Qu'est ce qu'un Shack Hartmann
?
C'est un optique système inventé en 1971, à partir de la méthode de Hartmann
inventée elle même en 1900. Il est dédié au contrôle métrologique des optiques,
par la reconstruction d'un front d'onde incident dans un système optique. Cette
méthode est maintenant utilisée en optique adaptative pour mesurer les
distorsions d'un front d'onde par la turbulence en temps réel. Par rapport à la
méthode de Hartmann, c'est une méthode plus précise. Elle permet d'utiliser des
étoiles plus faibles, parce que le système de Shack Hartmann utilise toute la
pupille, ce qui n'est pas le cas du Test Hartmann où le nombre de trous ou de
sous pupilles est limité sur deux axes.
Quelques notions de base :
C'est la combinaison des deux
effets d'altération du front d'onde par le système optique et par la turbulence
qui produisent des images de mauvaise qualité au foyer de nos télescopes. La
turbulence est prépondérante pour des sites de plaine dés que le diamètre de
l'instrument fait plus de 100mm.
Le Shack-Hartmann permet de
mesurer les deux effets indépendamment, et ce, avec une très bonne précision :
Il permet donc :
Figure 1
La figure 1 montre le principe du
Shack hartmann :
Une onde plane de diamètre D1 entre dans le télescope, elle est représenté
schématiquement par une lentille L1, les faisceaux convergent tous vers le
foyer, on supposera que notre système optique est parfait, c'est à ce point que
fini le télescope, et que commence le Shack hartmann. Ce dernier est constitué
d'un collimateur de très bonne qualité, qui transforme le système en un système
afocal, c'est à dire produit des faisceaux parallèles, à ce niveau le front
d'onde est de nouveau plan. Cette fonction peut être facilement réalisée par un
oculaire, il produit un front d'onde plan qui arrive sur l'œil lorsque
l'on observe. On a ainsi re-imagé la pupille D1 d'entrée du télescope en une
pupille réduite D2. Ensuite, une matrice de microlentilles L3 sera placée sur
le chemin, son but est de découper la pupille D2 en sous pupilles. Comme le
front d'onde au niveau de la pupille D2 est plan, la matrice de microlentilles
fait converger le faisceau en une matrice de spots, à la distance focale des
dites micro lentilles.
Figure 2
La figure 2, montre plus en
détail ce qui se passe à partir du foyer du télescope.
Le front d'onde de la pupille D2 est plat, et les faisceaux convergeant forment
sur l'image une matrice de spots bien régulièrement espacé. La position de
référence en X et en Y de chaque spot sur la matrice CCD est mesuré, grâce à
des algorithmes, la mesure de position des spots peut se réaliser à mieux que
le 1/50ieme de pixels.
Figure 2a : Image CCD webcam (en négatif) , de spots issus d'une matrice de
microlentilles, au foyer un trou de 10µm a été placé, la position de ces spots
donnent la position de référence, cette calibration est réalisé une fois
pour toutes si le système n'est pas désassemblé.
Figure 3
Si le front d'onde au niveau de la pupille D2 est distordu (figure 3) soit par
les défauts optiques, ou soit par la turbulence, en passant à travers la
matrice de microlentilles, la position des spots va être changée : on admet que
localement au niveau de la microlentille, le front d'onde est un front d'onde
plan, mais incliné d'une certaine valeur. C'est l'assemblage de tout ces sous
front d'ondes plan locaux et de leur pente qui constitue l'ensemble du front
d'onde de la pupille D2. En mesurant l'écart Dx et Dy (dans la direction
orthogonale) pour chaque spot par rapport à la position de référence que l'on
arrive à reconstituer tout le front d'onde. En fait le shack Hartmann mesure la
dérivée première du front d'onde. La reconstruction du front d'onde est une
opération mathématique relativement classique, et à la portée des ordinateur
actuels.
Cette reconstruction du front d'onde est basé sur une famille de fonctions
mathématiques, dites polynômes de Zernikes. C'est une famille de fonctions
orthogonales sur le cercle unité. Il en existe d'autres comme les polynômes de
Seidel etc… On peut reconstruire mathématiquement le front d'onde grâce à
une combinaison linéaire de polynôme de Zernike Z0,Z1...ZN et de leur
coefficient associé a0,a1..aN. (voir ici sur les fonctions de Zernikes, c'est trés
bien fait)
Eq 1
- r entre 0 et 1
- Teta entre 0 et 2Pi
Plus le numéro du polynôme de Zernike a un d'indice élevé, plus il traduit des
aberrations d'ordre élevé, et aussi des formes d'ondes de plus en plus
complexes.
Ce qui est bien utile, avec cette
famille de polynômes, c'est qu'ils représentent des aberrations optiques indépendantes
les unes des autres. Le coefficient (a1) devant le polynôme Z1 représente
un Tilt sur l'axe des X qui n'a rien a avoir avec le coefficient (a2) devant Z2
qui représente un Tilt sur l'axe des Y, le coefficient devant Z3 représente
(a3) le défocus qui n'a rien avoir avec a1 et a2. On peut donc séparer les
aberrations les unes des autres.
On appelle cette reconstruction
du front d'onde par polynômes de Zernike, la méthode de reconstruction modale.
Quelle précision peut on attendre ?
Il est intéressant de connaître
la déviation des spots pour des écarts de front d'onde connus : une simulation
a été réalisée à cet effet.
Il a été pris une taille de pixel
de 5.6µm (pixel d'une webcam), un diamètre de chaque microlentille de 130µm et
une focale de microlentille de 5mm. Une aberration Z8, aberration de sphéricité
du 3ieme ordre, a été retenue pour ce test (c'est une aberration de révolution)
Figure 4 : Front d'onde vu de face (Z8,
aberration de sphéricité du 3ieme ordre) , en clair les parties en avance de
phase, en noir, les parties en retard de phase.
Figure 5 : Coupe du front d'onde Lambda/34
P-P
Ecart min (Pixels) |
Ecart max (Pixels) |
Ecart Rms (onde) |
Ecart Peak-Peak (onde) et effet sur la tache d'Airy |
-0.05 |
0.04 |
Lambda/112 |
Lambda/34 |
-0.1 |
0.09 |
Lambda/56 |
Lambda/17 |
-0.21 |
0.26 |
Lambda/22 |
Lambda/6 (le troisième anneau de diffraction est
renforcé, le Sthrel ratio est de 92%) |
-0.49 |
0.5 |
Lambda/12 |
Lambda/3.4 (le second anneau est renforcé,
Sthrel ratio est de 73%) |
Aucune altération n'est visible a
Lambda/17, ce qui est une déviation de 0.1 pixels, ce qui très facilement
mesurable dans ces conditions par n'importe quel logiciel.
La figure 6 montre la position
des spots lorsqu'une onde très formée (25 Lambda) traverse le réseau de
microlentilles, en rouge les points de référence, en blanc, ceux mesuré. La
figure 7 est la forme du front d'onde correspondante. Des points manquent à cause de l'obstruction
centrale et des branches de l'araignée très chargées en câbles.
Figure 6
Figure 7
Pour les expériences, il a été
pris une webcam TOUCAM pcvc740K avec comme détecteur, le CCD Sony ICX098BQ qui
possède des pixels de 5.6µm : c'est un détecteur simple, il permet d'avoir une
vue presque instantané du front d'onde à 30i/sec. Un temps de pose de 1/300 sec
avec l'étoile Acturus sur un T600 a été utilisé. Le collimateur est un oculaire clavé de 10mm, et la matrice
de microlentilles provient du laboratoire d'optique de Paris-Meudon, il fait
22x22 lentilles carrées de 130µm de pas et de 5mm de focale. Celle ci, m'a été
cédé par G.Blanchard : la matrice de microlentille est l'élément important dans
cette affaire, il n'est pas facile à trouver, ni très répandu. AMUS en Allemagne en réalise sur catalogue ou
sur demande. J'ai eu une fois une proposition pour une matrice 30x30
microlentilles, de 148µm de pas et de 1.3mm de focale (c'est trop court hélas)
pour 300€
Le collimateur : il fait 10 mm de
focale parce qu'il va produire un diamètre de pupille D2 de 10mm divisé par le
F/D du télescope, soit 2.7 mm pour un F/D de 3.7 Si l'on divise 2.7 mm par la
taille de chaque microlentille, on trouve que la pupille D2 va illuminer 20x20
microlentilles, soit presque 400 microlentilles : c'est un bon échantillonnage
du front d'onde et permet de trouver facilement les polynômes de Zernikes
d'ordre élevé, donc des aberrations d'ordre élevé. Si on avait un télescope à
F/16, le nombre de microlentilles illuminés serait de 5x5 , ce qui est
insuffisant pour du test optique ou de collimation, cela peut l'être pour de la
mesure de turbulence. Le dimensionnement du Shack-Hartmann (focale du
collimateur et taille et nombre de microlentille, et détecteur associé) dépend de
l'application et du télescope. On peut néanmoins envisager pour une matrice de
microlentille et un CCD donné avoir différentes focales de collimateur pour
s'adapter au F/D du télescope cible. Pour continuer sur le chapitre du
collimateur, il est nécessaire de parler de sa qualité optique : s'il altère
lui même le front d'onde, ce n'est pas la turbulence, ni la qualité optique et
la collimation du télescope que l'on va mesurer, mais bien celle du
collimateur. Si le collimateur est de mauvaise qualité optique ou si
l'alignement du foyer par rapport au collimateur est mauvais, cela devient
critique.
Pour se prémunir du second problème,
une mécanique soignée et un diaphragme de champ placé au foyer peuvent arranger
fortement les choses. Ce diaphragme de champ ne devra pas faire plus de 0.5mm
de diamètre (dans le cas du collimateur 10mm clavé), et sera sur l'axe optique
CCD, collimateur et matrice de microlentilles. Il ne faut pas oublier que
l'on fait une mesure des spots de référence en plaçant au foyer du collimateur
un trou de 10µm, et qu'ensuite sur le ciel les mesures des spots se font en
différentiel par rapport à cette matrice de spots de référence. Ce qui veut
dire que même si les lentilles ne sont pas bien alignées ente elles (par fabrication),
même si le collimateur n'est pas parfait, on peut par mesure différentielle
(qui est le principe du Shack-Hartmann) réduire grandement la contribution
de ces défauts, par rapport a ceux que l'on va mesurer. La clef du problème
tiens plutôt à la qualité de fabrication opto-mecanique des divers éléments
optiques. La caractérisation indépendante de la matrice de microlentilles
et du collimateur, serait la meilleure des solutions. Je n'ai hélas pas le
modèle Zemax d'un oculaire clavé de 10 mm …. Mais compte
tenu de ce que j'ai pu voir dans la littérature sur les oculaires Plossl et
de la réputation des produits, je ne peux qu'être optimiste. Ne pas oublier
que l'on produit une pupille de 2.5mm et non de 6mm (pour l'œil).
J'ai réalisé un montage opto mécanique en bois, ce n'est pas l'idéal, et comme
les résultats sont prometteurs j'espère pouvoir le faire réaliser en aluminium.
Le système est un cube de 50x50x50mm de coté avec un coulant 31.75mm en entrée.
Un tel système est vendu par Imagine Optics, le HASO32
standard avec soft à 22.7k€, le mien a pour le moment coûté le
même chiffre avec 2-3 zéros de moins ;-) , mais il est certainement moins
performant, alors que celui d'Imagine Optics est un instrument professionnel,
ne pas oublier le coût du développement logiciel qui n'est pas négligeable
dans cette affaire..
Figure 7a
Cette image est le Shack-Hartmann, a droite, une carte de webcam (démontée), le
bloc de bois du milieu contient la matrice de microlentilles (sur une plaquette
de verre de 17mm), et le collimateur, qui est le corps qui tient les lentilles
d'un oculaire clavé lorsqu'on le démonte.
Le fait que ce système n'est pas
exactement au foyer du télescope, n'est pas un problème non plus, le defocus
produit une homothétie radiale de la matrice des spots sur l'image CCD (dans
mon cas), il va produire un coefficient pour Z3 (defocus) non nul, mais ce
n'est pas un problème, il sera forcé a zéro pour l'analyse. Mais dans le futur
j'éviterais tant que possible le défocus, car c'est facile à régler. La figure
8 montre l'effet du defocus sur le motif de spots.
Figure
8 Expansion radiale à cause du défocus
Pour l'analyse optique du système, les 600 trames individuelles (20s) de la
webcam ont été additionnées. Les effets de la turbulence se moyennent bien, car
la turbulence (si elle n'est pas énorme) est une variable aléatoire à moyenne
nulle, pour peu que le temps d'acquisition dépasse plusieurs dizaine de
secondes, aussi il faut que le tracking du télescope soit correct.
Pour une analyse de la turbulence, on prendra les trames les unes après les
autres. Ce type de système permet de faire deux choses : collimation et analyse
de l'optique du télescope , et analyse du front d'onde perturbé par la
turbulence : c'est pas si mal (!!)
Le Shack-Hartmann a été placé derrière un correcteur de wynne, qui par nature
altère quelque peu la tache de diffraction, cependant, je tiens bien à dire que
le diaphragme de champ n'était pas a la position optimale du correcteur par
rapport a sa dernière lentille, c.a.d 50mm, une position différente altère très
vite la qualité optique. Aussi mon montage opto mécanique en bois est très
utile pour avoir des images, mais pas pour faire une mesure sûre et
définitive. Le but de la manipe n'était pas de caractériser le télescope et
son optique, mais d'acquérir des images en vue de réaliser le logiciel, et de
valider l'ensemble du concept. Donc les mesures produites ici ne sont en
aucun cas définitives et ne sont pas représentatives du système optique. Ceci
est un proto. Le jour ou j'aurais un système fait dans les règles de l'art, et
non en bois, cela sera possible de le faire, et j'en suis convaincu.
Figure 9 : Shack Hartmann test, T600 Valmeca telescope (Acturus, 1/300s a
30i/sec)
Figure 10 : Shack Hartmann test T600 Valmeca telescope (Acturus, 1/300s a
30i/sec) une des 584 images.
Ici la séquence vidéo des 584
trames (impressionnante !) cliquer ici (3.5Mo), il faut DivX Decoder (L'obtenir
ici). On voit les spots disparaître
(scintillation), et le grouillement dû à la turbulence.
C'est une partie qui a demandée
pas mal de programmation pour la rendre facile et conviviale, il a été intégré
dans le logiciel PRISM, la première étape est d'extraire les spots automatiquement et de les
classer (Figure 11). Il y a 261 spots.
Figure
11, fichier résultant de l'addition des 584 images
La seconde étape consiste à
charger un fichier Ascii contenant la position X et Y des spots de référence
(415) trouvé dans l'image de la figure 2a.
Une fois chargé, il faut indiquer
à quel spot numéro A de la figure 11 correspond le spot de numéro B de la
figure 2b, en plus quelques renseignement sur le système.
Figure 12
Une fois les rattachements des
spots entre l'image mesuré et l'image de référence sont trouvé (automatiquement
aussi), on peut calculer les écarts de position et donc les polynômes de
Zernike. Le décalage en X et en Y de l'ensemble des spots entre l'image mesuré
et la référence n'est pas important, car il produit les termes Z1 et Z2, qui
n'est qu'un décalage global de l'image pas une aberration
Le panel de la figure 13 montre
les coefficients a1....a19 des polynômes de Zernikes. Les coefficients de Tilts
et de defocus sont mis a zéro, car ils ne représentent pas en soit des défauts
optiques.
Figure 13
Une fois les coefficients de
Zernike trouvés, on peut à loisir les modifier et regarder quelle est la tache
image correspondante (PSF). Plus le coefficient Zn est fort, plus l'aberration
sera visible sur l'image. Comme le front d'onde est connu, le calcul de la PSF
est possible : ce ne sont que des mathématiques.
Figure 14a, b et c , de gauche à droite, PSF (ou image) de l'étoile.
La figure 14a, et ce que l'on
appelle la PSF d'une étoile (la turbulence a été minimisée par l'addition des
584 images), la figure 15 est la PSFpour un système parfait. Si on mets à zéro
le terme de coma (Z6 et Z7), on voit sur la figure 14b l'amélioration, si on
met à zéro les termes Z4 et Z5 d'astigmatisme, on obtient la figure 14c, qui
semble être entachée d'aberration de sphéricité (ce qui est un peu normal après
un correcteur de champ). Vous allez dire que je triche, certes, mais il est intéressant
de voir l'impact de chaque aberration sur les images : j'aurais un barillet qui
induit une déformation sur le miroir primaire, je la mesure, et je peux mettre
la contribution à zéro du barillet en mettant a zéro le bon coefficient de
Zernike, et décider, au vu du résultat, si ça vaut le coup de refaire le
barillet.........
Figure 15 PSF parfaite, à la même échelle,
l'image fait 0.32µm par pixel au foyer du T600 a F/3.7
Et la turbulence ? Si on calcule
des motifs de spot sur des images individuelles de la séquence de 584, on
remarque que les PSF sont fort différentes les unes des autres...
Figure 15 a,b et c : trames 472, 524 et 532
Ce qui milite pour dire que l'on
a intérêt à additionner un maximum d'images pour ne pas être gêné par la turbulence....
une séquence de 2min ne serait pas de trop.
Figure 16 a et b, trames 470 et 469
Tout ça s'annonce prometteur,
mais il y a des axes de progrès à dégager :
A faire, une fois les
améliorations réalises :
- des tests sur un télescope dont l'optique est caractérisée à 100% par un
autre système (Zygo ou Foucault à la rigueur)
Cette page
fait référence à des questions réponses sur ce
système.
Des articles qui m'ont bien aidé
à avancer .......
Et merci à G.Blanchard, S.Guisard, A Maury et S.Deconhiout pour la lecture du texte et pour l'aide apportée
par Cyril
Cavadore (Mai 2003), retour à la Home Page