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Nos outils pour sonder l'univers

La Voie Lactée au-dessus des antennes du réseau ALMA. Document Y.Beletsky/ESO.

La radioastronomie (V)

On sait depuis la découverte de Heinrich Hertz en 1887 que les ondes radioélectriques sont de même nature que les ondes lumineuses. En particulier qu'elles se propagent dans le vide en ligne droite (géodésique) à la vitesse constante de 299792.458 km/s. C'est par leur longueur d'onde (ou leur fréquence) que les ondes hertziennes se distinguent des ondes lumineuses.

Lorsque nous parlons de "lumière" nous avons pris l'habitude de nous rattacher à la vision de l'univers limité au spectre visible compris entre 380 et 780 nm (du bleu au rouge). Ceci ne représente qu'un octave et définit notre capacité visuelle, l'étendue de notre spectre de détection. La radioastronomie nous permet de détecter des longueurs d'ondes nettement plus étendues, s'étalant des ondes millimétriques, exprimées en gigahertz, aux ondes décamétriques, exprimées en mégahertz; l'équivalent d'un gain de plus de 50 octaves.

Avec l'invention de la radio, Thomas Edison fut probablement le premier à reconnaître la possibilité d'écouter les signaux émis par les étoiles. L'ingénieur électricien Arthur Kennelly, un associé d'Edison suggéra en 1890 une expérience allant dans ce sens. Dans une lettre adressée à un astronome de l'Observatoire Lick, il proposait notamment : " Simultanément aux perturbations électromagnétiques qui nous viennent du Soleil, et que nous percevons, comme vous le savez, sous forme de lumière et de chaleur, des perturbations sur des longueurs d'ondes plus grandes sont parfaitement plausibles. S'il en était ainsi, nous pourrions les convertir en son." Bien que son expérience ne fut pas concluante, son projet allait donner naissance à une innovation étonnante, la radioastronomie.

Historiquement, c'est Karl Jansky[9], ingénieur de la compagnie Bell Telephone qui réussit en 1930 à intercepter les premières émissions en provenance de l'univers, où apparemment il n'y avait aucune source de rayonnement visible. Par la suite, des détecteurs plus sensibles et offrant une meilleure résolution furent développés, donnant naissance à toute une génération de radiotélescopes. Ils permirent de localiser les sources d'où provenaient ce rayonnement qui furent dénommées des "radiosources". Parmi celles-ci nous retrouvons les pulsars et les quasars.

Le radiotélescope mis au point par Karl Jansky en 1930 grâce auquel il découvrit le rayonnement radioélectrique des étoiles et de la Voie Lactée. Grâce à cette invention, aujourd'hui les radioastronomes sont capables d'enregistrer l'émission des astres situés aux confins de l'univers. Documents Bell Labs.

Tous les corps produisant un rayonnement sont détectables par un radiotélescope : il peut s'agir des parasites engendrés par un générateur de courant, un moteur, un interrupteur, la décharge d'un néon, les émissions d'un satellite artificiel, tout comme l'émission naturelle des atomes d'un nuage de gaz, d'une planète ou des étoiles d'une galaxie.

Pour déterminer l'origine des phénomènes radioélectriques, il est bon de rappeler que le pouvoir séparateur (PS, exprimé en seconde d'arc) est lié à la longueur d'onde (λ) par la formule suivante :

avec

λ, la longueur d'onde en millimètres

D, le diamètre du collecteur en millimètres

206265 est déduit de la parallaxe (1 pc/1 UA)

Notons que dans le rayonnement visible on peut utiliser la formule simplifiée : PS = 0.1384/D, avec D le diamètre de l'instrument en mètres.

On remarque de suite qu'en radioastronomie, par exemple à 21 cm de longueur d'onde (~1 GHz), la surface collectrice devient rapidement gigantesque si on souhaite une résolution similaire aux télescopes optiques. L'alternative est de travailler en interférométrie (intercontinentale ou spatiale). On pourrait aussi travailler à quelques dizaines de gigahertz, mais ici les composants au silicium sont inutilisables.

Un radiotélescope ne peut pas "observer" tous les corps célestes à toutes les époques des âges cosmiques. En effet, son champ d'application et les structures qu'il peut détecter dépendent de sa fréquence de travail. Par analogie, cela revient à utiliser un télescope avec différents filtres à bande étroite.

Compte tenu de l'expansion de l'Univers, pour remonter loin dans le passé, c'est-à-dire au-delà de 13.3 milliards d'années-lumière qui est la limite actuelle des télescopes optiques et des redshift z > 11, il faut descendre en fréquence (ou monter dans les longueurs d'ondes).

A gauche, l'étendue du spectre électromagnétique accessible à la radioastronomie est des milliards de fois plus étendu que le spectre visible (optique) et bien plus riche en objets et structures détectables. A droite, la résolution des plus grands télescopes et radiotélescopes actuels (hors VLBI). Documents D.R. et C.L. Carilli et al. (2015).

ALMA par exemple (voir plus bas) qui opère entre 35 et 950 GHz ne peut sonder l'Univers que jusqu'à l'époque de la réionisation (vers 700000 ans après le Big Bang soit jusque vers z~20) et ne peut donc pas sonder les "Âges Sombres" (entre ~300000 ans et ~1 milliard d'années après le Big Bang) car il ne peut pas descendre en dessous de 35 GHz.

Le SKA-1 qui opère entre 0.3 et 30 GHz et LOFAR qui opère entre 110 et 270 MHz peuvent sonder l'époque de la réionisation et la fin des "Âges Sombres".

MWA qui opère entre 70 et 350 MHz, SKA-LOW qui opère entre 50 et 350 MHz, NenuFAR, une extension de LOFAR, qui opère entre 10 et 85 MHz et le futur SKA-2 prévu pour les années 2030 pourront étudier l'Univers jusqu'aux "Âges Sombres" et z~31 car ils peuvent descendre jusqu'à quelques dizaines de mégahertz.

Pour remonter plus tôt et étudier l'Univers des débuts des "Âges Sombres" (vers 380000 ans après le Big Bang et z~1100) et l'Univers primordial, il faudrait descendre jusqu'aux fréquences métriques et inférieures, des bandes radio qui sont déjà largement encombrées par différents utilisateurs étatiques et privés dont certaines émissions débordent des bandes de fréquences allouées, créant des interférences. De plus ce spectre est parasité par l'ionosphère et d'autres phénomènes naturels. Pour exploiter ce spectre, l'idéal sera donc d'installer les futurs radiotélescopes interférométriques dans l'espace ou sur la face cachée de la Lune.

A télécharger : Le spectre électromagnétique entre 31.2 mHz et 6.52 EHz

(fichier PDF en anglais préparé par Anthony Tekatch, 722 KB)

Convertisseur de Fréquences et Longueurs d'ondes, Translators café

Spectre électromagnétique

Bande

Fréquence

Longueur d'onde

Energie

Application

Rayons gamma, Y

300 - 30 EHz

10 - 1 pm

1.25 MeV - 125 keV

Machines rayons X, astronomie

Rayons X durs, HX

30 - 3 EHz

100 - 10 pm

125 - 12.5 keV

Machines rayons X, astronomie

Rayons X mous, SX

300 - 30.3 PHz

1 nm - 100 pm

12.5 - 1.25 keV

Machines rayons X, astronomie

Ultraviolet Extrême, UVE

30.3 - 3 PHz

1 - 10 nm

1.25 - 0.125 keV

UV, astronomie

Proche Ultraviolet, UVP

3 PHz - 300 THz

10 - 100 nm

12.5 - 1.25 eV

Ionisation UV, spectre visible

Proche Infrarouge, NIR

300 - 30 THz

800 nm - 1 μm

1.25 eV - 125 MeV

Photographie IR

Infrarouge moyen, MIR

30 - 3 THz

1 - 10 μm

125 - 12.5 MeV

IR, astronomie

Infrarouge lointain, FIR

3 THz - 300 GHz

10 - 100 μm

12.5 - 1.25 MeV

IR, astronomie

Extrême Haute Fréquence, EHF

300 - 30 GHz

1 mm - 100 μm

1.25 MeV - 124 μeV

Micro-ondes

Super Haute Fréquence, SHF

30 - 3 GHz

1 - 10 cm

125 - 12.5 μeV

Micro-ondes, satellite

Ultra Haute Fréquence, UHF

3 GHz - 300 MHz

10 - 100 cm

12.5 - 1.25 μeV

Micro-ondes, GSM, astronomie

Très Haute Fréquence, VHF

300 - 30 MHz

1 - 10 m

1.25 μeV - 132 neV

Radio FM, Avi, astronomie

Haute Fréquence, HF

30 - 3 MHz

10 - 100 m

132 - 13 neV

Radio OC

Moyenne Fréquence, MF

3 MHz - 300 kHz

100 - 1000 m

13 - 1.3 neV

Radio AM, OC

Basse Fréquence, BF

300 - 30 kHz

1 - 10 km

1.3 neV - 120 peV

Beacons, AM, radio GO

Très Basse Fréquence, VLF

30 - 3 kHz

10 - 100 km

120 - 13 peV

Son, Navy, géophysique

Fréquence vocale, VF

3 kHz - 300 Hz

100 km - 1 Mm

1.25 peV - 125 feV

Son, audio, voix

Super Basse Fréquence, SVF

300 - 30 Hz

1 - 10 Mm

1.25 peV - 125 feV

Son

Extrême Basse Fréquence, ELF

30 - 3 Hz

10 - 100 Mm

125 - 12.5 feV

Son, alimentation, Navy

avec la fréquence f = c/λ ou f = E/h ou E = hc/λ avec c = 299792.458 km/s est la vitesse de la lumière dans le vide, et h est la constante de Planck = 4.13566733x10-15 eV. La radioastronomie peut fonctionner sous 30 MHz mais idéalement dans l'espace.

Bien que les moyens radioastronomiques mis à la disposition des radioastronomes ne soient pas aussi nombreux que ceux des astronomes du visible, avec le temps les installations se sont multipliées et on compte aujourd'hui dans le monde plus d'une vingtaine d'observatoires disposant de paraboles de plus de 10 m de diamètre dont plusieurs réseaux interférométriques exploitant des antennes de 7 à 25 m de diamètre aux performances inégalées dans le monde des télescopes optiques. Ce sont ces différentes installations que nous allons passer en revue en commençant par les plus anciennes en activité suivies par les plus grandes. Ensuite nous verrons quelques radiotélescopes plus spécialisés.

Arecibo

Afin de résoudre le problème de résolution spatiale des télescopes, en 1960 William E. Gordon de l'Université de Cornell proposa de construire l'antenne parabolique d'Arecibo de 305 m de diamètre à Porto Rico. L'endroit fut choisi car c'est le territoire américain (avec statut de Commonwealth) situé le plus près de l'équateur ce qui facilite également l'étude des planètes et des autres astres (astéroïdes, pulsars, Voie Lactée, etc.) lors de leur transit au-dessus de la parabole.

Gordon avait d'abord l'intention d'utiliser l'antenne comme radar pour étudier l'ionosphère mais bien entendu les astronomes profitèrent de l'occasion pour lui confier des programmes de radioastronomie.

A voir : The World's Largest Radio Telescope / Arecibo Observatory / Puerto Rico

Vues générales du radiotélescope de 305 m de diamètre et ~50 m de profondeur d'Arecibo installé à Porto Rico et de son antenne réceptrice sur laquelle est fixée le dôme grégorien qui abrite le récepteur ALFA multi-faisceaux. La photo de gauche fut prise avant 2010, les deux autres en 2019. Documents Angel Martin et NSF/NAIC.

Le disque fut construit dans une cénote, une dépression calcaire d'environ 480000 m2. La parabole fut d'abord constituée d'un réseau serré de fils métalliques puis en 1974, il fut remplacé par 38778 panneaux perforés en aluminium précisément ajustés. Sa surface collectrice effective représente 73000 m2.

Arecibo est entré en service le 1 novembre 1963. L'espace sous la parabole étant accessible comme le montre la photo ci-dessous, en 1997 un dôme ou foyer grégorien fut installé ainsi que des réflecteurs secondaires et tertiaires, étendant sa bande de travail entre 1-10 GHz. En 2004, il fut équipé d'un récepteur ALFA multi-faisceaux.

La plate-forme du récepteur est suspendue à 150 m au-dessus de la parabole. Elle pèse 900 tonnes et est maintenue par 18 câbles reliés à 3 tours en béton armé de 111 m et 81 m de haut. Notons que l'un des câbles s'est brisé en 2014 suite à un tremblement de terre de magnitude 6.4. Les dommages furent heureusement mineurs. Cette plate-forme peut se déplacer le long d'un arc de cercle de 93 m formant le bras azimutal qui permet au radiotélescope de couvrir un angle de 40° entre les déclinaisons de -1° et +38°.

Arecibo dispose de 4 radars de transmission d'une puissance effective de 20 TW (CW) à 2380 MHz, de 2.5 TW (pic des pulses) à 430 MHz, de 300 MW à 47 MHz et de 6 MW à 8 MHz.

Ci-dessus à gauche, vue générale du radiotélescope d'Arecibo (photo prise au début des années 2000). Au centre, le dôme grégorien. A droite, gros-plan sur le récepteur ALFA multi-faisceaux (détecteur bande L) installé en 2004 dans le dôme grégorien qui a permis d'élargir la bande passante de SETI. Ci-dessous, l'espace sous la parabole d'Arecibo peut être visité et abrite notamment les instruments du foyer grégorien. Documents H.Schweiker/WIYN et NOAO/AURA/NSF et CSIRO/ATNF.

On doit de nombreuses découvertes scientifiques à Arecibo pour citer la détermination de la période de rotation de Mercure (1974), la périodicité de 33 ms du pulsar du Crabe (1968), la découverte du premier pulsar binaire PSR B1913+16 (1974), du premier pulsar milliseconde PSR B1937+21 (1982), la première image directe d'un astéroïde (Castalia en 1989), de molécules prébiotiques dans la galaxie Arp 220 (2008), etc.

En parallèle, sous l'impulsion de l'Institut SETI et de Carl Sagan, Arecibo disposait d'une installation de veille permanente SETI qui travaillait parallèlement aux programmes radioastronomiques en cours. L'émetteur à 2380 MHz (12.6 cm) fut quelquefois utilisé dans le cadre de SETI, notamment en 1974 pour envoyer le fameux "message d'Arecibo" vers l'amas globulaire M13. Il a depuis été remplacé par un émetteur plus puissant à 2400 MHz. On y reviendra dans l'article consacré au programme SETI@Home.

Le budget accordé à l'observatoire d'Arecibo par la NSF, son principal argentier, qui était de 10 millions de dollars au début des années 2000 a chuté de plus de 80% et fut encore réduit ultérieurement. Même la NASA cessa de financer son radar entre 2001 et 2006 mais lui accorda une nouvelle enveloppe en 2010.

Jusqu'en 2020, l'observatoire reçut entre 2 et 3 millions de dollars chaque année pour assurer la maintenance, mai ne pouvant survivre avec si peu d'argent, sa gestion fut transférée à d'autres organisations. En effet, l'observatoire d'Arecibo fut géré jusqu'en 2011 par l'Université de Cornell, puis la NSF lui signifia que le financement d'Arecibo ne serait pas reconduit.

Arecibo est ensuite passé sous la responsabilité de deux organisations américaines (SRI International et USRA) et de l'Université Métropolitaine de Porto Rico (UMET). Mais l'avenir de l'observatoire reste incertain.

Jusqu'aux accidents en série survenus à partir de 2017, environ 140 personnes travaillaient en permanence à Arecibo pour assurer le fonctionnement du site. Il reçut environ 200 chercheurs chaque année ainsi que des étudiants achevant leur thèse de master ou de doctorat. Le site est également ouvert au public et aux écoles mais l'accès dépendait de la météo et des programmes d'observations.

Pour ne pas surcharger cet article, nous reviendrons sur l'effondrement du radiotélescope survenu fin 2020 dans l'article "Arecibo, la fin d'une époque".

FAST

Le radiotélescope FAST (Five-hundred-meter Aperture Spherical Telescope) de 500 m de diamètre fut construit dans une cuvette naturelle calcaire dans la province de Guizhou, dans le sud-est de la Chine. Le projet débuta en 1994 et fut partiellement achevé en 2016, le chantier proprement dit ayant duré 5 ans. L'infrastructure FAST coûta 1.2 milliard de yuans soit 160 millions d'euros. Afin de créer une zone éloignée de toute interférence, le gouvernement chinois n'a pas hésité à déplacer 9110 habitants.

Techniquement, sur les 500 m de diamètre utilisables, seulement 300 m peuvent être illuminés simultanément (cf. ce schéma). L'installation est surnommée "Tiãn yàn" (天雁) signifiant "L'oeil du ciel".

Le radiotélescope FAST de 500 m de diamètre installé à Guizhou, dans le sud-est de la Chine est totalement opérationnel depuis septembre 2019.

La surface métallique est constituée de 4450 panneaux. Etant de forme sphérique, afin d'obtenir une courbure parabolique et focaliser correctement les signaux radios au foyer, certains panneaux répartis sur la zones extérieure peuvent être inclinés grâce à 2225 actuateurs.

Plusieurs problèmes potentiels d'ordre structurel sont apparus dès la conception qu'il fallut résoudre par des solutions novatrices (et donc que personne n'a jamais testé auparavant).

Le premier problème, vu la taille et le poids de l'installation, les ingénieurs ne pouvaient pas s'inspirer du modèle d'Arecibo, le système de câblage suspendu comportant trop de risques de rupture s'il devait supporter une plate-forme mobile pesant plus de 1000 tonnes.

Ensuite, afin de maintenir la courbure et correctement focaliser les signaux, les panneaux doivent se déplacer sur plusieurs mètres (contre seulement quelques centimètres pour Arecibo), ce qui représente un véritable défi pour les ingénieurs chinois. Ainsi pendant le premier mois de test, plus de 150 actuateurs étaient problématiques. Mais comme le souligna le fournisseur dans un article publié en 2016 dans la revue "Nature" : "ce ne sont pas seulement les actuateurs, tout est difficile, tout est risqué." Et de fait, vu la complexité de l'installation, certains radioastronomes étrangers se demandaient même si elle fonctionnerait !

Depuis septembre 2019, FAST est totalement opérationnel. Il fonctionne entre 0.07 et 3 GHz. Parmi d'autres sujets, le radiotélescope étudie les pulsars de faible puissance (il avait découvert un nouveau pulsar milliseconde en 2018), il cartographie l'hydrogène neutre dans les galaxies distantes et recherche des signaux artificiels extraterrestres. Sa résolution spatiale est de 2.9', ce qui est raisonnable pour une parabole unique.

FAST utilise le système d'archivage NGAS développé par l'Australie et l'ESO pour stocker et maintenir l'ensemble des données qu'il enregistre. FAST produit 3 pétabytes (3 millions de MB) de données chaque année, de quoi remplir 120000 disques Blu-Ray simple face ! Notons que le logiciel NGAS est également utilisé par le réseau SKA (voir plus bas).

Soulignons qu'il ne s'agit pas d'un radiotélescope actif comme l'était Arecibo. FAST ne peut pas émettre et ne peut donc pas sonder les astéroïdes par exemple et participer au programme de défense planétaire. En revanche, il peut détecter des lunes inconnues autour des planètes.

Soulignons qu'il fallut attendre 2021 pour la Chine accepte de partager 10% du temps du radiotélescope avec des chercheurs étrangers de 15 pays, en plus des Etats-Unis, de l'Europe et de l'Australie.

RATAN-600

Autre grand projet, le radiotélescope RATAN-600 (l'acronyme russe signifiant "Academy of Sciences Radio Telescope - 600") installé à Zelenchukskaya, dans le Caucase russe qui s'est inspiré de la conception de Nançay (voir ci-dessous).

Comme on le voit ci-dessous, le RATAN-600 forme un anneau de 576 m de diamètre composé de 895 panneaux orientables en élévation mesurant chacun 2 m x 7.4 m. L'aire collectrice effective représente 12000 m2. Grâce à un système à miroirs, les signaux sont focalisés au centre où se situent les récepteurs et les instruments.

A voir : RATAN-600, The World’s Largest Radio Telescope

A gauche, vue générale du radiotélescope RATAN-600 de 576 m de diamètre installé à Zelenchukskaya, dans le Caucase russe. A droite et ci-dessous, quelques-uns des réflecteurs mobiles cylindriques sur rails hauts d'environ 9 m. En dessous à droite, le récepteur conique central tout aussi imposant. Documents SAO/RAS et Ehoes.net

Fonctionnant entre 610 MHz et 30 GHz, le RATAN-600 est principalement utilisé pour étudier la couronne solaire et certaines astres en transit. Il a également participé au programme SETI. A ce sujet, il propagea une fausse alerte en 2015 à propos d'un puissant signal a priori émis dans la région de l'étoile HD164595 mais qui s'avéra finalement probablement d'origine artificielle.

Selon le mode d'utilisation, la résolution maximale du RATAN-600 dans les bandes centimétriques varie entre 2" et 1'. Contrairement au projet BTA-6 (le fameux télescope optique de 6 m de diamètre installé à Zelenchukskaya en 1975) qui est mal situé et n'a jamais été performant et dont le miroir a même été repoli en 2012, le RATAN-600 fait l'objet d'une forte demande depuis qu'il est entré en service en 1974.

Pour augmenter la résolution sans devoir construite des paraboles gigantesques qui deviennent ingérables, la seule solution consiste à utiliser une base interférométrique et d'intégrer les résultats par ordinateur. La plupart des observatoires radioastronomiques fonctionnent aujourd'hui selon cette méthode (Karl Jansky, ALMA, SMA, etc.).

Google Map : FAST - RATAN-600 - Nançay

Les observatoires de Big Ear et de Nançay

De taille plus modeste mais qui reste imposante et de conception différente, citons également le radiotélescope de Nançay du CNRS installé dans le Cher en France mis en service en 1965. Il remplace les deux anciennes paraboles-radars de 7.5 m de diamètre aujourd'hui exposées au mémorial de Caen.

Nançay s'inspire du modèle de Big Ear développé par le célèbre Dr John D. Kraus (1910-2004) qui fut opérationnel entre 1963 et 1998. Il disposait d'un plan orientable de 30 m de large et d'une surface parabolique fixe de 21 m de hauteur, le récepteur se trouvant près du centre, à 128 m de distance.

L'installation radioastronomique de Nançay.

Big Ear a permis d'étudier la galaxie d'Andromède M31 (1963) puis de réaliser le premier sondage des radiosources extragalactiques pour l'Université d'Ohio (1965-1971) avant d'être dédié au programme SETI de 1973 à 1995. Nous devons notamment à Big Ear la détection du signal "Wow" en 1977. Big Ear fut démantelée en 1998 et le terrain fait aujourd'hui partie d'un parcours de golf.

L'installation radioastronomique de Nançay est deux fois plus grande que Big Ear. Comme on le voit à gauche, le radiotélescope principal est constitué de deux systèmes réflecteurs, un "miroir" plan mobile (au fond de l'image) et un "miroir" incurvé fixe (à l'avant-plan) d'un rayon de courbure de 560 m. Le réflecteur mobile en élévation est constitué de panneaux formant un plan de 200 m x 40 m qui réfléchit les signaux vers un second réflecteur incurvé fixe de 300 m x 25 m qui focalise les signaux sur deux récepteurs situés à 280 m de distance au centre du terrain et fonctionnant globalement entre 1-3.5 GHz. L'installation équivaut à une parabole de 100 m de diamètre. Sa résolution est d'environ 1".

L'observatoire de Nançay comprend 3 réseaux additionnels : LOFAR (voir plus bas) qui est intégré dans un réseau européen d'antennes, un radiohéliographe interférométrique comprenant 47 paraboles fonctionnant entre 150-450 MHz destiné à l'étude de la couronne solaire et des éruptions, et un réseau décamétrique (RDN) constitué de 144 antennes hélicoïdales de 9 m de hauteur accordées entre 10-100 MHz principalement utilisé pour étudier la magnétosphère de Jupiter et la couronne solaire. Ces instruments sont complétés par un radiospectrographe ORFEES constitué d'une parabole de 5 m de diamètre dédiée à l'étude du temps spatial, du Soleil et de la couronne solaire entre 130 MHz et 1 GHz et enfin les détecteurs du programme CODALEMA comprenant notamment quelque 50 antennes et destiné à l'étude des rayons cosmiques d'ultra haute énergie entre 20-200 MHz.

Comme expliqué dans l'ouvrage "Bioastronomy - The next steps" (Kluwer, 2011, pp.351-355), en 1981 à l'initiative de François Biraud le radiotélescope décamétrique de Nançay fut mis à profit dans le cadre d'un programme SETI, cherchant des signaux artificiels monochromatiques dans l'environnement de 102 étoiles proches, sans succès. En collaboration avec Jill Tarter de l'Institut SETI, il réalisa deux autres campagnes en 1982, cherchant cette fois des signaux artificiels autour de 132 autres étoiles à 18 et 21 cm de longueur d'onde, sans plus de résultats si ce n'est une meilleure estimation du bruit de fond. En 1992, il récidiva en développant de nouveaux programmes SETI à Nançay, toujours en collaboration avec Jill Tarter. Mais que ce soit à Nançay, Arecibo ou Parkes, les antennes n'ont toujours pas capté le moindre signal artificiel d'origine extraterrestre. La recherche continue malgré tout.

Le VLA Karl Jansky

Le réseau VLA renommé Karl Jansky en 2012 est installé près de Socorro, au Nouveau Mexique, aux Etats-Unis. Opérationnel depuis 1976, il est géré par le NRAO et est constitué de 27 antennes paraboliques de 25 m de diamètre disposées en Y. A l'époque, l'observatoire coûta plus de 78 millions de dollars (de 1972 soit environ 560 millions de dollars actualisés en 2022). La combinaison des signaux équivaut à la résolution d'une seule parabole de 36 km de diamètre ayant la sensibilité d'une parabole de 130 m de diamètre ! L'installation fonctionne entre 0.7 cm et 4 m de longueur d'onde soit entre 40 GHz et 74 MHz. Sa résolution varie entre 24" à 74 MHz et 0.04" à 43 GHz ! C'est l'une des installations les plus performantes du monde. Sa réputation est telle qu'elle figure dans le film "Contact" basé sur le roman de Carl Sagan.

A voir : Beyond The Visible: The Story of the Very Large Array

Google Map : Karl Jansky (VLA)

A gauche, les 27 radiotélescopes du réseau Karl Jansky (ex-Very Large Array ou VLA) installé près de Socorro, au Nouveau Mexique. C'est l'un des réseaux interférométriques les plus performants du monde. Les nuages ne l'effraye pas. C'est auprès de l'une de ces paraboles que fut tourné le film "Contact" avec Jodie Foster (1997). A droite, une parabole installée à Hawaï intégrée au réseau VLBA. Documents NRAO et Dorian Weisel.

VLBA

Le réseau VLBA (Very Long Baseline Array ou réseau à très longue ligne de base) est géré par la NRAO et est opérationnel depuis 1993. Ce réseau de radiotélescopes comprend 10 antennes de 25 mètres de diamètre réparties sur le territoire américain depuis Sainte-Croix dans les Îles Vierges et Mauna Kea sur l'île d'Hawaï. Le centre des opérations se trouve à Socorro au Nouveau-Mexique, aux États-Unis. Dans cette configuration, la base mesure 8611 km.

Le VLBA fonctionne en interférométrie dans la gamme de fréquences comprises entre 0.33 GHz (90 cm) et 86 GHz (0.35 cm). Sa résolution est de 20 mas à 0.33 GHz et atteint 0.17 mas à 42.8 GHz. Le VLBA peut être programmé dynamiquement.

Pour améliorer sa sensibilité et augmenter sa résolution, le VLBA peut inclure d'autres radiotélescopes tels que le GBT de Green Bank en Virginie occidentale, le Very Large Array (VLA) au Nouveau-Mexique et celui de l'Effelsberg en Allemagne (et anciennement Arecibo à Porto Rico). Dans cette configuration, l'installation est nommée High-Sensitivity Array (HSA) ou Aire à Haute Sensibilité.

Image radar obtenue par le VLBA-GBT de la région où Apollo 15 alunit en 1971. On reconnaît la fracture sinueuse de Hadley Rille, le vestige d'une ancienne activité volcanique, probablement un tube de lave effondré. Le cratère visible en haut, le long de la fracture, est Hadley C et mesure environ 6 km de diamètre. La résolution de cette image est de 5 m. Documents NRAO. A titre de comparaison, voici une photo de la région de Hadley prise avec un télescope amateur catadioptrique de 356 mm de diamètre.

En 2021 et après deux ans d'efforts, la NRAO publia les résultats d'une preuve de concept au cours de laquelle le VLBA fut pointé vers le site d'alunissage de la mission Apollo 15. Pour l'occasion, l'antenne orientable de 100 m de diamètre du GBT fut connectée à un nouvel émetteur. Les signaux radars réfléchis furent ensuite traités par un nouvel algorithme qui permit de construire l'image présentée ci-dessus à gauche qui révèle des détails de 5 m sur la surface de la Lune, un record pour une installation terrestre.

Notons que pour atteindre une telle résolution, soit ~27 mas, il faudrait utiliser un télescope optique de 47 m de diamètre, sans même parler de l'effet de la turbulence. Même le futur ELT de l'ESO (39 m) n'atteindra pas cette résolution..

Lors du prochain test, les chercheurs utiliseront une puissance de 500 kW. Selon la NRAO, "cela permettra d'imaginer les objets du système solaire avec des détails et une sensibilité sans précédent. L'augmentation des performances permettra également aux astronomes d'utiliser des signaux radar aussi loin que les orbites d'Uranus et de Neptune, augmentant ainsi notre compréhension du système solaire".

VLBI, VSOP et RadioAstron

Le VLBI (Very Long Baseline Interferometry) est constitué de 18 radiotélescopes répartis sur les cinq continents et reliés par interférométrie. Cette installation est couramment utilisé pour étudier les objets les plus éloignés de l'espace. Ce réseau est également associés à une ou plusieurs antennes spatiales, formant le VLBI spatial ou SVLBI (Space Very Long Baseline Interferometry).

Une première configuration de ce type fut testée en 1997 grâce au satellite HALCA du VSOP (VLBI Space Observatory Program) dont la parabole mesure 8 m de diamètre et qui fonctionna à des fins d'évaluation jusqu'à en 2005 (voir plus bas). Grâce au SLVBI, la résolution atteint 0.1 mas, comparable à celle d'ALMA. Cette comparaison signifie qu'il ne faut pas nécessairement aller dans l'espace pour optimiser la résolution en radioastronomie.

A gauche, la radiosource 3C272.1 alias M84 (NGC 4374 dont voici une image visible du coeur prise par le Télescope Spatial Hubble) telle que la "voit" les radiotélescopes du VLA (en rouge). On distingue clairement le jet bipolaire émis par le trou noir supermassif caché dans son noyau. En raison de ce double jet, cette galaxie de Seyfert est classée parmi les DRAGN (double radiosource associée à un noyau actif) au même titre que M87 ou NGC 5128. A droite, la configuration d'un VLBI spatial (par exemple Arecibo à l'époque et le radiotélescope spatial russe RadioAstron de 10 m de diamètre). Documents NASA/ESA/STScI, VLA/NRAO et RIA.

En 2017, une équipe de vingt astronomes utilisa conjoitement le radiotélescope d'Arecibo de 305 m de diamètre et le radiotélescope spatial russe RadioAstron de 10 m de diamètre évoluant sur une orbite elliptique l'éloignant jusqu'à 350000 km de la Terre pour étudier le quasar 3C273 situé de 2.4 milliards d'années-lumière. Pour cette étude, ce VLBI présentait une base ou baseline (distance entre les 2 paraboles) de 170000 km et une résolution de 26 mas (microseconde d'arc), suffisante pour étudier ce quasar en haute résolution et découvrir que sa région active ne dépassait pas 2.7 mois-lumière.

Le réseau européen EVN

Le réseau européen VLBI ou EVN est un réseau de radiotélescopes installés principalement en Europe et en Asie, avec des antennes supplémentaires installées en Afrique du Sud et à Porto Rico. L'EVN effectue des observations à très haute résolution angulaire de radiosources cosmiques, y compris des émetteurs transitoires (FRBs, etc).

L'EVN est le réseau VLBI le plus sensible au monde et le seul capable d'observations en temps réel.

Le soutien, la planification, la corrélation des projets EVN et si nécessaire l'analyse des données est assurée par le Joint Institute for VLBI ERIC alias JIVE.

On doit notamment à cette installation la découverte en 2022 d'un lien entre les jeunes pulsars et les FRBs.

L'EHT, Event Horizon Telescope

L'EHT (Event Horizon Télescope) est un ensemble de radiotélescopes répartis à travers le monde et reliés par interférométrie, un VLBI conçu pour obtenir une image en haute résolution du trou noir supermassif Sgr A* situé au coeur de la Voie Lactée et de celui de la radiogalaxie M87 alias Virgo A. Sa fréquence de travail se situe dans la partie submillimétrique du spectre (infrarouge lointain) entre 3 et 0.66 mm (entre 3000 et 666 microns) soit entre 100 et 450 GHz.

Les astronomes ont besoin d'une structure aussi vaste car l'image reconstruite par un seule parabole ou même un seul petit réseau interférométrique ne permet pas d'obtenir une image assez précise de cet objet dont le diamètre (celui de son horizon des évènements ou de son ombre projetée sur le disque d'accrétion) est estimé à 10 millions de kilomètres, soit 7 fois la taille du Soleil. Cela correspond à un diamètre angulaire de 0.053" soit 53 mas (53 millisecondes d'arc).

Réparition du réseau interférométrique de radiotélescopes millimétriques participant au programme EHT visant à obtenir une image en haute résolution des trous noirs supermassif dont Sgr A* situé au coeur de la Voie Lactée et M87* situé au coeur de la radiogalaxie M87. Il faut une ligne de base à l'échelle planétaire comme de plus de 10000 km ou spatiale avec le relai des satellites, combinée à des conditions d'observations contraignantes et un traitant du signal très complexe permet d'atteindre une résolution maximale de 0.012 mas soit 12 μas à 345 GHz. Ci-dessous à gauche, les huit installations ayant permis d'obtenir l'image de Sgr A* en 2022 avec une résolution de 20 μas à 230 GHz. Documents BBC, NRAO/CfA via ESO et ESO adapté par l'auteur.

Pour augmenter la résolution et atteindre une fraction de milliseconde d'arc (0.012 mas ou 12 μas à 345 GHz et 0.02 mas ou 20 μas à 230 GHz) c'est-à-dire mieux que le réseau ALMA, il faut recueillir plus de "lumière" et donc agrandir la surface collectrice. La seule manière d'y parvenir est de combiner les signaux reçus par une dizaine de paraboles ou réseaux radioastronomiques installés en Europe, en Amérique et aux pôles et ensuite d'utiliser des algorithmes de traitement de signal et d'imagerie pour construire une image.

Notons que le manque de données en certains endroits du réseau va se traduire par une image moins intense de la même façon que dans une chorale distribuée sur une grande surface, le son d'une personne chantant faiblement produit une note moins élevée et moins audible. Les astronomes pourront donc reconnaître l'image de l'objet mais elle sera imparfaite mais certainement beaucoup plus précise que s'ils utilisaient un seul radiotélescope.

Testé depuis 2006 sur divers objets du ciel profond, la première image du trou noir supermassif M87* fut obtenue par l'EHT en 2019 et celle très attendue de Sgr A* en 2022.

Depuis 2020, 11 installations sont reliées au EHT : ALMA (Atacama Large Millimeter/submillimeter Array) et APEX (Atacama Pathfinder EXperiment) au Chili, JCMT (James Clark Maxwell Telescope) et SMA (Submillimeter Array) à Hawaï, LMT (Large Millimeter Telescope) au Mexique, SMT (Submillimeter Telescope) et ARO (Arizona Radio Observatory) en Arizona, SPT (South Pole Telescope) au Pôle Sud, le télescope du Groenland, IRAM en Espagne et NOEMA (NOrthern Extended Millimeter Array) en France (cf. ESO).

L'astronomie infrarouge millimétrique : ALMA, SMA, GBT et autre LMT

Plusieurs grandes installations sont aujourd'hui opérationnelles dans les bandes millimétriques (micro-ondes entre 1-300 GHz soit entre 30 cm et 1 mm) et submillimétriques (300-1000 GHz). Il y a tout d'abord ALMA (Atacama Large Millimeter/submillimeter Array) installé au Chili. Il s'agit d'un projet international (Europe, Etats-Unis et Japon), chaque pays membre participant à la construction et à la gestion de ses propres antennes.

Démarré en 2003 en même temps que le déclassement de la parabole SEST de 15 m de l'ESO, le réseau ALMA comprend aujourd'hui 66 radiotélescopes dont les paraboles mesurent entre 12 m et 7 m de diamètre et travaillent entre 0.32-3.6 mm soit entre 936-83 GHz. La base peut atteindre 16 km de longueur. La surface collectrice totale dépasse 7000 m2. C'est l'installation radioastronomique la plus puissante du monde. Elle atteint la résolution d'un VLBI spatial soit 0.0001" ou 0.1 mas à 850 microns ou 345 GHz pour une base de 10 km et un SNR=30, ce qui n'est pas encore une valeur optimisée.

ALMA fut inauguré en 2014 et coûta 1.4 milliard de dollars dont 5 millions de dollars par antenne. En répartissant ce coût entre le 1.1 milliard d'habitants des pays participants et ventilé sur sa durée de vie supérieure à un siècle, chaque citoyen européen et américain y contribue à raison de 1.2$/an ou 1€/an, les Japonais à raison de 0.2$/an ou 30 yen/an.

A voir : Into Deepest Space: The Birth of the ALMA Observatory

Google Map : ALMA - SMA

En 2003, l'ESO et la NSF signèrent un accord pour la construction et l'exploitation du plus grand et du plus puissant radiotélescope opérant dans les domaines millimétrique et sous-millimétrique, le projet ALMA. Situé à 5000 m d'altitude, à 40 km de Pedro de Atacama (Chili) cet observatoire est constitué de 66 paraboles de 12 m de diamètre. ALMA est opérationnel depuis 2011. Voici une vue schématique de l'installation. A gauche, trois paraboles du réseau ALMA photographiées en 2010 devant le coeur de la Voie Lactée. A droite, quelques paraboles du réseau ALMA devant le Grand Nuage de Magellan. Cette photographie fut notamment publiée en poster dans le National Geographic d'Avril 2014. Documents ESO/José Francisco Salgado, ESO et Dave Yoder/NGS.

Nous verrons dans les dossiers consacrés à l'astrophysique et la cosmologie qu'ALMA a à son actif des découvertes de première importance concernant la dynamique des galaxies primordiales, des émetteurs Lyman-alpha, des quasars, des trous noirs et des disques protoplanétaires parmi de nombreuses autres découvertes.

La seconde grande installation est le réseau SMA (Submillimeter Array) du CfA installé à Hawaï, pratiquement au sommet du Mauna Kea (Pu'u Poli'ahu) à 4080 m d'altitude et opérationnel depuis 1998. Il dispose de 8 paraboles de 6 m de diamètre travaillent entre 0.3 et 1.7 mm (999-42 GHz mais limités entre 700-180 GHz en pratique) et dont la base peut atteindre 509 mètres.

Parmi les autres observatoires radioastronomiques utilisés dans les bandes millimétriques pour étudier autant les sites de formations stellaires (protoétoiles) que les composantes moléculaires et les propriétés des galaxies les plus éloignées ou les pulsars, il y a le célèbre radiotélescope GBT de 100 m de diamètre installé à Green Bank en Virginie occidentale, aux Etats-Unis, présenté ci-dessous sous différents angles.

L'impressionnante parabole orientable au look futuriste de 100 m x 110 m de diamètre du GBT installée à Green Bank en Virginie occidentale, aux Etats-Unis. Depuis 2004 elle remplace l'antenne de Green Bank qui s'était effondrée en 1988. Documents GBO et Dick et Millie Paxton.

Avec sa parabole de 100 m x 110 m de diamètre, le GBT est le plus grand radioételescope orientable. Depuis 2004, il remplace l'antenne de Green Bank qui s'était effondrée en 1988, heureusement sans faire de victime. Le GBT mesure 145 m de haut et l'installation pèse 8500 tonnes. Sa parabole se compose de 2004 panneaux mobiles gérés par 2209 actuateurs qui maintiennent sa courbure à 76 microns près (RMS). En général, les déplacements des panneaux ne dépassent pas quelques centimètres selon l'astronome D.J. Pisano de l'Université de Virginie occidentale qui utilise le GBT pour étudier les nuages d'hydrogène. Le GBT fonctionne entre 100 MHz et 116 GHz (et plus généralement entre 290 MHz et 1 GHz) et présente un gain de 51 dB à 432 MHz !

Etant construit en pleine campagne, le GBT est l'un des rares radiotélescopes pour lequel on imposa une zone de calme radio dans un rayon d'environ 800 m autour de la parabole. Dans cette zone, il est interdit d'utiliser des appareils électriques, des radios, des smartphones, des fours micro-ondes, le Wi-Fi, et autres commandes à distance RF. Seuls les véhicules diesel des anciennes générations sont autorisés. Tous les appareils susceptibles d'émettre des ondes radios, y compris les serveurs informatiques doivent être blindés ou isolés afin que leurs parasites éventuels n'interfèrent pas avec les signaux captés par le radiotélescope.

La parabole de 100 m de l'Effelsberg en Allemagne en service depuis 1972. Document Norbert Junkes/MPIfR.

Etant donné que la NSF se retire progressivement du financement du GBT, aujourd'hui ce radiotélescope est partiellement financé par des donations privées. Son budget de fonctionnement s'élève annuellement à 10 millions de dollars.

Parmi de nombreuses autres installations radioastronomiques, citons pêle-mêle et par taille décroissante le radiotélescope de 100 m de diamètre de l'Effelsberg en Allemagne présenté à droite. Il est opérationnel depuis 1972 et est géré par l'Institut Max Planck de Radioastronomie. La courbure de la parabole est assurée avec une précision < 0.5 mm grâce à un pilotage par ordinateur et un dispositif mobile placé au foyer primaire qui permet de maintenir l'alignement en permanence. Cette installation pèse 3200 tonnes. Pendant les observations la parabole peut s'incliner entre 8.1° et 89°, balayant jusqu'à 16°/minute. Le système est alimenté par 16 moteurs azimutaux développant chacun 10.2 kW et 4 moteurs en élévation de 17.5 kW chacun.

Sa résolution angulaire est de 9.4' à 21 cm (1.4 GHz) et de 10" à 23.5 mm (86 GHz). Comme la plupart des radiotélescopes de ce gabarit, il est utilisé pour étudier les pulsars, les nuages moléculaires froids, les sites de formations stellaires, les jets émis par les trous noirs et les noyaux des galaxies les plus distantes parmi d'autres sujets. 45% de son temps d'observation est utilisé par des astronomes visiteurs (externes au PMI).

Vient ensuite le radiotélescope historique Lovell de 76 m de diamètre de Jodrell Bank présenté ci-dessous installé en 1957 dans la campagne du Cheshire en Angleterre et rénové en 2002. Il est complété par Jodrell Bank Mark II opérationnel depuis 1964 dont la parabole mesure 38.1 m x 25.4 m de diamètre.

Les installations du Centre d'Astrophysique de Jodrell Bank sont gérées par l'Université de Manchester qui dispose au total de 8 antennes paraboliques dont celle de 76 m, 5 radiotélescopes de 25 m de diamètre, une parabole de 13 m et une de 32 m à Cambridge. Grâce au réseau MERLIN, ces antennes peuvent fonctionner en interférométrie, y compris en combinaison avec le VLA américain (VLBI) et l'Event Horizon Telescope (EHT).

Comme on le voit ci-dessous à droite, l'utilisation du mode VLBI intercontinental permet aux astronomes d'étudier en haute résolution les sites de formations stellaires au sein des galaxies ainsi que d'autres objets célestes exigeants des images très détaillés comme les disques protoplanétaires ou les disques d'accrétion des trous noirs.

Google Map : Green Bank - Effelsberg - Jodrell Bank - Parkes - IRAM

A gauche et à sa droite (photographié depuis le bâtiment de contrôle), le vénérable radiotélescope Lovell de 76 m de diamètre de Jodrell Bank en Angleterre opérationnel depuis 1957 après le remplacement en 2002 des panneaux de la parabole par des plaques souples en acier galvanisé. A droite du centre, Jodrell Bank Mark II opérationnel depuis 1964 dont la parabole mesure ~25 m de diamètre. A droite, image reconstruite de la galaxie irrégulière M82 obtenue grâce au radiotélescope de Jodrell Bank relié au VLA via le réseau MERLIN (mode VLBI) révélant le taux élevée de formation stellaire. Documents Binary Ape, Benjamin Shaw, Ian Morison,/U.Manchester et U.Manchester/STFC.

Les radioastronomes disposent également de la parabole de 65 m de Parkes installée en Australie (voir ci-dessous) opérationnel depuis 1961 et partiellement dédiée au programme SETI au même titre que le réseau ATA, le LMT de 50 m opérationnel depuis 2010 au sommet du volcan Sierra Negra au Mexique qui a notamment permis d'étudier la galaxie G09 83808 situé à z=6.027 soit environ 12.8 milliards d'années-lumière, le Nobeyama de 45 m installé au Japon, l'IRAM de 30 m installé à Pico Veleta dans la Sierra Nevada en Espagne et associé au projet NOEMA (NOrthern Extended Millimeter Array), le MOPRA de 22 m installé dans les montagnes de Warrumbungle à 450 km au nord-est de Sydney en Australie, la parabole de 15 m du JCMT installée à Hawaï, la parabole SEST de l'ESO de 15 m de diamètre installée à la Silla (déclassée en 2003) qui fut remplacée par l'APEX de 12 m de diamètre, la parabole de 12 m de l'ARO de l'Observatoire Radio d'Arizona, celle de 10.4 m du CSO du Caltech ainsi que les nouveaux radiotélescopes chinois, à savoir le Miyun de 50 m et le Kunming de 40 m de diamètre, sans oublier les antennes de communication du réseau DSN de la NASA.

A gauche, le radiotélescope de Parkes de 64 m de diamètre installé en Australie. Au centre, le LMT de 50 m de diamètre installé au sommet du volcan endormi Sierra Negra dans l'État de Puebla au Mexique. A droite, la parabole de 45 m de l'Observatoire Radio de Nobeyama au Japon (NRO). Ces trois instruments parmi d'autres ont déjà permis aux astronomes de valider des théories et de découvrir des phénomènes astrophysiques importants. Documents CSIRO, LMT et NAOJ.

LOFAR

LOFAR (LOw Frequency ARray) est un système européen de radioastronomie imaginé en 2006 et dont la construction se déroula entre 2010 et 2012.

Le projet est dirigé par l'Institut néerlandais de radioastronomie ASTRON et fait partie intégrante du projet SKA (voir plus bas).

LOFAR est le premier télescope exploitant une nouvelle technologie : un réseau d'antennes omnidirectionnelles simples travaillant isolément au lieu d'antennes paraboliques travaillant en interférométrie. C'est sa principale caractéristique et son point fort.

Il existe deux types d'antenne distinctes : l'antenne bande basse (LBA) fonctionnant entre 10 et 90 MHz et l'antenne bande haute (HBA) fonctionnant entre 110 et 250 MHz. Ces antennes sont organisées en stations de réseau d'ouvertures ou Array. Le noyau de LOFAR comprend de 24 stations réparties sur 4 km2, chaque station contenant 96 antennes LBA et 48 antennes HBA.

Pour réaliser des images radio du ciel avec une résolution utile (entre 90" et 6"), ces antennes sont disposées en grappes réparties sur une superficie de 100 km de diamètre aux Pays-Bas et sur 1500 km à travers l'Europe. Actuellement, le réseau se compose d'environ 20000 radiotélescopes répartis sur 52 sites européens.

Pour combiner les données de ces différents réseaux d'antennes, les signaux sont numérisés et transférés vers un processeur de signal central où ils sont combinés pour émuler une antenne unique. Selon ses concepteurs, LOFAR est un "radiotélescope informatique". Les exigences de transport de données sont de l'ordre de plusieurs terabits par seconde et la puissance de traitement nécessaire atteint des dizaines de TFLOPS.

Conséquence de la loi de Moore, l'absence de grande parabole rend le coût de ce type d'installation très économique et permet de construire des installations de plus en plus grandes à mesure que les années passent.

A gauche, quelques unes des antennes du réseau LOFAR installées aux Pays-Bas. Au centre, image composite (X en bleu, radio en rouge) de l'amas de galaxies PSZ2 G091.83+26.11 situé à 7 milliards d'années-lumière. L'émission X provient d'un gaz porté entre 10 et 100 millions de degrés. Les particules sont accélérées pratiquement jusqu'à la vitesse de la lumière. A droite, composite radio-optique de la radiogalaxie géante Alcyoneus découverte en 2022 qui mesure 16.3 millions d'années-lumière de diamètre. Documents LOFAR, PanSTARRS/NASA/CXC/LOFAR et M.S.Oei et al. (2022).

Parmi ses résultats, citons la détection de rayons cosmiques (cf. A.Corstanje et al., 2011), l'observation d'une gigantesque collision entre amas de galaxies situés à 7 milliards d'années-lumière (cf. G.Di Gennaro et al., 2020) et la découverte d'Alcyoneus, la plus grande radiogalaxie géante découverte à ce jour qui mesure 16.3 millions d'années-lumière de diamètre, soit ~163 fois la Voie Lactée !

ASKAP

L'ASKAP (Australian Square Kilometer Array Pathfinder) est une installation radiointerférométrique installée à l'Observatoire de Radioastronomie de Murchison (MRO) dans l'outback australien. L'observatoire dispose de 36 antennes paraboliques de 12 m de diamètre et est intégré au projet SKA (voir plus bas). L'ASKAP est opérationnel depuis octobre 2012.

Les chercheurs utilisent généralement l'ASKAP pour sonder les astres y compris les trous noirs supermassifs à hautes fréquences (~1.5 GHz) et utilisent le MWA pour les enregistrements à basses fréquences (cf. la découverte du jet collimaté le plus long). L'ASKAP est également utilisé pour sonder l'environnement des systèmes exoplanétaires (par ex. les éruptions de Proxima du Centaure en 2019). Enfin, comme ALMA et d'autres grandes installations, il devrait aider les astronomes à détecter de nouveaux rémanents de supernovae (SNR).

MWA

MWA (Murchison Widefield Array) est un réseau radioastronomique à basse fréquence installé à Meekatharra, en Australie Occidentale. Il est opérationnel depuis 2013. MWA comprend plus de 4096 antennes fonctionnant entre 70 et 300 MHz et constitue le premier groupe d'antennes du projet international SKA (voir plus bas). On lui doit notamment la découverte en 2022 d'une nouveau type de magnétar ultra lent et ultra lumineux (cf. GLEAM-X J162759.5-523504.3).

MeerKAT

MeerKAT (ex-Karoo Array Telescope) est un radiotélescope composé de 64 antennes de 13.5 m de diamètre installé en Afrique du Sud. Sa surface collectrice représente 9000 m2. Il vit sa première lumière en 2016 et fut inauguré en 2018. Il a pour but d'étudier le continuum profond, la polarisation, les raies spectrales, les pulsars et recherche des évènements transitoires. On lui doit notamment la découverte des immenses bulles de gaz autour du centre de la Voie Lactée.

MWA et MeerKAT servent de précuseur et seront intégrés au réseau radioastronomique de nouvelle génération, le SKA.

SKA

Le réseau SKA (Square Kilometer Array) est un projet international qui sera composé à terme de plus d'un million d'antennes réparties à travers le monde, y compris en Europe, intégrant les réseaux MWA, MeerKAT, LOFAR, SKA-LOW et bien d'autres. Une partie de cette installation est en cours de construction en Australie et en Afrique du Sud. Le SKA devrait être opérationnel vers 2030.

A gauche, l'une des antennes du réseau MeerKAT de 13.5 m de diamètre installée à Karoo en Afrique du Sud, en mars 2014. A droite, quelques unes des 197 antennes de 15 m de diamètre du futur réseau SKA installé en Afrique du Sud en 2011. Documents SKA.

Bien que 10 pays forment le noyau du SKA, environ 100 organisations d'une vingtaine de pays participent à sa conception et son développement qui requiert les superordinateurs les plus puissants et un réseau informatique de dernière génération. La première phase du projet coûta 650 millions d'euros et son coût total devrait dépasser 1 milliard d'euros.

L'installation SKA installée en Afrique du Sud appelée SKA-Mid comprendra à terme 197 antennes paraboliques de 15 m de diamètre fonctionnant par interférométrie à moyennes et hautes fréquences (entre 50 MHz et 20 GHz soit entre 6 m et 1.5 cm de longueur d'onde) tandis que l'installation SKA d'Australie appelée SKA-Low disposera à terme de 131000 antennes basses fréquences (50-350 MHz) et on évoque un projet d'un million d'antennes. La surface collectrice du SKA installé en Afrique du Sud représente 1 km2.

A voir : Building the world’s biggest telescope (SKA), AAS

A gauche, les antennes du SKA en cours de construction en Australie. A droite, le site prototype des 256 antennes log-périodiques du projet SKA-LOW AAVS 2.0 installé en Italie fonctionnant entre 50 et 350 MHz. Documents SKA.

Grâce à SKA, les astrophysiciens pourront explorer les confins de l'Univers et notamment analyser en détails les propriétés des quasars, des galaxies primordiales, des énigmatiques sources FRB et les magnétars ainsi que toutes les sources de champs magnétiques dont le Soleil et les pulsars. Selon les prévisions, SKA devrait centupler le nombre de sources de champs magnétiques cosmiques (cf. M.Johnston-Hollitt et al., 2015).

Vu les performances inégalées du SKA, les astronomes pourront également s'en servir pour préciser la structure et l'évolution de l'Univers en étudiant la quantité de matière convertie en énergie par les étoiles aux différentes époques et notamment lors de la réionisation (vers 700000 ans après le Big Bang soit jusque vers z~20, cf. aussi L'avenir de l'Univers) et même sonder la fin des "Âges Sombres" (entre ~300000 ans et ~1 milliard d'années après le Big Bang) pour les antennes travaillant aux plus basses fréquences.

Le SKA enregistrera plus de 0.5 zetabyte (de quoi remplir plus de 1 million de disques durs de 500 GB) de données chaque jour. Sachant que chaque partie de ce réseau présente une sensibilité atteignant 0.45 à 100 mJy par beam et une résolution de 45 à 180" selon les sondages et les fréquences, on estime qu'il serait capable de détecter le radar d'un aéroport sur une exoplanète située à 10 années-lumière.

L'ATA, Allen Telescope Array

Le réseau ATA (Allen Telescope Array) est en cours d'installation sur le site de Hat Creek situé en Californie, à 480 km au nord de San Francisco, par l'Institut SETI et l'Université de Californie à Berkeley. Son nom rend hommage à Paul Allen cofondateur d'Apple puis de Microsoft et mécène du projet. ATA sera dédié à SETI et travaillera entre 1-10 GHz. Le réseau est construit en plusieurs phases. Il sera d'abord constitué de 42 paraboles de 6.1 m de diamètre représentant une surface collectrice 1227 m2 pour s'achever avec 350 paraboles réparties sur une surface de 1 km2 équivalentes à la résolution d'une parabole de 100 m de diamètre. Son coût est estimé à 25 millions de dollars. Bien que l'installation fut endommagée par des feux de forêt en 2014, le projet suit son cours (le dernier Workshop date de 2023).

Une partie des antennes du réseau ATA installé dans le nord de la Californie photographié en 2018. Documents Seth Shostak/SETI Institute.

Les détecteurs de rayons cosmiques et gamma

Pour mémoire, citons également les détecteurs de rayons cosmiques, ces particules de très hautes énergies émises par les phénomènes les plus violents de l'Univers parmi lesquels les supernovae, les GRB et les quasars. Pour les détecter, on n'utilise pas des radiotélescopes mais des détecteurs spécialisés qui sont plus du domaine des physiciens que des astrophysiciens.

Les principaux instruments sont l'Observatoire Pierre Auger situé près de Malargüe, dans la Pampa Argentine, qui utilise deux types de détecteurs, de l'eau pure (effet Cerenkov) et la fluorescence UV des atomes de la haute atmosphère, et le Telescope Array installé en Utah utilisant des scintillateurs.

Depuis 2019, la Chine dispose du LHAASO (Large High Altitude Air Shower Observatory) qui est à ce jour l'installation de détection des rayons cosmiques et gamma la plus sensible au monde. Elle comprend plusieurs réseaux d'instruments dont des détecteurs de particules électromagnétiques, de muons et des détecteurs Cherenkov (cf. le "super PeVatron").

Inconvénients de la radioastronomie terrestre

L'avantage de la radioastronomie apparaît lorsque la lumière est arrêtée par la présence de nuages de poussière qui cachent certaines régions du ciel. Cette matière laisse passer le rayonnement radioélectrique et de plus grande longueur d'onde. Mais en fonction du spectre étudié, une partie du rayonnement est diffusée ou absorbée par la matière. Les corps célestes produisent également un rayonnement thermique perturbateur, sans compter les émissions interstellaires (les étoiles jeunes), le rayonnement du corps noir à 2.7 K. sans parler de l’activité industrielle du “village global” et notamment des satellites.

Comme on le voit ci-dessous, tous ces "parasites" sur lesquels nous reviendrons à propos de SETI réduisent nos fenêtres astronomiques. Dans les meilleurs cas, en faisant usage des bases interférométriques et des algorithmes de corrections informatiques (DSP), la radioastronomie permet de sonder l'univers avec une résolution supérieure à celle des instruments optiques. Elle est toutefois surpassée par les détecteurs rayons X des observatoires spatiaux.

La fenêtre micro-onde

Les rayonnements émis par le corps noir, les phénomènes non thermiques et le bruit quantique limitent nos fenêtres d'écoute. Comme dans la nature, le "trou de l'eau" aux alentours de 1.4 GHz est un endroit calme qui reste la bande de fréquences la moins parasitée, notamment pour les programmes SETI.

L'avenir de la radioastronomie est dans l'espace. Si l'astronomie optique interférométrique est encore à ses débuts sur le mont Paranal au Chili, cela relève déjà de la routine pour les ondes radios.

Comme évoqué, suite aux premiers essais réussis du projet américano-japonais VSOP dont le but était de tester la technique d'interférométrie espace-Terre, l'étape suivante sera l'installation sur orbite d'un ou plusieurs radiotélescopes.

L'astronomie spatiale et l'exploration de l'espace

L'astronomie spatiale et l'exploration de l'espace comptent parmi les nombreuses disciplines de l'astronautique. Grâce aux données enregistrées lors des missions spatiales habitées dont Apollo, Skylab et la station ISS ainsi que les centaines d'instruments embarqués à bord des télescopes spatiaux, des satellites et des sondes spatiales, nous avons dévouvert que l'espace offre des conditions d'observation du ciel réellement exceptionnelles, et ce 24 heures sur 24 tout au long de l'année et dans toute l'étendue du spectre électromagnétique.

Le télescope spatial James Webb (JWST) de 6.5 m de diamètre fut construit par Northrop Grumman et fut lancé le 25 décembre 2021 et placé sur une orbite de halo autour du point L2 de Lagrande (derrière la Terre sur l'axe Soleil-Terre) pour une mission d'au moins 10 ans. Comme ses prédécesseurs, pour préserver la qualité des enregistrements, le JWST est protégé des rayonnements et de la chaleur du Soleil de sorte que sa température interne au niveau du miroir et des capteurs CCD est de 45 K (-228°C). Les détecteurs les plus sensibles sont refroidis à 6.7 K soit -266.4°C maximum afin de réduire les bruits parasites engendrés par l'instrument lui-même. D'autres composants sensibles à l'infrarouge sont refroidis à 37 K soit -236°C (cf. les cryocoolers). On reviendra en détails sur le JWST.

A consulter : Astrophysical Missions (ESA)

L'étude des rayonnements est privilégiée dans l'espace. A gauche, le Télescope Spatial Hubble opérationnel depuis 1993. Grâce à ses 12 photodétecteurs et caméras, il est sensible entre 110 nm (UV) et 1700 nm (proche IR). A sa droite, l'observatoire européen d'étude du rayonnement gamma et X INTEGRAL lancé en avril 2002 par une fusée russe Proton. Il orbite la plupart du temps à plus de 40000 km au-dessus des ceintures de radiations de Van Allen pour éviter toute perturbation des émissions gamma. Au centre, le satellite européen Planck qui cartographia le rayonnement cosmologique mieux que COBE ou WMAP, son successeur. Il disposait d'un miroir de 1.5 m et d'un système cryogénique actif refroidissant les instruments de mesure jusqu'à un dizième de degré au-dessus du zéro absolu ! Il fut placé en 2007 sur le point de Lagrange L2 et fonctionna jusqu'en 2013. A droite, le télescope JWST équipé d'un miroir de 6.5 m qui fut lancé le 25 décembre 2021 (avec 10 ans de retard) pour remplacer le HST. Le JWST fut construit par Northrop Grumman avec une participation de la NASA, de l'ESA et du Canada. Documents NASA/ESA, ESA et JWST adaptés par l'auteur.

Bien sûr cette haute technologie a un prix : l'ensemble du projet JWST coûta 10 milliards de dollars actualisés - 30% de plus que prévu - en comptant sa maintenance et tous les projets scientifiques répartis sur 5 ans d'exploitation (mais il est possible qu'il reste opérationnel pendant 30 ans). Par comparaison, avec ses 2.4 m de diamètre le Télescope Spatial Hubble coûta au total 14.5 milliards de dollars actualisés en 2022 - c'est le télescope le plus cher du monde - il fut assemblé en 15 ans et est deux fois plus lourd que le JWST qui est 2.7 fois plus grand.

En radioastronomie, le projet ARISE (Advanced Radio Interferometry between Space and Earth) de la NASA fut proposé en 1998. ARISE utilise un satellite relié à une antenne parabolique gonflable de 25 m de diamètre pesant 1700 kg. C'est la pièce maîtresse d'un réseau interférométrique VLBI utilisant des radiotélescopes orbitaux et terrestres. Sa résolution atteint 0.01 mas soit 10 microsecondes d'arc. C'est 50 fois supérieur à la meilleure résolution des VLT du Chili et 4 fois supérieur à celle de l'EHT en configuration VLBI terrestre. Mais ce projet n'a jamais trouvé de financement et fut finalement abandonné.

Si beaucoup de projets spatiaux ont été annulés, d'autres projets d'envergure sont en bonne voie d'aboutir pour citer l'interféromètre gravitationnel LISA prévu pour 2034.

Aujourd'hui les chercheurs ont à leur disposition des observatoires orbitaux hors du commun pour sonder l'univers dans toute la gamme des rayonnements électromagnétiques, de la lumière visible (visible et infrarouge) aux rayons gamma et X en passant par les UV ou les micro-ondes.

L'avenir voit plus grand, plus loin et avec plus de précision encore. Si les télescopes spatiaux optiques nous ont fait découvrir la réelle étendue et toute la complexité de l'Univers, les télescopes travaillant dans l'infrarouge et les radiotélescopes millimétriques ont fait reculer les limites de l'univers observable, tandis que les télescopes X en arrivant à portée de main du Big Bang nous permettront peut-être de percer les secrets de l'Univers.

Avantages et désavantages des télescopes spatiaux

Si les télescopes spatiaux nous offrent des images du ciel impossibles à obtenir avec un télescope terrestre équiovalent confronté aux problèmes de la turbulence et de la visibilité, ils ont tout de même deux défauts majeurs : leur coût astronomique et leur courte durée de vie.

Comparé à l'ELT de 40 m de diamètre de l'ESO qui sera probablement utilisé pendant 100 ans et davantage si le ciel reste clair, le JWST tombera en panne 10 ans après son lancement, faute de carburant. S'il ne peut plus se maintenir sur le point L2 de Lagrange, il lui sera difficile de viser les astres et nous perdrons tout contact avec lui.

Autre inconvénient des télescopes mis en orbite, si une panne se produit sur une installation spatiale en orbite basse autour de la Terre, on peut éventuellement envoyer une équipe d'astronautes sur place remplacer l'élément défecteux. Si c'est trop complexe où la panne irréparable et qu'on perd l'instrument, bien qu'il ne soit dans l'absolu qu'à quelques centaines de kilomètres de distance, il sera perdu. Si le télescope est placé plus loin comme le JWST sur le point L2 de Lagrange situé à 1.5 million de kilomètres de la Terre et qu'il tombe en panne, on ne peut pas le réparer. Dans les deux cas la mission est abandonnée, élevant le coût de telles infrastructures à des prix faramineux.

Bref, comme tous les télescopes spatiaux, avec un coût total dépassant 10 milliards de dollars, le JWST n'est pas rentable et on peut remercier les sénateurs américains qui ont accepté de signer la facture que payeront les contribuables américains (93% de la facture), européens (6.7% de la facture) et canadiens (0.87% de la facture).

Les hypertélescopes

Quelques projets d'hypertélescopes optiques démesurés de 150 km de diamètre : ci-dessus le Redundant Linear Array de Lopez et al. proposé en 2000. Ci-dessous à gauche, l'Apodized Square Aperture et à droite, le Single Array Element. Tous fonctionnent en interférométrie. Documents Antoine Labeyrie.

L'avenir des observatoires terrestres reste donc assuré et d'autant plus sachant qu'ils tirent profit de techniques ultramodernes (CCD à très haute résolution, miroir ultramince, miroir refroidi, paliers sur bain d'huile, optique adaptative, interférométrie, correction de franges, etc). Leur coût plus faible que les télescopes spatiaux permet également d'en multiplier le nombre, seul moyen pour suivre de manière continue certains phénomènes planétaires et extragalactiques.

Mais dans l'avenir les projets spatiaux n'en demeurent pas moins indispensables et seront plus ambitieux encore. Ainsi, la NASA en collaboration avec BOEING envisage rien de moins que de construire dans l'espace des hypertélescopes de... 150 km de diamètre !

Selon Antoine Labeyrie, un tel télescope serait constitué de 150 miroirs de 3 m de diamètre chacun fonctionnant en interférométrie. LISE, Hyper-OVLA ou le Redundant Linear Array de Lopez serait capable de discerner des détails de 10 km sur la surface d'une planète de la taille de la Terre à 10 années-lumière ou d'observer la surface des étoiles proches avec une résolution de 50 mètres ! Si cela laisse rêveur... on peut encore faire mieux !

A gauche, image simulée d'une exoplanète similaire à la Terre observée à une distance de 10 années-lumière par un télescope de 150 km de diamètre. A droite, simulation de l'image multipixel reconstruite d'une exoplanète tellurique observée grâce à un coronographe de 1 m de diamètre placé au dela de 547 UA du Soleil et tirant profit de l'effet de lentille gravitationnelle du Soleil (SGL). Sur cette exoplanète située à 100 années-lumière, moyennant un temps d'intégration de 6 mois, ce système permet de distinguer des détails de ~25 km. Documents Antoine Labeyrie et NASA/Slava Turyshev.

La mission Solar Gravitational Lens (SGL)

L'effet de lentille gravitationnelle du Soleil offre des perspectives stupéfiantes : le facteur d'amplification atteint ~1011 à 1 micron et la résolution angulaire 10-10 seconde d'arc ! Selon la NASA, on pourrait exploiter cette technique pour obtenir des images et des spectres en haute résolution d'exoplanètes similaires à la Terre situées dans notre proche banlieue, jusqu'à plusieurs centaines d'années-lumière.

Selon Slava Turyshev du JPL, l'institut NIAC (NASA Institute for Advanced Concepts) étudie la faisabilité de construire un coronographe de 1 mètre de diamètre qui serait placé au-delà de la région dite de forte interférence située à plus de 547.6 UA du Soleil afin d'obtenir des images - on parle d'imagerie multipixels - et des spectres des exoplanètes proches.

La technique consiste à photographier l'anneau d'Einstein engendré par la lentille gravitationnelle du Soleil. Bien que l'image est fortement déformée, on peut la redresser et reconstruire une image sans aberrations. Seule contrainte, le temps d'exposition ou temps total d'intégration est de 6 mois pour imager une exoplanète terrestre située à 30 pc soit environ 100 années-lumière avec suffisamment de détails pour atteindre une résolution de ~25 km et observer d'éventuels signes d'habitabilité, comme illustré ci-dessus à droite.

Le télescope serait en fait un essaim de petits satellites "smallsats" alimentés par des plaques solaires et propulsés par 16 petites voiles solaires de 10x3 m2 qui permettraient d'atteindre une vitesse de ~150 km/s au périhélie. La mission serait autonome et gérée par une intelligence artificielle. Tous les satellites fonctionneraient en interférométrie optique pour observer simultanément le même système exoplanétaire.

Cette architecture permet de réduire le temps d'intégration, le coût des composants, la masse totale de l'instrumentation et permet de réaliser des économies d'échelle.

Actuellement ce projet est à l'état de concept.

Sur la Lune

Enfin, on peut aller plus loin et profiter de tous les avantages de l'environnement lunaire. Un projet très prometteur est le "Lunar Crater Radio Telescope" (LCRT) proposé par le JPL dont la conception est actuellement en phase II du programme "Innovative Advanced Concepts" (NIAC) de la NASA.

Si le projet voit le jour, l'antenne parabolique du radiotélescope de 1 km de diamètre épousera la forme d'un cratère de 3 à 5 km de diamètre situé sur la face cachée de la Lune. Mais il y a de nombreux défis à relever car les matériaux doivent supporter des écarts de température entre -173 et +127°C. Il faut aussi analyser la faisabilité si sa construction est confiée à 100% à des robots ou si une présence humaine est indispensable. On reviendra sur la colonisation de la Lune.

A voir : Lunar Crater Radio Telescope (LCRT) on the Far-Side of the Moon

La surface de la Lune étant couverte de cratères, l'une de ces dépressions naturelles pourrait fournir le support adéquat pour installer la parabole d'un radiotélescope de 1 km de diamètre. Comme le montre l'illustration de gauche, des rovers DuAxel pourraient ancrer le treillis métallique à partir du bord du cratère. Documents Vladimir Vustyansky.

Observer, écouter ou analyser les astres à travers tout le spectre électromagnétique ne satisfait pas pour autant la curiosité des chercheurs. La démarche de la communauté scientifique ne peut pas s'arrêter une fois que les praticiens (astrophysiciens, radioastronomes, etc) ont fermé la porte de leur observatoire. Les théoriciens (mathématiciens, physiciens, cosmologistes, etc) ont besoin de connaître les résultats obtenus au cours de ces programmes d'observations pour affiner, corroborer et valider voire infirmer leurs théories et éventuellement prédire des faits nouveaux que les praticiens tenteront de détecter et d'enregistrer (la seule observation étant insuffisante).

Le rôle de tout scientifique est d'essayer de comprendre les mécanismes derrière les phénomènes en reproduisant ou simulant à petite échelle ce qu'il a observé (cf. la philosophie des sciences). Cela a commencé avec le prisme qui reproduisait les couleurs de l'arc-en-ciel et le spectre des étoiles et se poursuit aujourd'hui avec les accélérateurs de particules qui tentent de découvrir les particules manquantes à la classification taxonomique quantique et les superordinateurs qui essayent de simuler les propriétés des objets célestes et de l'Univers.

Voyons justement comment les astronomes exploitent l'informatique pour mieux comprendre la nature et les propriétés des astres. C'est l'objet du dernier chapitre.

Dernier chapitre

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[9] K.Jansky, Proceedings of the Institute of Radio Engineers, Dec 1932.


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