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Les combinaisons spatiales

Evolution des combinaisons spatiales (II)

Depuis les premiers vols spatiaux, les combinaisons spatiales ont naturellement évoluées en fonction des progrès technologiques réalisés dans la fabrication des matériaux, l'électronique et les fibres mais également en fonction des missions assignées aux astronautes et notre connaissance de l'espace.

On pourrait caricaturer l'évolution de la combinaison des astronautes en comparant un teeshirt avec un anorak. Le premier n'est constitué que d'une seule épaisseur de matière et nous protège fort peu des agressions de l'environnement. Il ne dispose généralement d'aucun accessoire. A l'inverse, l'anorak est composé de plusieurs couches de matières naturelles ou synthétiques isolantes, imperméables et parfois très résistantes. Il dispose de multiples poches et d'un capuchon. Il est tellement pratique et efficace que son propriétaire peut affronter sans hésiter les rigueurs d'un climat polaire.

Dans un autre contexte, la combinaison spatiale a suivi exactement la même évolution en s'adaptant graduellement aux contraintes de l'espace. Mais cela ne s'est pas fait sans problèmes.

Les chercheurs ont puisé leurs idées dans tous les métiers où les hommes devaient affronter des conditions extrêmes : pilotes de guerre, vols stratosphériques, plongeurs autonomes, scaphandriers, volcanologues, etc.

Ci-dessus à gauche, la combinaison ou plutpot le scanphandre fabriqué en 1935 par B.F. Goodrich pour l'aviateur Wiley Post. La combinaison est en caoutchouc et est collée à des joints métalliques. C'est l'ancêtre de la combinaison spatiale. Cet ensemble fut porté jusqu'à 15000 mètres d'altitude ou 50000'. A sa droite, la combinaison MX-117 conçue par B.F. Goodrich et proposée à l'USAF en 1939. Elle fut testée durant 4 ans. A droite du centre, deux photos de la combinaison semi-rigide Mark 1 inventée par Allyn Hazard pour Grumman (qui construisit par la suite les modules lunaires d'Apollo) photographié dans le désert de Mojave et qui fera la couverture du magazine Life le 27 avril 1962. La NASA refusa son développement. Ci-dessous à gauche, une combinaison semi-rigide mise au point par Republic Aviation et testée en 1966 mais qui n'eut aucun avenir. A sa droite, la combinaison spatiale rigide proposée dans les années 1960 par Litton Industries (rachetée par Northrop Grumman en 2001). La NASA la refusa car elle était peu pratique. A droite du centre, la combinaison spatiale A7-LB (ou A7LB), plus souple que la A7-L et équipée d'un système de refroidissement liquide qui permet aux astronautes de s'asseoir dans la jeep lunaire. A droite, la version opérationnelle de la combinaison A7-LB ou Cernan portée par Bill Ayrey. Elle servit de combinaison de secours à l'équipage d'Apollo 17. Documents Goodrich, Grumman, Jean-Christophe Carbonel et NASA.

Le premier problème qui se pose à l'astronaute au départ d'un vol spatial est bien sûr les effets du manque d'air et de la chute de pression. Il doit donc s'équiper d'une combinaison pressurisée. Mais laquelle ? Doit-il porter un "caisson" pressurisé ou un simple collant muni d'un casque hermétique suffit ?

Il existe globalement trois modèles de combinaisons pressurisées :

- la combinaison partiellement rigide fabriquée en matière synthétique et en métal. Elle ressemble à un scaphandre et est conçue pour maintenir un volume constant. C'est une version dérivée des scaphandres rigides utilisés en eaux profondes. Peu flexible, elle est difficile à utiliser car elle utilise des roulements plutôt que des soufflets aux jointures qui se mettent parfois dans des positions inhabituelles qui demandent un ajustement en cours de travail.

- la combinaison mixte qui dispose d'un torse supérieur et d'un casque rigides, c'est l'exemple de la combinaison EMU, sur laquelle nous reviendrons en détail page suivante.

- la combinaison collante MCP (Mechanical Counterpressure suit) qui utilise un bas de corps élastique qui compresse le corps. Seuls la tête et généralement le torse sont contenus dans une atmosphère pressurisée. Cette solution élimite le recours à un système à volume constant et réduit le risque de dépressurisation. Son inconvénient est d'être très difficile à enfiler car elle est juste-au-corps, dense et épaisse et ne garantit pas que la pression est constante en tout point du corps, ce qui peut être source de gène ou de problèmes en cours de vol. L'utilisant de la MCP empêche également d'utiliser le sous-vêtement de refroidissement LCVG. L'astronaute ne peut donc compter que sur sa propre sueur pour rester au frais. Les versions les plus récentes de MCP font appel à des polymères à mémoire de forme.

Les premiers projets de combinaisons pressurisées capables d'affronter les conditions du vide remontent à 1936 et ressemblaient à s'y méprendre aux tenues imperméables que portaient les scaphandriers, les fameux "pieds lourds". C'était une solution semi-rigide.

Parmi les tous premiers prototypes, citons la combinaison pressurisée MX-117 présentée ci-dessus conçue en 1939 par la société américaine Goodrich qui était déjà en compétition avec Dave Clark. Elle sera testée par l'USAF jusqu'en 1943.

Faute de disposer de retour d'expérience, cette combinaison était peu adaptée aux conditions de l'espace et convenait probablement mieux à des scaphandriers. Il y avait notamment le problème de l'isolement thermique, des micrométéoroïdes et la ventilation qui poseront des problèmes aux concepteurs durant plus de 20 ans. Mais cette combinaison contenait déjà quelques idées intéressantes que l'on retrouvera par la suite dans les combinaisons Apollo (A7L) et l'EMU, notamment le torse supérieur rigide, les articulations, la division au niveau des bras et des cuisses, les gants et les bottes séparées.

Comme la plupart des combinaisons spatiales, elle est cependant difficile à enfiler et nécessitait beaucoup de contorsions si bien qu'elle rappelait... les contorsions de la chenille cornue du Sphinx de la tomate (Manduca quinquemaculata) qui lui vaudra le surnom de "Tomato hornworm suit" !

Tests des premières véritables combinaisons spatiales dans les années 1950. A gauche,  test d'une combinaison spatiale en 1953 dont le célèbre magazine Collier's fit un compte-rendu. Au centre, en 1957 Scott Crossfield du programme X-15 teste la combinaison de vol XMC-2 de Dave Clark utilisées par les premiers pilotes sur X-15 aux effets de la chaleur avant qu'elle soit modifiée en MC-2. A droite, le pilote d'essai Joe Walker équipé de la même combinaison MC-2 que portera Neil Armstrong sur X-15. Documents coll.T.Lombry, Life et NASA.

Au niveau des "blueprints", les concepts sur plan qui ne virent jamais le jour, citons la combinaison de Grumman, un avioneur réputé qui participa à l'élaboration du module lunaire (LEM). Sa combinaison présentée ci-dessus (avec le chiffre 3) fit les délices des illustrateurs de romans de science-fiction dans les années 1960 mais elle était irréaliste sur le plan pratique. Elle était totalement pressurisée, l'astronaute résidant dans une sorte de cabine rigide allant jusqu'aux hanches dans laquelle il pouvait difficilement faire le moindre geste avec précision.

A la même époque, la société Republic Aviation fabriqua un modèle assez similaire que l'on voit plus haut à gauche qui sera même présenté dans le magazine "Life". Ce "tonneau sur pattes" était tout aussi rigide que le modèle de Grumman et tous deux étaient pratiquement inutilisables voire dangereux en cas d'accident dans le vide vu leur encombrement.

Ceci dit, dans les années 1950 ainsi que le montre la couverture du magazine "Collier's" du 28 février 1953  et celle de "Life" du 6 janvier 1958, la NACA (National Advisory Committee for Aeronautics qui deviendra la NASA en 1958) testait déjà les combinaisons de vol stratosphériques dans les conditions de l'espace, notamment son comportement et le bien être du pilote sous les effets de la chaleur. Le modèle de 1957 s'avéra toutefois trop fin et donc trop peu hermétique pour assurer le confort de l'astronaute. Elle fut donc améliorée et notamment complétée par des tissus protecteurs.

Les combinaisons semi-rigides ne seront jamais acceptées par la jeune administration de la NASA qui devait avant tout trouver une combinaison adaptée aux vols spatiaux, fonctionnelles dans les capsules spatiales comme dans le vide, pas trop encombrantes et flexibles. Finalement la solution de Goodrich s'approchait le plus de la réalité et retiendra l'attention de ses concurrents.

En 1961, avec son idée de déposer des hommes sur la Lune, le président J.F. Kennedy força son pays à imaginer de nouvelles technologies pour effectuer ce grand bon en avant.

Du vol stratosphérique au vol suborbital

Ainsi que nous venons juste de l'évoquer, les premières combinaisons de vol prémices des combinaisons spatiales furent utilisées par les pilotes d'essais sur avions jets et stratosphériques, notamment par Neil Armstrong lorsqu'il était pilote de X-15 pour le compte de la NACA puis de la NASA sur la base d'Edwards, et par les pilotes sur avions furtifs U-2 à partir de 1956 et SR-71 qui lui succéda en 1962.

Passé quelque 3000 m d'altitude, la chute de pression atmosphérique se fait sentir. Au-delà de 5500 m (18000'), l'air devient deux fois moins dense et à partir de 11000 m (40000') la quantité d'oxygène est si faible que le masque à oxygène n'est plus utilisable. Au-delà de 19000 m (63000') le corps ne peut plus conserver ses fluides corporels à l'état liquide qui se mettent à bouillir. Le pilote a donc rapidement besoin d'oxygène et d'une combinaison adéquate s'il veut survivre en haute altitude.

A gauche, photographie de l'un des nombreux X-15 construits par Lockheed pour la NASA et signé par le Général Major Robert White. Au centre, le pilote d'essai Bob Gilliland devant son SR-71. A droite, Neil Armstrong au commande d'un X-15 au centre Dryden de la NASA en 1961, un an avant d'incorporer le corps des astronautes. Armstrong vola sur plus de 200 types d'avions différents, allant de l'hélicoptère au jet en passant par le planeur et la fusée. Tous trois portent une combinaison de vol qui préfigure la combinaison spatiale. Cette combinaison ne comportait que deux épaisseurs mais était suffisante pour un vol stratosphérique. Elle était pressurisée et le pilote était alimenté en oxygène vu l'atmosphère raréfiée dans laquelle évoluait ces avions. Documents NIX.

Le pilote doit porter une combinaison pressurisée pour compenser la faible pression, les effets des changements d'accélération et maintenir ses fluides corporels à l'état liquide. Voler dans ces conditions n'est pas sans danger et n'est certainement plus une partie de plaisir comme à basse ou moyenne altitude. C'est bien la raison pour laquelle ces expériences sont réservées à des pilotes d'essais, une élite aux nerfs d'acier et spécialement préparée à ce métier. Heureusement, avec le temps et l'expérience, la plupart des risques d'accidents du passé liés à la dépressurisation peuvent aujourd'hui être évités grâce au port d'une combinaison pressurisée vraiment très élaborée.

Pression des combinaisons spatiales

La combinaison spatiale pressurisée ajoute une contrainte lors des EVA. Comme un plongeur qui remonte des profondeurs doit effectuer des paliers pour éviter la formation de bulles d'azote dans son sang, avant une EVA, la pression de la combinaison de l'astronaute doit d'abord être réduite. Actuellement, chez les Américains la phase de dépressurisation jusqu'à 0.276 bar s'effectue dans un sas spécial et dure 2 heures. Les Russes dépressurisent leurs combinaisons spatiales à 0.4 bar et cela dure 1 heure.

A l'époque de la navette spatiale, juste avant les EVA, la navette était dépressurisée jusqu'à 0.70 bar pour évacuer en douceur l'azote contenu dans le sang des astronautes. Après avoir revêtu sa combinaison, l'astronaute restait encore entre 40 et 75 minutes dans le sas de sortie (airlock) pour respirer de l'oxygène pur afin d'éliminer tout trace d'azote.

Ce n'est que lorsque cette procédure est terminée que l'astronaute peut sortir dans l'espace. Lors du retour dans la station pressurisée, la repressurisation de la combinaison à pression normale est plus rapide.

Effets mécaniques d'une combinaison pressurisée

Si vous avez déjà porté un vêtement plus ou moins hermétique et juste-au-corps ou un anorak serrés aux extrémités, vous avez sans doute constaté que si vous insufflez de l'air à l'intérieur, non seulement le vêtement va gonfler mais à forte pression il rendra vos mouvements plus difficiles. C'est très apparent en mer si vous remplissez d'air votre combinaison de plongée ou une combinaison étanche : Bibendom prend son bain mais il peut difficilement se déplacer !

Le même problème se pose avec la combinaison des astronautes mais il est amplifié dans le vide car en l'absence de compensation extérieure, la combinaison à volume constant se comporte comme une enveloppe rigide; impossible de la plier quelle que soit la position de celui qui la porte. Si elle est pressurisée à 1 atm, l'astronaute aura l'impression de ressembler à Bibendom ou aux costumes de jeu de sumo japonais. C'est peut être marrant vu de l'extérieur, mais impossible à gérer pour son propriétaire. Son encombrement peut même devenir un facteur de risque après une sortie extravéhiculaire.

Caricature américaine sous-titrée "les expériences les plus stupides de la navette spatiale". Les effets de la pressurisation de la combinaison de vol ont marqué les esprits. Si aujourd'hui ce gonflement exagéré est maîtrisé grâce à l'utilisation de nouvelles matières, c'est un risque à ne pas négliger lors des retours d'EVA.

Vous avez peut-être connu ce problème en hiver : habillé d'une doudoune d'une bonne dizaine de centimètres d'épaisseur, comment allez-vous passer par une porte étroite ? Soit vous la retirer soit vous essayez de la comprimer, ce qui reste assez difficile avec une matière très aérée.

C'est la même chose dans l'espace, à la seule exception que les astronautes n'ont pas d'alternative. Lors de la première EVA du cosmonaute Alexeï Leonov au cours de la mission Voskhod 2 en 1965, sa combinaison était devenue tellement volumineuse qu'elle ne passait plus par le sas d'entrée. De sa propre initiative et sans l'aval du contrôle au sol qui n'avait pas connaissance de la situation à cet instant, il décida de dégonfler partiellement sa combinaison grâce à une valve de sécurité pour libérer de l'oxygène afin de pouvoir rentrer dans la cabine ! Cette situation critique lui fit perdre 6 kg ! Après cette dangereuse expérience, le ministère russe des constructions mécaniques (MOM) chargé du programme spatial soviétique et la NASA décidèrent de réduire la pression des combinaisons et de faire passer les astronautes par des sas adaptés à leur nouvelle corpulence...

Pour modifier le volume d'un système à pression constante, il faut appliquer un difficile travail mécanique car la pression est une force et, de ce fait, elle offre une très forte résistance. Faites l'expérience avec une chambre à air ou une bouée très gonflée et vous constaterez qu'à forte pression, il n'est plus possible d'enfoncer ou de plier l'enveloppe.

Si un astronaute est confronté à cette situation, chaque fois qu'il voudra faire un geste au cours d'une EVA, tourner le torse, plier le bras, les genoux ou même le poignet, il devra appliquer une force constante qui va rapidement le fatiguer, le faire transpirer et épuiser sa réserve d'oxygène. Comment éviter ou réduire ce problème ?

La combinaison de vol ou spatiale est constituée de plusieurs couches de matière. Certaines sont imperméables, d'autres enserrent la couche inférieure ou servent de protection thermique, mécanique, etc.

La combinaison de vol pressurisée est généralement souple et fabriquée en tissu, recouvert de matière isolante, du Néoprène enduit de caoutchouc ou du Nylon et munie d'un laçage. C'est en fait une chambre à air, une vessie (bladder) comme l'appelle les Anglo-saxons que l'on peut gonfler. A l'origine, elle était uniquement utilisée dans les cockpits des avions de chasse non pressurisés et dans les cabines des gros porteurs militaires si la pressurisation venait à défaillir.

L'enveloppe pressurisée contenant de l'oxygène sous pression est enrobée d'une couche hermétique en caoutchouc. Elle est enveloppée dans une couche de maintien qui préserve sa forme et évite qu'elle ne se transforme en ballon sous la pression interne. La couche caoutchoutée pouvant se dilater, elle offre par nature une surface supérieure à celle de la couche de contrainte. C'est donc cette dernière qui supporte toutes les contraintes générées par la pression du vêtement.

Chez les Américains, cette couche de contrainte est conçue de telle sorte que lorsque l'astronaute plie un membre, des petites alvéoles appelées "gores" prises en sandwich dans le tissu s'ouvrent vers l'extérieur des articulations, permettant de libérer le gaz et donc un peu de volume qui est aussitôt compensé.

Effets de l'accélération et de la poussée

Rappelons que selon la seconde loi de la dynamique de Newton, la force d'accélération (a ou g) correspond à la poussée (F) du lanceur divisée par sa masse (m) : 

F = m a

g = F/m

Au décollage, une fusée lunaire de 3000 tonnes pèse 2000 tonnes. Les astronautes subissent une accélération de 1.5 g. Du fait de la consommation de propergols, la masse du lanceur diminue de 10 tonnes par seconde. Au bout de quelques minutes d'ascension, les astronautes peuvent subir entre 3 et ~4 g. Lors du décollage de la fusée Saturn V, les astronautes subissaient entre 1 et 5 g.

A gauche, les pilotes de la NASA Milton O. Thompson, William H. "Bill" Dana et John B. "Jack" McKay équipés de leur combinaison pressurisée photographiés devant l'avion-fusée X-15 #2 en 1966. Au centre, les trois pilotes et membres d'équipage de SR-71 en combinaison pressurisée avec de gauche à droite, Rogers Smith, Bob Meyer, Marta Bohn-Meyer et Steve Ishmae. Cette combinaison jaune fabriquée par David Clark (S1031C, S1032, S1033, etc) fut emprunté aux pilotes de U-2 et suite à un défaut dans le lot des nouvelles combinaisons prévues pour la navette saptiale, en 1981 John Young et Robert Crippen portèrent la même combinaison. A droite, le pilote de recherche de la NASA, Tom Ryan, pilotant l'avion ER-2 Earth Resources de la NASA lors d'une mission à haute altitude au-dessus du Nouveau-Mexique pour vérifier l'altimètre laser MABEL (Multiple Altimeter Beam Experimental Lidar) en avril 2011. Documents NASA.

Une personne moyenne peut résister sans problème à des accélérations de 8-9 g mais l'effet dépend de la direction de cette force d'accélération. Dans le cas le plus désagréable d'une accélération de haut en bas comme on peut en subir lors du décollage d'une fusée, lorsqu'un avion à réaction fait une chandelle ou lorsqu'un petit avion fait de la voltige, l'accélération à tendance à vider le cerveau de son sang. Le champ visuel du pilote se réduit et s'assombrit avec une perte des couleurs. C'est le blackout ou "voile noir". Si l'accélération se poursuit, le pilote peut perdre conscience. On peut compenser cet effet avec un pantalon ou une combinaison anti-g dont les vessies gonflables vont maintenir le corps sous pression. A g élevés cette pression mécanique sur le corps fait très mal et les pilotes sortent généralement très éprouvés de ce genre de figure de style, notamment lors des entraînements au combat aérien (dog fight). En revanche, si l'astronaute est couché sur le dos comme lors du lancement des navettes spatiales, il supportera beaucoup mieux l'effet de l'accérélation.

La combinaison pressurisée s'active lorsque la force d'accélération dépasse quelques g (au-delà d'environ 4 g selon les individus) ou en état de très faible pression ambiante. Elle sert fortement le bas de l'abdomen, les cuisses et les jambes du pilote pour éviter qu'il n'attrape le voile noir tout en restant conscient ou un voile noir avec perte de conscience, ce qu'on appelle un "G-LOC" et qui peut lui être fatal.

Le pilote conscient peut dans une certaine mesure remédier à cet état en bloquant sa respiration et en contractant tous ses muscles. Mais non seulement il devrait parfois le faire durant plusieurs minutes consécutives ou de façon répétées au risque d'attraper des crampes voire d'autres malaises plus graves, mais passé un certain seuil de pression ou d'accélération, généralement au-dessus de 5 g selon son expérience et sa résistance, il peut perdre rapidement le contrôle de la situation et s'évanouir jusqu'à ce que la gravité normale soit rétablie. Si les pilotes chevronnés résistent assez bien jusqu'à 7 g, au-delà tous doivent véritablement faire des efforts pour ne pas s'évanouir. A partir de 9 g la majorité des pilotes tombent inconscients en quelques secondes. C'est pour garantir leur survie dans ces conditions extrêmes que les constructeurs ont développé les combinaisons pressurisées.

La combinaison pressurisée évite au sang de s'accumuler dans le bas du corps, phénomène qui provoque justement ce voile noir tant redouté et que pourraient connaître les astronautes au retour d'un environnement privé de pesanteur vers celui de la gravité terrestre, soit une différence de pression de 1 bar/cm2 et d'accélération de 9.81 m/s2. Le choc est plus violent que des montagnes russes ou qu'une course en dragster !

A voir : Space suit testing, NASA, 14 déc 1966

où quand Jim Leblanc manqua de mourir par décompression

Effet des "g" sur des pilotes de l'USAF à l'entraînement

Une compilation du webzine Popular Mechanics

La "combinaison de vol à pression partielle" imaginée par von Braun en 1958 pour un voyage vers la Lune dans une fusée dont la cabine était pressurisée. Elle est directement dérivée des combinaisons de vol des pilotes de jets stratosphériques (le U-2 à partir de 1956 et le X-15 à partir de 1958). Dessin de Fred Freeman publié dans "This Week magazine" le 5 octobre 1958 (cf. magazine de l'AIAA, july-august 2013). Ci-dessous la version monochrome publiée dans le livre "Les premiers hommes sur la Lune" chez Albin Michel en 1961. Collections John Sisson et T.Lombry.

A ce moment là, de l'oxygène est insufflée dans la combinaison qui commence à gonfler. La pression est maintenue à environ 1 bar. En même temps, le pilote est alimenté en oxygène par un tuyau extérieur qui aboutit dans son casque. Au besoin il peut bander ses muscles pour aider son organisme à résister à l'accélération.

Les combinaisons de vol classiques contiennent un tissu rigide placé au-dessus du Néoprène qui maintient la forme de la combinaison et force la pression du gaz vers l'intérieur, sur le pilote. Un laçage permet de renforcer (ou d'alléger) cette pression.

Pour les premières missions spatiales, cette combinaison pressurisée a simplement été recouverte d'une couche de Mylar pour protéger le pilote contre les rayons cosmiques et la chaleur. Ni le casque du pilote ni aucun autre accessoire n'a été modifié durant les premiers vols surorbitaux.

La combinaison de vol M-22

Tous les pilotes vous diront qu'une combinaison pressurisée est inconfortable. Elle l'est encore plus lors des vols spatiaux car de nos jours elle contient un système de refroidissement à eau (LCVG) qui augmente encore son poids et qui mal contrôlé (ce fut le cas au début) a tendance à se refroidir.

Depuis l'époque héroïque du X-15 et du SR-71, les combinaisons spatiales ont fortement évolué. Elles sont devenues plus fonctionnelles, mais en contrepartie est sont devenues beaucoup plus complexes, beaucoup plus lourdes et elles reviennent à un prix exorbitant. On y reviendra.

A l'époque des premiers vols spatiaux, les combinaisons spatiales ressemblaient à des salopettes d'une seule pièce et étaient confectionnées sur mesure pour chaque astronaute. Mais elles étaient beaucoup moins complexes qu'aujourd'hui.

Il y avait deux bonnes raisons à cela. D'une part la durée des vols suborbitaux était limitée à quelques heures maximum et d'autre part il n'était pas encore question que l'astronaute quitte sa cabine et se balade dans l'espace. Sa cabine comme sa combinaison pouvaient juste subir une dépressurisation, période durant laquelle le pilote pouvait s'alimenter en oxygène.

A gauche, Alan B. Shepard équipé de sa combinaison de vol pressurisée M-22 se préparant pour le premier vol suborbital américain le 5 mai 1961 à bord de la fusée Mercury-Redstone (mission MR-3). Sa capsule Freedom 7 (au centre gauche) atteignit l'altitude de 186.6 km. Le vol dura 15 minutes. Au cours du vol, en voyant pour la première fois la Terre sous cet angle inhabituel (droite), il s'exclama "What a beautiful sight" (quelle magnifique vue) que le "Time" repris en couverture de son magazine une semaine plus tard. Après que sa capsule ait plongé dans l'océan Atlantique, Shepard déclara "Everything is A-OK!", confirmant que la conquête de l'espace par l'homme pouvait commencer. Alan Shepard sera également commandant de bord de la mission Apollo 14 en 1971 et séjourna 33 heures sur la Lune, récoltant 42 kg d'échantillons lunaires. Juste avant de partir, il tappa deux balles de golf (avec un fer N°7 précise la NASA) qui, raconta Shepard, "parcoururent des miles et des miles et des miles." Héro de la nation, mais homme malgré tout, Shepard mourut d'une leucémie en 1998 à l'âge de 74 ans. Documents NIX, NASA, NASA Observatorium et TIME.

Ainsi, la combinaison M-22 qu'utilisa Alan Shepard pour effectuer le premier vol suborbital américain en 1961 était en fait adaptée des combinaisons pressurisées utilisées par les pilotes de jets de l'US Navy volant à haute altitude (Shepard était lui-même pilote d'essai et Contre-amiral de la Navy). Sa combinaison ne comportait que deux couches de protection en tissu et une fois pressurisée le pilote pouvait difficilement bouger ses bras ou ses jambes. Même son casque était une version light, plus léger et beaucoup plus simple que le casque que porte aujourd'hui les astronautes. Mais pour l'heure cela n'avait pas beaucoup d'importance car son vol suborbital ne dura que 15 minutes, un bond minuscule mais qui convainquit la NASA que l'homme pouvait conquérir l'espace et pourquoi pas un jour la Lune.

Prochain chapitre

Les combinaisons spatiales Dave Clark

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