SOIREE SPECIALE "LES CEPHEIDES"


Le club Calvi Astro 2000 participera à une soirée théatrale organisée à Olmi Capella par l'association l'Aria (Association des Rencontres Internationales Artistiques) de Robin Renucci et le Théatre Mains d'Oeuvres de Jean Yves Lazennec.

A l'issue de la présentation de la pièce de Georges Lavaudant "Les Céphéides" adaptée du texte de Jean Christophe Bailly, le club Calvi Astro interviendra et animera une soirée d'observation publique et d'initiation sur le thème des Céphéides.

 

Les Céphéides ont été représentées pour la première fois le 12 juillet 1983 dans le cadre du Festival d'Avignon,

par le Centre Dramatique National des Alpes.

 

Ne ratez pas cette soirée exeptionnelle : Eglise de Capella le 3 août 2004 à 21h30

 


Extraits du texte de Jean Christophe Bailly : "Les Céphéides"

 

Les Céphéides, famille d'étoiles à luminosité variable et périodique, étoiles clignotantes.

Ce nom porte son origine grecque ; au théâtre il indique l'occupation de la scène depuis le commencement ; mais il indique d'abord une suite sans fin d'apparitions et de disparitions que l'astronomie utilise pour calculer les distances dans le ciel.

Ce titre est donc voué à l'imbrication de ce qui est sans âge, de ce qui est archaïque et de ce qui est moderne.

Et ainsi sont les voix des hommes, toujours déjà archaïques et toujours déjà modernes.

Elles apparaissent, elles disparaissent. L'espace d'une nuit. Sur une plage : au double sens d'un lieu réel et d'un fragment de temps. Du crépuscule à l'aube, des êtres vont occuper cette plage. Non pas des fantômes, mais des différences de modes : "personnages", dieux, simples silhouettes. ils parlent, ils sont dans l'espace, ils se croisent, se souviennent, s'observent. les voix et les corps bougent au sein de ce qui se donne comme un effort pour approcher la proximité du sens, d'un sens naissant.

Ces voix, que disent-elles ? Elles s'efforcent de dire la violence de la paix. il y a des ruines, un chantier d'intentions parmi ces ruines. C'est l'Europe. la paix menacée, ou vide - l'Histoire devenue trauma, la "sphère" de l'intimité devenue boule de feu, errante.

Que reste-t-il sur un tel fond, si lourd, quand la nuit peut être encore si légère ? La passion d'être en vie, de se savoir vivant, de faire parler un tel savoir, qui est l'incertitude même. Des êtres qui sont davantage des ombres mais qui sont tout de même de la nuit disent donc cela : "nous sommes", et invoquent la suggestion d'un écho, d'une réponse de la tribu, si elle existe encore.

C'est le seul drame, en neuf tableaux se succédant dans une logique qui alterne le récit (la voix quasi seule) à la représentation (le théâtre) et cherche à faire consister le silence où un langage fut d'abord celui du repli sur soi pourrait s'articuler comme théâtre ou devenir-théâtre d'une mémoire mise en pièces.

Ouverture, la pièce est une cérémonie, forcément. L'enjeu est la magie : quoi d'autre ?

 

PROLOGUE

 

Une plage à la tombée de la nuit, en été, au bord de l'océan. Le public est du côté de la mer : ce qu'il voit, par conséquent, c'est la plage de sable elle même, montant jusqu'à une rangée de cabines blanches alignées davant une pinède. Bruit de la mer, doux et régulier, pas de vent. une route s'ouvre au fond et part sous le bois de pins. Un vieil homme est assis sur un pliant, il est seul.

(Un marchand de glaces passe avec sa voiture qu'il pousse dans le sable. Un transistor ou un appareil à cassettes accroché à son attirail roulant diffuse très fort une musique triste et indéterminée. Il disparaît lentement avec sa musique par la route qui s'éloigne vers le fond.)

(L'attention se concentre sur le vieil homme, non pas un vieillard mais un homme que la vie commence à laisser. Il est aveugle.)

 

L'aveugle.- Ils m'ont oublié. Les jeunes gens. Le soir descend. la mer aussi. Tout est si calme.

Hannah va venir. Elle, elle vient toujours. mais pourquoi tarde-t-elle ? J'aime sa main, sa présence, sans paroles. Ils parlent tous, et si fort, comme si les aveugles, en plus, étaient sourds. S'ils savaient à quel point les présences aussi sont différentes et distinctes dans le noir, ils ne feraient pas tout ce bruit - mais réfléchir ou penser à ces choses, ils ne le peuvent, ils n'en ont pas le temps. Moi, le temps, je l'ai tout entier, je le connais de l'intérieur, c'est comme si j'étais assis dedans. On le dit aveugle...Aveugle, il l'est, c'est vrai, mais parce qu'il ne sait pas où il va, pas parce qu'il ne voit rien , non - parce qu'il écoute, parce qu'il n'est que de l'écoute et de l'attente : goutte à goutte et taciturne, il attend, oui, comme moi, qu'on vienne le chercher. Il n'est rien. Passer devant n'est rien. Il faut l'approcher, lentement, et l'entendre écouter. Tout va très loin dès lors, on croit voir les âges de la vie se regrouper et dire oui à l'instant qui passe. C'est beau. Comme maintenant, ces pas qui vont venir, comme ce mouvement hors de soi qui se défait quand la nuit tombe.

(Un temps.) Des essaims bourdonnant. Jamais les rivages ne sont anonymes. Toutes les histoires remontent. sitôt qu'on les abandonne, des voix y viennent. Je n'ai plus l'âge de les entendre. Mon silence me suffit, et il augmente. Mais je voudrais tant qu'Hannah arrive maintenant.

(Un temps.) Je ne vais pas l'appeler tout de même ! Tant pis. (Il tire un sifflet de sa poche et siffle plusieurs fois.)

(Hannah arrive du fond et s'approche en courant.)

Hannah. - Voilà, voilà, je suis là. Tu t'impatientais ?

L'aveugle. - Oui, j'ai toujours hâte que tu viennes. Il est tard.

Hannah. - Pardonne-moi. J'ai tant à faire. la nuit va être belle.

L'aveugle. - Oui, rentrons.

 

(Les phrases ne sont pas suspendues. La nuit les engendre. les êtres ne sont pas fixés. La nuit les déplace.

Déplacés, les êtres se placent : dans les paroles engendrées par la nuit. Ils les disent. Versant des mots partis où la mémoire, par intermittence, émet des bulles. Le théâtre est l'étang où ces bulles viennent crever. Entre elles, des gestes, des sursauts, des tendances à l'action. Une vie d'entre les signes qui écoute elle-même ce que disent les récits, les paroles : les feux et les étoiles, et l'univers est comme une tente.)