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Journal de bord
mai 2002

ESSAI

COMMENT J'AI DÉCOUVERT LE « LITTLE-BANG »

par le professeur Anadin Divi


Le big-bang est de nos jours un sujet de conversation inépuisable et l'on s'interroge sans fin à son sujet : est-il réel ? la fuite des galaxies atteste-t-elle de sa disgrâce physique ? le rayonnement à trois degrés mesure-t-il sa place dans une hiérarchie secrète ? La constance de l'abondance d'hélium 4 dans toutes les directions indique-t-elle qu'il n'aime pas l'hélium 6 ? l'ultraviolet, le jaune, l'orange et le rouge sont-ils les couleurs de son drapeau ? les périodes radiatives et matérielles sont-elles les âges de sa croissance ? l'une d'elles correspond-elle à la puberté ? et ainsi de suite...

Ce déluge médiatique de questions incessantes sur un phénomène somme toute secondaire permet de reléguer dans l'ombre d'autres phénomènes, voire des anti-phénomènes, beaucoup plus profonds, mais plus difficiles à appréhender pour l'intellect limité de collègues qui seraient bien en peine d'en donner une analyse au grand public et, pour cette raison, préfèrent s'en tenir au plus visible, au plus simple, bref, au plus « big ». Il m'appartient donc, une fois encore, de découvrir - en d'autres termes : de dévoiler - les merveilles inattendues cachées dans les obscures profondeur du cosmos illimité et temporaire, merveilles dont le « little-bang » est le représentant le plus injustement ignoré.

Pourquoi cette méconnaissance crasse d'un phénomène aussi majestueux ? Parce qu'il est petit - « little » en jargon anglo-mondial-saxon -, on aura tendance à le chasser de ses préoccupation comme on éloigne un moucheron d'une tape dédaigneuse. Mais attention, telles les puces qui colonisent nos cartes mères, il joue un rôle fondamental, quoique invisible à l'oeil nu, dans l'organisation du big-bang. Une démonstration s'impose, que j'expose sans pause publicitaire dès le paragraphe suivant.

Bienvenue dans ce paragraphe qui, s'il faut en croire le paragraphe précédent, est le « paragraphe suivant » dont il était question dans ce dernier, alors qu'en fait tout porte à croire qu'il s'agit d'un « paragraphe en cours ». Court, le little-bang l'est sans consteste - notez au passage la virtuosité de mes transitions -, et cela s'avère d'autant plus nécessaire que s'il était plus grand, rien ne le différencierait du big-bang avec lequel il se confondrait, perdant alors toute spécificité, voire toute existence autonome. Car le little-bang, voyez-vous, et je simplifie pour que vous puissiez suivre, le little-bang, disais-je, ressemble fort au big-bang, mais en diffère sur un point essentiel : la taille. Mais comment un tel prodige est-il possible, puisque le big-bang lui-même part d'un point sans dimension, l'espace n'existant pas avant lui ?

Nous sommes là au coeur du problème, comme aimait à dire un cardiologue de mes ennemis avant l'arrêt du sien. Réfléchissez un peu, pourquoi parler de « big » bang à un moment où les mesures centimétriques ou autres ne s'imposent pas ? Pour quelle raison inavouable mes collègues ont-ils décrétés ce bang « big » ? Vous avez quatre heures pour répondre à cette question en moins de 12 pages avec marge pour la correction, avant de passer au paragraphe d'après.

Réponse : le bang n'était ni gros ni petit à l'instant Zorro, mais contenait virtuellement le grand et le petit qui allaient se déployer à partir de lui comme les ailes se déploient de part et d'autre d'un serpent pour donner un oiseau. Conclusion : le bang n'a pu être qualifié de « big » qu'à l'instant zéro + n, n représentant ici une fraction tellement infinitésimale de temps écoulé qu'on se contente de la désigner, faute de pouvoir la mesurer. Or n, si l'on y regarde de plus près, s'avère être une quantité temporelle supérieure à n - n/2. Ce qui nous laisse avec la question suivante : si le bang était « big » à l'instant zéro + n, que pouvait-il bien être à l'instant zéro + n - n/2 ou, pour le dire autrement, à l'instant zéro + n/2, époque où, vous vous en souvenez, il n'apparaissait pas encore comme « big », cette dernière venant plus tard dans l'échelle des temps ? La réponse est lumineuse et aveuglante, même si la lumière ne se déplaçait pas très loin à ce moment : nous sommes en présence du little-bang, cela ne fait plus aucun doute. Comme quoi un bang peut en cacher un autre.

Une prochaine fois je vous raconterai comment j'ai découvert le « micro-bang », le « medium-bang », le « bang extra-large », le « bang-XXL » et le « grand bang en avant ».


08/2001