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Journal de bord
Juillet 2004

Mme Piotelat, je viens de prendre connaissance avec intérêt des critiques que vous avez formulé à l'encontre de mon ouvrage sur l'effet de serre en 2000, et qui sont accessibles sur votre site Internet. Je ne m'attarderai pas sur les dimensions subjectives et passionnelles de votre jugement, qui vous est personnel. Je souhaiterais en revanche revenir sur certains propos davantage factuels, et auquels je dois réagir. En espérant que ces quelques éléments de réponses vous intéressent.

« Bien sûr qu'il faut réduire le rejet de CO2 dans l'atmosphère. Mais à quoi cela servira-t-il ? Finalement, quelques degrés supplémentaires ne nous déplairaient pas. »

Qui se cache derrière ce nous ? Il est vrai que le réchauffement climatique peut rendre plus agréables certains climats nordiques, comme ce fut le cas au Moyen-Age lorsque le Groenland (la Terre verte) fut colonisé par Eric le Rouge. Certaines régions de la planète (par exemple le nord des Etats-Unis) connaissent déjà une saison agricole plus longue de plusieurs semaines, grâce au léger réchauffement constaté au XX° siècle. Mais un réchauffement climatique important serait désastreux pour de très nombreux pays, en particulier les régions côtières et les pays du Sud. Tout l'effort actuel de simulation informatique du futur changement climatique porte d'ailleurs sur une estimation des changements spécifiques à chaque région.

« François Ploye trahit à plusieurs reprises un étonnant rejet de la technologie. Par exemple, il estime qu'il faut quarante ans pour qu'une technique se diffuse à grande échelle. N'est-ce pas faire preuve de pessimisme ? Les ouvrages de science-fiction des années 60 ne parlent ni d'ordinateur personnel, ni de réseau informatique, et encore moins de télephone portable. Bien malin celui qui pourra décrire l'environnement technologique de 2040. »

mea culpa, ce genre de chiffres (quarante ans) n'apporte rien au débat. Je voulais juste mettre en garde contre la lenteur de la diffusion de certains technologies lourdes, je songe en particulier aux automobiles. Il faut additionner le temps d'industrialiser à moindre coût une nouvelle technique, le temps de construire et de fabriquer, et le temps de persuader les clients éventuels et de leur soutirer des sous. Les ouvrages des années 60 ne parlent en effet pas d'ordinateurs personnels, mais c'étaient les débuts de l'informatique et il a fallu près de quarante ans pour que les ordinateurs se diffusent réellement dans chaque foyer... et encore seulement des pays riches.

« Pour en revenir à l'effet de serre, cette théorie fut énoncée pour la première fois en 1896 par le suédois Arrhénius. Ne s'agirait-il pas encore d'une crainte millénariste ? »

Argument un peu facile, d'autant plus que Arrhénius ne vivait pas dans la crainte, mais pensait au contraire que le réchauffement climatique allait être profitable à l'agriculture suédoise. Tout ceci est d'ailleurs expliqué dans mon ouvrage que vous avez semble-t-il un peu trop survolé.

« L'anthropocentrisme omniprésent dans l'ouvrage m'a beaucoup dérangée. N'est-ce pas prétentieux de rendre l'homme responsable des tremblements de terre et autres tempêtes ? Si nous avons besoin de notre planète pour exister, l'inverse n'est pas vrai. »

Cette question est très exactement la raison du titre de mon ouvrage, la théorie de l'effet de serre ne serait-elle qu'une version moderne du Déluge, où l'homme est donné comme coupable des calamités naturelles ? Ou existeraient-ils de réelles preuves scientifiques en faveur de cette théorie ? Vous avez du remarquer que je suis moi-même prudent dans ma réponse, à l'exemple des experts du sujet. Les activités humaines viennent interférer avec les mécanismes naturels dans des proportions malaisées à mesurer, elles ne s'y substituent pas.

« Pour l'auteur, le seul intérêt de la conquête spatiale est l'observation de la Terre. Il en profite pour critiquer ouvertement les programmes de recherche de vie sur Mars et d'exploration du système solaire. Ce n'est pas en se regardant le nombril que l'on avance. »

Attention, je suis personnellement favorable aux missions d'exploration du système solaire, mais avec des investissements raisonnables par rapport à l'enjeu. Mais il est clair qu'il fut un temps où des sommes colossales ont été dégagées, par exemple pour poser le pied sur la Lune. L'objectif n'était pas philanthropique, c'était une compétition entre hyper-puissances, que la fin de la guerre froide a fait disparaître. Je suis donc heureux qu'un certain nombre de technologies, développées pour le spatial, aient été mises au service de la connaissance de notre planète, sur laquelle nous continuons à devoir vivre.

« L'observation du ciel rural est largement suffisante pour se rendre compte de la mauvaise qualité de l'air dans les villes. Il n'y a plus besoin de menaces quasi religieuses ni de batterie de satellites pour fournir les données traitées par simulation informatique. (...) Bien sûr, tout le monde ne tourne pas spontanément son regard vers les étoiles et peu se préoccupent de leur environnement, voire de leur santé. La pollution de l'atmosphère est négligeable par rapport à celle causée par un seul fumeur dans une pièce fermée. »

Certaines causes de l'effet de serre sont communes à celles de la pollution de l'air, mais il s'agit dans un cas de risque de dérèglements climatiques, dans l'autre d'un problème de santé publique. Enfin la résolution d'un des problèmes peut faire empirer l'autre. Envoyer les citadins avec leurs voitures à la campagne, va déplacer et diluer la pollution émise, donc améliorer la qualité de l'air en ville, mais l'effet global pour l'effet de serre sera pire, si les citadins, une fois à la campagne, font davantage de kilomètres !!

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François Ploye