Modification d'un tube optique Schmidt-Cassegrain C14"

  1. Problématique
  2. Démontage du tube
  3. Flocage du tube d'origine
  4. Mise en place des ventilateurs
  5. Blocage du miroir
  6. Remplacement du tube d'origine par un tube en carbone
  7. Remontage du tube
  8. Conclusion

Ces modifications ont fait l'objet d'une conférence donnée au Rencontre du Ciel et de l'Espace en 2008 à Paris. Vous trouverez en pièce jointe sous format pdf l'intégralité de cet exposé. Cliquez içi.

Problématique

Les tubes optiques Schmidt-Cassegrain (SC) sont très répandus parmi les amateurs. Leur excellent rapport qualité/prix/compacité n'est pas étranger à leur succès depuis plusieurs dizaines d'années.

La compacité est due à un miroir principal très ouvert (f/2,2 pour le C14) et à un miroir secondaire amplifiant l'image d'un facteur 5. Le faisceau lumineux est replié deux fois puis passe par un trou pratiqué au centre du miroir primaire.

La mise au point est réalisée en déplaçant une platine supportant le miroir primaire selon un tube guide faisant office de pare lumière. Le déplacement est donné par une vis à pas fin qui prend appui en un point sur la platine.

Le gros inconvénient de ce système est d'occasionner un petit basculement du primaire dès que l'on actionne la vis de map. La conséquence est un décalage latéral de l'image plus ou moins prononcé selon le jeu existant entre le tube guide et le tube pare-lumière central. La couche de graisse d'origine permet notamment de compenser le jeu mais à l'usage...

Ce problème est inhérent à tous les Schmidt-Cassegrains : il est plus ou moins prononcé mais en tous cas, toujours présent.

En visuel, cela n'est pas trop gênant mais en photographie, notamment planétaire, il est très pénalisant. Une planète comme Jupiter peut osciller de son diamètre si le jeu est trop conséquent. L'image peut même sortir du champ visé avec de très longues focales...

Une autre conséquence, plus sournoise, est, une fois la map effectuée, le basculement lent du primaire selon la visée du tube. Si la map est faite le tube visant à l'est du méridien, le miroir prend appui sur un coté du tube pare lumière. Lorsque le télescope passe le méridien pour suivre un astre vers l'ouest, le miroir bascule par son propre poids. L'image suit le même mouvement et se décale de plusieurs dixièmes de mm.

Ce problème peut être corrigé en bloquant le primaire une fois la map dégrossie. Le point est ensuite affiné par un focuser externe de type Crayford. Il est bien regrettable que Celestron n'ait pas intégré d'origine un système de blocage...

L'autre inconvénient des SC est propre à toutes les optiques fermées. Le temps d'égalisation thermique entre l'intérieur du tube et l'extérieur peut être très long vu le volume d'air à refroidir simplement par convection. Et tant que la température interne n'est pas stabilisée, la position du point change. Sur un SC, une baisse de 2°C est sensible sur la map. L'idéal est un tube ouvert mais bon, sur un SC, ce n'est pas gagné... Une solution palliative est d'installer des ventilateurs pour accélérer le cooling du scope. Là aussi, Celestron aurait pu...

J'ai donc décidé d'intégrer plusieurs améliorations sur le tube de mon C14. En l'occurrence :

Mais pour commencer il faut démonter entièrement le tube. Glups !

 

Démontage du tube

Chaud ! Cela fut chaud de chez chaud... Vu le prix du scope, il est toujours délicat de se lancer dans ce genre d'aventure, surtout que le mien était neuf et sous garantie. Finie la garantie...

Il faut procéder par ordre :

    1. Reculer le primaire à fond,
    2. Repérer radialement l'orientation du tube par rapport au barillet AR,
    3. Repérer la position de la couronne retenant la lame par rapport au tube,
    4. Ôter la couronne retenant la lame correctrice (ATTENTION : la lame n'est plus maintenue !)
    5. Repérer radialement la position de la lame par rapport à son support (faire une marque au feutre),
    6. Ôter la lame correctrice et la mettre en lieu sûr...
    7. Dévisser les 6 vis et écrous fixant le tube sur le barillet AR,
    8. Déboîter le tube du barillet (pas facile du tout),
    9. Démonter le bouton de mise au point AR,
    10. Enlever le miroir primaire en le faisant glisser le long du tube pare lumière et lui aussi le mettre en lieu très sûr !

Voilà, tout est démonté. Il n'y a pas grand chose finalement...

Quelques précisions importantes sur les étapes précédentes :

Etape 2 : le primaire et la lame sont appairés optiquement. Il est donc indispensable de faire une marque au feutre sur la lame et sur le support en aluminium pour retrouver le réglage d'origine.

Etape 6 : la lame peut coller un peu sur ses cales en liège. Ne pas forcer. En cas de résistance, il est possible de donner un léger choc sur le coté du support de lame pour la décoller. Tenir la lame par le support du secondaire. Mettre des gants pour éviter les traces de doigts qui seront difficiles à enlever.

Etape 7 : le démontage du tube demande d'enlever les six vis et écrous le retenant au barillet. Attention, l'opération est très délicate ! Pourquoi ? Tout simplement parce que les écrous à l'intérieur du tube ne sont qu'à 1 cm de la surface du miroir. Autant dire qu'il vaut mieux être très concentré et anticiper les mouvements... Bien entendu le tube est horizontal et bien calé... Il faut tenir d'une main l'écrou et de l'autre desserrer la vis. Une fois la vis enlevée, on peut faire glisser l'écrou vers l'avant du tube pour le récupérer plus sereinement qu'à 1 cm du miroir...

Etape 8 : après ce que l'on vient de vivre à l'étape précédente, on se dit qu'enlever le tube du barillet va être du gâteau.. Et bien non ! C'est très difficile et j'ai vraiment douté à ce moment là. Car le tube est emmanché à force plus collage dans le barillet. Et l'enlever demande une action plutôt musclée à l'aide d'un maillet. Mettre une cale en bois le long du tube et l'appuyer sur le support de lame. Donner axialement un petit coup sec avec le maillet. Puis recommencer de l'autre coté du tube et ainsi de suite. Le tube sort (très) progressivement. Ne pas oublier que le miroir est toujours à l'intérieur...

Etape 9 : le démontage du bouton de mise au point est une vraie récréation après ce que l'on vient de vivre... Il suffit d'ôter le bouton en caoutchouc pour accéder au mécanisme. Au centre, on trouve une vis cruciforme que l'on doit enlever. Il est alors possible d'extraire le mécanisme de map composée d'une noix en laiton et de deux roulements juxtaposés.

Le mécanisme enlevé, le filetage de la vis fixée sur la platine est très exposé aux chocs : le protéger immédiatement avec du ruban adhésif épais.

Etape 10 : désormais, il est possible d'enlever le miroir primaire. Il faut au préalable enlever un joint torique situé sur le tube pare lumière. Ce joint torique fait office de butée. Cela fait, il suffit d'empoigner le tube guide au dessus du primaire et de faire glisser l'ensemble vers l'extérieur. Déposer le miroir en lieu très sûr et le couvrir.

Ca y est, c'est fini. On peut aller prendre un café ou trois aspirines...

 

Flocage du tube

L'intérieur du tube d'origine est simplement revêtu d'une couche de peinture noire mate. Il n'y a pas non plus de bafflage interne comme on peut en trouver sur les lunettes de bonne facture. La conséquence est une sensibilité aux réflexions parasites. Il suffit de mettre une source de lumière en bordure de champ pour visualiser la présence de reflets. Le fond de ciel est moins noir et les planètes comme la Lune présentent une perte de contraste.

Une solution simple pour réduire les reflets est de revêtir le tube d'un velours noir adhésif. J'ai opté pour un velours noir Protostar (USA) avec adhésif renforcé pour application sur peinture. Ce Protostar a l'avantage d'être moins pelucheux que du Venillia et colle franchement plus fort.

La mise en place ne pose pas de problème si l'on est soigneux et que l'on procède par étapes. Il est recommandé de coller en plusieurs fois des bandes d'environ 20cm de large et de la longueur du tube. On décolle une largeur de 5 cm et on l'applique en la pressant avec les doigts. Puis on décolle une nouvelle bande de 5cm et ainsi de suite. Il vaut mieux prendre son temps pour éviter bulles et autres replis. L'adhésif accroche très fort et il vaut mieux assurer ses gestes...

Le résultat :

On peut ensuite nettoyer l'intérieur du tube avec un aspirateur. Ce n'est pas tous les jours que l'on passe l'aspirateur dans un tube de C14... mais il y a beaucoup de place !

 

Une alternative radicale au simple flocage du tube d'origine est de remplacer ce dernier par un tube en fibre de carbone floqué. L'intérêt de la chose est expliqué au paragraphe 6.

Tant qu'on y est, on peut aussi réaliser le flocage du support de miroir secondaire.

Survolez l'image de droite pour visualiser avant / après flocage.

On finira par un coup de bombe noire mate à l'intérieur du tube pare lumière du barillet.

 

Mise en place des ventilateurs

J'ai décidé de mettre un ventilateur qui extrait l'air intérieur et un autre qui aspire l'air extérieur de manière à assurer une circulation d'air. Les ventilateurs comporte des filtres et des grilles. Pour une meilleure maintenance (si un ventilo est HS) les éléments sont situés à l'extérieur du barillet. Les mettre à l'intérieur aurait été plus esthétique mais en cas de panne, il faudrait démonter de nouveau le tube...

Les ventilateurs font 60mm de diamètre, 15 mm de hauteur et sont alimentés en 12V (type Evercool EC6015).

Avant tout usinage, il faut protéger des chocs et des copeaux l'intérieur du barillet et le tube pare lumière.

Le plus long dans l'affaire est de percer deux trous de diamètre 57 mm dans le barillet en aluminium. Pour ce faire, j'ai tracé les diamètres puis percé plusieurs trous juxtaposés de diamètre 6 mm. La finition et l'ébavurage se font à la lime.

Une fois les alésages réalisés, on pointe les emplacements des vis de fixation (4 par ventilo) puis on perce et taraude les trous. L'aide d'une petite perceuse à colonne est chaudement recommandé...

Une fois le tube remonté, on peut mettre en place les ventilateurs, les filtres et les grilles de protection. Faire attention au sens de rotation, un doit souffler et l'autre aspirer...

J'ai intégré un petit switch et une led dans un minuscule boîtier collé à l'arrière du barillet. Ce boîtier reçoit un jack 3,5mm pour l'alimentation 12V des ventilos.

 

Blocage du miroir

Le C14 dispose d'un dispositif spécifique de blocage durant le transport, unique dans la gamme Célestron.

Le miroir dispose d'une platine arrière en aluminium comportant trois taraudages à 120°. L'un d'eux est occupé par un goujon relié au système de mise au point. Les deux autres taraudages servent au blocage du miroir pour le transport : le miroir, très lourd, est reculé à fond en arrière et deux vis passant par deux taraudages sur le barillet viennent reprendre la platine AR pour bloquer l'ensemble.

J'ai profité de cette spécificité pour concevoir un mécanisme reprennant ce principe mais sur toute la plage de déplacement du miroir.

Le mécanisme comporte deux pièces en inox : un guide serré sur le barillet (en lieu et place des taraudages du barillet) et une tige coulissante de diamètre 7mm vissée dans les taraudages d'origine de la platine miroir.

Une fois la map dégrossie avec la molette principale, la tige est introduite dans son guide. Elle est vissée dans le taraudage de la platine. La tige est ensuite bloquée grâce à une vis latérale de blocage.

Le montage du guide nécessite de repercer le barillet AR au niveau des taraudages 1/4" d'origine puis de tarauder à M10.

Il y a bien entendu deux systèmes similaires à installer, le troisième point d'appui est donné par le bouton de mise au point.

 

Tube en fibre de carbone

Une alternative intéressante au tube en aluminium floqué est de le remplacer par un tube en fibre de carbone. L'intérêt de ce matériau est double : sa densité et son coefficient de dilatation thermique sont sensiblement plus faibles que l'aluminium.

L'écart de densité (1,6 au lieu de 2,7) permet un gain de poids de 1,2 kg sur le tube seul.

Le faible coefficient de dilatation thermique (0,4 au lieu de 26 µm/m/K) est une propriété beaucoup plus intéressante dans le cadre de l'astrophotographie du ciel profond.

Il est bien connu qu'en photographie longue pose la mise au point bouge avec l'évolution de la température nocturne. Dans le cas des télescopes SCT, la cause principale est la contraction du tube en aluminium avec la baisse de température en cours de nuit. Ce qui occasionne une lente mais inexorable perte de focalisation. Celle ci est de 0,12mm pour un delta de 2°C. Soit 40% des 0,3 mm de l'intervalle de tolérance de mise au point à f/11 !

Passer à un tube carbone permet de réduire considérablement ce problème par la nature même du matériau. Il est désormais possible de subir une chute de température plus conséquente que 2°C sans défocus.

Je me suis procuré ce tube en fibre de carbone floqué noir d'origine (black velvet) et aux dimensions exactes du tube d'origine auprès de Frank Uruda de Public Missiles (USA).

 

Remontage du tube

Il suffit de procéder à l'inverse. On prendra autant de soin au montage que lors du démontage.

Commencer par regraisser le tube pare lumière dans la zone de coulissement du miroir. Utiliser une graisse spéciale pour pompe à vide poussé (type DOW CORNING high vacuum grease). Cette graisse a une excellente stabilité thermique et surtout une volatilité quasi nulle de ses composants.

Mettre en place le miroir et enlever les éventuels excédents de graisse. Ne pas oublier de remettre le joint torique faisant office de butée haute sur le tube... Remettre le mécanisme de mise au point et bloquer le miroir en position AR.

Placer le barillet à plat et positionner le tube floqué en face du repère fait lors du démontage. Les trous doivent correspondre avec les trous du barillet. Enfoncer le tube à fond dans le barillet à l'aide d'un maillet. Mettre l'ensemble à l'horizontale. Remettre les 6 vis et écrous de fixation du tube. Attention à ne pas toucher le miroir !

Placer la lame en face de son repère et la plaquer sur ses butées en liège. Enfin visser la couronne sur le barillet.

Ça y est, c'est fini !

 

Conclusion

Il m'a fallu du temps avant de me lancer dans cette aventure. Customiser un télescope de plusieurs milliers d'euros sous garantie n'est pas sans risques. Mais les défauts devenaient vraiment pénalisants en astrophotographie, notamment la mise en température très longue et surtout le bougé incontrôlable du miroir primaire. Alors, à un moment, il faut y aller !

L'amélioration la plus notable est le bridage du miroir primaire.

Les mouvements du primaire ont été fortement réduits mais pas complètement supprimés. En effet, le système installé fixe la platine AR par rapport au barillet mais pas le miroir vis à vis de la platine. Le miroir est "serré en son centre par un écrou plus rondelles en liège sur le tube guide. Vu la masse du miroir, celui-ci peut encore fléchir sur les rondelles en liège.

La mise en température du scope est beaucoup plus rapide. L'action des deux ventilateurs est impressionnante. On visualise très bien sur une étoile brillante défocalisée. Il faut désormais moins d'une heure pour stabiliser le tube avec un delta de température d'environ 15°C. Auparavant, il fallait plusieurs heures... Les filtres protègent bien des entrées de poussières. La commande en 12V est très pratique grâce au cordon allume cigare utilisé pour d'autres accessoires (Robofocus).

Le flocage du tube apporte un gain sensible mais pas à tomber par terre... En observation lunaire, le terminateur est plus noir et le contour des planètes est moins diffus. En observation du ciel profond, mon fond de ciel toujours bien lumineux pour cause de pollution lumineuse est un peu plus noir. Ce n'est pas fracassant mais à mon avis sensible.

Devant le coût minime de ces améliorations, il est vraiment dommage que Celestron ne les aient pas intégrées d'origine vu le prix de ses tubes optiques, notamment le C14. Si vous êtes un tantinet mécanicien, je vous engage à vous lancer dans l'aventure, cela vaut largement le coup mais ce n'est pas sans risques...