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Le mal de l'espace

Pulsation cardiaque. Document Getty Images.

Diagnostic général (IV)

Au cours des différentes missions spatiales, les médecins de la NASA en collaboration avec des chercheurs d'universités ont demandé aux astronautes de participer quotidiennement à un monitoring médical dans le cadre d'une bonne dizaine de programmes d'études touchant toutes les fonctions du corps humain en microgravité. Les astronautes furent également soumis à un check up approfondi au départ comme au retour de mission ainsi que pendant les années qui suivirent leurs missions spatiales. Un intérêt tout particulier fut porté aux astronautes ayant effectué des missions de très longue durée à bord d'ISS comme l'Américain Scott Kelly (520 jours au total dont 1 an continu) et le Russe Mikhail Kornienkoles (340 jours). Scott est un cas intéressant car son frère jumeau Mark fut également astronaute et servit de témoin de contrôle au sol aux expériences de médecine spatiale conduites sur son frère. Aujourd'hui les frères Kelly (nés en 1964) sont retraités du corps des astronautes mais travaillent toujours comme consultants.

L'analyse et la compilation des examens médicaux des jumeaux Kelly ont conduit la NASA a publier fin 2017 un rapport préliminaire intitulé "NASA Twins Study" qui fut publié avec l'ensemble des résultats des autres expériences dans sa version définitive en 2018. Cette étude coûta 1.5 million de dollars.

Notons qu'en 2015, la revue "Nature" avait rappelé qu'en vertu du droit à la vie privée, les frères Kelly avaient toujours le droit de s'opposer à la publication de leurs données génétiques.

Parmi les nombreux détails de ce rapport médical, voici un résumé des résultats des 10 principaux tests auxquels furent soumis les jumeaux Kelly.

1. Les télomères deviennent plus longs pendant les vols spatiaux 

Dans une étude menée par l'oncologue Susan Bailey de l'Université d'État du Colorado, les chercheurs ont suivi la longueur des télomères des jumeaux Kelly avant, pendant et après la mission d'un an de Scott. Les télomères sont les terminaisons non codantes situées aux extrémités de nos chromosomes. Ils protègent les brins d'ADN d'éventuels dommages et de la dégradation et interviennent dans le vieillissement.

Les chercheurs ont découvert que les télomères de Scott ont augmenté significativement de longueur pendant quand il était dans l'espace, ce qui n'était pas le cas de son frère Mark dont les télomères sont restés relativement stables. Des recherches antérieures ont montré que des télomères plus longs induisent moins de problèmes liés à l'âge.

Les mesures réalisées après le retour de Scott de l'espace ont montré que ses télomères avaient subi un raccourcissement rapide dans les 48 heures suivant son retour sur Terre. Finalement, ils ont retrouvé leurs longueurs originales mesurées avant le vol. L'équipe estime que l'allongement temporaire des télomères de Scott pourrait être un effet secondaire des exercices physiques rigoureux et de son régime hypocalorique restreint.

2. Diminution de la masse corporelle et augmentation de la folate en orbite

Une étude menée par le biochimiste et nutritionniste Scott M. Smith du Centre Spatial Johnson (JSC) de la NASA a suivi les profils biochimiques de chaque jumeau afin d'identifier d'éventuels changements. Pour ce faire, l'équipe scientifique a suivi la taille et le poids des frères et analysé leurs échantillons de sang et d'urine pendant toute la durée de la mission.

Les chercheurs ont constaté que la masse corporelle de Scott chuta sensiblement pendant son séjour dans l'espace, tandis que son taux de folate ou vitamine B9 - une forme bénéfique d'acide folique souvent utilisée pour traiter l'anémie - a considérablement augmenté.

Comme les conclusions de Bailey sur l'allongement des télomères, Smith estime que la baisse de la masse corporelle et l'augmentation du taux de folate pourraient simplement être le résultat d'une alimentation plus saine et d'exercices physiques plus fréquents.

A gauche, selfie de l'astronaute américain Scott Kelly de l'Expédition 45 d'ISS prit le 12 juillet 2015 dans la Cupola pendant l'année qu'il passa à bord de la station spatiale. A droite, Mark et Scott Kelly, les deux cobayes volontaires d'une expérience spatiale unique. Documents S.Kelly/NASA et NASA.

3. Performances cognitives affectées après le retour sur Terre

Le psychiatre Mathias Basner de l'Université de Pennsylvanie a mené une étude sur les capacités cognitives des jumeaux Kelly. En demandant à chaque frère d'effectuer dix tests cognitifs différents à plusieurs reprises avant le vol, durant le vol et après le vol, les chercheurs ont pu observer comment les facultés mentales de Scott étaient affectées par la microgravité.

Sur base des résultats du test de contrôle effectué avant le vol, Basner a découvert que la mission d'un an de Scott à bord d'ISS n'a pas altéré significativement ses capacités cognitives. Cependant, lorsque Scott est revenu sur Terre, les chercheurs ont détecté une diminution plus prononcée de sa vitesse et de sa précision aux tests cognitifs.

Les chercheurs estiment que la réadaptation à la gravité terrestre peut être la cause du déclin cognitif de Scott après le vol, mais une étude plus approfondie est nécessaire pour le confirmer. Ils soulignent également que la chute de performance de Scott à son retour sur Terre peut aussi provenir d'une charge importante de travail après le vol.

4. Le vaccin antigrippal stimule le système immunitaire, y compris dans l'espace

Pour étudier comment l'espace affecte le système immunitaire du corps humain, le psychiatre, expert du comportement et du sommeil Emmanuel Mignot, aujourd'hui à l'Université de Stanford, a mené une étude sur les effets du vaccin antigrippal donné aux jumeaux Kelly à deux occasions séparées d'un an, avant le vol et après le vol.

Dans les deux cas, après l'administration des vaccins, les jumeaux présentaient des réponses immunitaires cellulaires similaires à celles de la grippe. Lorsque le corps humain est vacciné contre la grippe, les cellules contaminées par le virus, affaiblies ou mortes, sont injectées dans la circulation sanguine. Cela déclenche la production par l'organisme d'anticorps spécifiques qui vont tenter de détruire les cellules virales, empêchant ainsi toute cellule saine contaminée par le virus de la grippe de se multiplier et de submerger les défenses immunitaires de l'organisme.

Les jumeaux ont montré des réponses immunitaires similaires aux deux vaccinations. Les chercheurs en ont conclu que le fait d'être dans l'espace en microgravité n'empêche pas le vaccin contre la grippe de produire la réponse immunitaire désirée.

5. L'inflammation augmente dans l'espace

Le généticien Mike Snyder du Snyder Lab de l'Université de Stanford a mené une étude pour déterminer si l'espace affecte la réponse inflammatoire du corps humain. En utilisant des tests sanguins pour mesurer les lipides (graisses) et les cytokines (protéines du sang qui servent d'indicateurs de l'inflammation), Snyder a pu comparer la réponse inflammatoire des jumeaux pendant que Scott était dans l'espace.

Dans cette étude, les chercheurs ont trouvé plusieurs preuves suggérant que le corps de Scott était plus enclin à l'inflammation dans un environnement de microgravité que celui de Mark resté sur Terre. Dans un cas, les chercheurs ont trouvé chez Scott une modification des niveaux d'un ensemble de lipides pris dans l'espace, indiquant une inflammation plus importante dans son organisme. Les chercheurs ont également noté qu'un certain groupe de cytokines de Scott dont le taux était élevé avant le vol, sont restés élevés tout au long de la mission. En outre, un autre groupe de cytokines de Scott fut dopé juste après son retour sur Terre. Ce groupe de cytokines est resté élevé pendant six mois.

En outre, l'étude a montré que le corps de Scott a connu une augmentation de certaines protéines connues pour faciliter la régulation de l'activité de l'insuline. Puisque l'inflammation peut provoquer une résistance à l'insuline, l'augmentation des protéines de Scott pourrait être  une contre-mesure de son système immunitaire pour l'aider à combattre la résistance à l'insuline associée à l'inflammation.

6. L'espace affecte le microbiote intestinal

À l'intérieur de nos intestins vit une grande communauté de microbes connue sous le nom de microbiote intestinal. Ce qu'on appelait anciennement la flore intestinale joue un rôle important dans notre santé globale. Le neurobiologiste Fred Turek de l'Université Northwestern d'Illinois a étudié l'état de ce microbiote de chaque jumeau avant, pendant et après la mission d'un an de Scott.

Les chercheurs ont constaté que les microbiotes de Scott et Mark étaient radicalement différents tout au long de la mission, mais les différences étaient quelque peu attendues étant donné que ce microbiote est très sensible aux changements environnementaux comme l'alimentation et l'immunité individuelle. Cependant, les chercheurs soulignent que le microbiote de Scott s'est modifié durant son séjour dans l'espace, montrant une diminution de la population de bactéries du phylum Bactéroidetes. Cependant, ces changements n'ont pas persisté après le retour de Scott sur Terre.

Même si l'étude a montré que le microbiote de Scott changeait lors des changements de paramètres entre la Terre et l'espace, les changements observés étaient similaires à ceux qu'on observe chez une personne qui change de régime alimentaire ou est exposé à un nouvel environnement.

A gauche, Scott Kelly lors de son EVA du 28 octobre 2015. Avec l'astronaute Kjell Lindgren, ce jour là ils ont travaillé en dehors de la station ISS pendant 7h 16m pour la réparer et la moderniser. A droite, gros-plan sur le visage de Scott Kelly lors de son EVA du 21 décembre 2015 avec Tim Kopra. Documents NASA/Flickr et NASA/Flickr.

7. Le vol spatial peut déclencher des mutations génétiques

Le biochimiste et généticien Chris Mason du Mason Lab de l'École de Médecine Weill Cornell a étudié l'influence des vols spatiaux sur la génétique. Grâce à des outils de séquençage du génome, son équipe a recherché des changements chimiques dans l'ARN et l'ADN des jumeaux et découvrit que Scott a subi des centaines de mutations génétiques uniques par rapport à son frère resté au sol.

On s'attendait à observer des mutations génétiques distinctes, même chez les jumeaux et même si Scott était resté au sol. En effet, en général chaque fois qu'une cellule se divise on observe en moyenne une ou deux mutations. D'autres mutations peuvent apparaître simplement du fait du stress de la vie qui nous expose à certains rayonnements ou agents chimiques affectant l'ADN, quelque soient les mesures de précautions alimentaires ou d'exposition.

Toutefois, dans le cas de Scott, le nombre de changements a surpris les chercheurs. Parmi les changements génétiques, certains ne furent découverts qu'après le retour de Scott sur Terre, y compris sur des segments d'ADN et d'ARN non associés à des cellules circulant dans son sang. Les chercheurs pensent que ces changements génétiques résultent des contraintes du vol spatial qui ont modifié les voies d'accès à l'intérieur des cellules, les obligeant à éjecter de l'ADN et de l'ARN. Ces molécules d'ADN et d'ARN qui flottent librement dans le sang peuvent alors déclencher la production de nouvelles graisses ou de nouvelles protéines, voire activer ou désactiver des gènes spécifiques. Bien que 93% des gènes qui se sont exprimés différemment pendant le vol de Scott sont revenus à la normale après son retour sur Terre, les chercheurs ont trouvé un sous-ensemble de plusieurs centaines de "gènes spatiaux" qui sont restés perturbés après son retour.

Parmi les nombreux changements induits par les gènes que le corps de Scott a connus, les chercheurs ont trouvé cinq altérations particulièrement pertinentes pour les futures missions :

Scott Kelly lors d'une EVA à bord d'ISS en 2015. Document NASA.

- 1. L'hypoxie, probablement causée par un manque d'oxygène et un surplus de dioxyde de carbone;

- 2. Le stress mitochondrial et l'augmentation des niveaux de mitochondries dans le sang qui suggère que les dommages ont été causés aux mitochondries, les "centrales électriques" des cellules;

- 3. L'allongement des télomères, la réparation de l'ADN et les dommages à l'ADN, ce qui pourrait être le résultat d'un mode de vie sain tout en étant constamment exposé à des rayonnements ionisants;

- 4. Diminution de la production de collagène, de la coagulation sanguine et de la formation osseuse, ce qui était probablement le résultat combiné de la vie en microgravité et du déplacement des fluides dans le corps;

- 5. L'activité immunitaire hyperactive, qui peut être un effet de la vie dans un nouvel environnement.

8. Vivre dans l'espace modifie l'expression des gènes

À l'instar du projet précédent, l'oncologue et généticien Andy Feinberg de l'École de Médecine de l'Université Johns Hopkins a mené une étude pour comprendre comment l'épigénétique des jumeaux Kelly (la façon dont les gènes s'expriment) différait selon leur environnement.

Dans deux populations distinctes de globules blancs, Feinberg a découvert plusieurs régions du génome où la méthylation de l'ADN - le processus responsable de l'activation et de la désactivation des gènes - s'est produite. Ces modifications chimiques du génome de Scott ont été trouvées près de deux régions intéressantes. L'une était proche d'un gène connu pour réguler la croissance des télomères, l'autre fut trouvée près d'un gène lié à la production de collagène.

Bien que Scott ait connu des changements épigénétiques durant son séjour dans l'espace, les chercheurs ont constaté que la majorité des changements se situaient dans la plage de variabilité attendue chez son frère Mark. Cependant, les résultats liés à la croissance des télomères et à la production de collagène concordent avec les résultats d'autres projets sur l'étude des jumeaux.

Suite à la publication de ces résultats, une polémique est apparue dans la presse en ligne non spécialisée qui monta ces mutations génétiques en épingle. Ainsi certains webzines ("LiveScience", "Business Insider", "Daily Mail", etc) et des chaînes de TV (CNN, Denver TV, etc) ont alarmé le public en prétendant que "93% de l'ADN de Scottt Kelly était revenu à la normale" mais juste après tous prétendaient que "la NASA confirmait que sept pourcents de l'ADN de Scott avait été modifié de manière permanente". "LiveScience" déclarait notamment que "l'ADN de Scott était différent de celui de son frère jumeau". Le "Daily Mail" affirmait même à tord que "les télomères sont impliqués dans la réparation de l'ADN endommagé". 

Suite à ces interprétations erronées, le 31 mars 2018 la NASA publia un communiqué pour clarifier ses conclusions. D'emblée elle précisa : "Mark et Scott Kelly sont toujours des jumeaux identiques; l'ADN de Scott n'a pas fondamentalement changé". Ouf !

En réalité, la plupart de l'ADN des jumeaux est resté identique et les seules différentes existaient déjà avant le vol spatial de Scott. En fait, les gènes altérés chez Scott concernent notamment le stress et le système immunitaire. Honnête et reconnaissant son erreur, "LiveScience" publia un correctif par la suite.

Notons que les webzines francophones ne sont pas tombés dans le piège et ont correctement retranscrit l'information ("Futura-Sciences", "Les échos", "BFMTV", etc).

La leçon à tirer par les journalistes de cette mauvaise interprétation des résultats scientifiques est de garder leur sens critique et de toujours vérifier leurs affirmations avant de les publier, quitte à prendre le temps de téléphoner dix minutes à un généticien dans le cas présent pour bien comprendre le sens des conclusions. Quant au lecteur, il est prudent qu'il recoupe ses lectures avec d'autres sources soit professionnelles et de première main soit des sites d'actualités réputés pour leur sérieux et leur éthique. On y reviendra à propos de la crédibilité des informations publiées sur Internet, une problématique qui n'a pas beaucoup évolué depuis une génération.

9. Les parois artérielles s'épaississent dans l'espace

Le physiologue Stuart Lee du KBRWyle au Centre de recherche cardiovasculaire et de vision du Centre Spatial Johnson de la NASA a réalisé une étude sur la façon dont l'inflammation et le stress oxydatif (les dommages causés par les radicaux libres dans l'air) peuvent affecter la structure et l'efficacité des artères. Pour ce faire, les chercheurs ont examiné les artères des jumeaux Kelly à l'aide d'ultrasons ainsi que des échantillons de sang et d'urine prélevés tout au long de la mission.

Pendant et immédiatement après la mission, les chercheurs ont découvert que les biomarqueurs de l'inflammation de Scott étaient élevés et que la paroi de son artère carotide était plus épaisse qu'avant le vol. Aucun de ces changements n'a été observé chez Mark.

À ce stade, les chercheurs ne savent pas si l'épaississement de la carotide de Scott est une adaptation temporaire et réversible à la vie dans l'espace, ou si elle est la preuve d'un vieillissement artériel permanent et prématuré. Une étude plus approfondie est nécessaire pour mettre ces résultats plus clairement en évidence.

A gauche, Scott Kelly lors de son EVA de 48 minutes le 6 novembre 2015 pour la maintenance du système de refroidissement à l'ammoniac. A droite, Scott Kelly portant le système Hololens de Microsoft le 20 février 23016 dans le cadre du projet Sidekick. Scott testait la réalité augmentée dans le but de réduire le temps d'entraînement des astronautes et augmenter leur efficacité quand ils travaillent dans l'espace. Documents NASA/Flickr et NASA/Flick.

10. Les protéines qui régulent les fluides augmentent dans l'espace

Afin d'étudier comment les vols spatiaux affectent la capacité du corps à former et modifier les protéines, la mathématicienne et généticienne Brinda Rana de l'Université de Californie à San Diego a réalisé une étude sur des échantillons d'urine de Scott et Mark avant, pendant et après la mission. Cela a permis à Rana d'identifier certaines protéines de biomarqueurs associées à des changements corporels liés à l'espace, tels que les pertes musculaires et osseuses, les changements métaboliques et cardiovasculaires et la modification de la régulation des fluides dans le corps.

Les chercheurs ont découvert que pendant que Scott était dans l'espace, il excrétait des protéines à des concentrations différentes de celles de son frère Mark resté au sol. En particulier, Scott avait des niveaux élevés d'une protéine appelée aquaporine 2 qui participe à la formation des voies utilisées pour transporter l'eau à travers les membranes cellulaires des reins. Du fait que l'aquaporine 2 régularise le transport de l'eau dans le corps, elle sert également d'indicateur précieux de l'état général d'hydratation du corps.

Ainsi, les chercheurs ont également constaté que l'augmentation de l'aquaporine 2 de Scott pendant le vol spatial était corrélée avec des niveaux plus élevés de sodium plasmatique, un indicateur de la déshydratation. Bien que d'autres études soient nécessaires, les chercheurs estiment que l'augmentation de l'aquaporine 2 et du sodium plasmatique pourrait être liée au déplacement des fluides dans l'ensemble du corps de Scott pendant son séjour prolongé en microgravité. Ceci est important car, comme cela a été documenté avec d'autres astronautes confinés dans l'espace, les fluides ont tendance à migrer vers la tête, entraînant une déficience visuelle et une pression intracrânienne.

Autres résultats

Changement du connectome cérébral

Le connectome cérébral représente l'ensemble du réseau de connections nerveuses du cerveau dont voici une cartographie complète. Son étude a fait l'objet d'un projet entrepris par différents instituts dont l'Université de Southern Californie (USC).

Dans une étude publiée dans la revue "Frontiers in Neural Circuits" en 2022, une équipe internationale de chercheurs a suivi douze astronautes et cosmonautes ayant passé en moyenne six mois à bord de la station ISS. Ils ont subi un examen dIRM (IRM du tenseur de diffusion ou DTI) avant le vol, dix jours après le vol et sept mois après le vol. Les chercheurs ont réalisé sur chacun d'eux une tractographie différentielle des fibres, une technique de neuroimagerie qui permet de mettre en évidence des changements microstructuraux dans les fibres de matière blanche.

Pour rappel, la matière ou substance blanche est située sous le cortex cérébral (ou matière grise qui assure le traitement des signaux, les opérations mentales et le stockage des informations) et représente le "câblage" du cerveau. Elle est constituée de milliards d'axones qui assurent la transmission des influx nerveux entre les neurones et les cellules gliales (de soutien). La substance blanche représente presque la moitié du cerveau.

Les chercheurs ont observé "des changements microstructuraux significatifs dans plusieurs grands faisceaux de substance blanche associés aux fonctions motrices et sensorielles, y compris la voie corticospinale gauche, des parties des voies corticostriées, et dans de nombreuses voies reliant le cervelet (voie dentatorubrothalamique, pédoncule cérébelleux moyen, vermis), ainsi que dans le corps calleux, le fascicule fronto-occipital inférieur (IFOF), le faisceau arqué et les forceps major (occipital) et minor (frontal)" notamment.

Sept mois après le retour sur Terre, plusieurs de ces voies dont le corps calleux et les voies corticostriées étaient en voie de normalisation aux niveaux de prévol. Cependant, par rapport au prévol, sept mois après la mission de nombreux changements microstructuraux restaient présents. Aucun changement n'a été détecté dans le groupe de contrôle scanné deux fois sur un intervalle de temps similaire à la durée de la mission spatiale, excluant ainsi les effets du vieillissement.

Ci-dessus, à titre de comparaison, deux exemples d'architecture des fibres de substance blanche (ou connectome) d'un cerveau humain obtenues par scanner dIRM (IRM du tenseur de diffusion ou DTI). A gauche, les voies du corps calleux et du tronc cérébral. A droite, la combinaison complexe de voies du tronc cérébral, de rayonnement thalamique et de fibres d'association courtes. Les fibres sont codées par couleur et par sens : bleu = supérieur-inférieur, vert = antérieur-postérieur, rouge = gauche-droite (RGB=XYZ). Ci-dessous, même technique mais analyse différentielle des fibres ou tracts associés aux changements post vol moins prévol spatiaux des astronautes ayant séjourné au moins 6 mois dans l'espace. L'augmentation de l'anisotropie quantitative (QA) montre des étendues augmentant dans le pédoncule cérébelleux moyen, le lemnisque et le corps calleux. La diminution de la QA montre des changements dans les lobes frontaux, le corps calleux et le cervelet. Les fibres sont codées de la même manière. Documents Human Connectome Project/USC et A.Doroshin et al. (2022).

Selon les chercheurs, "Ces changements microstructuraux s'expliquent plus probablement par des modifications anatomiques du cerveau que par la neuroplasticité ou les modifications du liquide parenchymateux [...]. Le corps calleux notamment, étant moins volumineux que la plupart des autres parties du cerveau, il peut être plus sensible aux contraintes causées par ces changements anatomiques. De plus, le faisceau arqué pourrait également être spécifiquement plus sujet aux changements anatomiques du cerveau en raison de la forme courbée de ce tractus."

D'un point de vue fonctionnel, le forceps frontal (minor) assure la médiation de la connectivité des parties inféro-latérales et orbitales des lobes frontaux, régions ayant des rôles connus dans la cognition sociale, la fonction exécutive ainsi que la fonction de la marche. Le faisceau arqué relie les lobes temporaux aux lobes frontaux inférieurs pour des rôles importants dans le langage.

C'est la première fois que des chercheurs publient un article fondé sur l'utilisation de la tractographie des fibres pour déterminer quelles voies spécifiques présentent des changements structurels après un vol spatial de longue durée.

Si à ce jour tous les astronautes et cosmonautes semblent présenter une excellente santé mentale, on ignore si les changements observés sur les scanners dIRM ont un impact concret et auraient par exemple laissé des séquelles cognitives, et le cas échéant, pendant combien de temps. Les recherches vont donc se poursuivre.

Selon les chercheurs, "Ces descriptions fonctionnelles et les connexions anatomiques de ces voies pourrait orienter les recherches futures sur les changements fonctionnels et comportementaux éventuellement associés à cette réorganisation structurelle du cerveau par le biais de tests neuropsychologiques appropriés ou d'analyses de neuroimagerie alternatives."

En guide de conclusion

En profitant de l'opportunité unique d'avoir à disposition simultanément des jumeaux Kelly, le programme de recherche de médecine spatiale de la NASA a réalisé la toute première évaluation génomique des risques potentiels auxquels le corps humain est confronté lorsqu'il est soumis à des vols spatiaux de longue durée. Bien que les résultats de l'étude NASA Twins Study soient loin d'être concluants du fait de la taille réduite de l'échantillon et que toutes les variables n'étaient pas strictement contrôlées, l'étude fournit aux chercheurs de nombreuses données pour guider les futures études sur les risques des vols habités.

Comme l'a indiqué la NASA dans un communiqué de presse, "les observations guident le développement d'hypothèses futures" et l'étude des jumeaux Kelly représente le premier pas vers une meilleure compréhension de la manière dont le génome est affecté par une exposition à long terme à la microgravité et aux rayonnements ionisants. Grâce aux informations recueillies dans le cadre de ces études médicales, la NASA dispose des données préliminaires dont elle a besoin pour mener à bien d'innombrables autres projets dans les années à venir.

Pour plus d'informations

Incidences des rayonnements électromagnétiques sur la santé (sur ce site)

Les effets des rayons cosmiques sur la biosphère (sur ce site)

Les rayonnements cosmiques, IRSN (YouTube)

HERA, Analog Missions, NASA/JSC

NASA Twins Study (Preliminary report), NASA, 2017 + communiqué pour clarifier ses conclusions

Apollo Lunar Astronauts Show Higher Cardiovascular Disease Mortality, Michael Delp et al., Scientific Report, 6, 29901, 9 May 2016

The Impact of Sex and Gender on Adaptation to Space: A NASA Decadal Review, Journal of Women's Health, Nov 2014

Biomedical Results of Apollo (SP-368, dont le chapitre 3 sur les radiations), NASA/JSC

Fondation contre le Cancer (B)

Ligue Suisse contre le Cancer

Société Canadienne du Cancer

Fédération Nationale des Centres de Lutte Contre le Cancer (F)

NSF Science Engineering Medicine

ESA - Human Space Flight and Exploration

NASA Space Radiation (HRP Elements), NASA

NASA Space Radiation Biology (Brookhaven Nat. Lab.)

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