INTRODUCTION
Passionné depuis longtemps par l'observation visuelle des étoiles doubles, j'en suis tout naturellement venu à tenter de les mesurer.
Du chronomètre à divers systèmes réticulés,
puis de la grille d'Hertzsprung-Duruy au micromètre à fil,
le parcours initiatique fut riche d'enseignements. Tandis que la grille
arrive rapidement à ses limites avec un instrument d'amateur, le
micromètre reste l'arme absolue. Les résultats sont au rendez-vous
mais il ne faut pas ménager sa peine. Durée des mesures,
incertitude permanente du moment où l'on s'estime en droit de relever
les index, quasi-nécessité d'un montage permanent sur le
télescope sont autant d'éléments qui ne plaident
pas en faveur d'une pratique de la mesure chez l'amateur. Reste l'imagerie
électronique. Fin 2000, la caméra CCD fixée sur un
instrument professionnel est le privilège de quelques mordus et
ceux qui s'adonnent à la mesure sur leur propre instrument sont
tout aussi rares. Depuis plusieurs mois je suivais par curiosité
les progrès incroyables des webcams dans l'imagerie planétaire.
Leur réputation d'instruments peu sensibles en freinait l'utilisation
dans le domaine stellaire. Devant le faible prix de ce matériel
et possédant déjà un vieil ordinateur capable de
le piloter, je me décidais toutefois à tenter ma chance.
C'est ainsi qu'en janvier 2001 je devais installer une webcam sur le télescope
me disant bien qu'en l'absence de résultats sur les doubles je
pourrais toujours revenir au micromètre.
LA DEMARCHE
L'objectif étant de rester pragmatique il convenait d'établir
un plan, de s'accorder une durée d'investigation raisonnable et
de décider des conditions d'arrêt éventuel. Je me
fixais donc une année soit une soixantaine de séances à
mon rythme du moment et établissais le plan suivant :
0 |
Choisir le matériel |
1 |
Acquérir le savoir-faire
dans l'utilisation de la caméra |
2 |
Apprécier les performances
globales du système |
3 |
Déterminer l'ordre
de précision des mesures |
4 |
Apprécier le niveau
de justesse |
5 |
Prendre la décision
de poursuivre ou d'abandonner |
6 |
Arrêter les méthodes
de prise de vue et de réduction |
7 |
Mettre en place un programme |
8 |
Se faire plaisir |
a) Choisir le matériel
L'objet convoité doit tenir dans le budget
de l'achat d'une webcam et d'un ordinateur de base pouvant subir les affres
habituelles de l'exposition nocturne et facilement remplaçable
en cas de casse. Les moyens visuels permettant généralement
d'atteindre les magnitudes 9/10, la caméra se doit d'être
capable de faire aussi bien. La taille et la forme des pixels ont aussi
leur importance. Une forme carrée semble idéale mais on
peut s'en affranchir au prix d'une petite complication de la réduction.
La taille détermine la résolution, les webcams sont bien
placées de ce côté là avec des pixels généralement
plus petits que ceux des caméras CCD. Muni de ces éléments,
la lecture des archives de la liste Astrocam et les visites des sites
de ses membres montrent que les choix sont vite réduits dès
que l'on touche au domaine stellaire. Finalement, à l'époque
où le choix du matériel a été fait, la Logitech
QuickCam VC présentait le meilleur compromis. Acquise un peu plus
tard, une Philips Vesta Pro a rejoint la VC pour l'évaluation.
b) Savoir-faire
Le remplacement de l'œil par un capteur impersonnel
est un avantage indéniable dans le domaine des mesures. Il amplifie
cependant quantité de petits défauts parfaitement accommodés
visuellement.
- défauts d'entraînement de la monture
- défauts intrinsèques des surfaces optiques
- collimation imparfaite
- mise au point
- problèmes liés à la turbulence et aux conditions
atmosphériques
Il devient dès lors nécessaire de corriger au mieux tous
ces éléments, à tout le moins ceux sur lesquels on
peut agir, ne serait-ce que pour rendre les séances de prise de
vue plus agréables et les réductions à la fois plus
précises et faciles. Que dire ensuite des multiples réglages
propres à l'électronique et l'informatique ? De tous ces
curseurs de réglages de la caméra, des divers modes images,
de la compression, de l'usage de la couleur etc... La seule solution semble
être itérative : choix des paramètres, prise de vue,
comparaison, modification des paramètres etc…
c) Performances globales du système
Leur estimation peut être conduite simultanément
avec l'acquisition du savoir-faire. Magnitude limite sur les trames brutes,
étalement des images, sont-elles mesurables ? Les tests sont menés
dans les conditions les plus diverses possibles, il faut profiter des
possibilités offertes par un système de prise de vue rapide
et la possibilité d'exploiter en temps différé :
couples serrés, écartés, gradient de magnitude sans
saturation du primaire, tout ceci bien sûr dans les configurations
optiques les plus variées. Plus d'essais seront menés dans
cette phase, plus les choix seront facilités et justifiés
dans l'avenir.
d) Ordre de précision :
Pour chaque configuration optique, les moyennes entre
les soirées sont-elles toujours proches ? Les écarts sur
une même soirée sont-ils toujours dans une fourchette tolérable
en fonction de l'objectif que l'on se fixe ?
e) Niveau de justesse
Pour chaque configuration optique les échantillonnages
sont-ils constants ? Un simple graphe avec les séparations des
étalons observés et les distances en pixels doit faire apparaître
une ligne droite qui passe par l'origine.
f) Continuer ou abandonner ? !!!
La question peut paraître totalement incongrue mais il n'est pas
inutile de se la poser. Si les résultats sont meilleurs que les
autres méthodes alors : CONTINUER !!! S'ils sont en deçà
des objectifs fixés : ABANDONNER !!! Et ne surtout pas remonter
l'objectif de la webcam, la réserver tout simplement pour une autre
de ses utilisations astronomiques.
g) Arrêter les méthodes :
Toujours le souci des mesures : la constance des éléments
mis en jeu. L'expérience acquise dans les phases précédentes
trouve toute sa justification ici. Le moins possible d'éléments
nouveaux et s'il y en a, la vérification de leur influence. C'est
l'heure des choix !!!
h) Mettre en place son programme : Tout
un programme ! L'amateur fait ce qu'il veut, rien ne l'empêche de
le faire du mieux qu'il le peut. Là, tout un éventail de
possibilités est offert : mesure des couples négligés,
confirmation de systèmes ou d'éphémérides.
Avec l'Internet la participation à un programme en équipe
est sûrement une voie d'avenir.
h) Mettre en place son programme :
Tout un programme ! L'amateur fait ce qu'il veut, rien ne l'empêche de le faire du mieux qu'il le peut. Là, tout un éventail de possibilités est offert : mesure des couples négligés, confirmation de systèmes ou d'éphémérides. Avec l'Internet la participation à un programme en équipe est sûrement une voie d'avenir.
i) Le plaisir
Il y en a déjà tellement eu à
prendre en main ce nouveau matériel, se désespérer
d'aboutir, se demander pourquoi cet écart monstrueux, s'émerveiller
de la vertu des moyennes, sauter de joie à o-c=0"01, et aussi
à échanger quantité de mails ou converser longuement
avec les amis duplicistes qu'il n'y a aucune raison de ne pas le prolonger
!!!
L'INSTRUMENT
a) Le tube optique
L'instrument utilisé pour cette évaluation
est un télescope de type Newton. Son objectif est un miroir de 203mm
de diamètre fabriqué par la maison Astam en 1993.
Si l'on s'en réfère au bulletin
de contrôle, il est de très bonne qualité.
Les impressions visuelles de toutes les personnes l'ayant utilisé
vont également dans ce sens. De bonnes conditions permettent de travailler
avec des grossissements supérieurs à 500x sur les planètes
et les étoiles doubles.
Dès 0"8 un système double équilibré est
nettement séparé et l'allongement est généralement
constaté entre cette valeur et les limites théoriques. Ouvert
à f/6, il est lumineux et délivre des images.contrastées.
Le miroir secondaire est maintenu par une araignée à quatre
branches provoquant des aigrettes parfois gênantes sur les étoiles
brillantes. Généralement utilisé en vallée de
Garonne, il ne bénéficie malheureusement pas toujours de conditions
optimales. Le tube est en contreplaqué de 10 mm d'épaisseur
et mesure 1,25 mètre de long pour une section de 25 cm.
L'obligation de rejeter le foyer hors du tube conduit à utiliser
un miroir secondaire un peu plus grand que souhaitable générant
une obstruction de 20%.
Le miroir secondaire, proche de l'entrée du tube, est sujet à
se retrouver embué lors des nuits humides. Un pare-buée en
carton allongeant l'ensemble d'une vingtaine de centimètres offre
dans ces cas une protection parfaite.
b) La monture
La monture est une monture à fourche inspirée
du système dit Pierre Bourge bien connu dans le monde des amateurs.
La fourche en contreplaqué épais est rigidifiée intérieurement
par des tiges filetées et la monture est métallique. Cette
monture est également pliable permettant ainsi de transporter à
l'occasion tout le télescope dans un véhicule de taille normale.
Depuis quatre ans, l'instrument est majoritairement utilisé pour
l'observation et la mesure des étoiles doubles. Il a subi de nombreux
aménagements afin de faciliter sa mise en œuvre dans ce cadre.
C'est ainsi que le chercheur a été déposé pour
être remplacé par un télescope de 115/900 monté
en parallèle, que des cercles surdimensionnés ont été
installés et qu'un porte-oculaire spécifique a été
fabriqué. L'entraînement horaire est assuré par un système
à tige filetée et secteur lisse. Lui aussi a été
le sujet d'aménagements originaux.
Le ruban habituel a été remplacé par un câble
passant en boucle dans deux poulies de renvoi. Il est entraîné
par une platine sur coussins de bakélite qui coulisse le long d'une
tige ronde de fort diamètre et parfaitement rectiligne. Un doigt
métallique autorisant un certain jeu perpendiculaire à l'axe
d'entraînement assure la liaison avec l'écrou tracteur. Cette
combinaison fait disparaître les tractions latérales sur le
câble et ne transmet à la platine que le mouvement de translation
de l'écrou. Les effets périodiques néfastes d'une mauvaise
tige filetée disparaissent ainsi en grande partie.
c) Les montages optiques
Tous les essais furent menés
sur le même instrument.
Quelques-uns furent parallèlement suivis chaque fois que possible
par Sébastien Caillé avec un Celestron C8. La caméra
est débarrassée de son objectif d'origine et de son inséparable
filtre anti-IR. De nombreuses combinaisons ont été testées,
du foyer jusqu'à l'interposition de deux barlows en série
donnant une focale résultante de près de six mètres.
Les montages ont mis en jeu trois barlows différentes
:
- une Perl 2x de facture moyenne, utilisée
dans les débuts, elle est maintenant abandonnée
- une Clavé 2x, ses qualités bien connues permettent des tirages
importants. Elle est toujours placée en tête lors d'un montage
en série. Utilisée seule, c'est elle qui donne l'échantillonnage
le plus fin.
- une Meade 2x courte, intéressante, sans défauts apparents
et de grande ouverture.
L'OBSERVATOIRE
Bien que transportable, l'instrument réside maintenant
à poste fixe dans un observatoire de forme carrée de 2,5 m
de côté. Cette surface permet de s'installer confortablement
avec tout le matériel d'observation à portée de main
et de circuler aisément autour de l'instrument. Trois platines sont
fixées au sol et reçoivent chacune un pied de la monture.
La platine Ouest est percée d'un trou et reçoit le pied pivot,
la platine Est est plane. La platine Sud est munie d'un U flanqué
de deux tiges filetées qui poussent et bloquent le pied Sud de la
monture dans le plan du méridien. Le réglage en hauteur est
assuré par un vérin fixé directement sur le pied Sud.
L'observatoire possède une toiture mobile qui circule sur deux rails
vers le Nord dégageant ainsi la quasi-totalité du ciel lors
des observations. Deux grandes portes peuvent être rabattues sur les
côtés Est et Ouest afin de protéger d'un éventuel
vent latéral.
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