Débuter en photo du ciel de nuit

Présentation au club-photo grain d'images le 18 novembre 2009
Cliquez sur les vignettes pour les agrandir

Jean-Marc Lecleire


Quel matériel utiliser ?

1/ Quel appareil-photo permet de faire de la photo du ciel la nuit ?
Tous les appareils permettent faire de la photo de nuit à partir du moment où ils peuvent être contrôlés manuellement. Opérer en mode manuel signifie en priorité avoir le contrôle du temps d'exposition puis contrôler l'ouverture (diaphragme). Plus l'appareil photo sera équipé d'un objectif lumineux (rapport d'ouverture F/D le plus petit possible), plus il pourra recueillir une quantité importante de lumière, ce qui est primordial en photographie nocturne.

Les appareils photo reflex sont donc avantagés car leurs objectifs sont plus lumineux que ceux des appareils compacts.

Appareil compact (C) Kodak

Appareil reflex (C) Canon

Pour réaliser de belles photographies du ciel nocturne, les réglages suivants de l'appareil doivent être accessibles :

- La durée du temps d'exposition : 10, 20 ou 30s et la pose B : plus le temps de pose sera long, plus la photo sera claire
- Le réglage des ISO (sensibilité) : plus la sensibilité sera élevée, plus la photo sera claire
- Le contrôle de la mise au point doit être débrayable pour pouvoir prendre des photos dans le noir sans utiliser l'autofocus. Bien entendu, lorsqu'on photographie les étoiles, la mise au point doit être réglée à l'infini

Côté objectifs, il est préférable d'utiliser un grand angle afin de viser la plus grande portion du ciel possible sur la photo et d'éviter le bougé dû au mouvement des étoiles. En effet, du fait de la rotation de la Terre sur elle même en 24 heures, nous avons l'impression que c'est le ciel qui tourne au dessus de nos têtes. Le mouvement est trop lent pour être perçu à l'oeil nu, excepté au lever ou au coucher du Soleil, par exemple ; en revanche ce mouvement est perceptible dès 30 secondes de pose avec un objectif grand angle (18 mm de focale). Si l'on dispose d'un objectif fish-eye 8 mm de focale, on peut poser jusqu'à 1 minute sans ressentir les effets de la rotation de la Terre sur le ciel.
Avec un téléobjectif (focale supérieure à 100 mm), le champ se réduit et son emploi est plutôt réservé aux possesseurs de montures équatoriales équipées d'un moteur qui compense la rotation de la Terre.

Ici une image du ciel en entier prise avec un fish-eye (8 mm de focale)

Ici une image du ciel au grand-angle 18 mm. Une traînée verte traverse la constellation d'Orion : il s'agit d'une étoile filante !

Ci-dessus : deux images de la comète Hele-Bopp en 1997. A gauche : au grand angle 35 mm ; à droite au téléobjectif 135 mm. Pour l'image de gauche, un temps de pose de 30 s pourrait suffire, ce qui éviterait l'emploi d'une monture équatoriale ; à droite, l'emploi d'un téléobjectif rend obligatoire l'emploi d'une monture équatoriale.

Ci-contre : une monture équatoriale équipée d'un moteur et permettant de compenser la rotation de la Terre au cours des poses longues. Photo (C) Medas

Petit rappel sur les objectifs : plus la valeur de l'ouverture sera faible (F/4, F/2 ou moins), plus l'objectif sera lumineux. Entre deux valeurs du diaphragme, la quantité de lumière est multipliée (ou divisée) par deux. Exemple : entre F/2 à F/2,8 ou entre F/2,8 à F/4. Donc si on ouvre ou ferme d'un diaphragme, on doit poser (théoriquement) deux fois plus ou deux fois moins longtemps pour obtenir le même résultat.

Exemple d'objectif lumineux adapté à la photo de nuit : 30 mm ouvert à F:1.4. (C) Sigma

Objectif photo équipé du réglage manuel du diaphragme ; les valeurs du diaphragme sont notées sous le réglage de la mise au point . Quand on passe, par exemple, de F:2.8 à f:4, la quantité de lumière est divisée par deux, idem entre f:4 et f:5.6, et ainsi de suite... Entre f:2.8 et f:22, la quantité de lumière est réduite par... 2x2x2x2x2x2x2 = 128 fois ! (C) Nikon

2/ Accessoires utiles

- Un déclencheur souple à distance : selon les types d'appareil photo, par prise jack ou prise spécifique. Permet de déclencher des poses sans toucher à l'appareil photo, donc sans faire bouger l'appareil

A gauche : déclencheur filaire pour appareil numérique ; à droite : déclencheur souple à blocage pour appareil argentique

- Un trépied stable, car on ne peut plus tenir l'appareil photo à la main sans occasionner de bougé dès qu'on dépasse ¼ s

Trépied photo avec tête orientable

Attention de ne pas marcher trop près du trépied au cours des poses photographiques car les vibrations peuvent se transmettre à l'appareil photo !

- Un pare buée en papier buvard ou une chauferette pour empêcher la rosée ou le givre de se déposer sur les optiques de l'appareil photo durant la nuit !

Ci-contre : l'effetd ela buée sur la qualité des images. A gauche, une portion du ciel étoilé posé 30 s à 1600 ISO ; à droite la même chose mais avec un dépôt de buée sur l'objectif !

- Des piles de rechange ou poignée batterie "grip" car l'utilisation prolongée de l'appareil photo dans le froid consomme beaucoup d'énergie !

La poignée grip se fixe sous l'appareil photo ; elle contient des piles ou des batteries et augmente l'autonomie de l'appareil photo. (C) Canon

- Des habits chauds pour le photographe

Remarque : le flash peut être utilisé pour éclairer le premier plan au cours d'une pose longue, mais il est inutile pour éclairer le ciel ou un arrière plan trop distant

Principe de la photo de nuit

En argentique...

Le plus simple, pour commencer, et de comprendre comment on faisait "avant" en photo argentique

En argentique, seuls les appareils reflex permettaient de réaliser des poses longues. Pour photographier un premier plan avec un fond étoilé, on plaçait l'appareil photo reflex sur un trépied, mise au point à l'infini, réglé en mode manuel sur la pose B. On utilisait un déclencheur souple à blocage. Côté objectif, l'ouverture du diaphragme était déterminée en fonction de la sensibilité du film et de la lumière ambiante (ville, clair de Lune, ciel de montagne...)
Par exemple, avec de la pellicule 64 ISO à la campagne par une nuit sans Lune, on pouvait réaliser des "filés" d'étoiles en posant 4 ou 5 heures avec une ouverture de F/4 ou F/5,6 selon la luminosité ambiante ; pour des poses plus courtes (étoiles filantes, étoiles figées) : 400 à 1600 ISO mais au détriment d'un grain plus important !
Faire une pose de plusieurs heures (afin d'enregistrer des trainées d'étoiles les plus longues posible) demandait un ciel bien noir, loin de la pollution lumineuse des villes.

Durant la pose de parfois plusieur heures, la photo enregistrait tous les objets lumineux qui passaient devant l'objectif : avions, étoiles filantes, lampes de poche, phares de voiture... On s'apercevait parfois -trop tard- que la photo était ratée à cause d'un éclairage indésirable visible en plein milieu de la photo ! Et bien sur, en argentique, on avait le résultat après le développement du film

Exemple de filé d'étoiles en argentique : 4 heures de pose au 35 mm sur diapo 64 ASA

Mer de nuages au Pic du Midi avec le déplacement des étoiles durant la pose de 5 minutes


Comment fait-on en numérique ?

On utilise la même technique qu'en photo argentique sauf pour la durée de la pose. En effet, si on réalise une pose photographique de plusieurs heures avec un appareil numérique, on va rencontrer deux gros problèmes :

  1. l'appareil va tomber en panne de batteries (le froid de la nuit aidant à vider les batteries encore plus vite)
  2. le capteur électronique de l'appareil photo va chauffer et un grand nombre de points blancs apparaîtront sur la photo. Ce sont des pixels chauds dus aux imperfections du capteur sensible. En photo traditionnelle, ces points blancs sont invisisibles. On commence à les percevoir sur les photos posées plusieurs secondes. On verra plus loin comment les enlever de la photo

A cela se rajoute la montée du fond de ciel, d'autant plus important que l'on est proche d'une ville (c'est le même problème qu'en argentique)

Donc au lieu de faire une seule pose de plusieurs minutes ou plusieurs heures, la technique consiste à prendre un grand nombre de poses "courtes" successives, de 15 à 30 secondes, puis de les superposer après la prise de vues. Il existe des logiciels qui permettent de procéder à cette opération : Starmax mais aussi Photoshop (utilisation des calques). On reconstitue ainsi les traînées d'étoiles à partir d'un grand nombre de poses courtes. La particularité du logiciel Starmax est de n'additionner que les parties les plus brillantes de la photo (les étoiels) sans faire monter le fond de ciel !



Appareil photo reflex muni d'un objectif grand angle 18 à 30 mm de focale.
Ouverture la plus petite possible : F/2,8, F/3,5 ou F/4 selon les possibilités de l'objectif
Choisir un temps de pose de 30 secondes

En ce qui concerne la sensibilité, elle est à déterminer en fonction de l'endroit où l'on se trouve : en ville ou aux abords des villes, où l'éclairage public est très important, opter pour une sensibilité de 100 ISO (la plus faible possible) afin de capturer uniquement la trace des étoiles les étoiles les plus brillantes sans faire monter le fond de ciel.
Si on est à une dizaine de kilomètres d'une ville, on peut prendre une sensibilité de 400 ISO (moyenne campagne)
Si on bénéficie d'un ciel bien noir exempt de lumière parasite (rase campagne ou ciel de montagne), on peut régler la sensibilité à 800 ou 1600 ISO

Ces deux images illustrent la sensibilité du capteur (cliquez pour agrandir)

L'image de gauche est posée 30 secondes à 400 ISO ; l'image de droite est posée 30 secondes à 1600 ISO. Sur l'image de droite, on voit plus d'étoiles mais le fond du ciel est nettement plus voilé à cause de la pollution lumineuse. 

Les images suivantes ont toutes été prises avec la même sensibilité (400 ISO) mais avec des temps d'expositino différents :

De gauche à droite : 30 secondes, 1 minute et 3 minutes de pose

On constate que le voile de fond augmente avec le temps de pose. Au dela de 3 minutes de pose, comment faire pour enregistrer les traînées d'étoiles sans faire monter le fond du ciel ?

=> En utilisant le logiciel Starmax ! L'image ci-dessous est la combinaison de 6 clichés de 30 s chacun. Le temps de pose total est donc 3 minutes, et pourtant, le fond du ciel est beaucoup plus sombre que sur la pose unique de 3 minutes. 

Assemblage des images à l'aide de Starmax


Logiciel Starmax : http://ggrillot.free.fr/astro/starmax.html

Ce logiciel gratuit et en français permet de superposer les clichés de manière entièrement automatique. Démonstration...

Légende des images ci-dessus dans le sens de lecture normal : 1/ on sélectionne d'abord l'ensemble des fichiers à empiler. 2/ La première image de la série s'affiche à l'écran. 3/ A partir du menu, on sélectionne "process" puis "addmax". 4/ Le traitement commence et sous nos yeux se construit (5) et (6) l'image finale.

Résulat final après sauvegarde :

Après recadrage et légère correction des niveaux et des couleurs :

On peut réaliser la même opération à l'aide des calques de Photoshop : on superpose les images et on utilise l'option "éclaircir" pour obtenir le même résultat que Starmax.

L'emploi de Photoshop peut s'avérer intéressant pour comprendre la manip mais on est rapidement débordé si le nombre de photos à superposer est important.

Comment éliminer les pixels chauds (indésirables) ?

Si l'on examine attentivement les photos prises dans l'obscurité pendant plusieurs secondes, on découvre de nombreux points brillants là où l'image devrait être noire. Ce points clairs sont appelés pixels "chauds". Plus le temps de pose augmente, plus leur nombre augmente et plus l'image est bruitée... Leur nombre augmente avec l'élévation de la température et inversement diminue lorsqu'il fait plus froid (la nuit en hiver par exemple)

Voici une image du "dark", terme anglais pour désigner le bruit de fond de l'appareil photo. Ici, 30 s de pose avec un Canon 1000D à température ambiante. Les niveaux ont été fortement accentués pour faire apparaître les défauts. On constate la présence de nombreux points colorés (dominante rouge) et une zone plus claire dans le coin inférieur droit, due à un phénomène d'électroluminescence. Tous les "défauts" du capteur visibles sur cette image se retrouvent dans les poses longues. En général, seuls les pixels chauds les plus brillants sont visibles.

Pour éliminer - ou diminuer - ces pixels chauds, il faut soustraire l'image du "dark" à celle du sujet que l'on photographie. Bien sur, le "dark" devra être pris avec le même temps de pose, la même sensibilité et la même température que la photographie du sujet. En pratique, si on vient de réaliser une pose de 1 minute (exemple), il vaut mieux prendre une seconde photo de 1 minute dans le noir (on replace le cache sur l'objectif photo) tout de suite après. En effet, les variations de température au cours de la séance photo (notamment l'appareil chauffe tout seul s'il reste longtemps sous tension) modifient l'aspect du "dark" ; c'est pour cette raison qu'il est préférable de réaliser ce cliché particulier tout de suite après.

L'image ci-contre montre un détail d'une photo prise de nuit. En haut, le cliché brut avec les pixels chauds (il y en a un rouge bien visible dans la partie supérieure) ; en bas, après correction des pixels chauds

Pour cette opération, on peut utiliser Photoshop :

Dans le menu des calques, placer l'image du "dark" au-dessus de la pile et choisir l'option "différence"

Remarque importante : pour que la soustraction se déroule dans les meilleures conditions possibles, il est préférable de travailler sur des images RAW et non sur des images JPEG. 

Pour en savoir plus sur le sujet, je vous invite à consulter le tutoriel d'un logiciel (gratuit) dédié au traitement des images astronomiques : Iris. La procédure complète de soustraction du "dark" y est décrite avec précision. A lire : http://astrosurf.com/buil/iris/tutorial2/doc8_fr.htm et aussi http://astrosurf.com/buil/iris/tutorial2/doc9_fr.htm

Exemples d'images réalisées la nuit :

Ci-dessus : à gauche, 5 heures de pose dans un village des Alpes (Jausiers, 04). Cliquez ici pour voir la vidéo du mouvement des étoiles (lien YouTube)
Au centre : 1 heure de pose sous un ciel bien noir ; à droite : filé d'étoiles et de nuages en ville, à Torcy !

Ci-dessus : à gauche, la Voie Lactée photogtraphiée en montagne en cumulant 30 minutes d'exposition totale ; à droite : une image de la Voie Lactée près de l'horizon prise en seulement 2 minutes (une monture équatoriale a été utilisée dans les deux cas)

Bonus : comment éliminer les poussières du capteur (et aussi le vignettage) ?

Attention, à partir d'ici, c'est un peu plus technique...

Pour terminer cet article, voici une technique qui permet d'éliminer les taches sombres qui apparaissent parfois quand on photographie un fond clair uniforme. Ces taches sont provoquées par la présence de poussières sur les optiques ou le capteur sensible. Elles apparaissent d'autant plus que le nombre d'ouverture (F:#) est grand, par exemple à F:11, F:16 ou F:22

L'image ci-dessus (cliquez pour mieux voir) est entachée de deux poussières dans la partie supérieure droite. Mais elle souffre également de vignettage, c'est à dire que les bords sont plsu sombres que le centre. Le vignettage est un phénomène que l'on rencontre sur tous les appareils photo. La procédure employée pour faire disparaître les poussières va également faire disparaître le vignettage...

Il convient d'abord de réaliser une image d'un fond blanc uniforme dans les mêmes conditions de focale, d'ouverture et de mise au point que la photo du sujet que l'on photographie. Attention : si l'un de ces paramètres est modifié, la manip ne sera plus possible. Le mieux est de réaliser une image en mode manuel "intégral" : débrayage de l'autofocus et mise au point manuelle sur le sujet ; réglage du temps de pose et de l'ouverture manuellement.
Un plafond ou un mur blanc uniforme, le ciel ou une grande feuille de papier éclairée peuvent être utilisés pour réaliser ce que l'on appelle la "PLU" : plage de lumière uniforme (flat field en anglais)

Ci-dessus, voici la "PLU" correspondante : plusieurs clichés d'un plafond blanc ont été superposés afin de noyer les irrégularités ; à droite, la "PLU" après exagération des niveaux, montre clairement les poussières et le vignettage de l'objectif photo.

Une fois que l'on dispose d'une image de la "PLU", la plage de lumière uniforme, la procédure est la suivante (copies d'écran Photoshop) :

Ci-dessus à gauche : on charge l'image de la "PLU" dans Photoshop et on clique successivement sur Image, puis Réglages, puis Négatif (raccourci clavier : CTRL + I) ; à droite l'image apparaît en négatif : les poussières sont plus claires que le fond de l'image.

Ci-dessus : A gauche, à l'aide des calques de Photoshop, on place l'image de la "PLU" en négatif au-dessus de l'image à traiter et on choisit l'option "produit". On multiplie l'image du sujet par l'inverse du fond... (c'est l'équivalent d'une division par l'image d'origine). A droite : une fois l'opération effectuée, on se place sur le calque contenant l'image de la "PLU" et on agit sur les niveaux (CTRL + M) pour retrouver l'aspect d'origine de l'image.

Et voilà, l'image finale est débarrassée de ses poussières !

Cette technique est très utilisée en photo astronomique. Pour en savoir plus sur le sujet, je vous invite à consulter le tutoriel d'un logiciel (gratuit) dédié au traitement des images astronomiques : Iris. La procédure complète de division par la "PLU" ou le "flat" en anglais y est décrite avec précision. A lire notamment : http://astrosurf.com/buil/iris/tutorial2/doc8_fr.htm et aussi http://astrosurf.com/buil/iris/tutorial2/doc9_fr.htm


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