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A propos des travaux d'Halton Arp

L'interaction inattendue entre NGC 4319 et Mrk 205.

Les redshifts dans le Groupe Local de galaxies (II)

Dans le chapitre 7 de son livre, Arp prend pour référence les redshifts des galaxies du Groupe Local et ceux relevés dans d'autres amas situés à des distances très variables.

Pour comprendre sa manière de calculer les redshifts, concentrons-nous sur les questions techniques suivantes :

1°. Quelles sont les galaxies appartenant au Groupe Local (et dans les autres amas qu'il a mentionné), comment ont-elles été sélectionnées, et comment leur distance a-t-elle été mesurée ?

2°. De quelle manière les redshifts des galaxies du Groupe Local ont-ils été corrigés du déplacement de la Terre et du Soleil, ainsi que de la rotation Galactique ?

3°. Peut-on confirmer les mesures de redshifts et leur aspect tels que les rapporte Arp ?

Prenons un exemple concret. Au-dessus de la page 112, Arp écrit : "nous observons un décalage vers le bleu" entre notre Galaxie et M31 (laquelle est la plus brillante galaxie du Groupe Local, deux fois plus massive que la Voie Lactée). Deux pages antérieures, sur la figure 7-2 de la page 110 (voir plus bas), Arp pointe la Galaxie avec un redshift de +58 km/s comparé à M31. Que se passe-t-il ? Pourquoi parle-t-il de décalage vers le bleu et indique-t-il un décalage vers le rouge ?

Notons en passant qu'à la page 175 de son livre Arp indique une autre valeur pour le redshift entre M31 et la Voie Lactée : +52 km/s.

Les redshifts des objets du ciel profond

Source : H.Arp, tableau p175.

En 1985, Arp et Jack Sulentic[3] indiquaient dans "The Astrophysical Journal" que le décalage spectral de M31 comparé à la Voie Lactée était de -58 km/s. Aujourd'hui, il apparaît que Arp fit une erreur dans la correction de la vitesse de rotation de la Galaxie, la valeur estimée devant être d'environ -115 km/s. Aussi est-il bon de savoir avec quelle précision peut-on corriger le mouvement "local" de la Terre et du Soleil. Nous savons que la vitesse orbitale de la Terre autour du Soleil est d'environ 30 km/s, ce qui représente une valeur assez importante qui peut être mesuré avec une très grande précision.

La vitesse orbitale que le Soleil devrait avoir s'il suivait une orbite circulaire autour du centre de la Galaxie serait d'environ 222 km/s (mesuré àl'époque de Arp). Frank Kerr et Donald Lynden-Bell[4] de l'université de Cambridge ont remesuré cette vitesse et l'ont estimée avec une incertitude inférieure à 20 km/s. Actuellement, l'orbite du Soleil autour du centre de la Voie Lactée ne forme pas un cercle parfait. Le Soleil se déplace vers le haut par rapport au plan Galactique (composante "normale") à 7 km/s, vers le centre Galactique (composante "radiale") à 9 km/s, et en avant, dans la direction de la rotation Galactique (composante "transverse") à 12 km/s, ce qui donne au total une correction résultante de 16.5 km/s.

La Galaxie se déplace à son tour à une vitesse de 77 km/s en direction du centre de masse du Groupe Local. Ce déplacement doit être corrigé si on désire éliminer les effets du mouvement orbital de la Galaxie dans le Groupe Local, mais évidemment il ne doit pas être corrigé si on désire mesurer le déplacement précis entre les objets situés au sein du Groupe Local. C'est l'erreur que fit Arp en dérivant les -58 km/s du mouvement relatif existant entre M31 et la Voie Lactée. Il inclut cette dernière correction par erreur. Nous obtenons -115 km/s et pas une autre valeur, ni -58, ni -77 comme on le trouve parfois dans la littérature.

La galaxie d'Andromède, M31

Les mesures de distances les plus récentes, fondées sur la brillance apparente d'une variété d'objets, comprenant les étoiles variables RR Lyrae, les Céphéides, les novae, les régions HII, les étoiles des amas globulaires, etc, indiquent que M31 se situe à une distance de 0.77 Mpc, soit environ 2.5 millions d'années-lumières (a.l). A cette distance, une dimension angulaire de 5 degrés correspond à une taille linéaire d'environ 200000 a.l. Il est quasi certain que notre Galaxie est plus petite que celle d'Andromède, ayant entre 100 et 150000 a.l. de diamètre.

M31 photographiée par Maurizio Cabibbo et Francesco Di Biase avec une lunette de 130 mm de diamètre.

Une autre indication que notre Galaxie est plus petite que M31 est le fait que le disque de la galaxie d'Andromède tourne plus rapidement sur lui-même, à 280 km/s contre 222 km/s (à l'époque de Arp). M31 doit donc être plus massive pour que son champ gravitationnel puisse entraîner autant de matière aussi rapidement.

Raychaudry et Lynden-Bell[5] concluent que M31 est deux fois plus massive que la Voie Lactée, arguments qu'ils fondent sur plusieurs critères tels que les taux de rotation.

On découvre sur les photographies que M31 est entourée par deux galaxies M32 et NGC 205. Ces objets paraissent 10 fois plus petits que M31. Aussi la question est de savoir s'ils apparaissent ainsi en raison de leur éloignement dix fois supérieur ou s'ils sont intrinsèquement beaucoup plus petits, et donc situés à la même distance que M31 ou s'ils sont éventuellement des satellites de cette galaxie. Cette dernière explication semble être la bonne car des photographies en haute résolution ont pu résoudre les deux petites galaxies en étoiles individuelles, leur ressemblance avec celles de M31 ne faisant aucun doute.

La Galaxie est également physiquement reliée à M31 par un pont de matière très pâle, les deux galaxies orbitant probablement l'une autour de l'autre. Le spectre de M31 est décalé vers le bleu car M31 et notre Galaxie se rapprochent l'une de l'autre après avoir pendant un certain temps subit l'expansion générale de l'Univers. Aujourd'hui, les deux galaxies s'attirent mutuellement.

Le Groupe Local comprend une cinquantaine de membres dont 35 objets (cf. les découvertes récentes) sont en orbite autour de la Voie Lactée dont les deux Nuages de Magellan, les autres membres étant aussi distants que M31. L'ensemble forme un amas dispersé dans l'espace.

Dans le chapitre 7 de son livre, Arp explique de quelle manière le Groupe Local peut être un test crucial pour sa théorie, expliquant que les compagnons des grandes galaxies présentent souvent de trop grands redshifts qui doivent être provoqués par d'autres mécanismes que l'effet Doppler. Une bonne partie de son livre est consacré à une discussion sur les grands redshifts, tel ceux des quasars, qui sont associés avec des galaxies étendues.

Arp pose également une excellente question, se demandant pourquoi ne pourrait-il pas y avoir de membres présentant un faible décalage vers le rouge ? Il présente ensuite les données qu'il a obtenu concernant le redshift des compagnons de M31 (il sous-entend que parmi les membres du Groupe Local, M31 est simplement la galaxie la plus brillante). Le résultat est étonnant car il nous montre que les 10 membres qui entourent M31 présentent un redshift positif, compris entre +40 et +220 km/s !

Ceci serait un début de preuve selon laquelle les compagnons des galaxies étendues présenteraient un redshift élevé qui serait provoqué par quelque chose d'autre que la vitesse. La raison de notre étonnement est que l'on s'attend à ce que des amas comme le Groupe Local soient en équilibre, ni en expansion ni en contraction, les galaxies étant simplement liées en orbites en raison de l'effet gravifique de la masse propre de l'amas. Nous devrions donc nous attendre à trouver autant de membres se rapprochant de M31 que de membres s'en éloignant.

Quelques membres du Groupe Local. Des ponts de matière très diffus relient les nuages de Magellan (LMC et SMC) à la Voie Lactée, les trois galaxies formant un "couple" ou triplet au sens physique soudé par la gravitation. De même La Voie Lactée est reliée à M31 par un pont diffus de matière, les deux galaxies formant également un couple physique.

La figure 7-2 de la page 110 du livre de Arp indique que tous les membres s'éloignent de M31. Pour reprendre les paroles de Arp : "On rencontre le résultat le plus dévastateur d'entre toussi nous examinons deux amas parmi les plus proches de nous, celui de M31 (le Groupe Local) et celui de M81. Tous leurs membres, qui furent considérés pendant des générations comme des membres physiques de ces deux groupes, sont systématiquement décalés vers le rouge par rapport à la galaxie dominante." Et de poursuivre, "La figure 7-2 montre que les 21 membres de ce groupe un décalage Doppler positif. Il a seulement une chance sur deux millions qu'un tel phénomène soit accidentel si un nombre égal de membres présentaient des vitesses orbitales positives et négatives [...] A mon avis, la figure 7-2 est une preuve définitive d'un phénomène Doppler non lié à la vitesse et qui doit être accepté pour tel. On ne peut pas utiliser l'excuse de dire que nous devons "étudier" la situation sur une période de temps illimitée"[6].

Etant donné que Arp ne donne aucun détail dans son livre, reportons-nous à son article de 1985 qu'il rédigea avec Sulentic[7]. Il apparaît que le chapitre 7 pèse de tout son poids dans l'article de 1985, dans lequel il présente exactement le même diagramme que celui de la figure 7-2.

Dave Latham a également consulté l'article classique de Yahil, Tammann et Sandage[8] et plus récemment encore celui de Sandage[9]. Les deux articles donnent tous les détails concernant les relations et les décalages Doppler des membres du Groupe Local en date de 1986. Voici ce que Arp a noté :

Les redshifts dans le Groupe Local

Distribution des redshifts de tous les membres des groupes M31 et M81 relativement à la galaxie dominante. H.Arp, Figure 7-2 p110.

Mais que déduisons-nous à partir des analyses effectuées par Yahil, Tammann et Sandage ? La colonne des redshifts (corrigés de la vitesse de la Terre autour du Soleil de 30 km/s) s'accorde relativement bien dans les trois articles. Cependant, Arp prend la correction standard du mouvement du Soleil autour de la Galaxie (222 km/s à l'époque) à laquelle il ajoute la vitesse de la Voie Lactée en direction du centre du Groupe Local (un surplus de 77 km/s qui, par une étrange coïncidence s'effectue dans pratiquement la même directement que l'orbite du Soleil autour de la Voie Lactée). Arp soustrait 300sin(long)cos(lat) au lieu de 220sin(long)cos(lat).

Si nous désirons corriger des vitesses pour des galaxies distantes situées en dehors du Groupe Local, nous devons utiliser la valeur de 300 km/s, mais si nous voulons comparer les mouvements des objets au sein même du Groupe Local, il serait préférable d'utiliser la valeur de 220 km/s (à l'époque de Arp) qui est seulement corrigée de la rotation de la Voie Lactée, et nous ne devrions pas tenir compte de son mouvement propre au sein du Groupe Local.

Bien que cette erreur soit assez significative, cela n'explique pas pourquoi sur la figure 7-2 Arp donne un redshift positif à la Voie lactée (MW). Il dit lui-même à la page 112 de son livre : "Du reste, nous devrions trouver un redshift (récession) entre notre Galaxie et M31. Au lieu de cela nous trouvons un décalage vers le bleu."

Suite suivie de

L'amas M81 de la Grande Ourse

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[3] H.Arp et J.Sulentic, Astrophysical Journal, 291, 1985, p88

[4] F.Kerr et D.Lynden-Bell, Notices of the Royal Astronomical Society, 221, 1986, p1023.

[5] Raychaudry et D.Lynden-Bell, Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, 240, 1989, p195.

[6] H.Arp, "Quasars, Redshifts, and Controversies", op.cit., p110 et 111.

[7] H.Arp et J.Sulentic, Astrophysical Journal, 291, 1985, p88.

[8] A.Sandage et al., Astrophysical Journal, 217, 1977, p903.

[9] A.Sandage, Astrophysical Journal, 307, 1986, p1.


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