A
propos des travaux d'Halton Arp
Les
redshifts dans le Groupe Local de galaxies (III)
Pourquoi donc Arp a-t-il indiqué que la Voie Lactée et les Nuages de
Magellan présentaient un décalage vers le rouge au lieu d'un décalage vers
le bleu ? Dans l'article de 1985, Arp indique que le décalage
Doppler de M31 est de -58 km/s, aussi pourquoi n'a-t-il pas indiqué
dans la figure (7-2) -58 km/s pour la Voie Lactée ?
En
fait la valeur aurait même dû être de -115 km/s si Arp n'avait pas fait l'erreur de tenir
compte du mouvement de la Voie Lactée dans le Groupe Local. Dave Latham convient que la réponse à cette question
demeure mystérieuse.
Dans l'article de 1985 Arp et Sulentic écrivaient
: "Un troisième commentaire est le fait que le redshift de M31
vu de notre Galaxie, vaut z = -58 km/s. Si la Voie Lactée a
intrinsèquement un redshift positif vis-à-vis de M31, alors depuis
M31 la Voile Lactée aurait un z = +58 km/s et à partir de la Voie
Lactée M31 présenterait un z = -58 km/s. Le décalage vers le
rouge de la Voie Lactée correspond à celui des autres membres de
M31, pour lesquels z = +58km/s ce qui ne correspond pas à la
valeur admise si les signes du redshift mesuré étaient inversés."
Comprenez-vous ce que Arp est en train de dire ? La Voie Lactée serait observée à
partir de M31 comme ayant un redshift négatif, -58 km/s, si
seulement la vitesse était prise en compte. Arp n'aime pas cela,
puisqu'elle ne correspond pas à celle des autres membres du Groupe
Local. Dès lors il postule que la Voie Lactée doit avoir un
redshift intrinsèque n'ayant aucun lien avec la vitesse de +116
km/s. Lorsque vous l'ajoutez à la vitesse de récession de -58
km/s, cela donne un total de +58 km/s que Arp prétend avoir mesuré
à partir de M31.
Pourquoi Arp choisit-il +116 km/s pour la
composante intrinsèque plutôt que -115 ? Apparemment, il y a de la
magie entre les nombres +58 et -58. Latham peut seulement conclure que
Arp a postulé quelque chose que nous ne pouvons pas mesurer, c'est-à-dire
un redshift intrinsèque pour la Voie Lactée de 116 km/s, une manière
d'obtenir les résultats qu'il désire. Ce n'est pas de la "bonne
science" comme l'on dit car cette manière d'aboutir à des valeurs ad hoc et toute
sauf digne d'un scientifique.
Les
redshifts dans le Groupe Local |
|
Distribution
des redshifts de tous les membres des groupes M31 et M81
relativement à la galaxie dominante. H.Arp, Figure 7-2
p110. |
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En fait, le problème de la figure 7-2 est plus profond. Je
ne peux pas m'imaginer poursuit Latham, comment Arp a déterminé
quels redshifts il devait considérer relativement à M31 pour
calculer celui des autres membres. Il n'a certainement pas tenu
compte du redshift (tel que nous l'observons à partir de la Voie
Lactée) qui aurait été projeté le long de la ligne de visée à
partir de chaque membre de M31.
Que se produit-il si les calculs de la figure 7-2 sont faits
correctement ? Avant tout, considérons le centre masse du Groupe
Local, qui n'est pas M31. Ces deux positions ne sont pas complètement différentes,
mais faisons-le correctement. Par un heureux hasard, Sandage a
justement procédé à ce calcul dans son article de 1986 (c'est un
très bel article, et aussi précisément que je puisse le dire, les
calculs ont été faits correctement).
Parmi la vingtaine de
galaxies que Sandage liste comme étant des membres définitifs, 10
d'entre elles ont une vitesse positive et les 10 autres une vitesse
négative (en incluant ici M32 et NGC 205). La vitesse moyenne est
de -10 km/s avec une rms de 43 km/s. Arp prétend que les petites
galaxies du Groupe Local présentent toutes un décalage Doppler
positif : ce phénomène a complètement disparu ! S'il devait y avoir quelque
chose, le décalage moyen serait dirigé vers le bleu (mais l'écart
par rapport à 0 est hautement significatif).
Incidemment, il existe un désaccord significatif entre Arp
et les articles cités ci-dessus à propos des galaxies qui
appartiennent réellement au Groupe Local. Par exemple, Sandage et
ses collaborateurs prétendent que NGC 404 ne peut pas en être
membre parce que les plaques photographiques n'ont pas résolu les
plus brillantes étoiles. Ils considèrent que NGC 404 doit être
une assez grande galaxie de l'arrière-plan, vue d'une distance
assez conséquente.
Il est intéressant que NGC 404 présente le
plus grand redshift parmi tous les membres du Groupe Local déterminé
par Arp. Si NGC 404 est réellement située bien au-delà des
limites du Groupe Local, alors son redshift supérieur est le résultat
naturel de sa participation au flux de Hubble, c'est-à-dire à
l'expansion de l'univers. Le second plus grand redshift listé par
Arp est également et définitivement considéré par Sandage comme
n'étant pas un membre. Tout cela pour que des "générations"
d'astronomes s'accordent pour définir quelles sont les galaxies
appartenant au Groupe Local.
M31 et ses compagnons |
Nom |
Magn.
abs. |
Longitude
galactique |
Latitude
galactique |
Theta |
cZ |
cZ
rel. |
NGC
147
NGC
185
NGC
205
M31
M32
M33
|
-14.36
-14.59
-15.72
-21.61
-15.53
-19.07 |
119.8
120.8
120.7
121.1
121.1
133.6 |
-14.3
-14.5
-21.1
-21.6
-22.0
-31.3 |
7.4
7.0
0.6
0.0
0.4
14.8 |
-160
-227
-239
-297
-200
-180 |
+137
+70
+58
0
+97
+117 |
Réalisons
le tableau présenté ci-dessus. Noter
que M31 est dix fois plus brillante que M33, et au moins 100 fois
plus brillante que tous les autres membres (une différence de 2.5
magnitudes correspond à un rapport de brillance d'un facteur 10).
La troisième et quatrième colonnes indiquent la longitude et la
latitude (en degrés), alors que Theta est la séparation angulaire
exprimée en degré entre M31 et son compagnon.
Il y a 15 membres dans un espace de 15°
autour de M31. Tous sont plus ou moins à la même distance de nous
si l'on se base sur la résolution des Céphéides ou d'autres étoiles
brillantes qu'on y trouve. A la distance de M31, environ 2.5 millions d'a.l., une
séparation angulaire de 15° correspond à une dimension
angulaire projetée d'environ 500000 a.l., ce qui suggère que les
membres listés dans la table sont au moins 4 fois plus près de M31
qu'ils ne le sont de la Voie Lactée.
Les deux dernières colonnes
donnent le décalage spectral héliocentrique en km/s, et finalement
le décalage spectral relativement à M31. Arp utilise une constante
de Hubble égale à 75 km/s/Mpc. Un spectre négatif est décalé
vers le bleu, alors qu'un spectre positif est décalé vers le rouge.
En calculant la dernière colonne, Latham ne s'est pas
préoccupé de prendre en compte la petite correction pour la
distance angulaire entre M31 et chacun des membres. Il a simplement
soustrait le décalage spectral de M31. Dans toutes ces mesures,
nous considérons que les décalages spectraux sont entièrement dûs
à la vitesse.
En analysant ce tableau
Latham ne voit aucune
manière d'éviter une conclusion assez brutale de considérer que
tous les membres proches de M31 présentent un décalage vers le
rouge si nous la prenons pour référence. La plus grande partie de
la masse de l'amas d'Andromède résidant vraisemblablement dans M31
elle-même, on ne peut éviter de conclure en accord avec l'idée
traditionnelle que les 5 membres se trouvent juste dans la zone de
leur orbite autour de M31 qui s'éloigne de notre Galaxie.
La question est maintenant de savoir pourquoi Arp dissipe
cette conclusion fondamentale en essayant d'ajouter à cette image
notre Galaxie et ses compagnons ? Je suppose que Arp désire rendre
sa conclusion plus frappante encore. Mais au lieu de cela il fait
une nouvelle erreur qui choque plus qu'elle n'aide sa cause.
Passons à présent à M81 et aux autres membres de l'amas de
la Grande Ourse.
L'amas
M81 de la Grande Ourse
De prime abord rien ne semble faux dans les données publiées
par Arp concernant l'amas M81, mais qui sait si cela ne va pas
changer si on s'attache à une analyse détaillée.
L'exemple de M31 est trop évident parce que la galaxie
d'Andromède se situe plus près de la Voie Lactée que ne l'est M81
(2.5 contre 10 millions d'a.l.) et que la mesure des distances peut-être
réalisée de façon indépendante pour chacun de ses membres.
Ainsi, dans un article consacré à l'échelle des distances
cosmiques, Sydney van den Bergh[10] analyse avec beaucoup de détails quels ont été les
efforts qui ont permis de mesurer les distances des galaxies du
Groupe Local et des amas voisins, efforts principalement fondés sur
la résolution des étoiles dans les galaxies candidates. Le fait
est que nous savons à partir de ces distances que tous les membres
listés par Sandage et Latham sont physiquement proches les uns des
autres dans l'espace, la distance moyenne les séparant étant
d'environ 500000 a.l.
|
Le
couple M81-M82 de la Grande Ourse photographié par Robert
Gendler avec un télescope Ritchey-Chrétien de
317mm f/9 muni d'une caméra CCD SBIG. Une qualité
d'image à couper le souffle ! |
|
Comment tester le résultat selon lequel les compagnons des
galaxies dominantes auraient un redshift supérieur à celui des
autres membres ? Et qu'en est-il dans les autres amas de galaxies?
Malheureusement concède Latham ils sont tous beaucoup plus éloignés
que M81 et il n'est pas possible de déterminer leur distance en
toute indépendance afin de déterminer quelle galaxie appartient à
quel amas. En principe nous ne devrions pas utiliser les données
fournies par le redshift lorsqu'il s'agit d'identifier les amas, car
on ne considère que l'aspect du redshift de ces membres. Mais en
pratique, nous n'avons pas beaucoup de choix.
Le problème réside dans le fait que dans
le Groupe Local, les galaxies les plus petites sont 10000 fois plus pâles que M31. Si
vous analysez une région de quelques degrés autour des galaxies
brillantes proches, vous découvrirez des milliers de galaxies
encore plus pâles autour d'elles, et vous serez contraint de déterminer
si ces galaxies sont pâles en raison de leur éloignement (une
distance deux fois plus grande les rend 4 fois plus pâle) ou s'il
s'agit de membres intrinsèquement pâles.
Cette détermination est indispensable car si vous choisissez
un amas contenant par inadvertance des galaxies de l'arrière-plan,
vous constaterez inévitablement qu'elles présentent un redshift élevé
suite à la loi de Hubble-Lemaître. Puisque le volume d'espace est
beaucoup plus grand derrière une galaxie brillante que derrière
une galaxie proche, il y aura des erreurs dans l'évaluation du décalage
Doppler des galaxies du premier plan, qui conduiront nécessairement
à des redshifts élevés.
Résumé
de l'analyse des redshifts des galaxies membres |
Groupes
de galaxies |
Rapports
+Δz |
Δz
moyen km/s |
Références |
M31,
M81 et membres |
16/19
= 0.84
|
+72 |
Arp
1970 |
Amas
proches |
37/52
= 0.71 |
+90 |
Bottinelli,Gougenheim
1973
|
Classification
Byurakan |
24/29
= 0.83 |
+121
(compact)
+46 (moins compact) |
Collin-Souffrin,
Pecker et al, 1974 |
Membres
certains M31,M81 |
12/12
= 1.00 |
+121 |
Arp
1976 |
Membres
probables M31,M81 |
18/20
= 0.90 |
+123 |
Arp
1976 |
Membres
de l'hémisphère sud |
36/51
= 0.71 |
+122
±34 |
Arp
1982 |
Membres
HI |
16/23
= 0.70 |
+63 ±19 |
Giraud
et al 1982; Sulentic 1982 |
Spirale
de Karachentsev,
membres
des E |
56/94
= 0.60 |
+100 |
Arp,
Giraud et al 1983 |
Spirale
de Karachentsev |
39/53
= 0.74 |
+49 |
Arp
et Sulentic 1985, AJ, 291 |
Amas
HI (Δz ≤ 600 km/s) |
108/159
= 0.68 |
+64 |
Arp
et Sulentic 1985, AJ, 291 |
M31
et M81 |
21/21
= 1.00 |
+119
±13 |
Arp
et Sulentic 1985, AJ, 291 |
Spirale
dominante des amas de Huchra & Geller (1983)
|
33/51
= 0.65 |
+35 |
Sulentic,
AJ, 286, 441 |
|
Source : H.Arp, Figure 7-1, p109.
|
Au cours des années qui suivirent, Arp fit quelques
tentatives pour identifier les amas de galaxies pouvant l'aider à
trouver d'autres exemples de redshifts trop élevés. La figure 7-1
de son livre en page 109 (ci-dessus) est le résultat de l'un de ses efforts. Son livre ne
contient aucun détails sur la façon dont il a sélectionné ces
amas.
Pour cela nous devons revenir à son article original écrit
en collaboration avec Sulentic[11], "Analysis of Groups of Galaxies with Accurate
Redshifts" de 1985. Dans cet article Arp présente deux
groupes, "l'un s'accordant avec les critères définis par
Nelson (1973), ne reprenant que les groupements de deux ou plusieurs
galaxies manifestement plus proches les une des autres que la
moyenne de cette région [...], l'autre groupe étant sélectionné
à partir d'une autre méthode dans le catalogue de Rood (1982).
Toutes les galaxies plus brillantes que la magnitude 11.8 ont été
examinées, en excluant la région l'amas de la Vierge. Pour les
galaxies brillantes pour lesquelles nous disposons de tables de
redshifts précis, nous avons recherché une région assez étendue
d'ascension droite et de déclinaison dans le catalogue afin de
trouver des galaxies ayant un redshift similaire."
Voyez-vous pourquoi je suis frustré par cet article, nous
demande Latham ? Il ne m'est pas possible de m'y retrouver
sans ces mêmes catalogues dit-il, pour confirmer le fait que j'identifie
les mêmes amas que Arp, pour la simple raison que je ne sais pas
quantitativement ce qu'il a voulu dire par "manifestement
proches" ou "assez étendue".
Une autre chose me gêne dans cet article c'est l'emploi
embarrassant du signe "±" devant 15 des 91
redshifts de l'une des tables des amas. J'imagine qu'il s'agit des
cas où Arp a décidé que la galaxie parente n'était, après tout,
peut-être pas la galaxie dominante du groupe. Les décalages
spectraux de ces 15 galaxies devraient normalement être négatifs
si l'on considère que la galaxie parente est dominante, et positifs
si une autre galaxie plus pâle est jugée dominante. Apparemment
Arp n'a pas repris ces 15 redshifts négatifs dans son diagramme
reproduit dans la figure 7-1 de son livre. En ajoutant les 15
redshifts négatifs aux valeurs figurant à gauche de la figure 7-1
on pourrait neutraliser l'argument de Arp revendiquant qu'il y a un
nombre trop élevé de redshifts positifs.
Troisième
partie suivie de
Les
redshifts dans les amas compacts de galaxies
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