Comment photographier la forme des vaisseaux spatiaux de grande dimension

Par Denis Bergeron

 

 

 

 

Denis Bergeron

Daniel Provencal

Jacques Gagnon

Avez-vous déjà observé le passage d'une des navettes spatiales américaines ou de la station russe MIR ou encore les premiers modules de la future station spatiale internationale ISS au dessus de votre horizon?

Si oui, vous êtes-vous posé la question à savoir si c'était possible de voir quelque forme que ce soit en observant un de ces vaisseaux avec un télescope sous un fort grossissement?

Encore mieux, avez-vous déjà essayé de photographier ou même filmer un de ces vaisseaux pour tenter d'y reconnaître une forme quelconque? C'est le défi que se sont donné Daniel Provençal, Jacques Gagnon et Denis Bergeron membres actifs du Club des Astronomes Amateurs de Laval.

Daniel travaille comme ingénieur à la compagnie EMS TECHNOLOGIES anciennement Spar Aérospace. Il a participé à la conception du fameux satellite canadien Radarsat et il s'y connaît très bien en cette matière. Jacques est un observateur très actif parmi les membres du club d'astronomie de Laval et Denis Bergeron est un observateur spécialisé dans la photographie avec CCD et traitement d'images. Tous les trois participent à tous les camps d'astronomie organisés par le club de Laval et y apportent beaucoup de leur connaissances et leur dynamisme.

Lors de l'un de ces camps d'astronomie, Daniel et Jacques avaient fait une démonstration convaincante sur le repérage des satellites artificiels grâce au logiciel américain C-SAT. Un télescope Meade 20cm F10 LX-200 branché à un ordinateur portatif équipé du logiciel C-SAT permet à ce type de télescope de pointer automatiquement et de suivre un satellite spécifique parmi la cinquantaine présent au dessus de l'horizon au moment de l'observation. Les observateurs présents se sont beaucoup amusés à pratiquer cette manœuvre et à observer les différents satellites choisis. Certains satellites étaient des débris d'étages de fusée ayant servi au lancement de satellites quelconques, alors que d'autres étaient des satellites intéressants comme Radarsat, Iridium, Cobe, etc. Certains présentaient une variation de brillance à cause de leur rotation et finalement d'autres présentaient un flash continu comme le satellite japonais EGP.

Nous avons aussi été émerveillés par le passage dans le ciel de la navette spatiale américaine suivi peu de temps après par la station orbitale russe MIR. Leur brillance avoisinnait l'éclat de l'étoile Véga de la constellation de la Lyre (magnitude 0). Il est facile de connaître la date, l'heure ainsi que la position en azimut et en élévation du passage de ces vaisseaux spatiaux. Il s'agit de visiter certains sites particuliers sur Internet ou simplement en allant chercher les éléments orbitaux appelés TLE pour TWO LINES ELEMENTS et de les importer dans des logiciels spécialisés pour le repérage de satellites comme C-SAT, TheSky, Guide, STS-Plus, etc.

Au cours de cette soirée mémorable, il y eut plusieurs discussions sur des projets de photographie de la forme de ces vaisseaux spatiaux. Chacun y apportant sa contribution au meilleur de sa connaissance. Puis ce projet fut mis à exécution par Daniel et Jacques.

Nature du PROJET

Le projet visait à tenter de filmer la forme de l'un des plus gros vaisseaux spatiaux visibles à l'époque. La navette spatiale américaine a été la cible choisie. Le télescope utilisé était celui de Jacques: un Meade Schmidt-Cassegrain 20cm F10 LX-200 (FL: 2000mm). Le télescope était installé dans la cour arrière de son domicile en plein coeur de la ville de Laval.

Une caméra vidéo 8mm ordinaire était fixée et installée en mode afocal, c'est-à-dire que l'objectif de la caméra vidéo vient s'appuyer en plein centre d'un oculaire 26mm (G=77X) et maintenue solidement en place. L'oculaire est installé sur un prisme 90°. Une tête de trépied fixée sur le télescope principal aide à ajuster solidement la caméra vidéo et à la centrer sur l'oculaire du télescope. Le zoom de la caméra varie de 1X à 6X.

Le support de la monture du télescope (wedge) n'est plus monté en équatorial, mais plutôt orienté selon l'orbite de l'objet. Cela vise à n'avoir à faire qu'un seul suivi sur un seul axe (ascension droite). Si on laisse le support en équatorial, nous aurions beaucoup plus de corrections à faire pour suivre l'objet, diminuant ainsi nos chances de succès. L'azimut du support est aligné avec la valeur de l'azimut de l'orbite de la navette au maximum d'élévation du passage. L'élévation du support est alignée avec la valeur correspondant à 90° moins la valeur du maximum d'élévation au moment du passage de la navette. A noter que le support régulier d'un télescope LX-200 ne peut aller plus bas que 22° en élévation. De plus, les fourches iraient toucher au boulon central du support. Il faut choisir les orbites convenables pour éviter ces contraintes.

Le foyer de la caméra vidéo se fait sur une étoile brillante à très fort grossissement. Il est primordial que la caméra vidéo soit fixée très solidement par dessus l'oculaire et que le foyer soit optimal. On doit mettre la mise au foyer de la caméra vidéo en mode manuel et le zoom au maximum. Lorsqu'une étoile brillante sera au foyer et centrée dans le centre du viseur de la caméra vidéo, on doit centrer notre chercheur de télescope sur cette même étoile. Ainsi, lorsque la navette sera placée dans le centre du réticule du chercheur, elle devrait apparaître dans la caméra vidéo.

Le logiciel C-SAT sert seulement à savoir quand et où l'objet se pointe à l'horizon. L'azimut et l'élévation de la base du télescope sont ajustés de façon à ce que seulement l'ascension droite doit être changée pour suivre l'objet dans le ciel. Le suivi est donc fait à la main, à l'aide du chercheur du télescope. Comme l'objet se déplace rapidement, l'observateur se concentre à centrer l'objet dans le chercheur en espérant l'enregistrer sur la bande vidéo durant toute la durée du passage. Cela peut prendre jusqu'à 5 minutes. A ce moment, le zoom de la caméra doit être au maximum et la caméra vidéo parfaitement au foyer. La caméra vidéo est ajustée pour avoir une obturation très rapide; dans l'ordre de 1/1000e de seconde.

La reconnaissance de la navette se fait plus tard lorsqu'on visionne la cassette vidéo. A l'écran d'un téléviseur, la navette bouge beaucoup trop vite ce qui rend très difficile l'appréciation de la forme. On peut dans un premier temps transférer le contenu de la bande vidéo de notre caméra 8mm sur une bande VHS et tenter de figer l'image à l'écran du téléviseur ou en y allant image par image si l'on a un magnétoscope 4 têtes. Cependant, en y allant de cette façon, on peut reconnaître une forme subtile mais sans trop de détails et il y a perte évidente de résolution.

Il y a lieu d'utiliser un autre processus beaucoup plus efficace qui consiste à capturer quelques séquences vidéos à l'aide d'une carte de capture de séquences vidéos comme une carte de capture vidéo (cartes Matrox G400 Marvel ou MIRO ou ATI) que l'on insère dans un ordinateur et qui permet de capturer jusqu'à 30 images par seconde. On capture les meilleures images et  on y applique par la suite divers traitements d'images pour rehausser les détails.

Navette spatiale Dans le présent projet, c'est Denis Bergeron qui s'est occupé de cette phase. Denis a mis au point une nouvelle technologie pour les besoins de son travail (agent de protection de la faune) permettant de capturer une série d'images dans une séquence vidéo puis de les traiter pour en ressortir le maximum de détails. Les images sont ensuite montées puis imprimées à l'aide d'une imprimante couleur.

Une fois que Jacques et Daniel ont réussi à filmer la navette à très fort grossissement, ils ont envoyé par courrier recommandé la cassette originale 8mm à Denis. Ce dernier a ressorti à l'aide de sa carte de capture vidéo, les meilleures images de la cassette vidéo. Il a traité chacune des images en y appliquant un filtre masque flou (unsharp mask) à l'aide du logiciel astronomique Prism. Les meilleures images ont ensuite été additionnées puis ont subi un autre traitement par filtre masque flou pour en faire ressortir les détails.

Animation montrant la forme de la navette spatiale américaine

Résultats

Le résultat final est très impressionnant. On y voit très bien la forme triangulaire de la navette spatiale avec les panneaux de la soute ouverte en direction de la Terre. Une animation montre également les meilleures images en succession. Comme première expérience les résultats dépassent nos attentes.


Image de la navette spatiale Image de la station orbitale ISS

 

 

 

 

 

D'autres expériences seront tentées prochainement. L'équipe a l'intention d'utiliser un plus gros télescope, une meilleure caméra vidéo, un montage plus solide et d'autres techniques de traitement d'images. Les cibles seront les futures navettes spatiales, la stations ISS et ainsi qu'une navette branchée à l'une des stations spatiales. À ce propos, les américains Ron Dantowitz* et Marek Kozubal du Boston Museum of science observatory ont réussi de splendides exploits à ce niveau.


Les défis les plus intéressants à venir seront l'installation des prochains modules de la station spatiale internationale ISS par les navettes spatiales, qui une fois complétée sera neuf fois plus brillante que la station MIR et les navettes spatiales. Il existe plusieurs sites sur Internet qui donnent une multitude d'informations à ce sujet. Nous en donnons quelques-uns ci-bas.

 

Conclusion:

Ce type de projet est très stimulant et emballant. C'est un beau défi qui peut se réaliser même en pleine ville. On peut partager les équipements et les expertises comme nous l'avons fait entre nous. Nous sommes prêts à partager nos expériences et à vous aider à réaliser de tels exploits.

Pour terminer, nous recommandons particulièrement deux excellents logiciels pour situer dans le ciel les satellites artificiels et connaître les dates de passage au dessus de votre horizon des satellites les plus intéreressants:

 

LOGICIELS RECOMMANDÉS

SATELLITE TRACKER: http://www.heavenscape.com/

Permet de pointer automatiquement un télescope équipé du protocole LX-200 directement sur un satellite et de le suivre

STS-PLUS: http://www.wpusa.dynip.com/files/SPACE/

Permet d'afficher la position des satellites au dessus de la Terre et dans le ciel

 

ADRESSES UTILES

HEAVENS ABOVE:

 http://www.heavens-above.com/

Permet de connaître les dates et heures de passage de la station orbitale ISS, navettes spatiales, satellites IRIDIUM, etc, et autres satellites intéressants au-dessus de VOTRE HORIZON

Observer les satellites artificiels http://www.geocities.com/CapeCanaveral/Lab/8703/satintro.htm

Informations sur comment observer les satellites artificiels

Observation visuelle des satellites: http://www.satellite.eu.org/satintro.html

Pour observer certains satellites à l'oeil nu

Observation des satellites avec télescopes: http://www.satobs.org/telescope.html

On peut observer la forme de certains satellites avec un télescope

Observation des satellites IRIDIUM http://celestrak.com/NORAD/elements/index.html

Ces satellites présentent des sursauts d'éclats très puissants (FLASH)

Elements orbitaux pour observer les satellites: http://celestrak.com/NORAD/elements/index.html

Excellente source pour aller chercher les éléments orbitaux TLE des satellites

Le québécois Daniel Deak du Club d'astronomie de Drummondville opère un site web OBSAT traitant de l'observation des satellites artificiels. Si l'observation des satellites artificiels vous intéresse, je vous recommande fortement une visite sur son site web.

A titre d'information supplémentaire, voici quelques adresses utiles:

http://www.wingar.demon.co.uk/satevo/
http://www.idb.com.au/

NOTE: Deux excellents articles parus dans la revue SKY and TELESCOPE par RON DANTOWITZ (august 1998, p.48 à 53 ainsi qu'un autre paru en août 1996, p86 à 88) contiennent une multitude d'informations intéressantes sur ce sujet.

Bonne chance !

Denis Bergeron

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