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Les aberrations optiques

Spectre secondaire et sphérochromatisme de quelques doublets ED et modèles qualifiés d'apochromatiques. Document Telescope Optics.>

Le chromatisme (II)

L'aberration chromatique ou spectre secondaire est caractéristique des lunettes astronomiques ou de tout objectif constitué de lentilles, dont les oculaires, les zooms, les lentilles de Barlow, les réducteur de focale, les viseurs et les objectifs photographiques, bref pratiquement tout ce qui est en verre et réfracte le spectre lumineux.

Lorsqu'une lumière polychromatique ne focalise pas exactement au foyer d'une lentille, ses différentes composantes monochromes se dispersent. L'intensité de l'aberration chromatique dépend de la dispersion du verre et différents autres facteurs. L'indice de réfraction varie en fonction de la longueur d'onde de la lumière, exactement comme l'applique un prisme. Ainsi en traversant une lentille, la lumière est réfractée et se décompose en plusieurs couleurs, laissant apparaître un halo coloré disgracieux autour des objets brillants (étoile brillante, limbe de la Lune, Vénus, etc.) comme en témoignent les photographies présentées ci-dessous.

En pratique cette aberration se présente sous la forme d'un halo faiblement coloré, souvent jaune-rouge (en avant) ou bleu-violet (en arrière) selon la mise au point visible autour des objets forts contrastés comme les étoiles brillantes, le limbe des planètes ou celui de la Lune. Ce phénomène coloré peut passer inaperçu pour quiconque observe occasionnellement le ciel et ne fait pas très attention à la qualité de l'image. Cette aberration est par ailleurs invisible lorsque vous observez les objets du ciel profond qui sont par nature pâles et peu contrastés.

Ces couleurs indésirables qui souligent le pourtour des objets n'a pas beaucoup d'influence sur l'observation visuelle. Et si vous vous en rendez compte, il vous est toujours possible de corriger la mise au point pour la centrer tantôt sur le foyer bleu, tantôt sur le foyer rouge, c'est une histoire de quelques microns.

Mais pour un amateur averti ce défaut est visible au premier coup d'oeil et il faut savoir qu'il réduit le contraste des objets puisqu'il disperse la lumière. En astrophotographie, l'aberration chromatique devient gênante car sans disposer de profondeur de champ puisque le sujet est à l'infini, il est impossible d'effectuer une mise au point correcte sur le sujet puisque l'image s'étale autour du foyer comme le démontre bien les trois photographies présentées ci-dessous.

Une fois que l'on connaît bien les effets de cette aberration et qu'il faut "vivre avec", la question de l'achat d'une optique de meilleure qualité vient vite à l'esprit...

L'aberration chromatique typique des réfracteurs est surtout visible sur les objets brillants comme les étoiles, Vénus, Jupiter, Saturne ou le limbe de la Lune. A gauche et à droite l'aberration chromatique non corrigée vers les courtes et grandes longueurs d'ondes. Au centre une image corrigée au moyen d'un Chromacor d'Aries Instruments (960 €). L'amélioration est sans équivoque. Les deux documents de gauche sont basés sur une photographie de M44 réalisée par Tom Davis avec une lunette achromatique Celestron CR-150 HD de 150 mm f/8 équipée d'une caméra CCD Starlight Xpress MX7 couleur.

Comme les autres aberrations, ce spectre secondaire augmente avec l'ouverture de l'objectif. Pour y remédier les constructeurs utilisent un jeu de deux ou plusieurs lentilles. Les doublets achromatiques (ou semi-apochromatiques) réduisent cette aberration mais ne l'éliminent pas, en particulier si vous regardez loin de l'axe central ou l'aberration chromatique subsiste. De manière générale l'aberration chromatique subsiste au-delà de 50 microns de l'axe central. L'utilisation d'un doublet en Fluorite ou verre ED rectifie cette aberration mais la lumière violette n'est pas totalement corrigée.

En fait la plupart des constructeurs (japonais) choisissent de fabriquer des doublets en Fluorite parce qu'ils sont plus faciles à fabriquer sans pour autant rechercher une correction parfaite des couleurs et des autres aberrations. Etant donné qu'il est très difficile de corriger la sphéricité d'une lentille, surtout pour les ouvertures inférieures ou égale à f/8, les constructeurs préfèrent construire des doublets dont la correction dans la partie violette est jugée secondaire, tout en concevant un système offrant une correction optimale pour les rayonnements bleu, vert et rouge.

L'effet du Chromacor

On peut réduire l'aberration chromatique en insérant au niveau du porte-oculaire des lunettes achromatiques un Chromacor d'Aries Instruments, un correcteur optique commercialisé depuis 2001. Sa production fut suspendue en 2003 (on le trouvait chez APM Telescopes, Astronomix) et pendant quelques années encore chez Bray Imaging entre 679 et 799 £ ou 780-920 € plus frais).

Cet accessoire qui ressemble à un tube-allonge photographique corrige par ailleurs l'aberration sphéro-chromatique et réduit l'aberration de sphéricité. Voici un graphique montrant l'effet du Chromacor ainsi qu'une documentation d'un fournisseur américain. Le résultat est éloquent et plus en encore sur les photographies.

Le Chromacor est adapté aux rapports focaux compris entre f/7 et f/10 (optimisé pour f/8). Si le rapport d'ouverture est plus petit, le cône de lumière est trop large et la correction est très difficile. Aux rapports focaux plus longs, l'aberration chromatique est déjà beaucoup moins prononcée.

A gauche, variation de l'aberration chromatique des réfracteurs en fonction de la longueur d'onde. Les meilleurs verres sont fabriqués en Fluorite ou en verre ED à très faible dispersion. Ils présentent une excellente correction entre 486 et 656 nm, mais ils sont sur-corrigés en dehors de ce spectre. A l'inverse un revêtement de baryum induit une sous-correction dans le même spectre. A droite, le Chromacor-N d'Aries Instruments vendu en Europe chez Bray Imaging s'insère juste avant l'oculaire et le renvoi en diagonal et permet de supprimer l'aberration chromatique. Adapté aux lunettes ouvertes à f/7-f/10, il permet également de corriger l'aberration de sphéricité bien qu'Aries propose un accessoire spécial pour cette correction, le SAFIX. Le Chromacor II coûte environ 960 .

Le Chromacor a été décliné en plusieurs versions, selon qu'il sur ou sous-corrige l'aberration sphéro-chromatique, sachant que le modèle II corrige deux fois mieux l'aberration chromatique que le modèle de base mais à un prix beaucoup plus élevé (960). 

- Le Chromacor-O1 est sur-corrigé de 1/6 - 1/7 l

- Le Chromacor-O2 est sur-corrigé de 1/3.5 - 1/4 l

- Le Chromacor-U1 est sous-corrigé de 1/6 - 1/7 l

- Le Chromacor-U2 est sous-corrigé de 1/3.5 - 1/4 l

- Le Chromacor-N annule ("N" pour null) l'aberration sphéro-chromatique sans toucher à l'aberration de sphéricité (pour les optiques qui ne présentent pas cette aberration)

- Le Chromacor-M, "m" pour micro, qui est en fait une barlow 1.7x corrigeant l'aberration chromatique ($350). 

L'effet pour le moins spectaculaire du Chromacor d'Aries Instruments (à droite) sur une étoile.

Comme fonctionne-t-il ? Tous les modèles présentent la même correction de couleur mais se différencient par leur degré de correction de l'erreur de sphéricité ou sphéro-chromatique. Selon Valery P. Deryuzhin, directeur d'Aries Instrument, si l'erreur de sphéricité se situe entre 1/4 - 1/6 d'onde, l'aberration sphéro-chromatique devient aussi importante que l'aberration chromatique. Ainsi, si votre lunette achromatique est sous-corrigée de 1/5 l, vous devez acheter un Chromacor-O1. Vous obtiendrez une légère surcorrection de 1/5 + (-1/7) = 1/18 l pour l'aberration sphéro-chromatique. Le gain atteint un facteur 3.6 ! Comme vous le constaterez de visu, le résultat réduit très nettement les couleurs parasites, et c'est très évident du côté bleu et pourpe du spectre sur la Lune, Jupiter et les étoiles. Votre image gagnera également en netteté.

Votre revendeur doit donc vous proposer un Chromacor adapté à votre lunette (à vous si possible de lui préciser) et il doit le placer à demeure sur l'optique, parfois à l'intérieur du tube optique supportant le système porte-oculaire.

Maintenant se pose la question du choix de l'instrument. Par exemple, que choisir entre deux lunettes ouvertes à f/8, d'un côté une achromate Celestron CR-6, Kepler ou Sky-Watcher de 150 mm d'ouverture (en fait des "Synta" dont l'objectif est fait de simples verres HD) ou une Takahashi FS-102 (doublet Fluorite et Flint) ?

Si vous trouvez une CR-6 très bien corrigée, parfaitement symétrique, sans coma, ni astigmatisme, l'ensemble achromate + Chromacor II donna un résultat supérieur à l'excellente Takahashi. Mais le problème est d'être suffisamment qualifié pour déterminer si une achromate est sur ou sous-corrigée afin de lui adapter le Chromacor qui convient. La plupart des observateurs occasionnels n'ont pas cette expérience et travaillent souvent dans l'à peu près et devraient pour bien faire solliciter un spécialiste par le biais de leur revendeur.

Que faut-il choisir : une achromate Celestron CR-6 voire une Sky-Watcher de 150 mm f/8 en verre HD ordinaire équipée d'un Chromacor II ou une apochromate Takahashi de 102 mm f/8 à deux éléments dont une fluorite ? La première coûte 2000 € toute équipée avec Chromacor II tandis que pour 2000 € vous n'avez que le tube optique de l'apochromate... On se dit donc que le jeu est faussé d'avance. C'est vrai si le prix entre en jeux. Si le prix n'est pas pris en considération, notons d'emblée que dans l'absolu l'achromate capte 2.2 fois plus de lumière que l'apochromate même si elle perd un peu de lumière (~15%) dans le Chromacor en raison des éléments de lentilles et du revêtement multicouche. Mais elles sont aussi lumineuses l'une que l'autre (f/8). Par ailleurs si l'achromate est équipée d'un Chromacor II "taillé sur mesure" elle donnera des images en haute résolution plus belles que la petite Takahashi. Par contre en imagerie, l'apochromate restera intrinsèquement meilleure. Que choisir ? Si vous préférez l'observation visuelle choisissez l'achromate équipée d'un Chromacor II. Si seule la photographie vous intéresse, choisissez l'apochromate, vous ne la regretterez jamais.

Ceci dit, connaissant la qualité des achromates, vous seriez très chanceux de trouver une optique sans défaut. Si votre budget est un facteur clé dans votre décision, un Chromacor adapté à la lunette Celestron CR-6 ou autre Synta, soit un investissement d'environ 2000 € monture comprise, vous donnera beaucoup de satisfaction. Si vous observez les objets du système solaire, en raison de ses 50 mm d'ouverture supplémentaire, tenant compte des légères pertes dûes au revêtement anti-reflet et aux éléments de surface du Chromacor compris, elle capturera environ 1.8 fois plus de lumière que la petite Takahashi. Elle donnera également de plus belles images sur les objets du ciel profond, vous faisant gagner au mieux 1.8 magnitudes (13.8 contre 12.0 en théorie), ce qui est beaucoup.

Equipée d'un Chromacor, la CR-6 vous donnera également de plus belles images de la Lune avec un limbe pratiquement exempt d'aberration chromatique et peut-être plus de détails sur les planètes.

A diamètre égal (10% près) et si le prix n'entre pas en jeu, il n'est pas certain que l'apochromate gagne la partie. Mais il faudrait comparer les deux optiques sur le terrain, à la fois sur des objets fortement contrastés (étoile brillante, Lune, jupiter) et des objets pâles du ciel profond pour vous forger une opinion.

Maintenant, si l'imagerie CCD est votre objectif, choisissez une lunette apochromatique ou même un réflecteur. Des tests ont été effectué par Arpad Kovacsy sur une Celestron CR-6 et une lunette apochromatique Astro-Physics de 152 mm f/9 "Starfire" équipée d'un appareil photo numérique Nikon Coolpix 950.

Malgré l'utilisation du Chromacor, les images enregistrées au foyer de la Celestron présentaient une aberration chromatique que l'auteur n'avait pas remarqué visuellement et qu'il a d'abord attribuée à l'objectif du Nikon. Mais en effectuant les mêmes prises de vues au foyer de la lunette apochromatique il constata que cette aberration était pratiquement inexistante. 

On peut donc en conclure que si vous désirez essentiellement observer le ciel visuellement, le Chromacor vous donnera entière satisfaction, à condition qu'il soit bien adapté à votre lunette. Quant à savoir pourquoi l'aberration (re)apparaît parfois en imagerie CCD sur une achromate, des tests complémentaires devraient être effectués pour identifier le problème.

Pour ceux et celles que cela intéresse, il existait un groupe Yahoo dédié au Chromacor dans lequel Valery P. Deryuzhin répondait aux questions des utilisateurs, mais il n'est plus actif depuis 2010.

Enfin, précisons que si vous utilisez un Chromacor sur une lunette apochromatique, vous avez toutes les chances d'altérer la qualité de l'image.

A lire : Coatings, revêtements anti-réflexions et dispersions

A gauche, l'effet du Chromacor sur trois images planétaires prises par Arpad Kovacsy avec une lunette achromatique Synta de 150 mm f/8 équipée d'un APN compact Nikon Coolpix 950. Au-dessus à gauche une image prise avec le Chromacor, en dessous sans Chromacor. Au-dessus du centre Jupiter avec Chromacor et en dessous sans Chromacor. A droite image de Gassendi sans Chromacor, au-dessus en lumière bleue, en dessous en lumière jaune. C'est dans cette dernière région spectrale que l'aberration chromatique est la plus forte. Vous trouverez sur Internet des images parfois plus spectaculaires encore. A droite, le filtre "Fringe Killer" de Baader (65-99 €) qui se place au niveau oculaire bloque tout le rayonnement UV et IR ce qui permet de réduire l'aberration chromatique, rendant les images plus nettes sur les lunettes achromatiques.

Le filtre Fringer Killer

A défaut de Chromacor ou de budget, il existe une solution alternative et économique qui permet non pas de corriger mais de réduire l'aberration chromatique : le filtre "Fringe Killer" présenté ci-dessus à droite.

Ce filtre diélectrique se place au niveau occulaire et comme on le voit sur le diagramme, il bloque 100% du rayonnement UV et IR et ne transmet que la lumière entre 480 et 680 nm. Au total, ce filtre bloque jusqu'à 30% de lumière ce qui produit parfois une légère dominante verdâtre sur les images couleurs (sinon elles sont simplement plus sombres) qui équivaut à une perte de luminosité photo d'une demi-ouverture.

Ce filtre réduit l'aberration chromatique et par conséquent augmente la netteté des images. C'est une solution très facile à mettre en oeuvre, efficace et économique sachant qu'un filtre oculaire "Fringe Killer" de 31.75 mm revient à 65 € chez Baader (20% moins cher que chez un revendeur) et comptez 99 € pour le modèle de 2".

On peut évidemment aussi résoudre le problème en choisissant une lunette apochromatique mais autant savoir que le budget va de paire avec l'amélioration de la qualité de l'image.

Les lunettes apochromatiques

Pour éliminer totalement l'aberration chromatique il faut s'orienter vers un objectif apochromatique, composé d'au moins 3 lentilles à indice de réfraction différents dont au moins une lentille en Fluorite ou en substitut comme le verre ED (FPL-53 et FPL-51 d'Ohara). Dans les modèles d'entrée de gamme (type Fraunhofer) de l'air sépare l'espace entre les verres tandis que dans les modèles haut de gamme l'espace entre les verres est rempli d'huile.

L'ajout d'un troisième élément permet également d'éviter les défauts sphéro-chromatiques. Rappelons qu'un doublet constitué de verres offrant différents types d'indices de réfraction (à très large dispersion comme le verre SD ou au contraire à très faible dispersion comme le verre ED) ne corrige jamais totalement l'aberration chromatique jusqu'à la limite de diffraction, même sur une lunette qualifiée de "semi-apochromatique".

Une lunette très convoitée, la Tele Vue apochromatique à 2 lentilles de 102 mm f/8.6, petite soeur du modèle de 101 mm à 4 lentilles. Mais ne vous précipitez pas. Cette qualité a un prix : 3050 € chez L'Astronome contre $3250 aux Etats-Unis.

Les objectifs apochromatiques ayant une qualité très supérieure aux objectifs simples ou achromatiques, leur coût augmente proportionnellement à leurs performances et il n'est pas rare de trouver des "apo" 2 à 5 fois plus chers qu'un modèle équivalent achromatique ou "semi-apochromatique". La règle est de compter, sans la monture, entre 3000 et 5000 € par 100 mm d'ouverture. On y reviendra dans l'article consacré au choix d'un petit télescope portable et polyvalent.

A ce jour il n'y a qu'une seule exception à cette règle, c'est la petite lunette d'Orion ST-80 ED. Tous les tests et même des constructeurs concurrents confirment que ce petit achromate en verre ED coûtant 500 € ttc pour le tube optique seul est aussi performant qu'une lunette apochromatique de diamètre équivalent valant deux à quatre fois plus cher. Aujourd'hui des constructeurs concurrents proposent des modèles similaires.

Ceci dit, à partir de 130 mm d'ouverture le prix des lunettes apochromatiques est exorbitant, et du fait de la difficulté de la taille des verres à grande ouverture (f/8 et en deçà) peu de constructeurs en fabriquent.

Rappelons pour terminer qu'une lunette apochromatique de 150 mm d'ouverture offrant un rapport de Strehl élevé coûte plus cher qu'un télescope catadioptrique d'au moins 300 mm d'ouverture sans bénéficier de son pouvoir de résolution (0.8" contre 0.4").

Dernière partie

Astigmatisme, coma, sphéricité et distorsion

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