se dire et se débattre ces trente dernières années.

     Un autre défaut de l'archéoastronomie "populaire" est donc de se concentrer sur des monuments remarquables et particuliers : Carnac, Stonehenge ou Newgrange et d'en faire une généralité. Dans certains de ces monuments il y a manifestement une orientation liée à un phénomène astronomique mais ce sont des exceptions. Là encore une approche plus culturelle a été à juste titre mise en avant, par l'archéologue A. Burl par exemple, qui a proposé de considérer des ensembles de monuments semblables dans une région donnée et relativement isolée; les vestiges ont alors plus de chances d'être le fruit d'un même peuple, d'une même culture, d'être relativement contemporains et de permettre une interprétation sensée et globale de leur caractéristiques. C'est le cas par exemple de certains cercles de pierre écossais ("Recumbent stone circles"), au nombre de 61 tous répartis dans l'Aberdeenshire, qui ont manifestement un lien avec la Lune à une certaine période d'un de ses cycles; ou encore des ensembles de dolmens en Sardaigne et en Espagne orientés pour la plupart dans la direction (large) du lever solaire au solstice d'hiver.

     En France le sujet semble délicat. De façon générale on a le sentiment que l'archéoastronomie n'y est pas bien vue . On veut bien qu'il y ait de vagues orientations vers des lever/coucher remarquables (et encore) mais il ne faut pas mettre de chiffres derrière, trop précis du moins. Question de culture ?. Il n'y a guère qu'à Rennes où le professeur R. Giot s'était ouvert à cette discipline, en restant critique de façon constructive. Par exemple beaucoup d'études ont été publiées sur les dolmens de Corse ou des Pyrénées ou de l'Anjou......mais effectuées par des anglais ou des espagnols. Les études de la région de Carnac ont donc été publiées par un anglais, Thom, reprises et critiquées par d'autres anglais. Les études menées et publiées par des français sont rares. Récemment des observations sur le terrain en Bretagne (La Roche aux Fées) ont montré, par exemple, qu'il ne fallait peut-être pas s'en tenir au simples instants des lever/coucher mais considérer le phénomène comme un événement évolutif qui s'inscrit dans une certaine durée après ou avant ces instants. N'oublions pas aussi que le contexte est différent de la Grande-Bretagne : en France beaucoup de vestiges mégalithiques ont été perturbés, et même carrément éliminés par le développement de l'agriculture dans le courant du 20ème siècle. Ce qui reste à notre disposition ne représente qu'une petite partie de ce qui a pu exister. Leur étude doit en tenir compte et les conclusions rester prudentes.

     Mais comme je le dis sur une autre page du site, l'archéoastronomie est un sujet passionnant, et qui m'a passioné. Sans s'y donner à fond et en gardant les pieds sur terre, c'est une discipline enrichissante par les ouvertures qu'elle procure vers des sujets connexes, astronomiques ou non, aussi variés que :

     Enfin, et surtout, c'est l'occasion de découvrir et de plonger dans l'histoire : l'archéologie qui nous introduit à la vie des peuples qui nous ont laissé ces vestiges, et l'histoire de l'astronomie, science, s'il en est, de l'évolution de l'esprit humain.

     J'ai abordé l'archéoastronomie il y a 39 ans. J'ai depuis quelques années mis ce sujet en "veilleuse", j'ai rangé tous mes documents au grenier, mais je ne regrette pas le temps que j'y ai passé, les connaissances que j'y ai acquises ni les contrées et les paysages que j'ai découvert dans les déplacements qu'elle m'a permis de faire ; paysages où parfois je me suis senti bien seul tant les routes touristiques passaient loin au large.....

J.-P. Cornec

Merci à G.M. de m'avaoir incité à écrire et publier ces lignes

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Mise à jour 21 juin 2012

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