Contacter l'auteur / Contact the author

Recherche dans ce site / Search in this site

 

Le Traité de Tordesillas

Réplique de la Niña.

L'Amérique a-t-elle usurpé son nom ?

Chacun sait que Christophe Colomb (Cristóbal Colón) aurait découvert le Nouveau Monde en 1492. Or ce continent porte aujourd'hui le nom d'Amérique en hommage à Amerigo Vespucci... Quel navigateur a donc réellement découvert ce continent ?

Disons pour résumer toute l'histoire que contrairement aux navigateurs, l'Histoire ne se trompe jamais ! En voici la preuve.

Rappelons que les voyages de Christophe Colomb se déroulèrent au Moyen-Âge, à une époque où la plus grande partie de la population européenne était illettrée et superstitieuse, que les cultures véhiculaient l'idée que les mers étaient peuplée de monstres sanguinaires et qu'il était hasardeux de naviguer en haute mer au-delà de l'horizon ou sans avoir l'étoile polaire en vue. Même s'ils disposaient de cartes, de livres de voyages et d'éphémérides, il fallait du courage aux navigateurs pour s'aventurer à la recherche d'une route maritime au-delà de l'horizon et peut-être de nuit en passant par l'hémisphère Sud. En effet, si la boussole permettait de s'orienter par rapport au nord magnétique, l'astrolabe permettait de connaître sa latitude même durant la nuit, mais à condition qu'on puisse voir l'étoile polaire. Or passé l'équateur, l'étoile polaire est invisible. De plus, les navigateurs n'avaient aucun moyen de connaître leur longitude. Quant aux questions sanitaires, mieux valait s'en remettre à la volonté divine. Voilà dans quel contexte Colomb et ses contemporains préparèrent leur voyage autour du monde. Dans ces conditions, embarquer pour un voyage en haute mer durant des semaines voire des mois avait tout l'air d'un voyage sans retour. Il fallait donc de bons argments et de solides promesses pour que les capitaines de navires gagnent la confiance de leur commenditaire et de leur équipage. Au Moyen-Âge, cette confiance ne s'est pas acquise en un jour ni même à la première demande.

Mappa Mundi : Giovanni Leardo (1452) - Fra Mauro (1460) - Hanns Rüst (1480)

L'Europe en 1444

Les voyages de Christophe Colomb

En 1486, après avoir consulté les dernières cartes du monde, Christophe Colomb envisagea la possibilité d'atteindre les Indes en naviguant vers l'Ouest dans le but d'ouvrir la route maritime de la soie.

Après avoir essuyé deux refus de mission, le premier par les experts du roi Dom João II du Portugal, l'autre par la reine Isabelle de Castille, en 1491 il resoumit son projet à la reine d'Espagne.

La carte du monde dressée en 1492 par le cartographe allemand Martin Behaim (Martinus de Bohemia). Si Colomb a pu la consulter, il n'en tira pas toutes les conséquences.

Grâce à l'intercession du conseiller du roi Ferdinand II d'Aragon, son projet d'exploration fut finalement approuvé, la reine y voyant l'opportunité de retombées économiques.

Mais Colomb ayant souhaité être nommé vice-roi de toutes les terres découvertes et bénéficier d'un titre de noblesse en cas de réussite, il avait une obligation de résultat sous peine de perdre ses privilèges.

Le 17 avril 1492, Christophe Colomb fut nommé Grand Amiral de la Mer Océane et vice-roi des Indes. Le 3 août 1492 il affreta deux caravelles et une nef à destination des Indes.

Le projet était en soi périlleux voire de la pure folie vu la taille des bâtiments, l'état incertain de la mer et la distance à parcourir, le voyage lui-même étant considéré comme sans retour... Seuls des marins peu recommendables acceptèrent donc d'embarquer dans cette aventure, les marins aguerris restant sur le quai estimant avoir plus de chances de survivre en restant à terre !

Le projet était également financièrement coûteux mais un homme riche pouvait encore se le payer sur ses deniers. Le voyage coûta l'équivalent de 10 millions de dollars (1972) ou 10 années-homme.

C'est dans ces conditions particulières que débuta le premier voyage de Christophe Colomb. Mais intrépide et poussé par son intime conviction de découvrir les Indes par l'Ouest, aucun obstacle ne lui semblait infranchissable. Il mit donc le cap vers la haute mer et s'impatienta de découvrir les Indes.

"Premier débarquement de Colomb sur les rives du Nouveau Monde, au San Salvador, Indes Occidentales, 12 Oct. 1492", Peinture de Teofilo Puebla, 1862. Document Library of Congress.

Le 12 octobre 1492, Christophe Colomb découvrit les premières îles de l'archipel des Bahamas. Naviguant vers le sud, il découvrit ensuite San Salvador (Guanahami) puis Cuba, La Dominique, la Martinique, la Guadeloupe et Montserrat, bref les Antilles. Mais il était persuadé d'être en Asie, au large du Japon, relevés géographiques à l'appui et convaincu dans sa logique par les similitudes morphologiques qu'il voyait dans les populations locales (cheveux noirs, peau ambre).

Au cours de son 2e voyage (1493-1496), il découvrit Saint-Barthémely, Porto Rico et la Jamaïque.

Chistophe Colomb ne chercha pas à prendre possession des nouvelles terres ni à soumettre les populations locales, à l'inverse des intentions des Espagnols. Son principal objectif est de survivre à ses voyages et d'en tirer un maximum de profit, de trouver des richesses comme de l'or ou des épices rares.

Mais très rapidement, dans toutes les îles du Nouveau Monde, les Espagnols puis les Anglais et les Français feront travailler de force la main d'oeuvre locale avant d'importer des esclaves d'Afrique.

Ne parvenant pas à découvrir la côte des Indes, à partir de 1498 et de son 3e voyage, Christophe Colomb décida de naviguer plus au sud des Caraïbes. Il finit par découvrir le continent à hauteur du Vénézuela (signifiant "Petite Venise" que Colomb appela "Terra de Gracia") et explora l'embouchure de l'Orénoque où il fit l'expérience du masquaret.

Christophe Colomb réalisa que les populations locales sont différentes de celles des Caraïbes, douces, aux cheveux lisses et plats, et n'étaient pas couards. C'est à cette époque que songeant au rôle des inventeurs dans la découverte et l'exploration des nouvelles routes et de nouvelles terres qu'il s'imagina que le Paradis se trouvait à cet endroit.

Devant la quantité "d'eau douce et savoureuse" que charria le fleuve, Christophe Colomb pensa que c'était la côte ouest d'un continent mais ne le revendiqua pas. Il avait malgré tout pressentit l'immensité des terres qu'il venait de découvrir. Il écrivit dans son journal : "Je crois que cette terre sera immense et qu'il y en aura beaucoup d'autres".

Mais plus préoccupé par les affaires de la colonie d'Hispaniola, Christophe Colomb renonça à explorer cette nouvelle terre qui ne sera colonisée qu'en 1522.

Suite à plusieurs plaintes, Christophe Colomb dut rejoindre l'Espagne avec ses frères pour y être jugé. Il perdit ses privilèges, fut destitué de son titre de vice Roi, fut interdit de séjour à Hispaniola mais on lui permit de retourner explorer les Antilles.

Malgré sa disgrâce, en 1502, à l'âge de 49 ans, la reine de Castille autorisa Christophe Colomb à entamer son 4e voyage. Mais suite à ses déboires il fut écarté des affaires. Cela lui permit de redevenir un véritable explorateur ou plutôt le marin qu'il était cherchant une route maritime vers l'Asie. Il explora de nouveau la région des Antilles et longea cette fois l'Amérique centrale à hauteur du Panama à la recherche d'un chenal vers la mer Océane qu'il ne trouva jamais. Mais dans son esprit il naviguait quelque part au sud de la Chine, au large de l'isthme de Malaisie.

A gauche, un portrait posthume de Christophe Colomb réalisé par Ridolfo Ghirlandaio (après 1506). A droite, les quatre voyages qu'effectua Christophe Colomb en Amérique en ayant l'intime conviction de découvrir les Indes par l'Ouest. Documents Wikipedia.

La même année les cartes portugaises furent mises à jour et mentionnaient les découvertes de Christophe Colomb, précisant les contours de l'Afrique et indiquant les comptoirs commerciaux du Nouveau Monde. Bien que les terres n'étaient pas encore nommées, les Antilles ainsi que les côtes du Brésil et ses forêts denses étaient tracées. En revanche, à l'extrême est de la carte, la côte de la Chine et du sud de l'Asie étaient toujours aussi vagues.

Après son quatrième voyage et passé huit années à explorer les îles, perdu ses navires et sa réputation, en 1504 Christophe Colomb rentra en Espagne pratiquement démuni, aigri et frustré d'avoir perdu ses privilèges les uns après les autres.

Son épouse Filipa Perestrelo e Moniz lui avait donné un fils en 1479 mais elle décéda peu de temps après. Christophe Colomb se retrouva donc seul avec un fils devenu un jeune homme de 25 ans qu'il ne connaissait pratiquement pas.

Christophe Colomb ne voulut jamais admettre avoir découvert le Nouveau Monde car jusqu'à la fin de sa vie il fut persuadé d'avoir navigué autour de quelques îles au large des Indes. Il mourut en 1506 à Valladolid, riche, mais sans titre et dans l'oubli. Ni la religion ni la science ne lui auront donné les réponses qu'il attendait.

Ironie du sort, plus de 400 ans après son expédition, en 1914 on inaugura le Canal de Panama à l'endroit même où Christophe Colomb cherchait le chenal vers le Pacifique. Et en 2012, soit 520 ans après les faits, le 8 octobre on célébra le "Jour de Christophe Colomb" ou "Columbus Day" aux Etats-Unis, en Amérique latine et en Espagne en commémoration de la date d'arrivée du navigateur dans le Nouveau Monde en 1492.

Les découvertes d'Amerigo Vespucci

Entre le 18 mai 1487 et le 5 octobre 1498 le navigateur florentin Amerigo Vespucci avait affirmé avoir touché la terre ferme par 16°N et 90°O (à Bélize ou au Honduras). Outre les îles des Caraïbes, il avait également découvert le Brésil et était descendu jusqu'à la latitude de la Patagonie. En 1503, il fit état de ce Nouveau Monde qu'il appela "Mundus Novus".

En 1507, l'éditeur lorrain Gauthier Lud décida de rééditer les huit livres constituant la "Cosmographia" de Ptolémée reprenant toutes les cartes du monde connu jusqu'à alors. La dernière édition remontait à 1492 et fut l'oeuvre du cartographe Martin Behaim. Pour remettre les cartes à jour, Lud fit appel à un jeune géographe allemand nommé Martin Waldseemüller.

Etant donné que Colomb n'avait pas revendiqué la découverte d'un nouveau continent - il parlait uniquement d'îles - on se souvint de la découverte d'Amerigo Vespucci. Les nouvelles terres formaient effectivement un nouveau continent bien distinct de l'Asie. Cherchant un nom phonétiquement fort pour baptiser le nouveau continent, Waldseemüller décida de l'appeler "America" en hommage à son inventeur Amerigo (latinisé en Americus Vespucius).

Waldseemüller ajouta une note personnelle à propos des nouvelles terres, "que l'on pourrait appeler désormais terres d'Americus ou America, puisque c'est Americus qui l'a découverte".

Aujourd'hui, les experts considèrent que cette carte représente l'acte de baptème de l'Amérique. Elle fut donc offerte aux Etats-Unis et est présentée au public dans une armoire vitrée à la Bibliothèque du Congrès.

Et c'est ainsi que le 25 avril 1507 fut baptisé le Nouveau Monde. Un atlas de 54 pages signé Vespucci fut publié reprenant les nouvelles cartes et le compte-rendu des quatre voyages du navigateur. Aucune allusion n'était faite aux voyages de Colomb.

La carte du monde dressée par Martin Waldseemüller en 1507. C'est la première mappemonde sur laquelle apparaît le nom "America". Documents Library of Congress.

En l'espace de quelques années les Espagnols et les Portugais utilisèrent le nom d'Amérique pour situer le Brésil, l'Argentine, le Chili, etc, puis finalement tout le Nouveau Monde sera appelé "l'Amérique" ou plus exactement "les Amériques" parlant du continent.

Le Traité de Tordesillas

Un explorateur peu féru d'histoire et traversant l'Amérique du Sud d'ouest en est pourrait accoster un Brésilien et lui demander : "¿Hablan espagñol?", ce à quoi il répondrait évidemment : "Não, falo portugueses !" Sans notion d'histoire, il peut effectivement se demander pourquoi parle-t-on uniquement portugais au Brésil et espagnol partout ailleurs en Amérique du Sud ?

Cette question linguistique remonte à 1494. A cette époque, le roi Jean II de Portugal et les "Rois très Catholiques" (Ferdinand II d'Aragon et Isabelle de Castille) signèrent le "Traité de Tordesillas" qui allait partager toutes les découvertes du Nouveau Monde entre les deux puissances maritimes. Les Portugais recevaient tous les territoires situés à l'est d'une ligne située 370 lieues (1770 km) à l'ouest des îles du Cap Vert, c'est-à-dire à l'est du méridien situé à 46°37' Ouest, comprenant donc le Brésil. A l'ouest de cette ligne, les territoires appartenaient au Espagnols. Du moins en théorie. Puisque le "méridien de Tordesillas" faisait le tour de la Terre, les Portugais possédaient également toute les terres d'Afrique, d'Inde orientale et d'Indonésie jusqu'à Macao comme le montre la carte suivante.

A gauche, le Traité de Tordesillas signé en 1494 exposé à la Bibliothèque Natonale de Lisbonne. A droite, le méridien de Tordesillas divisant le Nouveau Monde. Si l'Espagne acceptait le traité moyennant parfois des compensations, le Portugal eut du mal à défendre ses colonies orientales devant la convoitise des Hollandais, des Anglais et des Français. Document U.Purdue.

Les Portugais eurent tout de même un peu de mal à garder leurs possessions d'Afrique et d'Asie. Car à l'époque, les autres puissances maritimes (France, Pays-Bas, Angleterre) n'eurent aucun droit sur ces nouvelles terres ce qui attisa bien sûr les convoitises. Dans ces conditions, ces pays n'hésitèrent pas à envoyer des pirates et des contrebandiers piller les richesses des navires revenant des colonies. C'est ainsi que les Anglais par exemple bouteront les Portugais hors de l'archipel des Molluques (Indonésie) découvert par Vasco de Gama.

En parallèle, devant l'attitude partiale de l'autorité pontificale, le XVIe siècle fut marqué par la Réforme qui conduisit à la naissance du protestantisme et ses différentes Eglises (Luthérienne, Réformée, Fondamentaliste, Anglicane, Amish, Baptiste, etc).

On comprend mieux ainsi pourquoi de nos jours on parle portugais uniquement au Brésil et espagnol dans tous les autres pays d'Amérique centrale et du Sud. Les guerres de religion expliquent également pourquoi les peuples anglo-saxons préfèrent dire qu'ils sont chrétiens (c'est typique en Angleterre) mais revendiquent en majorité appartenir à l'Eglise protestante (52% de protestants aux Etats-Unis contre 24% de catholiques).

Retour à la Terre

Retour à L'Ecologie et l'Environnement

Retour à l'histoire de L'esclavage


Back to:

HOME

Copyright & FAQ