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La Table Astrobiologique

Une vie intelligente existe-t-elle ailleurs dans l'univers ?

Comment peut-on quantifier l'incertain, l'aspect essentiellement aléatoire de la nature et en particulier la probabilité qu'il existe dans l'univers d'autres formes de vie intelligentes ? Nous connaissons tous la formule de Drake. Une précision a récemment été apportée à cette formule de probabilité en utilisant un nouveau genre d'heuristique appelé la "Table Astrobiologique". Elle se fonde sur les découvertes récemment faites en chimie, en biologie, en géologie et en astronomie. Mais l'argument de base demeure toujours le même : comment définir la fréquence d'apparition d'une vie ailleurs dans l'univers quand on sait que la multiplication des facteurs de la formule de Drake donne une probabilité d'existence infinitésiment petite ?

La question porte en fait sur des probabilités assez faibles d'existence d'une forme de vie intelligente ailleurs dans l'univers, autour d'étoiles viables et d'exoplanètes habitables situées sur des orbites stables. Cette question est difficile car multidimensionnelle. Aussi certains chercheurs ont eu l'idée de présenter cette fréquence sous forme de table.

En tant que collaborateur de Carl Sagan, auteur de la série "Cosmos", Steven Soter, du Musée américain d'Histoire naturelle disait : "en contemplant le ciel, vous observez quelque chose de l'ordre de mille milliards de planètes et quelque cent milliards de galaxies. Ces nombres nous font chanceler. A mon avis, mais ce n'est qu'une opinion, l'univers est plein de vie, nous ne sommes pas seuls".

Au XVIe siècle le philosophe italien Giordano Bruno fut l'un des premiers à oser proclamer publiquement que l'univers était infini et qu'il existait d'innombrables mondes habités. Pour avoir prétendu une telle "hérésie", Bruno sera condamné par l'Inquisition et brûlé vif en 1600.

Il faudra attendre les années 1900 pour que le célèbre scientifique Simon Newcomb écrive ce qui semble aujourd'hui de plus en plus évident : "Nous savons tous que cette terre sur laquelle nous demeurons est seulement l'une parmi des millions d'innombrables terres dispersés dans l'espace infini... Si c'est ainsi, en toute probabilité des millions d'entre elles sont semblables à notre monde. Avons-nous quelque raison de croire que la vie existe sur ces autres mondes ?". Un Copernicien convaincu de l'existence d'une vie extraterrestre comme Carl Sagan lui aurait répondu : "Aussi merveilleuse que soit la vie, elle n'a rien de particulier".

Des milliards et des milliards de planètes

Répondre à notre question qui témoigne à la fois de notre perplexité et de notre manque d'imagination est une tâche presque insensée car elle requiert des études transdisciplinaires de la part des scientifiques qui doivent spéculer sans avoir la moindre donnée statistique à traiter ! En effet, la Terre telle que nous la connaissons est un échantillon statistique unique; à l'image de l'univers, a priori l'expérience n'a réussi qu'une seule fois et personne ne sait comment reproduire les conditions de l'expérience, et pour cause : le génial savant ayant conduit l'expérience n'a pas laissé de notes derrière lui !

Ainsi que nous l'explique le Dr. Michael Meyer, attaché au département d'astrobiologie de la NASA à Washington, posons le problème : "concernant la question de la vie intelligente, les inconnues sont immenses. En comptant approximativement 10 mille milliards de milliards d'étoiles (1022) dans le ciel (100 milliards de galaxies contenant chacune 100 milliards d'étoiles), il semble raisonnable de penser qu'au moins une autre étoile est capable d'héberger une planète abritant une vie complexe. Si la vie complexe est un phénomène rare, l'espace est si vaste et si hostile à la vie que nous ne pourrons jamais rien savoir sur notre voisine la plus proche. Mais si de nombreuses expériences planétaires ont réussi, il s'agit alors d'une simple question de temps pour que nous apprenions que nous ne sommes pas seuls."

Cette idée est bien sûr très optimiste, trop sans doute de la part d'un scientifique, car elle suppose en filigrane que nous maîtriserons un jour le vol relativiste et les problèmes techniques d'hibernation ou que ces éventuelles civilisations extraterrestres nous visiteront à domicile, deux suppositions hautement spéculatives. Si cela ne change rien à nos statistiques, cela réduit encore un peu plus les chances de rencontre.

La table de Drake

En augmentant la précision de nos calculs les astrobiologistes sont parvenus à "deviner" combien de civilisations intelligentes pourraient exister en dehors du système solaire, une conjecture qui dépend étroitement de la sensibilité de la multiplication de facteurs de probabilités. Frank Drake eut une idée géniale en 1961 en proposant sa fameuse formule. Selon son équation, il peut exister un million de civilisations intelligentes dans notre galaxie et probablement des milliards de civilisations dans tout l'univers !

La table de Drake : Comment comparer le potentiel astrobiologique de différents objets planétaires et stellaires ? Plutôt que de simplement considérer le rôle de la chimie et de l'énergie en fonction du temps, on peut utiliser une méthode plus précise pour déterminer exactement combien de temps et dans quelles limites pourraient par exemple exister les métaux et l'eau sur une planète ou une lune. Différentes sources d'énergie sont considérées comme l'énergie solaire (électromagnétique), la marée (pesanteur) ou la radioactivité (nucléaire). Pour prendre un exemple concret, on pense que la lune Europe de Jupiter cacherait un océan recouvert de glace qui est réchauffé par l'énergie de marée et la radioactivité de Jupiter. Dans ce sens, Europe est différente de la Terre puisque notre planète transforme principalement l'énergie électromagnétique et dépend intimement de l'eau liquide et de son noyau de fer. Document Association Astronomique Hongroise/ Mizser/A. Kereszturi (AAH).

La formule de Drake est basée, partiellement, sur une évaluation du nombre de planètes dans la Galaxie pouvant héberger la vie telle que nous la connaissons. De telles planètes devraient exister dans des "zones habitables", c'est-à-dire des régions orbitales proches des étoiles où les conditions énergétiques sont compatibles avec le développement de la vie (entre autre une température permettant à l'eau de se liquifier durant un certain temps). Ces planètes seraient les endroits les plus propices au développement de la vie et capables à terme d'aboutir à une vie intelligente.

Ainsi que nous  l'expliquerons dans l'article consacré à l'histoire du programme SETI, la formule de Drake illustre une méthode originale pour estimer le nombre de civilisations galactiques capables de communiquer, mêlant adroitement facteurs non biologiques, biologique, et technologique : on considère le nombre d'étoiles dans la Galaxie [R*], le pourcentage d'étoiles disposant d'un cortège planétaire [fp], le nombre de planètes où l'environnement serait viable [Ne], le nombre de planètes où la vie s'est développée [fl], la fréquence d'émergence de l'intelligence [fi], la probabilité que cette civilisation ait accès aux communications [fc] et la durée durant laquelle ces civilisations sont détectables (L).

Les mystères de l'intelligence

Toute la formule de Drake repose sur l'estimation de la vie intelligente. Certains chercheurs pensent que ce facteur sous-tend peut être un phénomène particulier et donc rare. C'est tout au moins l'avis du coauteur du livre Rare Earth, Peter D.Ward, un biopaléontologue de l'université de Washington. Selon Ward, le calcul de probabilité donne des résultats très différentes selon que l'on considère la vie sous la forme unicellulaire ou la vie intelligente. Sa thèse est intéressante car elle permet d'évaluer la probabilité de la vie intelligente, le fameux facteur fi.

Peter D. Ward.

Selon Ward, "la vie sous forme microbienne ou son équivalent est très commune dans l'univers, peut-être plus commune même que Drake et Sagan l'ont envisagé. Toutefois, la vie complexe - sociétés animales évoluées et plus complexes  - est probablement plus rare que ce que l'on croit généralement. La vie sur Terre a évoluée à partir de cellules simples pour donner naissance aux organismes pluricellulaires disposant de tissus et d'organes, pour culminer avec les mammifères et aboutir à l'Homme moderne. Mais cette histoire est-elle particulière à la Terre, est-ce le signe d'une complexité croissante de l'évolution liée au hasard ou un simple phénomène naturel inévitable et ordinaire ? La vie est peut-être commune, mais la vie complexe - pluricellulaire - ne l'est pas."

Si nous nous basons sur la formule de Drake, quelles sont les chances qu'il existe une autre vie intelligente ? Drake note que l'histoire de la science a souvent été déroutée en accordant trop d'importance à la place anthropocentrique de l'humanité dans l'univers : "Regardons la Terre dit-il? Quand on s'interroge sur son origine, il apparaît qu'aucune circonstance particulière ou anormale ait été exigée. Cela débuta dans l'eau, avec des produits organiques, une source d'énergie, et un moment propice."

Car en effet, assez ironiquement, l'un des facteurs les moins bien compris du développement de la vie intelligente est peut-être celui que les humains peuvent directement contrôler : l'espérance de vie de leur civilisation technologique. La formule de Drake exige une période d'apprentissage assez longue pour aboutir à une société capable d'établir des communications par radio. Il n'existe malheureusement aucune donnée brute à partir de laquelle nous pouvons établir une comparaison, du moins tant qu'aucune civilisation ne répondra à nos appels. Et de toute évidence, nous n'avons aucun moyen de réduire ce temps de réponse.

En reliant tous les facteurs de la formules de Drake les uns aux autres, toutes ces probabilités peuvent être ajustées avec une marge d'erreur raisonnable sauf l'une d'entre elle qui oscille entre tout et rien : quelle est la durée de vie de notre civilisation technologique ? Nous avons vu dans l'article précité que notre espérance de vie est vraiment aléatoire du fait que notre technologie peut nous anéantir à chaque instant. Par contre si nous la gérons avec sagesse, Homo sapiens sapiens à des chances de survivre 8 millions d'années...

La Table Astrobiologique

Récemment à l'université des Sciences Eötvös Loránd de Budapest, des cours d'astrobiologie ont été organisés par deux membres de l'association astronomique hongroise, A.Mizser et A.Kereszturi.

L'astrobiologie étant une science multidisciplinaire, ces chercheurs ont inventé une table à deux entrées pour visualiser de quelle manière la réponse à la question de la vie dans l'univers pouvait dépendre des frontières arbitrairement posées entre les disciplines académiques traditionnelles. Ils appelèrent leur résultat, la "Table Astrobiologique" : "nous avons trouvé disaient les auteurs, cette table utile pour expliquer ce qu'est l'astrobiologie".

La Table Astrobiologique. Document AAH.

Le concept du temps est essentiel dans cette table, mais il joue un rôle différent que dans la formule de Drake. Ici le temps suit l'évolution des processus biochimiques et s'écoule de haut en bas. Etant donné que la vie évolue en fonction du temps, la biologie vient après la chimie et la physique, à l'instar de la biosphère qui doit attendre la formation d' une exoplanète. De la même manière, l'évolution des cellules doit suivre l'ascension des molécules prébiotiques.

Le concept de complexité est également différent des probabilités déterminées dans la formule de Drake. Depuis longtemps en science, nous avons le sentiment que plus un système est complexe, moins il est probable. Dit plus simplement, il est plus difficile de concevoir un système complexe, sinon on ne le considérerait pas comme tel...

Ce même argument se retrouve dans toute discussion sur l'évolution où on résume cette situation en prenant l'exemple de l'oeil qui paraît trop complexe pour avoir surgit à partir de mutations aléatoires. Mais le développement de la complexité à partir de processus simples a malgré tout attiré l'attention des mathématiciens et des biologistes.

La Table Astrobiologique illustre l'évolution de la complexité et évolue de haut en bas. A partir de produits abiotiques simples à la vie complexe, la vie évolue graduellement à travers les noyaux atomiques lourds, les molécules, les systèmes prébiotiques, la matière organique et finalement donne naissance aux systèmes écologiques, à la biocénose.

De cette façon, la Table Astrobiologique concerne tout autant l'avenir de la vie que son passé. Pour résumer la question "qu'est-ce que l'astrobiologie ?" on peut répondre à présent que l'astrobiologie est l'étude de l'origine, de l'évolution, de la distribution et de l'avenir de la vie dans l'univers. Comme le disent philosophiquement les astrobiologistes, c'est sa tâche, son équation probabiliste et également sa multidimensionalité.

Et demain ?

En dépit de tout le raisonnement logique présent derrière les divers heuristiques servant d'illustration, nous ne pourrons répondre à la question de savoir combien de civilisations intelligentes existent autour de nous que le jour où nous découvrirons une vie intelligente extraterrestre. Les télescopes spatiaux cherchant des exoplanètes nous ont déjà prouvé qu'il existe dans la Voie Lactée des planètes viables pouvant même abriter des surfaces d'eau liquide. Reste à trouver celle à l'image de la Terre abritant une forme de vie.

En attendant, les scientifiques sont toujours à la recherche d'intelligence extraterrestre (SETI) et continuent à explorer le spectre électromagnétique à la recherche d'émissions artificielles. Pour les amateurs d'hisoire des sciences, l'Institut SETI publia "SETI 2020", un livre de plus de 550 pages décrivant les stratégies SETI jusqu'en 2020.

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