Sommaire

Introduction
La démarche
L'instrument
L'observatoire
Les webcams
Acquisition
Expériences complémentaires
Réductions
Précision
Justesse
Conclusion

© Florent Losse
Ce texte est le compte rendu d'une communication auprès de la
Commission des Etoiles Doubles de la Société Astronomique de France
(Séminaire de Septembre 2002 à l'observatoire de Dax)
Il a été publié dans le bulletin N°40 de la Commission.

INTRODUCTION

Passionné depuis longtemps par l'observation visuelle des étoiles doubles, j'en suis tout naturellement venu à tenter de les mesurer. Du chronomètre à divers systèmes réticulés, puis de la grille d'Hertzsprung-Duruy au micromètre à fil, le parcours initiatique fut riche d'enseignements. Tandis que la grille arrive rapidement à ses limites avec un instrument d'amateur, le micromètre reste l'arme absolue. Les résultats sont au rendez-vous mais il ne faut pas ménager sa peine. Durée des mesures, incertitude permanente du moment où l'on s'estime en droit de relever les index, quasi-nécessité d'un montage permanent sur le télescope sont autant d'éléments qui ne plaident pas en faveur d'une pratique de la mesure chez l'amateur. Reste l'imagerie électronique. Fin 2000, la caméra CCD fixée sur un instrument professionnel est le privilège de quelques mordus et ceux qui s'adonnent à la mesure sur leur propre instrument sont tout aussi rares. Depuis plusieurs mois je suivais par curiosité les progrès incroyables des webcams dans l'imagerie planétaire. Leur réputation d'instruments peu sensibles en freinait l'utilisation dans le domaine stellaire. Devant le faible prix de ce matériel et possédant déjà un vieil ordinateur capable de le piloter, je me décidais toutefois à tenter ma chance. C'est ainsi qu'en janvier 2001 je devais installer une webcam sur le télescope me disant bien qu'en l'absence de résultats sur les doubles je pourrais toujours revenir au micromètre.

LA DEMARCHE

L'objectif étant de rester pragmatique il convenait d'établir un plan, de s'accorder une durée d'investigation raisonnable et de décider des conditions d'arrêt éventuel. Je me fixais donc une année soit une soixantaine de séances à mon rythme du moment et établissais le plan suivant :
0 Choisir le matériel
1 Acquérir le savoir-faire dans l'utilisation de la caméra
2 Apprécier les performances globales du système
3 Déterminer l'ordre de précision des mesures
4 Apprécier le niveau de justesse
5 Prendre la décision de poursuivre ou d'abandonner
6 Arrêter les méthodes de prise de vue et de réduction
7 Mettre en place un programme
8 Se faire plaisir
a) Choisir le matériel
L'objet convoité doit tenir dans le budget de l'achat d'une webcam et d'un ordinateur de base pouvant subir les affres habituelles de l'exposition nocturne et facilement remplaçable en cas de casse. Les moyens visuels permettant généralement d'atteindre les magnitudes 9/10, la caméra se doit d'être capable de faire aussi bien. La taille et la forme des pixels ont aussi leur importance. Une forme carrée semble idéale mais on peut s'en affranchir au prix d'une petite complication de la réduction. La taille détermine la résolution, les webcams sont bien placées de ce côté là avec des pixels généralement plus petits que ceux des caméras CCD. Muni de ces éléments, la lecture des archives de la liste Astrocam et les visites des sites de ses membres montrent que les choix sont vite réduits dès que l'on touche au domaine stellaire. Finalement, à l'époque où le choix du matériel a été fait, la Logitech QuickCam VC présentait le meilleur compromis. Acquise un peu plus tard, une Philips Vesta Pro a rejoint la VC pour l'évaluation.

b) Savoir-faire
Le remplacement de l'œil par un capteur impersonnel est un avantage indéniable dans le domaine des mesures. Il amplifie cependant quantité de petits défauts parfaitement accommodés visuellement.
- défauts d'entraînement de la monture
- défauts intrinsèques des surfaces optiques
- collimation imparfaite
- mise au point
- problèmes liés à la turbulence et aux conditions atmosphériques
Il devient dès lors nécessaire de corriger au mieux tous ces éléments, à tout le moins ceux sur lesquels on peut agir, ne serait-ce que pour rendre les séances de prise de vue plus agréables et les réductions à la fois plus précises et faciles. Que dire ensuite des multiples réglages propres à l'électronique et l'informatique ? De tous ces curseurs de réglages de la caméra, des divers modes images, de la compression, de l'usage de la couleur etc... La seule solution semble être itérative : choix des paramètres, prise de vue, comparaison, modification des paramètres etc…

c) Performances globales du système
Leur estimation peut être conduite simultanément avec l'acquisition du savoir-faire. Magnitude limite sur les trames brutes, étalement des images, sont-elles mesurables ? Les tests sont menés dans les conditions les plus diverses possibles, il faut profiter des possibilités offertes par un système de prise de vue rapide et la possibilité d'exploiter en temps différé : couples serrés, écartés, gradient de magnitude sans saturation du primaire, tout ceci bien sûr dans les configurations optiques les plus variées. Plus d'essais seront menés dans cette phase, plus les choix seront facilités et justifiés dans l'avenir.

d) Ordre de précision :
Pour chaque configuration optique, les moyennes entre les soirées sont-elles toujours proches ? Les écarts sur une même soirée sont-ils toujours dans une fourchette tolérable en fonction de l'objectif que l'on se fixe ?

e) Niveau de justesse
Pour chaque configuration optique les échantillonnages sont-ils constants ? Un simple graphe avec les séparations des étalons observés et les distances en pixels doit faire apparaître une ligne droite qui passe par l'origine.

f) Continuer ou abandonner ? !!!
La question peut paraître totalement incongrue mais il n'est pas inutile de se la poser. Si les résultats sont meilleurs que les autres méthodes alors : CONTINUER !!! S'ils sont en deçà des objectifs fixés : ABANDONNER !!! Et ne surtout pas remonter l'objectif de la webcam, la réserver tout simplement pour une autre de ses utilisations astronomiques.

g) Arrêter les méthodes :
Toujours le souci des mesures : la constance des éléments mis en jeu. L'expérience acquise dans les phases précédentes trouve toute sa justification ici. Le moins possible d'éléments nouveaux et s'il y en a, la vérification de leur influence. C'est l'heure des choix !!! h) Mettre en place son programme : Tout un programme ! L'amateur fait ce qu'il veut, rien ne l'empêche de le faire du mieux qu'il le peut. Là, tout un éventail de possibilités est offert : mesure des couples négligés, confirmation de systèmes ou d'éphémérides. Avec l'Internet la participation à un programme en équipe est sûrement une voie d'avenir.

h) Mettre en place son programme :
Tout un programme ! L'amateur fait ce qu'il veut, rien ne l'empêche de le faire du mieux qu'il le peut. Là, tout un éventail de possibilités est offert : mesure des couples négligés, confirmation de systèmes ou d'éphémérides. Avec l'Internet la participation à un programme en équipe est sûrement une voie d'avenir.

i) Le plaisir
Il y en a déjà tellement eu à prendre en main ce nouveau matériel, se désespérer d'aboutir, se demander pourquoi cet écart monstrueux, s'émerveiller de la vertu des moyennes, sauter de joie à o-c=0"01, et aussi à échanger quantité de mails ou converser longuement avec les amis duplicistes qu'il n'y a aucune raison de ne pas le prolonger !!!

L'INSTRUMENT

a) Le tube optique
L'instrument utilisé pour cette évaluation est un télescope de type Newton. Son objectif est un miroir de 203mm de diamètre fabriqué par la maison Astam en 1993.
Si l'on s'en réfère au bulletin de contrôle, il est de très bonne qualité.
Les impressions visuelles de toutes les personnes l'ayant utilisé vont également dans ce sens. De bonnes conditions permettent de travailler avec des grossissements supérieurs à 500x sur les planètes et les étoiles doubles.
Dès 0"8 un système double équilibré est nettement séparé et l'allongement est généralement constaté entre cette valeur et les limites théoriques. Ouvert à f/6, il est lumineux et délivre des images.contrastées.
Le miroir secondaire est maintenu par une araignée à quatre branches provoquant des aigrettes parfois gênantes sur les étoiles brillantes. Généralement utilisé en vallée de Garonne, il ne bénéficie malheureusement pas toujours de conditions optimales. Le tube est en contreplaqué de 10 mm d'épaisseur et mesure 1,25 mètre de long pour une section de 25 cm.
L'obligation de rejeter le foyer hors du tube conduit à utiliser un miroir secondaire un peu plus grand que souhaitable générant une obstruction de 20%.
Le miroir secondaire, proche de l'entrée du tube, est sujet à se retrouver embué lors des nuits humides. Un pare-buée en carton allongeant l'ensemble d'une vingtaine de centimètres offre dans ces cas une protection parfaite.

b) La monture
La monture est une monture à fourche inspirée du système dit Pierre Bourge bien connu dans le monde des amateurs.
La fourche en contreplaqué épais est rigidifiée intérieurement par des tiges filetées et la monture est métallique. Cette monture est également pliable permettant ainsi de transporter à l'occasion tout le télescope dans un véhicule de taille normale.
Depuis quatre ans, l'instrument est majoritairement utilisé pour l'observation et la mesure des étoiles doubles. Il a subi de nombreux aménagements afin de faciliter sa mise en œuvre dans ce cadre. C'est ainsi que le chercheur a été déposé pour être remplacé par un télescope de 115/900 monté en parallèle, que des cercles surdimensionnés ont été installés et qu'un porte-oculaire spécifique a été fabriqué. L'entraînement horaire est assuré par un système à tige filetée et secteur lisse. Lui aussi a été le sujet d'aménagements originaux.
Le ruban habituel a été remplacé par un câble passant en boucle dans deux poulies de renvoi. Il est entraîné par une platine sur coussins de bakélite qui coulisse le long d'une tige ronde de fort diamètre et parfaitement rectiligne. Un doigt métallique autorisant un certain jeu perpendiculaire à l'axe d'entraînement assure la liaison avec l'écrou tracteur. Cette combinaison fait disparaître les tractions latérales sur le câble et ne transmet à la platine que le mouvement de translation de l'écrou. Les effets périodiques néfastes d'une mauvaise tige filetée disparaissent ainsi en grande partie.

c) Les montages optiques
Tous les essais furent menés sur le même instrument.
Quelques-uns furent parallèlement suivis chaque fois que possible par Sébastien Caillé avec un Celestron C8. La caméra est débarrassée de son objectif d'origine et de son inséparable filtre anti-IR. De nombreuses combinaisons ont été testées, du foyer jusqu'à l'interposition de deux barlows en série donnant une focale résultante de près de six mètres.
Les montages ont mis en jeu trois barlows différentes :
- une Perl 2x de facture moyenne, utilisée dans les débuts, elle est maintenant abandonnée
- une Clavé 2x, ses qualités bien connues permettent des tirages importants. Elle est toujours placée en tête lors d'un montage en série. Utilisée seule, c'est elle qui donne l'échantillonnage le plus fin.
- une Meade 2x courte, intéressante, sans défauts apparents et de grande ouverture.



L'OBSERVATOIRE

Bien que transportable, l'instrument réside maintenant à poste fixe dans un observatoire de forme carrée de 2,5 m de côté. Cette surface permet de s'installer confortablement avec tout le matériel d'observation à portée de main et de circuler aisément autour de l'instrument. Trois platines sont fixées au sol et reçoivent chacune un pied de la monture. La platine Ouest est percée d'un trou et reçoit le pied pivot, la platine Est est plane. La platine Sud est munie d'un U flanqué de deux tiges filetées qui poussent et bloquent le pied Sud de la monture dans le plan du méridien. Le réglage en hauteur est assuré par un vérin fixé directement sur le pied Sud. L'observatoire possède une toiture mobile qui circule sur deux rails vers le Nord dégageant ainsi la quasi-totalité du ciel lors des observations. Deux grandes portes peuvent être rabattues sur les côtés Est et Ouest afin de protéger d'un éventuel vent latéral.


>>>